Page images
PDF
EPUB

ALLEMAGNE.

103. — Eratosthenica composuit Gothofredus Bernhardy.—Fragmens d’Ératosthène, réunis par G. BERNHARDY, Berlin, 1822, in-8°.

Nos lecteurs savent quel était Eratosthène, qui mérita, par sa vaste érudition, les titres de cosmographe, de second Platon, d'Arpenteur de l'Univers. Ce fut lui, en effet, qui, le premier, détermina la manière de mesurer la grandeur de la circonférence de la terre. On lui doit le premier observatoire, et la méthode pour connaître les nombres premiers, appelée depuis le crible d'Eratosthène. Son vaste génie embrassait à la fois la poésie, la grammaire, les mathématiques et la philosophie. Le sort nous a privés de ses beaux ouvrages, hors quelques fragmens imprimés à Oxford, en 1672 (1 vol. in-8°). Nous en avons de plus deux éditions: l'une, dans l'Uranologie du père Pétau, donnée en 1630; l'autre, publiée à Amsterdam, en 1703. La docte Allemagne, qui récemment nous a présenté une collection complète des Fragmens d'Éphore, et de ceux de Théopompe, ne pouvait pas rester indifférente pour le prince des géographes, après avoir si bien mérité de l'histoire. Aussi M. Bernhardy a-t-il réuni, dans un ordre systématique, tous les débris que l'on a pu retrouver, après le naufrage irréparable qui a fait disparaître une partie si précieuse de la science des anciens. C'est ainsi que les édifices les plus majestueux de l'antiquité ne nous laissent aper cevoir aujourd'hui que quelques pierres éparses sur le sol, tandis que l'histoire seule atteste leur magnificence. Le savant éditeur sépare les fragmens, qui se rapportent aux mathématiques, de ceux qui appartiennent à la littérature. Voici l'ordre dans lequel il les présente : I. Geographica; II. Mercurius; III. Libri de Mathematicis disciplinis; IV. Cubi duplicatio; V. Philosophica; VI. Commentarii de antiqua comoedia; VII. De Chronographiis. Les bornes de ce recueil ne nous permettent pas de suivre plus long-tems le docte Allemand dans ses laborieuses recherches.

104. Geschichte des Israeliten. Histoire des Israélites, depuis les Machabées jusqu'à nos jours, écrite d'après les sources authentiques, par J. M. JosT, Tome III, Berlin, 1822.

Le dixième livre, qui commence avec ce volume, contient les développemens de la civilisation chez les Juifs, dont le principe est rapporté au tems de l'exil. L'auteur passe en revue les diverses écoles; mais il donne trop peu d'attention aux progrès des Juifs: Hellènes et des Juifs d'Alexandrie; et, quoiqu'il n'ait point prétendu faire une histoire complète de la civilisation israélite, il ne fallait pas omettre des parties

[ocr errors]

aussi essentielles du sujet. On trouve, au surplus, dans les livres suivans, plusieurs choses relatives à la littérature judaïque. C'est ainsi que, dans le livre Ve, qui comprend l'histoire depuis l'an 105 avant Jésus-Christ jusqu'à l'an 70 de notre ère, il est question de plusieurs savans; le rabbinisme y est considéré sous ses différens aspects; enfin, on établit un parallèle entre le judaïsme et le christianisme. Le XIIe livre commence à la chute de Jérusalem; il est consacré à l'histoire des Juifs, sous la domination romaine, jusqu'en 135. Ses parties les plus intéressantes sont les disputes de l'école, l'état des Israélites au commencement du 2o siècle, les causes de la guerre sous Trajan et Adrien (ici, l'anteur a mis à profit l'ouvrage de M. Munter; Voy. Rev. Enc., Tom. XII, pag. 136); enfin, la reconstruction de Jérusalem, sous le nom d'Elia Capitolina. Partout l'auteur fait preuve d'une vaste érudition, et d'un esprit de critique fort judicieux. Il a placé au-dessous du texte, les autorités sur lesquelles il s'appuie, et chaque livre est suivi de remarques et de discussions historiques. Voici les sujets les plus intéressans de quelques-unes de ses discussions: 1° Sur les sources bibliques de l'Histoire juive, et notamment sur le Pentateuque; 2o sur le Talmud; 3o sur l'historien Josephe; 4° sur l'école de Gamaliel, à Jamnia; enfin, 5o plusieurs appendices pour l'histoire du savant évêque Munter, contenant le récit de la guerre des Juifs sous Adrien. Il serait injuste de ne point citer une digression (excursus) sur les différentes parties de la bible. On cherche à y déterminer le tems de leur rédaction, et celui de leur réunion, en examinant aussi la question de savoir si quelquesuns des écrits qui s'y rapportaient ne sont point perdus pour nous.

