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troisième olympiade, a donc vu naître l'école du Portique trente ans avant sa mort, et c'est vraisemblablement à dessein qu'il a placé ici le nom de cet édifice. On sait que Zénon a dit, au sujet des deux mille disciples de Théophraste, que le chœur de ce philosophe étoit composé d'un plus grand nombre de musiciens, mais qu'il y avoit plus d'accord et d'harmonie dans le sien: comparaison qui marque la rivalité de ces deux écoles.

(2) « Allusion à la nuance que de petites pailles font dans » les cheveux. » Et un peu plus bas, « Il parle à un jeune » homme. » (La Bruyère.) Je croirois plutôt que le flatteur est censé s'adresser à un vieillard, et que la petite paille ne lui sert que d'occasion pour débiter un compliment outré, en faisant semblant de s'apercevoir pour la première fois des cheveux blancs de cet homme qui en a la tête couverte.

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(3) La Bruyère s'écarte ici de l'interprétation de Casaubon. D'après ce grand critique, au lieu de, « il les force, etc., » faut traduire, «< il le loue en face. » Cette version, et notamment la correction de Sylburgius, est confirmée par les manuscrits 1983, 2977 et 1916 de la Bibliothèque du Roi.

(4) « Jusqu'à ce que Monsieur soit passé. » (Traduction de M. Coray.)

(5) Le grec dit plus clairement, a Votre pied est mieux fait » que la chaussure. »

(6) Il y a dans le grec, « Certes, il est même capable de » vous présenter, sans prendre haleine, ce qu'on vend au » marché des femmes. » Selon Ménandre, cité par Pollux (liv. X, segm. 18), ce qu'on appeloit le marché des femmes étoit l'endroit où l'on vendoit la poterie : et comme ce trait est distingué de tous les autres par la phrase, « Certes, il est même capable,» il me paroît que Théophraste reproche au

flatteur, en termes couverts, ce qu'Epictète à dit plus clairement (Arrien, liv. Ier, chap. 11, tome Ier, page 13 de l'édition de mon père), Matulam præbet. Le verbe de la phrase grecque n'admet pas d'autre signification que celle de servir, présenter: l'adverbe que j'ai rendu littéralement, sans prendre haleine, désigne ou la hâte avec laquelle il rend ce service, ou l'effet d'une répugnance naturelle en pareil cas.

(7) D'après M. Coray, il faut traduire : « Il vous dit, En » vérité, vous mangez sans appétit; et il vous sert ensuite >> un morceau choisi, en disant, Cela vous fera du bien : » ce qui rappelle ces vers de Boileau dans la satire du repas : Qu'avez vous donc, que vous ne mangez point?» et «< Man» gez sur ma parole. »

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(8) Ce n'étoit pas, comme La Bruyère paroît l'avoir cru, un valet attaché au théâtre qui distribuoit des coussins; mais les riches les y faisoient porter par leurs esclaves. Ovide conseille aux amants la complaisance que Théophraste semble reprocher aux flatteurs; il dit dans son Art d'aimer: Fuit utile multis Pulvinum facili composuisse manu, etc.

Le savant auteur du Voyage du jeune Anacharsis, qui nous a rendus, pour ainsi dire, concitoyens de Théophraste, a emprunté, dans son chap. xxvIII, plusieurs traits de ce caractère pour faire le portrait du parasite de Philandre.

CHAPITRE III.

DE L'IMPERTINENT, OU DU DISEUR DE RIENS.

LA sotte envie de discourir vient d'une habitude qu'on a contractée de parler beaucoup et sans réflexion (1). Un homme qui veut parler, se trouvant assis proche d'une personne qu'il n'a jamais vue et qu'il ne connoît point, entre d'abord en matière, l'entretient de sa femme, et lui fait son éloge, lui conte son songe, lui fait un long détail d'un repas où il s'est trouvé, sans oublier le moindre mets ni un seul service: il s'échauffe ensuite dans la conversation, déclame contre le temps présent, et soutient que les hommes qui vivent présentement ne valent point leurs pères : de là il se jette sur ce qui se débite au marché, sur la cherté du blé (2), sur le grand nombre d'étrangers qui sont dans la ville: il dit qu'au printemps, où commencent les Bacchanales (3), la mer devient navigable; qu'un peu de pluie seroit utile aux biens de la terre, et feroit espérer une bonne récolte; qu'il cultivera son champ l'année prochaine, et qu'il le mettra en valeur ; que le siècle est dur, et qu'on a bien de la peine à vivre. Il apprend à cet inconnu que c'est

