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philosophique et de la littérature: tel est le but qu'ils se proposent d'atteindre. M. Ducaurroy de la Croix, professeur de droit romain à Paris, doit être considéré comme l'un des premiers fondateurs de cette école nouvelle, ou plutôt de cette école régénérée. A une époque où les spéculateurs répandaient avec une déplorable profusion des manuels, des abrégés, des élémens de droit romain, il publia un travail qui, dans toute autre circonstance, n'eût été qu'un titre d'ailleurs peu important, malgré les succès qu'il obtint. La traduction des Institutes de Justinien doit être uniquement considérée comme une protestation contre l'abandon des textes et contre l'invasion des doctrines d'Heineccius. Mais, depuis, des travaux d'une utilité plus incontestable et plus généralement sentie, ont recommandé son nom. Promu à l'une des deux chaires de droit romain de la Faculté de Paris, il a été à même de faire l'épreuve de sa méthode, en la popularisant. Une affluence nombreuse témoigne chaque jour en faveur des talens du professeur, en assistant à ses leçons avec la plus scrupuleuse exactitude. Toutefois, l'enseignement oral est, de sa nature, limité et fugitif. M. Ducaurroy a donc senti qu'il était nécessaire d'en seconder les effets par un livre, expression fidèle de sa méthode, et il a publié les Institutes expliquées que nous annonçons. « Ce livre, pour emprunter les paroles de l'auteur lui-même, ce livre n'est pas destiné à remplacer le texte des Institutes, il n'a d'autre but que d'en faciliter l'étude et l'intelligence. Mes opinions, mes assertions ne peuvent rien par elles-mêmes elles n'ont et ne peuvent avoir d'autre autorité que celle des textes, qui seuls doivent justifier ou combattre les principes d'un auteur. » Il ne faut pas voir dans cette déclaration l'expression d'une fausse modestie, encore moins celle de ce servile esprit de copiste et de compilateur, qui exclut une critique saine et indépendante. Loin de là, M. Ducaurroy sait allier au plus haut degré la méthode d'observation qui n'admet que des faits et rejette les hypothèses, à la critique qui juge ces faits, en les classant, en les fécondant par l'induction. Il ne reconnaît d'autre autorité que celle des textes; mais quelque anciens que soient les élémens qu'il met en œuvre, on peut dire qu'il s'est frayé une route toute nouvelle, et il est arrivé à des résultats jusqu'alors ignorés. Ainsi, son commentaire contient plusieurs dissertations d'autant plus remarquables comme exposé du système nouveau, qu'ils sont fondés entièrement sur des textes connus il est vrai, mais jusqu'à présent exploités au profit du ridicule système des antinomies. Nous avons reconnu dans les explications données sur l'usage et sur le Capitis heminutio, deux dissertations insérées dans la Thémis. On assure que le système exposé dans la seconde, est déjà enseigné dans plusieurs uni

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versités d'Allemagne. La théorie de l'usage a également obtenu les suffrages de M. Savigny, l'un des premiers jurisconsultes d'outre-Rhin. Plusicurs autres théories sont également dignes de l'attention des observateurs. Nous signalerons ici l'opinion de M. Ducaurroy sur le titre considéré comme condition nécessaire pour acquérir, soit par tradition, soit par usucapion. Il n'est pas inutile de remarquer ici que le proLesseur français s'est rencontré avec M. Savigny, dans la manière dont il considère les traditions soi-disant fictives, et notamment la tradition dite symbolique. La France doit s'enorgueillir de ne plus être tributaire des doctrines désavouées par l'étranger lui-même. L'ouvrage de M. Ducaurroy est le premier, en France, où l'on ait fait usage des Institutes de Gaius, découvertes à Vérone en 1819. L'auteur a également tiré de grands secours des fragmens d'Ulpien et des sentences de Paul. Pour faire en peu de mots son éloge, on doit dire qu'il a suivi une route nouvelle, sans être novateur; il a senti que, pour secouer le joug de la routine, il suffisait de revenir, à l'exemple du grand Cujas, à l'étude des sources du droit romain. On doit donc applaudir à une méthode qui, au mérite d'être scientifique, réunit celui d'être nationale. L. B.

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243. (*) Collection des constitutions, chartes et lois fondamentales des peuples de l'Europe et des deux Amériques, etc. par MM. Dufau, Duvergier et GuaDET. Paris, 1822-1823; Béchet aîné, quai des Augustins, no 55. 5 vol. in-8°. Prix, 40 fr.

Quatre volumes sont à présent en vente; le cinquième paraîtra dans les premiers jours d'avril. Il comprendra l'Espagne et le Portugal. Nous donnerons, dans une prochaine livraison, une analyse de cet important ouvrage, que les circonstances actuelles rendent plus digne encore de fixer l'attention publique. (Voy. T. XI, p. 598).