105. — De fontibus historiarum T.-Livii commentatio prior.-Des sources des histoires de Tite-Live, première dissertation, par Frédéric LACHMANN, Goettingen, 1822; in-4°.

Ce n'est pas la première fois que nous annonçons un semblable travail; déjà Strabon et Plutarque avaient subi l'examen de M. Heeren; Justin avait répondu de ses assertions au même savant; enfin, avant lui, le célèbre Heyne avait appliqué ses recherches à Diodore, à Virgile et à Pline. Tout historien qui n'a pas écrit les faits dont il était luimême témoin, est interrogé par les Allemands: il faut qu'il leur montre de quels autres auteurs il s'est appuyé; sur quelle tradition reposent ses récits. On dirait, à voir la sévérité de cet examen, qu'il s'agit d'un écrivain de nos jours, auquel on demanderait, par exemple, quels sont les mémoires qui lui ont servi à raconter le siècle de Louis XIV. Nul historien ne présentait, cet égard, autant de difficultés ni autant d'intérêt que Tite Live. Son ouvrage parcourt sans interruption toute

l'histoire des rois et celle de la république. Il est maintenant, pour nous; comme ces aquéducs majestueux, rompus en plusieurs endroits, mais qui, dans leurs parties, conservent encore toute la majesté de leur ensemble, et la perfection de leurs détails. Cette histoire marque encore parmi toutes les autres, comme l'Iliade parmi les poëmes épiques, comme la Venus de Médicis parmi les chefs-d'œuvre de la sculpture. Des modernes en ont attaqué la fidélité : ils ont surtout traité de fiction toute l'histoire des rois. L'illustre et savant Niebuhr, dont je prépare une traduction, est à la tête de ces incrédules. Il ne voit, dans ce que les anciens nous disent des rois, qu'une série de poëmes épiques, dont il ne faut point s'écarter, de peur de ne leur substituer qu'une apparence d'histoire sèche et décolorée. Niebuhr a porté dans ces tems obscurs une faible lueur, à laide de laquelle il a retrouvé les actes de naissance de quelques peuples, presque ignorés de la vieille Italie. Mais TiteLive manquait encore d'un travail spécial, qui éclairât toute sa marche; Glareanus, Perizonnius, Dodwell n'en ayant, ainsi que Wachsmuth et Niebuhr, touché que quelques points isolés. M. Lachmann n'a pas craint d'entreprendre cette tâche difficile, et il a exécuté son plan avec méthode. D'abord, il s'occupe de savoir quel usage Tite-Live a fait des monumens, des annales et des documens publics et particuliers. Après avoir ainsi jeté un coup d'œil général sur son sujet, M. Lachmann suit Tite-Live, livre par livre. Pour le premier, il s'attache à montrer quel parti son historien a su tirer de Pison et de Fabius. Et nous regrettons que le défaut d'espace ne nous permette pas de donuer une idée de la discussion qui comprend, dans le premier chapitre, toute la première décade. Dans le second, l'auteur examine comment Tite-Live a usé de ses autorités, quel esprit de critique il a apporté dans le choix de ses matériaux. On ne lira pas sans fruit les remarques de M. Lachmann, et nous ne craignons pas d'affirmer que sa dissertation doit entrer désor mais dans la collection des livres nécessaires à l'étude de l'histoire romaine.

106.-Neue Untersuchungen des Kelthenthums,

Nouvelles recher

ches sur la race Celte, pour servir à l'histoire primitive des Allemands, par RADLOF, professeur à Bonn. Bonn, 1822; in-8, 9, 1. 2

[ocr errors]

L'auteur attaque avec vigueur, dans sa préface, les savans qui ne tiennent aucun compte de ce que les Grecs nous ont transmis sur les Celtes et sur les Germains, et qui se bornent à recueillir les renseignemens épars et en petit nombre que l'on doit à César et aux Romains. Il s'élève ensuite contre l'opinion qui regarde les Germains comme des barbares venus de l'Asie. Voici les dissertations dont la série compose sa première

69

[ocr errors]