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Damippe qui a fait brûler la plus belle torche devant l'autel de Cérès à la fête des Mystères (4): il lui demande combien de colonnes soutiennent le théâtre de la musique (5), quel est le quantième du mois il lui dit qu'il a eu la veille une indigestion; et, si cet homme à qui il parle a la patience de l'écouter, il ne partira pas d'auprès de lui, il lui annoncera comme une chose nouvelle que les Mystères (6) se célèbrent dans le mois d'août, les Apaturies (7) au mois d'octobre; et à la campagne, dans le mois de décembre, les Bacchanales (8). II n'y a, avec de si grands causeurs, qu'un parti à prendre, qui est de fuir (9), si l'on veut du moins éviter la fièvre; car quel moyen de pouvoir tenir contre des gens qui ne savent pas discerner ni votre loisir, ni le temps de vos affaires?

NOTES.

(1) Dans le grec, les noms des caractères sont toujours des termes abstraits. On aurait pu intituler ce chapitre du Babil, et traduire la définition plus littéralement : « Le babil est > une profusion de discours longs et irréfléchis. »

M. Barthélemy a inséré ce caractère presque en entier dans le vingt-huitième chapitre de son Voyage du jeune Anacharsis.

(2) Le grec dit : « Sur le bas prix du blé. » A Athènes, cette denrée étoit taxée, et il y avoit des inspecteurs particuliers pour en surveiller la vente. On peut voir à ce sujet le chap. XII du Voyage du jeune Anacharsis, auquel je renverrai souvent le lecteur, parce que cet intéressant ouvrage donne des éclaircissements suffisants aux gens du monde, et fournit aux savants des citations pour des recherches ultérieures..

(3) Premières Bacchanales, qui se célébroient dans la ville. (La Bruyère.) La Bruyère appelle cette fête de Bacchus la première, pour la distinguer de celle de la campagne, dont il sera question plus bas. Elle étoit appelée ordinairement les grandes Dionysiaques, ou bien les Bacchanales par excellence; car elle étoit beaucoup plus brillante que celle de la campagne, où il n'y avoit point d'étrangers, parce qu'elle étoit célébrée en hiver. (Voyez le scoliaste d'Aristophane ad Acharn., v. 201 et 503, et le chap. xxiv du Voyage du jeune Anacharsis.)

Pendant l'hiver, les vaisseaux des anciens étoient tirés à terre et placés sous des hangars; on les lançoit de nouveau à la mer au printemps: Trahuntque siccas machine carinas, dit Horace en faisant le tableau de cette saison, liv. I, ode iv.

(4) Les mystères de Cérès se célébroient la nuit, et il y avoit une émulation entre les Athéniens à qui apporteroit une plus grande torche. (La Bruyère.) Ces torches étoient allumées en mémoire de celles dont Cérès éclaira sa course nocturne en cherchant Proserpine ravie par Pluton. Pausanias nous apprend, liv. I, chap. 11, que dans le temple de Cérès à Athènes il y avoit une statue de Bacchus portant une torche; et l'on voit souvent des torches représentées dans les basreliefs ou autres monuments anciens qui retracent des cérémonies religieuses. (Voyez le Musée du Capitole, tom. IV, planc. 57, et le Musée I io Clem., tom. V, planc. 80.) Dans les grandes Dionysiaques d'Athènes, on en plaçoit sur les toits, et dans les Saturnales de Rome, on en érigeoit devant les maisons: il en étoit peut-être de même dans les mystères de Cérès; car les mots devant l'autel ne sont point dans le texte.

(5) L'Odéon. Il avoit été bâti par Périclès, sur le modèle de la tente de Xerxès: son comble, terminé en pointe, étoit fait des antennes et des mâts enlevés aux vaisseaux des Perses: il fut brûlé au siége d'Athènes par Sylla.

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