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et peu importe alors le maintien ou la suppression du tour, car l'enfant n'a plus à craindre d'attentats contre sa vie.

Je pourrais peut-être m'arrêter là dans l'examen des raisons spécieuses de nos adversaires tirées de la criminalité, mais je ne veux laisser aucune objection dans l'ombre ni aucun argument sans réponse, et je tiens aussi à relever ce qui a été dit dans ces dernières années de l'accroissement des morts-nés ou de la morti-natalite. M. le docteur Brochard, dans son livre: La vérité sur les enfants trouvés et dans sa pétition au Sénat sur le rétablissement des tours, accuse leur suppression d'avoir augmenté considérablement la quantité des morts-nés. En 1839, la France était la nation où on en constatait le moins, 27,490, et en 1868 les statistiques accusent 46,593; si on dépouille ces chiffres, on s'aperçoit que la mortinatalite des enfants naturels est près du double de celle des enfants légitimes. Sur 1,000 naissances, 40 à 41 mort-nés légitimes, 79 à 80 morts-nés naturels. Le rapport du nombre des mort-nés à celui des naissances, qui était en 1839 de 1 sur 35, était en 1873 de 1 sur 19, cette proportion s'élevait même à 1 sur 14 pour les naissances illégitimes.

Pour apprécier la valeur de cet argument, il faut d'abord s'entendre sur ce titre de mort-né. Régulièrement les morts-nés ne doivent comprendre que les enfants viables ayant au moins six mois de vie intra-utérine et morts avant d'avoir respiré.

Mais en France et dans d'autres nations, les nouveaux-nés présentés sans vie au préposé de l'état civil sont enregistrés morts-nés, et comme la loi accorde trois jours pour la déclaration à l'état civil, tous ceux qui succombent le premier ou le deuxième jour et quelquefois même le troisième, avant la présentation ou la déclaration à la mairie, sont confondus avec les vrais morts-nés.

Cette augmentation considérable des morts-nés depuis 1839 (de 27,490 à 46,593) en 1868 s'explique donc naturellement un peu par le développement de la population et beaucoup par l'enregistrement régulier de cette catégorie qui pendant longtemps, dans la plupart des communes, ne figuraient pas sur les registres de l'état civil; elle dépend aussi de la dénomi

nation arbitraire qu'on assigne à ce titre de mort-né. Si on compare notre morti-natalité en 1840 et de nos jours avec celle des autres Etats de l'Europe, il est impossible de fixer un rang à chaque nation d'après le nombre de ces morts-nés, proportionnellement à ses habitants. On ne peut comparer que des statistiques faites dans les mêmes conditions, et on ne peut pas additionner des catégories de morts-nés qui ne sont pas semblables. Ces catégories varient en effet en Angleterre, en Allemagne, en Italie, presque partout. La régularité d'ailleurs avec laquelle les registres de l'état civil en tiennent compte est encore incertaine. Nos adversaires ne sont donc pas plus autorisés à prétendre que la France occupait par ces morts-nés, parmi les nations de l'Europe, le second rang en 1840, qu'ils ne peuvent soutenir qu'elle est tombée aujourd'hui par une rapide augmentation au neuvième rang. Toute comparaison est fausse et erronée.

Quant à la proportion plus grande des morts-nés illégitimes, on sait qu'il faut faire toujours une large part à l'illégitimité qui doit nécessairement en augmenter le nombre. Ce n'est pas, selon l'opinion du docteur Maurin, de Marseille, et de Lankaster en Angleterre, parce que l'illégitimité entraîne à des infanticides déguisés, mais bien plutôt parce que les tentatives d'avortement du début, les chagrins d'une grossesse illégitime, la syphilis si répandue parmi les filles-mères, enfin, leur anémie presque constante dans les grandes villes entraîne nécessairement une débilité congénitale du fœtus. Voilà les principales causes chez les illégitimes de la progression déplorable de cette morti-natalité.