partie 1 sur les Hyperboréens. Scandia est indiquée comme étant leur patrie; l'oracle de Delphes, selon M. Radlof, a été fondé par des prêtres hyperboréens, qui, les premiers, enseignèrent à la Grèce le dogme de l'immortalité de l'âme; 2o sur l'origine et le nom des Celtes; 3o sur le pays des Celtes, avant César; mélanges des Celtes aux autres peuples; état des connaissances des Grecs et des Romains sur le pays des Celtes, avant César; 4° sur quelques expéditions des Celtes, mal jugées jusqu'à ce jour; Bellovèse et Sigovèse; les Senones coutre Rome; Brennus contre Delphes. 5o Sur la différence à faire entre les Celtes et les Gaulois; pays des Celtes, sous Jules César; 7° depuis Jules-César; 8o des Germains, avant et depuis César. Telle est la première partie de cet important ouvrage. La seconde, consacrée aux langues, ne présente pas un moindre intérêt. D'abord, l'auteur s'occupe de la langue des Celtes en général; il cherche à démontrer son identité avec celle des Germains; il entre ensuite dans le détail de ses dialectes, et donne une grande collection de mots celtiques. Dans une autre subdivision, M. Radlof traite de la langue des Gaulois, de celle des Trévirois et des Belges. Il révoque en doute les caractères germaniques des derniers. On voit combien son livre contient de choses utiles et essentielles à l'étude des premières époques de nos annales; mais on a pu s'apercevoir aussi, quoique cet article soit à peu près une table de matières, que de nombreux paradoxes sont venus se placer sous la plume de l'auteur. Toutefois, commne il appuie toutes ses assertions de recherches érudites, il n'est rien dans tout cela qui ne mérite un sérieux examen; et la réfutation de quelques erreurs peut honorer celui qui saura combattre avec des armes égales. Ph. GOLBÉRY. 107(*).-Friedrich von Sehitlers Leben.-Vie de Frédéric de Schiller, par Henri DOERING. Weimar, 1822, in-8°.

[ocr errors]

M. Daring appelle le héros de sa biographie M. de Schiller, comme si le célèbre poète avait besoin de la particule devant son nom pour être illustre. Personne ne s'informe de sa noblesse ; c'est son génie qui a fait son illustration. L'éditeur aurait donc pu se dispenser de le traiter comme un noble vulgaire et obscur. Outre les sources où avaient puisé les autres biographes de Schiller, M. Dæring a profité de la correspondance entre Schiller et M. de Dalberg, qui a été publiée en 1819, et contient des détails intéressans sur la vie, les travaux et les opinions du poète tragique. L'éditeur a inséré beaucoup d'anecdotes, mais il y en a plusieurs dont la vérité a été contestée dans les journaux allemands. On a trouvé aussi très-faible la partie de la biographie consacrée à l'analyse des Ouvrages poétiques de Schiller. En France, on est habitué à regarder

ce poète comme ayant voulu renverser la poétique d'Aristote. Voici comment Schiller s'exprime dans ses lettres à ce sujet : J'ai lu, il y a quelque tems, la poétique d'Aristote. Loin de me décourager et de me gêner, elle m'a fortifié et soulagé. A en juger par la contrainte que les Français lui attribuent, on s'attend à voir en lui un législateur bien froid, bien roide, même anti-libéral, et l'on est étonné de trouver tout le contraire. Il insiste, d'une manière ferme et prononcée, sur l'essence de la tragédie; mais quant à la forme, il est aussi relâché qu'il est possible de l'être. Ce qu'il exige du poète, celui-ci l'exige de lui-même, pour peu qu'il sache ce qu'il veut; ce sont des conditions inhérentes à la nature des choses. La poétique de l'auteur grec traite presque exclusivement de la tragédie, pour laquelle il a plus de prédilection que pour les autres genres de poésie. On voit qu'il parle d'après une grande expérience, et qu'il avait été témoin d'une grande quantité de représentations tragiques. Il n'y a, dans ɛon livre, rien de spéculatif, et pas la trace d'une théorie; tout est le résultat de l'expérience : mais le grand nombre de cas qu'il cite, et l'heureux choix de modèles qu'il a en vue, donne à ses observations expérimentales la qualité de lois. A l'égard du roman incomplet du Visionnaire, qu'on a récemment traduit en français, et qu'on a annoncé dans les journaux de Paris comme quelque chose de très-neuf, quoiqu'il fût traduit depuis vingt ans, M. Doering pense que ce furent les aventures mystérieuses de Cagliostro qui inspirerent à Schiller le projet de ce roman; mais M. Doering ne nous explique pas bien la raison pour laquelle Schiller s'arrêta au moment où la curiosité du lecteur était le plus excitée, et pourquoi l'auteur n'acheva jamais son roman. D-G.

108 (*).-Paulus uber den Ursprung der alt-hebraischen Literatur.— De l'origine de l'ancienne littérature hébraïque. Heidelberg, 1822. In-8°. de 200 pages.

C'est la seconde livraison d'un ouvrage publié par le savant M. Paulus, sous le titre de Theologisch-Exegetisches conservatorium, et qui contient un choix de remarques, jusqu'ici éparses, sur les documens religieux soit de l'ancien, soit du nouveau Testament. Le but de l'auteur est ici de montrer que les premiers pas de la littérature hébraïque sont dus à l'institution, à la fois politique et religieuse, des écoles du prophète Samuel. M. Paulus examine d'abord le caractère de Samuel dans ses développemens; à cette occasion, il traite du livre des Juges. Schiller avait déjà fait connaître ce morceau dans sa Thalia. Samuel y est plus jugé comme personnage historique que d'après les idées théologiques. Après ce début, vient une notice sur l'institution de Samuel pour l'éducation

« PreviousContinue »