Page images
PDF
EPUB

*

LOI DE MOÏSE, ou SYSTÈME Religieux et pOLITIQUE DES HÉBREUX, par M. SALVADOR; avec cette épigraphe de Bossuet:·

« Toute cette loi est fondée sur la première de toutes les lois, celle de la nature, c'est-à-dire, sur la droite raison et l'équité naturelle » (1).

[ocr errors]
[ocr errors]

Voltaire avait observé que les Juifs sont les hommes du monde qui tiennent le plus à leur religion. Cependant, il se trouve parmi eux, comme chez les chrétiens, de francs adversaires de la croyance religieuse dans laquelle ils sont nés. Tel nous semble être, l'auteur de ce nouveau traité de la loi des Hébreux. Il n'accorde à Moïse d'autre avantage qu'une raison naturelle perfectionnée par le génie de la méditation, la science physique des anciens, la science du comment, on en imposait au vulgaire, enfin le talent poétique et l'art de la politique humaine. Il ne croit à d'autre Messie, qu'à tel ou tel général célèbre parmi les Hébreux; bien différent, en ce point, des Juifs du tems de Pilate, qui, d'après leurs livres, attendaient un Messie spécial, un prophète semblable à Moïse, un Messie qui devait s'appeler Dieu avec nous et être mis à mort, qui devait être envoyé, non-seulement pour les Hébreux, mais aussi pour toutes les nations, enfin, que les deux maisons de Jacob devaient rejeter, par aveuglement, et après lequel elles devaient demeurer sans temple, sans

[ocr errors]

(1) Paris, 1822. Ridan, libraire. Un vol. in-8o de 625 pages. Prix, 7 fr., et 2 fr. de plus, franc de port, dans toute la France.

T. XVII.-Janv. 1823.

4

sacrifices, dispersées par toute la terre, et être un jour couverties et rétablies.

Il ne faut donc pas s'étonner si M. Salvador a découvert que, Moïse serait effrayé lui-même des préjugés attachés à son nom, et des abus qu'on a voulu consacrer par l'autorité de ses écrits. On ne peut guère citer que la version et le commentaire de M. F. d'O. sur la Genèse ( 2 vol. in-4”), où il y ait de prétendues découvertes hébraïques, aussi étranges que celles de M. Salvador.

Pour les apprécier, il ne conviendrait pas de traiter ici les graves questions grammaticales, historiques, philosophiques et religieuses que l'auteur pose et décide légèrement, avec une rare confiance. On les trouve savamment résolues dans les nombreux auteurs qui ont écrit sur la Bible, sur les fondemens de la religion des Hébreux et des chrétiens. Seulement, nous prenons acte de ce que, dans un système particulier de naturalisme prétendu mosaïque, M. Salvador, plus modéré que divers théistes, a bien voulu reconnaître l'antiquité des Hébreux, l'existence réelle de Moïse et l'authenticité du Pentateuque; de ce que, plus prudent que Dupuis, dans l'Origine des cultes, il admet la réalité de Jésus-Christ, se bornant à essayer l'apologie de la conduite des Juifs et de Pilate dans les scènes de la passion. Voltaire même n'hésitait pas à reconnaître l'existence de celui qu'il appelait lui-même, notre maître et sauveur Jésus-Christ; mais, contre l'avis de M. Salvador, il écrivait, dans d'autres ouvrages, que les Juifs sont une horde très-moderne, le dernier des peuples, et que Moïse n'est qu'un personnage imaginaire. Ce n'est point là ce que nous irons consulter, quand nous voudrons, avec un esprit impartial et de suffisantes recherches, fixer nos opinions sur l'histoire du genre humain.

En retranchant du livre de M. Salvador, les paradoxes anti-judaïques et anti-chrétiens, on y trouve une lecture

I

intéressante et utile. C'est le tableau assez complet de l'ordre social établi par Moise, et développé dans plusieurs points par le grand Sanhedrin ou l'assemblée nationale des Hébreux. Cette portion du livre convient surtout à ceux qui ne possèdent point les grands ouvrages sur cette matière, ou qui veulent en avoir un mémorial appuyé de principales citations. Ce tableau est divisé en douze sections dont voici les titres : 1 Principes fondamentaux de la loi ; 2° Fonctions publiques; 3° Richesses; 4° Justice; 5° Rapports extérieurs; 6o Force publique et guerre; 7° Famille; 8° Morale; 9° Santé publique; 10o Culte; 11° Docteurs hébreux; 12° Conservation de la loi et du peuple. Voici quelques traits qui peuvent servir à justifier, en quelque sens, ce que dit l'auteur, que les Hébreux sont un peuple modèle, un peuple immortel, qui sera probablement rétabli et durera, sous sa loi, autant que le genre humain.

