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che de Constantinople, tant 'que celui-ci se trouvera forcément sous l'autorité du tyran. Ce synode sera nommé librement par le clergé et les laïques. Les prètres à instituer doivent être instruits, d'un certain age, et tous, s'il est possible, pères de famille. Il propose la construction d'un temple qu'on dédierait à la Sainte-Justice, et où tous les magistrats viendraient préter serment, avant d'entrer en fonction. Il conseille -1ɩ tolérance religieuse; mais il nous met aussi sur nos gardes contre les prétentions et les empiètemens des missionnaires occidentaux, et surtout des capucins et des jésuites, dont les machinations ont souvent scindé la nation en deux, et ont produit les maux les plus déplorables. Enfin, après plusieurs apostrophes touchantes adressées à toutes les classes de sa nation, M. Coray termine ainsi :« O ma chère patrie! l'émotion que j'éprouve en ce moment, m'empêche d'aller plus loin. Ma main me désobéit, mes yeux sont obscureis par les larmes. Je m'exilai volontairement loin de toi, révolté de te voir déchirée par l'iniquité des bárbares. Dans les derniers jours de ma triste vie, j'apprends inopinément le généreux réveil de ta liberté, flétrie par les tyrans. Destiné à un exil très-prochain de cette vie, pourrais-je espérer de voir les fruits de tes travaux? Je les souhaite du moins nombreux et magnifiques pour tous mes frères, tes enfans! Salut, ô' ma chèré patrie! »

On devient meilleur, en lisant ces passages inspirés par les plus nobles sentimens. Il est toujours bon de faire retentir le langage de la vérité et de la vertu aux oreilles des mortels, endormis dans une lache indolence, dussent même ces leçons tarder long-tems à fructifier. C'est ainsi qu'on a jugé l'ouvrage de M. Coray en Allemagne, où l'on se propose de publier incessamment une traduction de ces Prolegomènes. L'auteur aura donc bien mérité non-seulement de sa patrie, mais de l'humanité tout entière. Michel SCHINAS, Grec.

CHOIX DES POÉSIES ORIGINALES DES TROUBADOURS, par M. RAYNOUARD, membre de l'Institut de France (Acad. française, et Acad. des inscriptions et belles-lettres), secrétaire perpétuel de l'Académie française, etc. (1).

Les poésies des troubadours forment une époque distincte dans la littérature du moyen âge, et se rattachent à l'histoire trop peu connue des xii et XIIIe siècles. Écrites dans une langue, fille aînée du latin, et qui semble être devenue à son tour la langue-mère des divers idiomes du midi de l'Europe, ces poésies offrent encore des documens précieux qui doivent intéresser vivement outre les savans français, ceux d'Italie', d'Espagne et de Portugal. La langue romane en effet se retrou. ve, pour ainsi dire, vivante encore, sauf les modifications amees par le tems, dans plusieurs contrées de ces royaumes. On sait également que plusieurs troubadours y ont pris naissance, et il n'est pas douteux que leurs compositions poétiques eurent une grande influence sur les diverses littératures de ces différens

nées

pays.

Cependant, malgré cette importance littéraire et philologique, les troubadours n'étaient guère connus que par une tradition vague, transmise de génération en génération, et venue jusqu'à nous, appuyée des éloges de Dante et de Pétrarque. Quelques savans, il est vrai, ont voulu pénétrer dans

(1) Paris, 1822, 6 vol. grand in-8°. Firmin Didot, rue Jacob, no 24. Prix des 6. vol., 54 fr.; et le double, papier vélin. On peut se procurer séparément la Grammaire des Troubadours, 1 vol. in-89 : prix, 6 fr.; ainsi que la Grammaire comparée des langues de l'Europe tatine, 1 vòl in-8°: prix. 9 fr.

T. XVII.-Janv. 1825.

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ce champ fertile; mais leurs travaux indécis et sans persévérance n'ont rien produit, et tous les essais publiés jusqu'à ce jour n'avaient donné qu'une idée bien incomplète et souvent fausse de ces poètes célèbres, qui répandirent un si vif éclat dans le moyen âge. L'ouvrage que nous annonçons, remplit enfin cette grande lacune dans l'histoire littéraire de l'Europe latine ; et l'on ne sait d'abord ce qui doit le plus étonner daus ce beau travail, ou de l'esprit de méthode, de la philosophie et de la critique éclairée qu'on y trouve, ou des immenses difficultés que M. Raynouard a si heureusement vaincués. En effet, il fallait, par une patience courageuse et par une infatigable activité, conquérir, pour ainsi dire, chaque forme, chaque règle, chaque mot d'une langue ensevelié depuis quatre siècles dans quelques manuscrits, la plupart mutilés, presque tous incorrects, et dont les caractères à demi effacés, les abréviations fréquentes, la fusion des mots ou leur séparation continuelles, l'absence de ponctuation, le manque de fixité dans l'orthographe, et mille autres difficultés pouvaient effrayer, et devaient arrêter à chaque instant la passion même du savoir. Telle est; toutefois, la tâche que M. Raynouard s'est chargé de remplir (i), et il était dignè sans doute de l'académicien distingué qui vengea si éloquemment la mémoire des chevaliers du Temple, d'arracher à un oubli injurieux la renommée des troubadours, et d'élever à la gloire de ces pères de notre ancienne littérature un monument durable, qui servira désormais à guider tous ceux qui voudront étudier les annales, les mœurs et l'histoire littéraire du moyen âge.!

