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Par la mort... Il n'acheva pas,

Car il avoit l'ame trop bonne :
Allez, dit-il, je vous pardonne,
Une autre fois n'y venez pas.

On confond quelquefois l'Interruption avec la Réticence : mais celle-ci fe fait lorfqu'on dit une chofe en affurant qu'on fe gardera bien de la dire.

Je ne vous peindrai point le tumulte & les cris
Le fang de tous côtés ruiffelant dans Paris,
Le fils affaffiné fur le corps de fon père,
Le frère avec la fœur, la fille avec la mere,
Les époux expirans fous leurs toîts embrafés,
Les enfans au berceau fous la pierre écrafés. Voltaire.

Quelquefois il arrive à l'Orateur de fe reprendre lui-même brufquement, comme s'il vouloit dire mieux ou autre chofe que ce qu'il dit : « Mais que

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dis-je? Eft-il rien dont vous foyez » touché? Pouvez-vous changer ja» mais de vie? Pouvez vous fonger à » céder au tems, à fuir, à vous exiler » vous-même ? » C'eft Cicéron qui parle ainfi à Catilina; & c'eft ce qu'on appelle Correction.

L'Apoftrophe fe fait, non lorfqu'on

adreffe la parole à quelqu'un, mais lorfqu'on la détourne de ceux à qui on l'a adreffée au commencement pour l'adreffer à d'autres « Puiffances » ennemies de la France, vous vivez, » & l'efprit de la charité chrétienne » m'interdit de faire aucun fouhait » pour votre mort. Puiffiez-vous seu>>lement reconnoître la juftice de nos » armes, recevoir la paix, que malgré » vos pertes vous nous avez tant de » fois refufée, &c. Fléchier.

On fait des apostrophes aux vivans, aux morts, aux préfens, aux abfens aux chofes inanimées.

O rives du Jourdain ! ô champs aimés des cieux ! Liban, dépouille-toi de tes cèdres antiques.Rac. Efther.

Dans le Dialogifme on s'entretient avec foi-même:Suis-je donc vain» cue, s'écrie Junon, en fe parlant à » elle-même : me voilà forcée de re» noncer à mon entreprife: un roi des Teucriens me réfilte! &c. « Alors c'est un monologue. Quelquefois on

fait parler deux perfonnages enfemble. Boileau l'a fait dans fon Epître au Roi.

Pourquoi ces éléphans, ces armes, ce bagage,
Et ces vaiffeaux tout prêts à quitter le rivage?
Difoit au roi Pyrrhus un fage confident,
Confeiller très-fenfé d'un roi très-imprudent.
Je vais, lui dit ce prince, à Rome où l'on m'appelle,
Quoi faire ? l'affiéger. L'entreprise eft fort belle,
Et digne feulement d'Alexandre ou de vous.
Mais Rome prife enfin, Seigneur, où courrons-nous ?
Du refte des Latins la conquête eft facile,

Sans doute on peut les vaincre. Eft-ce tout? La Sicile
De-là nous tend les bras, & bientôt fans effort,
Syracuse reçoit nos vaisseaux dans fon port.
Bornez-vous là vos pas? Dès que nous l'aurons prife,
Il ne faut qu'un bon vent & Carthage eft conquife,
Les chemins font ouverts : qui peut nous arrêter?
Je vous entends, Seigneur, nous allons tout dompter
Nous allons traverfer les fables de Lybie,
Affervir en paffant, l'Égypte, l'Arabie,
Courir de-là le Gange en de nouveaux pays,
Faire trembler le Scythe aux bords du Tanaïs,
Et ranger fous nos loix tout ce vaste hémisphère.
Mais de retour enfin, que prétendez-vous faire?
Alors, cher Cineas, victorieux, contens,
Nous pourrons rire à l'aise & prendre du bon temps.
Hé, Seigneur, dès ce jour, fans fortir de l'Épire,
Du matin jufqu'au foir qui vous défend de rire ?

La Profopopée ouvre les tombeaux,

reffufcite les morts, fait parler le ciel, la terre, tous les être réels, abftraits, imaginaires. C'eft une des plus brillantes parures de l'Eloquence;

La Molleffe en pleurant, fur un bras fe relève,
Ouvre un œil languissant, & d'une foible voix,
Laiffe tomber ces mots, qu'elle interrompt vingt fois :
O nuit ! que m'as-tu dit! quel démon fur la terre
Souffle dans tous les cœurs la fatigue & la guerre?
Hélas! qu'eft devenu ce temps, cet heureux temps
Où les rois s'honoroient du nom de fainéant,
S'endormoient fur le trône, &c. Despréaux.

L'Hypotypofe, qui répond à ce qu'on appelle en françois, image, portrait, récit frappé, defcription, peint l'extérieur des hommes :

La Molleffe oppreffée

Dans fa bouche à l'inftant fent fa langue glacée,
Et laffe de parler fuccombant fous l'effort,
Soupire, étend les bras, ferme l'œil, & s'endort.

Cette image s'appelle quelquefois Profopographie.

Quand l'Hypotypofe peint les mœurs, elle fe nomme Ethopée.

L'hypocrite en fraudes fertile

Dès l'enfance eft pétri de fard.

11 fait colorer avec art

Le fiel que fa bouche distile:

Et la morfure du serpent

Eft moins aigue & moins fubtile

Que le venin caché que fa langue répand. Rouffeau,

Elle peint auffi les faits :

De fon généreux fang la trace nous conduit,
Les rochers en font teints; les ronces dégoutantes
Portent de fes cheveux les dépouilles fanglantes :
J'arrive : je l'appelle, & me tendant la main
Il ouvre un œil mourant, &c. Rac. Phèdre.

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دو

La Topographie décrit les lieux: Voyons-la dans ces hôpitaux où elle pratiquoit fes miféricordes publi» ques: dans ces lieu où fe ramaffent » toutes les infirmités, & tous les » accidens de la vie humaine; où les gémiffemens & les plaintes de ceux qui fouffrent rempliffent l'ame d'une trifteffe importune; cù l'odeur qui s'exhale de tant de corps languiffans, &c. Fléchier.

دو

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دو

La Comparaifon confifte à mettre vis-à-vis l'une de l'autre deux chofes qui fe reffemblent, foit par plufieurs côtés, foit par un feul.

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