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ver ce genre, auquel nous devons une si grande quantité de vues intéressantes, dont certes le plus grand nombre des spectateurs n'aurait jamais joui, sans la peine que l'infatigable M. Prévot prenait pour mériter les applaudissemens du public éclairé.

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·Sculpture.

-

La ville de Versailles, qui doit à Louis XIV toute sa splendeur et même son existence, a voulu donner un témoignage parti. culier de la douleur que tous les cœurs généreux ont ressenti lorsque son petit-fils, l'infortuné duc de Berry, est tombé sous le fer d'un assassin. Elle a fait élever, dans l'église de Saint-Louis, sa cathédrale, un monument funèbre pour lequel M. Pradier a été chargé d'exécuter un groupe en marbre. Le prince, à demi-renversé, est soutenu par la Religion qui lui montre le ciel pour récompense. L'artiste a supposé que l'on s'est empressé de le dévêtir, et que sa chemise était tombée sur la partie inférieure du corps, enveloppée, d'ailleurs, dans un manteau fleurdelisé, afin de faire connaître que le personnage est un fils de France. La figure allégorique représentant la Religion est debout; sa main droite est passée sous l'épaule du prince pour le soutenir; une croix est appuyée contre son bras gauche, dont la main est levée vers le ciel. La disposition générale de ce monument est conduite avec sagesse, et l'exécution offre beaucoup d'habileté. Il y a un beau sentiment de chair dans la partie supérieure de la figure du prince; la tête, fort ressemblante, à ce qu'il m'a paru, a bien le caractère d'expression qui montre la vie aux prises avec la mort. Le mouvement de cette figure est heureux, elle tombe bien; l'artiste a su rendre avec beaucoup de vérité cette sorte d'abandon qui est le propre d'une grande douleur, d'un grand affaissement physique, et que le Dante a si bien exprimé dans ces vers:

I' venni men così com'io morisse,

E caddi come corpo morto cade. ( Inferno, Canto V.)

La Religion est moins bien; la tête est froide plutôt que calme, elle n'est pas animée de cette chaleur de consolation qui fait écouter ses paroles au milieu des plus grandes souffrances, qu'elle sait adoucir; la croix, appuyée contre son bras gauche, me paraît faire un mauvais effet: elle détache l'avant-bras et la main du reste du corps. Si l'on tient compte des difficultés qu'il y avait à présenter, d'une manière nouvelle et heureuse, un sujet qui a été traité tant de fois, et souvent avec beaucoup d'habileté, on reconnaîtra que cette nouvelle production est de nature à faire honneur à l'artiste qui l'a créée.

-Bayard, l'un des plus grands capitaines que la France ait produits, qui, par ses grandes qualités guerrières et privées, mérita et a conservé dans

la postérité le surnom de chevalier sans peur et sans reproche, n'eût longtems d'autre témoignage de la douleur et de la reconnaissance publiques qu'un simple buste placé dans une église de Minimes, située à une demilieue de Grenoble et bâtie par un de ses oncles. Henri IV, qui se connaissait en courage et en mérite, voulut qu'on élevât un monument digne de la gloire de ce héros ; mais le même coup qui trancha cette belle vie, renversa bien d'autres projets dignes de celui qui les avait formés. Le dépar tement de l'Isère et la ville de Grenoble, partageant le mouvement qui, partout, en France, fait renaître de leurs cendres des monumens détruits dans nos tems de discordes, ou en élève de nouveau aux grands hommes dont elle s'enorgueillit, ont voulu honorer dignement la mémoire du guerrier qui a reçu le jour sur leur territoire; M. Raggi a été chargé de reproduire son image par une statue pédestre en bronze d'une dimension colossale. Cette importante entreprise est enfin terminée, et ce monument a été exposé aux regards du public, dans la cour du Louvre, vis-àvis la statue pédestre d'Henri IV, exécutée par le même artiste, et que des difficultés élevées sur l'emplacement, qui doit la recevoir, entre la ville de Nérac, à laquelle elle est destinée, et M. le vicomte Digeon qui l'a fait exécuter, a fait rester à Paris depuis 1819. La figure de Bayard a près de 11 pieds de hauteur. Le moment choisi par l'artiste, est celuî où ce héros, blessé à mort, au passage de la Sésia, et voyant sa fin s'approcher, baise la croix formée par la garde de son épée, après s'être confessé à son écuyer à défaut de prêtre. Je crois que la pensée qui a présidé à la composition de cette statue n'est pas heureuse. C'est une grande erreur de croire que ce qui produit beaucoup d'impression dans un récit, puisse obtenir le même avantage par la représentation matérielle des faits. Dans le récit, la pensée ajoute, augmente, ennoblit; elle s'élève d'autant plus que rien n'en arrête l'essor. Dans la représentation matérielle du fait, il faut que l'action soit de nature à saisir l'âme au simple aspect. S'il y a quelque chose de douteux ou d'équivoque; si l'esprit est obligé de faire un effort pour deviner le sujet, l'âme ne s'émeut pas, et l'effet est manqué. Que l'on applique ces réflexions à la statue de Bayard, et l'on en reconnaîtra la justesse. L'artiste n'a pas osé représenter Bayard dans le moment où il baise la croix formée par la garde de son épée; il la considère : il a donc supposé qu'il venait de la baiser ou qu'il allait la baiser, ou, si l'on veut, il l'invoque, en la regardant comme le signe de la rédemption. Mais en laissant de côté, pour un moment, le mauvais effet de cette disposition, est-il bien sûr qu'on ne se trompera jamais sur l'intention du personnage représenté. Je vois un guerrier à demi renversé, s'appuyant d'une main sur un tronc d'arbre, et tenant de

