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ANGÉLIQUE.

Tout ce que vous me faites faire ne servira de rien; et Vous verrez que ce sera dès demain à recommencer.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Nous y donnerons ordre. ( A George Dandin.) Allons, mettezvous à genoux.

A genoux ?

GEORGE DANDIN.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Oui, à genoux, et sans tarder.

GEORGE DANDIN, à genoux, une chandelle à la main. (A part.) O ciel! (A monsieur de Sotenville.) Que faut-il dire?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Madame, je vous prie de me pardonner...

GEORGE DANDIN.

Madame, je vous prie de me pardonner...

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

L'extravagance que j'ai faite...

GEORGE DANDIN.

L'extravagance que j'ai faite... (A part.) de vous épouser.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir.

GEORGE DANDIN.

Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir.

MONSIEUR DE SOTENVILLE, à George Dandin.

Prenez-y garde, et sachez que c'est ici la dernière de vos impertinences que nous souffrirons.

MADAME DE SOTENVILLE.

Jour de Dieu! si vous y retournez, on vous apprendra le respect que vous devez à votre femme et à ceux de qui elle sort.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Voilà le jour qui va paraître. Adieu. (A George Dandin.) Rentrez chez vous, et songez bien à être sage. (A Madame de Sotenville.) Et nous, m'amour, allons nous mettre au lit.

SCÈNE XV.

GEORGE DANDIN.

Ah! je le quitte maintenant, et je n'y vois plus de remède. Lorsqu'on a, comme moi, épousé une méchante femme, le meilleur parti qu'on puisse prendre, c'est de s'aller jeter dans l'eau, la tête la première.

FIN DE GEORGE DANDIN.

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(1) Danseurs bouffons. Ce mot vient de l'espagnol matachines. (MÉN) (2) Pantalon, personnage de la comédie italienne, espèce de bouffon qui forme des danses grotesques avec des gestes violents et des postures extravagantes

ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

ERASTE, UNE MUSICIENNE, DEUX MUSICIENS CHANTANTS, PLUSIEURS AUTRES JOUANT DES INSTRUMENTS; TROUPE

DE DANSEURS.

ÉRASTE, aux musiciens et aux danseurs.

Suivez les ordres que je vous ai donnés pour la sérénade. Pour moi, je me retire, et ne veux point paraître ici.

SCÈNE II.

UNE MUSICIENNE, DEUX MUSICIENS CHANTANTS, PLUSIEURS AUTRES JOUANT DES INSTRUMENTS; TROUPE DE DANSEURS.

(Cette sérénade est composée de chant, d'instruments et de danse. Les paroles qui s'y chantent ont rapport à la situation où Éraste se trouve avec Julie, et expriment les sentiments de deux amants qui sont traversés dans leurs amours par le caprice de leurs parents.)

UNE MUSICIENNE.

Répands, charmante nuit, répands sur tous les yeux

De tes pavots la douce violence;

Et ne laisse veiller, en ces aimables lieux

Que les cœurs que l'amour soumet à sa puissance.

Tes ombres et ton silence,

Plus beaux que le plus beau jour,

Offrent de doux moments à soupirer d'amour.

PREMIER MUSICIEN.

Que soupirer d'amour

Est une douce chose,

Quand rien à nos vœux ne s'oppose !

A d'aimables penchants notre cœur nous dispose;
Mais on a des tyrans à qui l'on doit le jour.

Que soupirer d'amour

Est une douce chose,

Quand rien à nos vœux ne s'oppose !

SECOND MUSICIEN.

Tout ce qu'à nos vœux on oppose

Contre un parfait amour ne gagne jamais rien;

Et, pour vaincre toute chose,

Il ne faut que s'aimer bien.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Aimons-nous donc d'une ardeur éternelle,
Les rigueurs des parents, la contrainte cruelle,
L'absence, les travaux, la fortune rebelle,
Ne font que redoubler une amitié fidèle.
Aimons-nous donc d'une ardeur éternelle :
Quand deux coeurs s'aiment bien,
Tout le reste n'est rien.

PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.
(Danse de deux maîtres à danser.)
DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET.
(Danse de deux pages.)

TROISIÈME ENTRÉE DE BALLET.

(Quatre curieux de spectacles, qui ont pris querelle pendant la danse des deux pages, dansent en se battant l'épée à la main.) QUATRIÈME ENTRÉE DE BALLET.

(Deux Suisses séparent les quatre combattants, et, après les avoir mis d'accord, dansent avec eux.)

SCÈNE III.

JULIE, ÉRASTE, NÉRINE.

JULIE.

Mon Dieu! Éraste, gardons d'être surpris. Je tremble qu'on ne nous voie ensemble; et tout serait perdu, après la défense que l'on m'a faite.

ÉRASTE.

Je regarde de tous côtés, et je n'aperçois rien.

JULIE, à Nérine.

Aie aussi l'œil au guet, Nérine; et prends bien garde qu'il ne vienne personne.

NÉRINE, se retirant dans le fond du théâtre. Reposez-vous sur moi, et dites hardiment ce que vous avez à vous dire.

JULIE.

Avez-vous imaginé pour notre affaire quelque chose de favorable? et croyez-vous, Éraste, pouvoir venir à bout de détourner ce fâcheux mariage que mon père s'est mis en tête?

ERASTE.

Au moins y travaillons-nous fortement; et déjà nous avons

préparé un bon nombre de batteries pour renverser ce des

sein ridicule.

NÉRINE, accourant, à Julie.

Par ma foi, voilà votre père.

Ah! séparons-nous vite.

JULIE.

NÉRINE.

Non, non, non, ne bougez; je m'étais trompée.

JULIE.

Mon Dieu! Nérine, que tu es sotte de nous donner de ces frayeurs!

ÉRASTE.

Oui, belle Julie, nous avons dressé pour cela quantité de machines; et nous ne feignons point de mettre tout en usage sur la permission que vous m'avez donnée. Ne nous demandez point tous les ressorts que nous ferons jouer ; vous en aurez le divertissement; et, comme aux comédies, il est bon de vous laisser le plaisir de la surprise, et de ne vous avertir point de tout ce qu'on vous fera voir : c'est assez de vous dire que nous avons en main divers stratagèmes tout prêts à produire dans l'occasion, et que l'ingénieuse Nérine et l'adroit Sbrigani entreprennent l'affaire.

NÉRINE.

Assurément. Votre père se moque-t-il, de vouloir vous anger (1) de son avocat de Limoges, monsieur de Pourceaugnac, qu'il n'a vu de sa vie, et qui vient par le coche vous enlever à notre barbe? Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus, sur la parole de votre oncle, lui fassent rejeter un amant qui vous agrée (2) et une personne comme vous est-elle faite pour un Limosin? S'il a envie de se marier, que ne prend-il une Limosine, et ne laisse-t-il en repos les chrétiens? Le seul nom de M. de Pourceaugnac m'a mise dans une colère effroyable. J'enrage de M. de Pourceaugnac. Quand il n'y aurait que ce nom-là, M. de Pourceaugnac, j'y brûlerai mes livres, ou je romprai ce mariage; et vous ne serez point madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac! cela se peut-il souffrir? Non, Pourceaugnac est une chose que je ne saurais supporter; et nous lui jouerons tant de pièces, nous lui ferons tant de niches sur niches, que nous renverrons à Limoges M. de Pourceaugnac.

(1) Anger. Vieux mot, du latin angere; il signifie embarrasser, incommoder. (RICHELET.)

(2) Agréer signifie tantôt accepter, tantôt être agréable.. Il est ici dans ce dernier sens.

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