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Tout fut fini: oui, pour ses relations matérielles avec nous qui continuons d'être citoyens de ce monde. Mais une nouvelle vie a commencé pour les relations morales avec tout ce qui, dans lui, n'appartenait pas à la matière; — avec ses sentiments, dont le souvenir se grave profondément dans le cœur de ses amis, comme une inscription sur le marbre tumulaire ; avec ses idées, dont l'influence sera sentie, même par ceux qui n'en connaîtront pas la source; avec les résultats de ses travaux, dont plusieurs profiteront sans le savoir et peut-être en le niant ; — enfin, avec cet élément de l'être humain qui, après avoir fait sa grandeur pendant quelques années, peut pas être destiné à périr, suivant ce que la raison et la foi nous font connaître de l'Etre infini, au sein duquel nous vivons, nous nous mouvons, nous sommes, et qui donne à ceux qui croient en lui, souvent même à ceux qui n'y croient pas, l'espérance de l'immortalité, le meilleur refuge que nous sommes heureux de trouver contre les douleurs inconsolables de la mort.

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Les obsèques de M. Barry ont eu lieu le 19 mars, dans l'Église de Saint-Exupère, sa paroisse. Le cercueil a été déposé provisoirement dans la chapelle du cimetière de Terre-Cabade, en attendant qu'on le transportât à Nîmes, auprès de celui de son épouse. Deux discours ont été prononcés; l'un, au nom de la Faculté des lettres, par M. d'Hugues, remplaçant le Doyen; l'autre, au nom de l'Académie, par M. GatienArnoult. Les journaux ont rendu compte de la cérémonie. Leurs comptes rendus, avec leurs articles et les discours prononcés, ont été réunis dans une brochure imprimée à Toulouse.

NOTES ADDITIONNELLES.

NOTE A, page 33.

Edward Barry, élève de l'Ecole normale, candidat au doctorat és-lettres. Sa thèse de littérature était intitulée: Essai sur les vicissitudes et les transformations du cycle populaire de Robin-Hood. Imprimé chez Rignoux, rue des Francs-Bourgeois-Saint-Michel, 8, Paris, in-80 de 102 pages.

En voici une analyse qui peut faire connaître ce qu'était l'auteur à cet âge de vingt-deux ans.

Le cycle populaire de Robin-Hood comprend un grand nombre de poésies, sous forme de ballades, « dont les premières rédactions ne doi» vent pas être de beaucoup postérieures à l'époque historique qu'elles > nous retracent, et dont les dernières ne remontent certainement pas » au-delà du temps d'Elisabeth, » seizième siècle. L'époque historique retracée dans ces poésies est celle qui suit la conquête de l'Angleterre par les Normands, ou le commencement du douzième siècle. Ainsi ce cycle a vécu plus de quatre cents ans.

L'histoire apprend quelle fut la situation de l'Angleterre, après l'invasion de Guillaume et de ses Normands Alors beaucoup d'indigènes refusèrent de subir leur joug et se réfugièrent dans les forêts du Nord, où ils opposèrent à l'étranger vainqueur et à ses partisans une résistance opiniâtre et leur firent une guerre acharnée. Robin Hood est le type de ces hommes, proscrits volontaires ou contraints, que les premières rédactions des ballades durent représenter assez fidèlement, tout en les grandissant et les embellissant, comme l'imagination du peuple le fait toujours en faveur de ceux qu'elle adopte pour ses héros.

Dans le trajet des quatre siècles pendant lesquels il a vécu, ce cycle a subi l'influence de deux genres de causes qui ont contribué à l'altérer, modifier ou transformer successivement.

Les premières de ces causes furent intrinsèques; les secondes extrinsèques.

