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FABL E
CHOIS

MISES EN VERS

MYSE

PAR MONSIEUR

DE LA FONTAINE,

AVEC

UN NOUVEAU COMMENTAIRE
Par M.COSTE, Membre de la Société Royale
de Londres.

NOUVELLE ÉDITION.

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A PARIS
Aux dépens de la Compagnie.

M. D C C. LXVIII,

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A

MONSEIGNEUR

LE DAUPHIN.

MONSEI

ONSEIGNEUR,

S'il y a quelque chofe d'ingénieux dans la République des Lettres on peut dire que c'eft la maniére dont Efope a débité fa Morale. Il feroit véritablement à fouhaiter que d'autres mains que les miennes y euffent ajouté les ornemens de la Poefie; puifque le plus fage des Anciens a jugé qu'ils n'y étoient pas inutiles. J'ofe, MONSEIGNEUR, vous en préfenter quelques Effais. C'est un entretien convenable à vos premieres années. Vous êtes en un âge où l'amufement & les jeux font permis aux Princes; mais en même temps vous devez donner quelques-unes de vos penfées à des réflé xions férieufes. Tout cela fe rencontre aux Fables que nous devons à Efope. L'apparence en eft puérile, je le confefle; mais ces puérilités fervent d'envelope à des vérités importantes. Je ne doute point, MONSEIGNEUR, que vous ne regardiez favorablement des Inventions fi utiles, & tout enfemble fi agréables: car que peut-on fouhaiter davantage que ces deux points? Ce font eux qui ont introduit les Sciences parmi les hommes. Efope a trouvé un art fingulier de les joindre l'un avec l'autre. La lecture de fon Ouvrage (1) Fils unique de Louis XIV.

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répand infenfiblement dans une ame les femences de la Vertu, & lui apprend à fe connoître, fans qu'elle s'apperçoive de cette étude, & tandis qu'elle croit faire toute autre chofe. C'est une adreffe dont s'eft fervi très-heureusement (2) celui fur lequel Sa Majefte jetté les yeux pour vous donner des Inftructions. Il fait en forte que vous apprenez fans peine, ou, pour mieux parler, avec plai fir, tout ce qu'il eft néceffaire qu'un Prince fache. Nous espérons beaucoup de cette conduite; mais, à dire la vérité, il y a des chofes dont nous espérons infiniment davantage. Ce font, MONSEIGNEUR, les qualités que notre invincible Monarque vous a données avec la naiffance; c'est l'exemple que tous les jours il vous donne. Quand vous le voyez former de fi grands deffeins; quand vous le confidérez qui regarde fans s'étonner l'agitation de l'Europe, & les machines qu'elle remus pour le détourner de fon entreprife; quand il pénétre dès fa premiere démarche jufques dans le cœur d'une (3) Province, où l'on trouve à chaque pas des barrieres infurmontables, & qu'il en fubjugue une autre en huit jours, pendant la faifon la plus ennemie de la guerre, lorfque le repos & les plaifirs regnent dans les Cours des autres Princes; quand non content de domter les hommes, il veut triompher auffi des Elémens; & quand, au retour de cette expédition, où il a vaincu comme un Alexandre, vous le voyez gouverner fes Peuples comme un Augufte. Avouez le vrai, MONSEIGNEUR, vous foupirez pour la gloire. auffi-bien que lui, malgré l'impuiffance de vos années: vous atendez avec impatience le temps où vous pourrez vous déclarer fon Rival dans l'amour de cette divine Maîtreffe. Vous ne l'attendez pas, MONSEIGNEUR, vous le prévenez. Je n'en veux pour témoignage que ces nobles inquiétudes, cette vivacité, cette ardeur ces marques d'efprit, de courage & de grandeur d'ame, que vous faites paroître à tous les momens. Certainement c'eft une joye bien fenfible à notre Monarque, mais c'est un spectacle bien agréable pour l'Univers , que de voir ainfi croitre une jeune Plante, qui couvrira un jour de fon ombre tant de Peuples & de Nations. Je devrois m'étendre fur ce fujet; mais comme le deffein que j'ai de vous divertir, eft plus proportionné à mes forces que celui de vous louer, je me hâte de venir aux Fables, & n'ajoûterai aux vérités bue je vous ai dites, que celle-ci. C'eft MONSEIGNEUR, que je Juis avec un géle refpectueux,

(2) M. Boffuer, Evêque de Condom, & depuis de Meaux, Précep teur du Dauphin. (3) La Hollande.

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Votre très-humble, très-obéiffant, & très-fidéle Serviteur.

DE LA FONTAINE,

CONCERNANT

LE COMMENTAIRE DE CES FABLES:

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Publié pour la première fois en 1743.

Ly a plus de vingt ans qu'on ne réimprime plus les Fables de la Fontaine, en France, en Hollande, & ailleurs, qu'avec quantité de Notes, où l'on s'étoit propofé d'expliquer tout ce qui pourroit embarraffer les Enfans, auxquels, par un ufage fagement établi, l'on fait lire ces Fables, de fort bonne heure. Ce deffein étoit heureufement imaginé: mais l'Entrepreneur incapable de le bien exécuter, n'a fait qu'obfcurcir la plupart des expreflions de la Fontaine, qu'il prétendoit éclaircir. Comme la chofe eft généralement reconnue, & qu'on ne laiffe pourtant pas de faire lire aux Enfans les Fables de la Fontaine dans des Editions défigurées par ce prétendu Commentateur je n'ai pas crû mal employer quelques heures de mon loifir à le redreffer. Par là je me fuis mis infenfiblement dans la néceffité de refondre prefque toutes fes Notes, que j'ai trouvées ou fauffes, ou très-mal exprimées. Si j'en ai laiffé paffer quelques-unes que j'aurois dû corriger, je compte fur l'indulgence de tout Lecteur équitable, qui reconnoîtra fans peine, qu'un travail fi vetilleux doit donner naturellement à l'efprit un certain dégoût qui ne peut que lui faire perdre un peu de fon attention. C'eft du moins ce que j'ai éprouvé plus d'une fois & qui fans doute m'est arrivé plus fouvent que je ne penfe.

Ayant trouvé en même temps bien des fautes qui gâtoient le fens & la mefure des Vers, je me fuis fait une affaire de corriger le texte par le moyen de plufieurs Editions que j'ai confultées avec un foin tout particulier. Celle de 1678. m'a fervi plus qu'aucune autre, à caufe d'un bon Errata qu'en avoit fait faire La Fontaine lui-même, qui nous dit expreffément que fi l'on veut avoir quelque plaifir dans la lecture de fon Ouvrage, il faut que chacun faffe corriger ces fautes à la main dans fon Exemplaire, ainfi qu'elles font marquées par l'Errata de chaque Livre.

Vous voyez par ces derniers mots, que la Fontaine avoit.

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