244. (*) — Des lois rurales de la France rangées dans leur ordre naturel, par M. FOURnel. Quatrième édition, revue, corrigée et augmentée d'après des notes posthumes de M. Fournel, par L. RONDONNEAU. Paris, 1822; Bossange père, rue de Richelieu, no 60. 2 vol. in-12; prix, 9 fr., et par la poste, 11 francs.

Les jurisconsultes regrettent depuis long-tems que l'on n'ait pas réuni en un seul corps de lois, toutes celles qui sont relatives aux propriétés. rurales, et que l'on a entendu maintenir en vigueur. Il résulte de cette lacune dans notre législation, unc confusion toujours nuisible aux inté. rêts des citoyens. L'Assemblée constituante avait, il est vrai, chargé un comité composé de plusieurs de ses membres, de préparer un code rurat; mais le résultat ne fut pas aussi satisfaisant qu'on l'espérait. Quelques lois seulement furent rendues sur cette matière; la principale est

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celle du 28 septembre 1791, ⚫ concernant les biens de campagne et usages ruraux, et la police ruralc.. Cette loi avait principalement pour but d'établir des mesures de simple police et de sûreté dans les campagnes, mesures réclamées par les circonstances où l'on se trouvait alors. Seize années s'écoulèrent sans qu'on songeât au code rural; enfin, en 1807, le ministre de l'intérieur nomma une commission chargée d'en préparer les matériaux. On ne connaît pas le résultat des conférences de cette commission, qui a été successivement composée de membres differens. Dans un état de choses aussi vicieux, il était à désirer qu'un jurisconsulte éclairé et laborieux entreprit de réunir les dispositions concernant Jes matières rurales, que l'on peut trouver dans les anciennes et les nouvelles lois. M. Fournel, connu déjà par des ouvrages justement estimés, a recueilli avec discernement ces diverses dispositions, et en a formé le livre utile dont nous annonçons aujourd'hui la quatrième édition. Cette édition, imprimée dans un format commode pour ceux qui sont appelés par leur profession à en faire usage, c'est-à-dire, les maires, les juges de paix, les gardes-champêtres, etc., a de plus sur les précédentes le mérite d'être plus complète. Elle a été revue avec soin par M. Rondonneau, qui, placé long-tems à la tête du dépôt des lois, était plus qu'un autre à même de connaître les dispositions que M. Fournel avait pu TAILLANDIER, avocat.

omettre.

245. — Observations sur le régime hypothécaire établi dans le royaume de Sardaigne, par l'édit promulgué le 16 juillet 1822, avec le texte de l'édit, et un index servant de tables des matières; par Ferdinand DAL Pozzo, ancien premier président de la cour impériale de Gènes et maître des requêtes; auteur des Opuscoli politico-legali d'un avocato milanese, originario piemontese, avec cette épigraphe : jus privatum sub tutela juris publici latet. Bacon. Paris, 1823; Bossange frères, rue de Seine, no 12. Un vol. in-8o de 344 pages; prix, 5 fr.

Quoique cet ouvrage ne traite que d'une matière de droit privé, il doit intéresser tous ceux qui s'occupent de haute législation et d'économie politique, par la manière avec laquelle l'auteur (ancien ministre de la justice du gouvernement piémontais) a cxposé les principes dirigeans du régime hypothécaire. Il doit intéresser également ceux qui s'occupent de l'histoire de la législation; car ils y trouveront des renseignemens curieux sur son exercice dans le royaume de Sardaigne. Cet ouvrage, qui paraît avant que le nouveau régime hypothécaire ait été mis à exécution dans les états piémontais, est de nature à fixer l'attention des hommes d'état de ce pays sur les améliorations dont ce système serait susceptible. M. Dal Pozzo est un publiciste dont

on ne saurait mépriser les conseils; comme jurisconsulte déjà connu par ses productions, comme ancien magistrat et comme administrateur dans le royaume de Sardaigne, il possède à un haut degré la théorie et la pratique de cette partie importante de la législation. Nous recommanderons surtout, même aux jurisconsultes français, la lecture du chapitre sur les principes dirigeans du système hypothécaire, comme un supplément aux traités sur les hypothèques qui ont paru jusqu'à ce jour. Cet ouvrage, outre qu'il annonce un jurisconsulte distingué, est aussi sous d'autres rapports l'acte d'un bon citoyen. ISAMBERT, avocat au conseil

d'état et à la cour de cassation.

246 (*) Tablettes chronologiques de la Révolution française, depuis le 10 mai 1774, jour de l'avénement de Louis XVI, par Alexandre GOUJON; première et deuxième livraisons. Paris, 1823; Esneaux, rue des Noyers, no 46. In-8°; prix, 1 fr. 50 c. chaque livraison.