(1) M- Raynouard annonce qu'il a eu pour collaborateur de cette belle collection M. PELLISSIEË, qu'il nomme avec un intérêt et une affection qui honorent à la fois le patron et le disciple. Nous aimerions à reproduire ici les expressions mêmes de M. Raynouard, si la modestie de M. ·Pellissier, devenu l'un des collaborateurs de la Revus Encyclopédique, ne nous empêchait de placer ici son éloge. AND. R.

· Remontant d'abord à l'origine de l'idiome roman, et présentant le tableau rapide de la décadence et de l'altération de la langue latine, M. Raynouard suit ces dégradations successives, qui toutes deviennent autant de matériaux pour l'édification de la langue nouvelle. C'est à l'aide seul de ces débris épars, que le savant académicien a découverts et rassemblés, qu'il recompose en quelque sorte cette langue, en établit et en développe les principes, les formes caractéristiques, en ́un mot, tout le système grammatical, dont il retrouve ensuite les élémens principaux dans les autres langues du midi de l'Europe, qui se sont formées à cette commune origine. Ce dernier travail, que contient le vie volume de la collection, est d'une importance qui sera vivement sentie par tous les savans philologues, sous le double rapport de l'étymologie et de la théorie générale des langues modernes. L'auteur y compare, avec une profonde et ingénieuse sagacité, tous les idiomes de l'Europe latine avec la grammaire des troubadeurs, et partout on est frappé d'une analogie et d'une identité, résultat évident d'une conformité d'origine que l'habile secrétaire perpétuel de l'académie française établit par des rapprochemens naturels, des rapports nombreux, et par une foule de faits toujours appuyés d'exemples choisis dans les anciens auteurs de ces divers idiomes; genre de preuves le seul qui puisse véritablement convaincre dans la discussion des problèmes philologiques, et qui recevra de nouveaux dévėloppemens et un degré de plus d'évidence dans les quatre volumes qui restent encore à publier, et qui contiendront le lexique de la langue romane, importante et dernière clef de ce magnifique ouvrage.

On sent aisément qu'il est impossible, dans une analyse succincte, de donner une idée de cet immense travail, qui re présente lui-même que des résultats, et dont toutes les parties sont coordonnées à une méthode qu'il faudrait montrer dans

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son ensemble, pour en faire apprécier l'exactitude et le mérite. Nous allons done nous borner à quelques réflexions sur l'im-, portance que doivent avoir les poesigs des troubadours pour les souvenirs nationaux, et sous le rapport des mœurs, des usages, des opinions, de l'époque intéressante où ils ont brillé dans les diverses contrées dont ils favorisèrent la civilisation.

Les secousses violentes qui suivirent le démembrement du vaste empire de Charlemagne, avaient amené la barbarie du xe siècle, qui, malgré l'apologie de Leibnitz (1), devra toujours être regardé comme notre siècle de fer. L'age suivant vit renaître quelques études; mais la science se réduisit alors à une vaine dispute de mots. L'ambition des grands, qui ne. songeaient qu'à s'arroger de nouveaux droits; le clergé, naitre du gouvernement, et osant juger les souverains; la cour de Rome, donnant l'exemple du scandale et de la licence; les papes, portant dans l'humble chaire de l'Apôtre, l'esprit de. domination et tous les préjugés qui régnaient dans les cloîtres: tels sont les principaux traits qui caractérisent le x siècle. Toutefois, les excès mêmes des souverains pontifes, la lutte, violente du sacerdoce et de l'empire, donnèrent aux esprits une forte impulsion, qu'excitait encore la chevalerie, brillante d'héroïsme et d'enthousiasme, et qu'augmenta bientôt cette fièvre religieuse qui produisit l'exaltation des croisades, et qui précipita l'Europe barbare et guerrière sur l'Asie paisi-, ble et florissante.

Ce fut au milieu de ces désordres sanglans qu'apparurent les troubadours, dont les compositions offrent, dans l'histoire des lettres, une classe à part, qui ne se lie en aucune manière, soit pour les formes, soit pour les couleurs ou les pensées dominantes, avec la littérature classique des anciens. Sans maî

(1) Dans la préface du Codex juris diplom, gent.iep slije s

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