Les causes intrinsèques sont celles qui tiennent à la nature même de l'esprit humain et aux lois de son développement. Ces poésies populaires étaient purement traditionnelles, c'est-à-dire qu'elles ne s'écrivaient

point et se transmettaient de mémoire. Mais la mémoire est faillible, sujette à des oublis et à des confusions; oublis auxquels on suppléait, confusions qu'on dissimulait : première cause d'altération. Le peuple

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aime à se retrouver lui-même dans son héros; mais le peuple est divisé en plusieurs classes, et chaque classe veut se retrouver en lui; elle veut avoir sa place dans sa vie, afin de l'avoir dans sa gloire, et elle s'y place en inventant des récits où elle intervient: seconde cause d'altération. Le peuple vit dans plusieurs lieux, et chaque lieu veut avoir possédé le héros. Le peuple a des habitudes différentes, suivant les lieux et les temps, et il veut que ces habitudes soient celles de son héros : il est de règle que « la poésie populaire prête ses habitudes à tous ses » acteurs, comme elle impose ses localités à tous ses tableaux troisième et quatrième causes d'altération. Le peuple a généralement une tendance aux méchancetés, un goût prononcé pour les médisances. La poésie cherche à le satisfaire par des allusions et des personnalités qui n'ont de sens qu'à certains moments ou dans certains lieux, et qui n'en ont plus dans un autre lieu et un autre moment: cinquième cause d'altération. - Enfin, le peuple change de croyances; pour lui aussi la vérité et la vraisemblance d'hier ne sont plus celles d'aujourd'hui, qui ne seront pas davantage celles de demain ; et il veut qu'on ne lui chante jamais que ce qu'il croit sixième cause d'altération. Et quand il ne croit plus rien de ce qu'on lui chante, quand il s'en moque, il n'y a plus de chanteurs, et tous les vieux chants sont oubliés. Ce qui arriva au cycle populaire de Robin Hood, vers le temps de la reine Elisabeth.

« Après qu'on s'est moqué d'une croyance, il n'y a plus qu'une chose » à faire, une seule, c'est de l'oublier... Là où il n'y a plus de foi, il » n'y a plus de poésie. »

Les causes extrinsèques d'autres altérations subies par ce même cycle sont les grands faits qui ont eu lieu dans ces quatre siècles et dont chacun a dominé toute une époque. « Car il y a dans ce petit monde de la » poésie populaire contre-coup de tout ce qui se fait ailleurs, retentis» sement de tout ce qui se dit au-dessus de lui... Le souvenir ancien » (des faits qui avaient donné lieu aux rédactions primitives) s'im› preignait à chaque siècle de l'émotion contemporaine; et des épo» ques très-distinctes y ont laissé leurs traces plus ou moins marquées > dans une série d'altérations qui s'effaçaient en se superposant. »

Les causes de ces altérations se groupent sous trois chefs: 1o la poésie chevaleresque; 20 l'esprit littéraire de la renaissance; 30 les alternatives de l'histoire politique. Les deux premiers chefs constituent une influence poétique; le troisième, une influence historique.

Il suffit de les indiquer sans entrer dans les détails que l'auteur termine par ces réflexions:

« Ces influences extérieures, soit historiques, soit poétiques, sont, > comme on le voit, d'une autre nature que les influences intérieures...

» Les altérations nées de ces influences extérieures sont, comme elles, » d'une nature à part. Elles sont moins générales, parce qu'elles ne sont » pas le produit de ces instincts, de ces penchants, de ces préjugés atta> chés essentiellement à l'esprit humain, et qui, comme cet esprit, sont > partout les mêmes jusqu'à un certain point. Elles sont plus particu» lières parce qu'elles représentent non plus, l'histoire d'un peuple, mais » l'histoire de tel ou tel peuple, en reflétant les grands événements qui » l'ont modifiée à diverses époques et qui lui ont donné son caractère » propre, son individualité.

➤ Aussi l'altération intérieure n'a point d'époque, point de date; ses > causes qui agissent de la même manière dans tous les pays agissent » aussi de la même manière à toutes les époques. L'altération extérieure › a son époque, son ère ; il est possible de la dater parce qu'elle répond > à des faits dont il est possible de déterminer l'époque. On pourrait » presque dire que l'une ressort de la philosophie, que l'autre est du » domaine de l'histoire... »

Après cette exposition des vicissitudes et des transformations de ce cycle de Robin-Hood, considéré au fond ou dans ses idées, l'auteur ajoute comme appendice quelques remarques sur la métrique et la langue de ces mêmes ballades qui ont eu aussi leurs transformations.