L'utilité de l'ouvrage que nous annonçons ne saurait être mise en doute; pour bien connaître une longue série d'événemens, tels que ceux qu'offre la révolution française, il est nécessaire de pouvoir les suivre par ordre de dates, et d'avoir une table exacte des matières, au moyen de laquelle on puisse recourir aux documens les plus propres à en dévoiler les causes et les effets. Les ouvrages entrepris dans ce but étaient incomplets ou inexacts; les deux premières livraisons des Tablettes chronologiques, de M. A. Goujon, présentent des garanties pour celles qui suivront. Les faits y sont indiqués avec une si grande précision, qu'elle va même quelquefois jusqu'à la minutie. Cependant, nous avons remarqué quelques erreurs, soit d'impression, soit d'inattention, qu'il serait important de faire disparaître dans un errata. Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, l'auteur parle d'un M. Bouchaud de Sarron, président au parlement de Paris, tandis que le véritable nom de ce personnage est Bouchard de Saron. Malgré de légères inexactitudes de ce genre, le travail que nous annonçons est fort recommandable, et nous croyons que, pour faire une étude approfondie de l'histoire de la révolution, on ne saurait prendre un meilleur guide.

A. T.

247. Mémoires pour servir à l'Histoire de France, sous Napoléon, écrits à Ste-Hélène, par les généraux qui ont partagé sa captivité, et publiés sur les manuscrits entièrement corrigés de la main de Napoléon.T. I et II. Paris, 1823; Bossange frères, rue de Seine, no12. In-8°; prix, 15 fr. Lors de son abdication à Fontainebleau, Napoléon avait dit aux débris de ses vieilles phalanges : « J'écrirai ce que nous avons fait. » C'est à Sainte-Hélène qu'il accomplit cet engagement. Il employa les six années de sa captivité à écrire la relation des vingt années de sa vie politique.

mens.

Ces dictées précieuses, où les événemens extraordinaires de notre époque sont retracés et jugés par celui qui les voyait de si baut, et qui en fut long-tems le principal moteur, resteront parmi les pièces les plus importantes et les plus remarquables, où l'histoire doit puiser ses docu- Deux volumes de ces mémoires sont en vente. Un aperçu rapide de ce qu'ils contiennent, suffira pour donner une idée de cette intéressante collection. - Volume écrit par M. le général Gourgaud : Relation du siège de Toulon; Revolution du 18 brumaire; Conseil provisoire; Ulm et Moreau; Défense de Gènes, par Masséna; Campagne de Marengo. Volume écrit par M. le général Montholon: sept notes sur le Traité des grandes Opérations militaires, par le général Jomini; Notes sur les 8 premiers volumes du Précis des Événemens militaires da 1799 à 1814, par le général Dumas (ce morceau offre beaucoup de détails sur la campagne d'Égypte); six notes sur les quatre Concordats de M. de Pradt; quatre notes sur les Mémoires pour servir à l'Histoire de la Révolution de Saint-Domingue; Notes sur les Mémoires pour servir à l'histoire de Charles-Jean, roi de Suède; et enfin des notes sur l'ouvrage intitulé: Considérations sur l'art de la guerre, par le générat Rogniat. La connaissance profonde des faits, et la manière dont ils sont présentés, attestent l'authenticité de ces mémoires; et les éditeurs conservent, comme une preuve irrécusable, les manuscrits couverts de cor rections de la main même de Napoléon. A.

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248 (*) — Les Pyrénées et le Midi de la France, pendant les mois de novembre et décembre 1822; par A. THIERS; Paris, 1825; Ponthieu. In-8°; prix, 4 fr., et 5 fr. par la poste.

Un jeune homme plein de talent et de patriotisme consacre ses vacances littéraires à parcourir la ligne des Pyrénées, où va se décider bientôt un si grand avenir. Les précipices, les aciges, les frimas, ne l'étonnent point: les privations de toute sorte lui semblent douces pour satisfaire son ardente curiosité. Semblable à ces nombreux voyageurs anglais qui parcourent le continent, il esquisse, la plume à la main, les grands tableaux de la nature, en présence de ses modèles. Ce n'est pas, néanmoins, comme voyage pittoresque, que l'écrit de M.Thiers doit fixer principalement l'attention publique, quoique, même sous ce rapport, mérite un rang fort distingué; mais c'est, surtout, en tant qu'il renferme des renseignemens nouveaux, et vraiment curieux, sur l'esprit des popula tions qui couvrent les deux revers des Pyrénées, et même sur les derniers événemens dont ces pays ont offert le théâtre. On ne trouve que dans le livre de M. Thiers, le portrait tracé d'après nature de la régence d'Urgel, surprise en voyage, ayant à sa tête el rey Mataflorida. Avec le

il

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