l'autre, et par la lame, son épée dont il élève la poignée : je puis croie qu'il se rend; mais, s'écrie-t-on, c'est Bayard, le chevalier sans peur, que la mort elle-même ne saurait effrayer! Je le répète, il ne faut pas qu'il soit besoin d'un commentaire pour connaître l'intention et la nature de l'action représentée; les yeux doivent transmettre à l'âme une impression rapide, qui l'échauffe et l'anime. Les circonstances qui ont accompagné la mort du grand Bayard sont remarquables et touchantes; mais je crois qu'il était presque impossible de les reproduire par une figure seule; il fallait le concours de plusieurs figures, conséquemment un groupe ou un bas-relief; puisque l'artiste ne pouvait faire qu'une figure seule, il fallait qu'il se bornât à faire un portrait. Il a été beaucoup plus heureux dans la figure d'Henri IV, qu'il a représenté dans l'attitude de l'allocution. Sa tête est découverte, son casque, couvert de ce panache, que l'on trouvait toujours au chemin de l'honneur, est près de lui; de l'autre côté, et un peu en arrière, est une gerbe de blé, idée heureuse, qui rappelle de suite tout ce que ce bon et grand roi a fait et se proposait de faire pour le bonheur de son peuple.

Sous le rapport de l'exécution, la statue de Bayard donne lieu à plusieurs critiques. Il est difficile, sans doute, mais enfin, il n'est pas impossible de conserver à un corps, à des membres couverts de la cuirasse et de toutes les autres parties d'une armure, une sorte de souplesse qui n'exclut pas la force. M. Raggi n'a pas su vaincre cette difficulté. Il est un autre inconvénient assez grave, qu'il a sauvé autant qu'il a pu, et qu'il a même dissimulé avec beaucoup d'adresse, mais enfin, qu'il n'a pas pu entièrement écarter. Si Bayard avait été vu de face, son bras et l'épée qu'il tient élevée, auraient entièrement dérobé la tête du héros aux regards du spectateur; il a donc donné au mouvement général du corps, une disposition telle que la tête fût au moins vue de profil; c'est un inconvénient grave, dans un monument de cette espèce, et qui justifie suffisamment, je trouve, le reproche que j'ai fait à l'artiste, relativement au choix de l'action réprésentée. P. A.

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NECROLOGIE. Charles Aurele Bossi, né à Turin en 1758, et mort depuis peu à Paris, avait occupé plusieurs emplois honorables dans le Piémont et en France. Des talens supérieurs ont signalé sa carrière diplomatique et administrative; mais, au milieu de ses fonctions, il n'oublia jamais ses premières études, et surtout les muses qu'il avait cultivées avec succès. A 18 ans, il avait publié deux tragédies, lcs Circassiens et Rhea Sylvia, qui donnent une idée de ce que l'auteur aurait pu produire, s'il avait surtout poursuivi cette carrière. Il se crut organisé pour la poésie lyrique; et c'est le genre dans lequel il a le plus multiplié ses

essais. Il avait de la verve et de l'esprit, on trouve souvent des pensées ingénieuses et originales dans ses odes. Il a chanté quelquefois les événemens de son siècle, et trop souvent l'homme extraordinaire qui a dirigé quelque tems les destinées de l'Europe. Toutefois, il conserva toujours un air d'indépendance qui tenait à la force de son caractère. M. Bossi se distingua surtout par le zèle avec lequel il soutint les intérêts et les droits de ces vertueux montagnards des vallées vaudoises, qui conservent encore, dans le Piémont, la religion de leurs pères et la simplicité de leurs mœurs. Il les défendit, récemment encore, en Angleterre. Pendant le cours de sa vie, M. Bossi a subi avec fermeté les diverses vicissitudes de la fortune. A l'époque de ses revers, il acheva son poëme sur la révolution française, intitulé: Oromasia; où il cherchait à relever l'influence qu'avait exercée sur elle Bonaparte, et le parti qu'il en avait tiré. Il le fit paraître à Londres, en 1814, sous les noms anagrammatiques d'Albo Crisio, déjà très-connus en Italie. La versification n'est ni assez harmonieuse ni assez variée; souvent il s'attache plus à la description des maux que des biens, ce qui lui donne une monotonie sombre et peu agréable. Mais on ne peut lui refuser le mérite d'une grande force de pensées et d'un esprit vraiment philosophique..

F. SALFI.

CONTENUS

DANS LE CINQUANTE-UNIÈME CAHIER.

MARS, 1823.

I. MÉMOIRES, NOTICES ET MÉLANGES.

1. Extrait d'un discours, sur l'état des sciences aux États-Unis.

2.

Notice sur Chaulieu.

Mitchill. 449 Lémontey. 455

II. ANALYSES D'OUVRAGES.

3. Tableau élémentaire d'ornithologie.
4. De la fortification permanente, par Dufour.
5. L'art d'employer le tems. (Traduction anglaise.)
Histoire d'Hérodote, traduite par Miot.

6.

7. Recueil des Historiens de France.

Desmarets. 461

Ferry. 404

L. Sausier. 470 Parent Real. 480

J. C. L. de Sismondi. 488

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III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Annonces de 110 ouvrages, français et étrangers.

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570

649

652

Russie. Suède.

Danemarck.

635

Allemagne. Suisse.-Italie.-Pays-Bas.-France.-Paris.

FIN DU TOME DIX-SEPTIÈME.

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