NOTE B, page 34.

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Edward Barry, professeur au Lycée de Lyon, traducteur de l'histoire de la Suède par Geier. Le fragment qu'il en publia en 1833, contenant 13 pages in-80 d'un texte serré, a été imprimé à Lyon en 1833, chez G. Rossary, rue Saint-Dominique, no 1. Il est précédé de quelques phrases sur Geier et son ouvrage. Il traite de l'Islande aux points de vue de la géographie, de la chronologie et spécialement de la littérature.

En 1836, M. Barry reprit à Toulouse le projet de publier sa traduction. I la fit annoncer dans un prospectus imprimé chez Lavergne, rue Saint-Rome, et ouvrit une souscription. L'ouvrage devait former deux forts volumes in-8°.

Le prospectus commençait ainsi : « Nous voulons publier, si le public » nous seconde, un livre qui manque à notre littérature savante, l'his» toire des origines du monde scandinave. » Le public ne seconda pas l'éditeur et le projet en resta encore là, définitivement pour cette fois. Nous ignorons ce qu'est devenu le manuscrit de la traduction, si toutefois il a jamais existé tout entier et mis au net.

NOTE C, page 35.

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Sur la chaire d'histoire à la Faculté des lettres de Toulouse pendant les années scolaires 1830-33. O Cette page de nos annales est assez curieuse pour être racontée ici, le seul endroit peut-être où elle sera jamais mentionnée et où elle pourra être trouvée par le futur historien de l'Académie universitaire de Toulouse, s'il existe un jour.

Au mois de juillet 1830, le titulaire de cette chaire était M. Larrouy, recteur de l'Académie, qui ne professait pas; il avait pour suppléant ou remplaçant M. Bole.

Après les trois journées de ce mois, qui furent la Révolution de 1830, M. Larrouy cessa d'être recteur. Des hommes importants du parti victorieux furent d'avis que M. Malpel, professeur à la Faculté de droit, devait lui succéder dans le Rectorat; ce qui eut lieu. Ils furent aussi d'avis qu'on lui donnât pour successeur dans la chaire d'histoire M. Dumège, qui jouissait à Toulouse d'une grande réputation pour ses connaissances et ses travaux en histoire et en archéologie, fondateur du Musée, inspecteur des antiquités dans le Midi, lauréat de l'Institut, etc. Mais M. Dumège, attaché au parti de la branche aînée des Bourbons, repoussa cette proposition d'entrer dans l'Université, sous le Roi de la branche cadette: il voulut rester ce qu'il était.

Les mêmes hommes pensèrent alors à M. Léonce de Lavergne, encore bien jeune (il avait 21 ans, né à Bergerac, le 24 janvier 1809, quatre mois et trois jours avant Edward Barry), mais déjà connu et renommé à Toulouse comme lauréat des Jeux-Floraux, rédacteur au Journal de Toulouse, professeur-répétiteur dans la principale pension de la ville, (M. Pech ). Il accepta; mais une difficulté surgit immédiatement.

M. Bole protesta contre son remplacement; il prétendit qu'il existait une différence essentielle entre le suppléant d'un professeur ordinaire de faculté et le remplaçant d'un recteur professeur extraordinaire. Le suppléant d'un professeur n'a, disait-il, qu'une mission accidentelle, passagère ou intérimaire : il ne l'avait pas hier, il l'a aujourd'hui, il ne l'aura plus demain. Au contraire, le remplaçant d'un recteur professeur a une mission essentielle, permanente et fixe. Il a mission de faire toujours le cours à la place du recteur. Si celui-ci a pour successeur dans le rectorat un homme qui hérite aussi de son titre de professeur, le même remplaçant reste. Mais si le successeur n'hérite pas de ce titre (et c'était le cas pour M. Malpel), le remplaçant prend de plein droit sa place et devient professeur titulaire. En conséquence, il réclama ce droit et protesta contre tout acte qui en serait la violation.

Je ne sais quel cas on fit d'abord de cette protestation au ministère. Ce qui est certain, c'est que la chaire resta vacante. Les amis de 8 SÉRIE. TOME 1, 2. 5

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