< 1o. Principes fondamentaux de la loi. « Le peuple Hébrcu est un. Cette unité se nomme Israël. Il se divise en douze tribus ou contrées, qui sont elles-mêmes subdivisées. Tous les Hébreux sont frères et égaux devant la loi; tous sont admis à toutes fonctions; il y a parmi eux des serviteurs à tems; il n'y a point d'esclavage, dans le sens propre de ce mot. Les étrangers qui ont accepté la loi deviennent Hébreux et citoyens. Les étrangers qui se trouvent parmi eux, sans avoir adopté toute l'institution hébraïque, sont amis et traités amicalement, selon le droit commun des Hébreux. Le gouvernement des Hébreux est le gouvernement de la loi; c'est moins une théocratie qu'une nomocratie, un état où la loi est le seul souverain. La loi fondamentale est ce qui est prescrit dans le Pentateuque; on y joint la loi secondaire ou l'expression de la raison et de l'intérêt public, proposée selon le besoin par quelque ancien, et adoptée par les représentans ou le grand conseil de la nation.

2o. Fonctions publiques. Il y a deux corps représentatils le premier, c'est le corps héréditaire des lévites et des prêtres, présidé par le premier Pontife. Il est conservateur des lois fondamentales reçues par l'intermédiaire de Moïse. Ce corps est chargé de lire ces lois, de les expliquer publi¬ quement et d'accomplir les sacrifices et les cérémonies du culte. Par une profession particulière appelée Nazireat, tout Hébreu, de l'un ou de l'autre sexe, peut être consacré au culte de Dieu pour servir dans le temple même.

L'autre corps représentatif est électoral; c'est le grand Sanhedrin, ou le grand conseil des anciens du peuple, qui fait les lois secondaires, décide les grandes affaires nationales, et juge les crimes de lèse-constitution,

Il y a des administrations locales, composées des anciens élus par chaque tribu et par chaque ville.

2

Il y a des juges ordinaires et des officiers de police, des officiers militaires, enfin, des prophètes. L'auteur affecte de ne considérer ceux-ci que comme des orateurs publics, de libres organes de l'opinion, sans doute fort étonnante. Tous les fonctionnaires publics, le roi même, quand il y a un roi, sont directement responsables de leurs actes. La royauté, quand elle existe, se fonde sur un pacte social.

[ocr errors]

Le roi commande les armées, fait exécuter les lois en tou◄

tes choses. Il préside le grand conseil de la nation.-S'il ordonne quelque chose contre la loi fondamentale, ou contre la décision du grand conseil national, on lui refuse l'obéissance. Il ne peut entreprendre une guerre, sans le consentement de ce grand conseil.-Il reçoit des présens pour l'entretien de sa maison; mais les fonds pour les dépenses publiques sont déposés dans le trésor du temple, et ne doivent pas être détournés de leur destination. Ce n'est point le roi, c'est Jéhova seul que la loi appelle père du peuple; ainsi, nous lisons dans l'Evangile : « Ne donnez point le nom de pè

re; vous n'avez (proprement) qu'un père qui est dans le ciel. » La loi défend au roi de s'élever par orgueil au-dessus de ses frères, afin qu'il régne, lui et ses descendans, au milieu d'Israël. Enfin, le grand conseil décide les différens sur la possession du trône; et les Hébreux jugeaient les rois après leur mort leur accordant ou leur refusant la sépulture royale.

y

[ocr errors]

3o. Agriculture. La loi fondamentale ne permet pas qu'il ait de grands propriétaires dans l'état. Ainsi, les Juifs étaient exempts, comme on l'est en Chine, du désordre des substitutions et de la plaie des majorats.

4°. Force militaire. L'armée; ce sont les citoyens, les membres de la nation. A l'âge de vingt ans, tout Hébreu est soldat. Les citoyens nomment leurs officiers; le chef de l'armée les accepte et les institue; il élève aux grades supérieurs ceux qui se distinguent par le courage et l'intelligence. Il y a dans la loi d'autres règlemens militaires pleins de sagesse. Nous ne citerons que celui-ci : la juridiction militaire ne se déploie que pendant la guerre, au milieu des camps. Ainsi, l'homme purement civil n'était pas, chez les Hébreux, justiciable des hommes de guerre. Quel exemple pour des législateurs de nos jours, dans cette loi divine!

Finissons par un des traits qui prouvent le mieux la profonde sagesse de la loi hébraïque. Il est relatif à la famille. Chez les Hébreux, la femme n'est ni protectrice, ni protégée. Elle est pour l'homme une égale, une aide semblable à lui. La jeune fille est rendue capable de tous les soins domestiques. Elle doit être un jour la femme forte du livre des Proverbes ; il faut donc qu'on l'instruîse de la loi ; et les femmes, comme les hommes, prêtent le serment de l'observer. Debora fut grand-juge de sa nation, et guerrière et poète. Ainsi, la liberté et l'égalité, conservées aux femmes des Hébreux, étaient le plus sûr gage de la liberté et de l'égalité nationales.

« PreviousContinue »