Dans les pays scandinaves, en Suède, une des nations qui sait le mieux conserver les nouveaux-nés, et où la criminalité des attentats contre la vie de l'enfant est très faible, le nombre des morts-nés illégitimes s'élève cependant à 147 pour 100 légitimes.

En tout cas, l'influence du tour paraît indifférente sur la morti-natalité, car elle est en Belgique à peu près la même (147) dans les provinces où le tour fonctionne que dans celles où il ne fonctionne plus. Il en serait de même en France si cette comparaison pouvait s'établir. Et, s'il est vrai que dans

certaines villes, comme l'affirment quelques médecins, beaucoup de morts-nés illégitimes sont dus à des infanticides dissimulés avec la participation de la personne qui a fait l'accouchement, il serait facile de découvrir tous ces crimes par la constatation du médecin de l'état civil et de les poursuivre rigoureusement pour inspirer une crainte salutaire. Cette mesure serait bien plus efficace que le rétablissement des tours. J'espère avoir réduit à leur juste valeur tous ces arguments de la progression effrayante, des attentats contre la vie des nouveaux-nés, infanticides, avortements, homicides par imprudence et morti-natalite qui servent depuis trop longtemps de thème brillant, mais non varié, à nos contradicteurs pour surprendre le cœur des gens du monde et créer, par des déclamations sonores et sentimentales, un courant d'opinion faux et artificiel.

Je me suis contenté, pour rétablir la vérité, d'analyser, de discuter quelques chiffres, de contrôler des statistiques, la statistique jouant ici le principal rôie, me rappelant à propos cette observation si juste de notre savant confrère, M. Bertillon, que si elle est une méthode d'investigation perspicace et puissante, elle peut être quelquefois bien dangereuse; car si elle n'est pas guidée ni éclairée par la critique, elle devient aussi redoutable pour la vérité que le serait pour le malade la main armée du chirurgien non guidé par l'anatomie, ni éclairé par la physiologie. (A continuer).

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BULLETIN DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE

PENDANT LE DEUXIÈME SEMESTRE DE L'ANNÉE 1878-79.

M. Rozy, appelé par l'ordre du travail, commence à lire un mémoire sur la Chambre de commerce de Toulouse, au dix-huitième siècle. (Imprimé, p. 278.)

- M. le Trésorier perpétuel prend la parole pour rappeler que l'Académie a formé une collection des portraits photographiés de ses membres, dans laquelle on remarque de nombreuses lacunes qu'il serait bien de combler autant que possible. Aussi invite-t-il ceux de ses confrères qui ne l'auraient déjà fait à passer chez M. Delon pour y faire exécuter leur portrait.

- M. le Secrétaire perpétuel rappelle aussi que chaque membre doit déposer une notice individuelle, et il engage ceux des membres qui ne l'auraient point encore déposée à vouloir bien se conformer à cet usage.

-M. ENDRES entretient l'Académie d'un projet, développé par M. Manier, professeur à Oxford, qui aurait pour but la construction d'un canal maritime à grande section, allant de la Méditerranée à l'Océan.

M. Rozy, qui a assisté à la conférence faite par M. Manier, quelques jours avant, dans la salle Montcavrel, donne de nouveaux détails sur ce projet. M. Forestier, qui a assisté aussi à la conférence, ajoute d'autres détails.

Plusieurs membres rappellent que divers projets ont déjà été proposés pour unir efficacement les deux mers; et ils pensent qu'il serait important de comparer tous ces projets.

M. SALLES présente un travail sur les étiages de la Garonne. (Imprimé, p. 135.)

Séance

du 24 avril

4879.

1er mai.

8 mai.

- M. le Trésorier perpétuel propose de déclarer deux places vacantes pour pourvoir au remplacement de M. Gaussail, décédé, et de M. Musset, qui par suite de son départ de Toulouse est passé dans le cadre des Associés correspondants.

M. TIMBAL-LAGRAVE fait remarquer qu'il n'y a pas à pourvoir au remplacement de M. Gaussail, et que M. Baillet a déjà remplacé M. Musset. Mais la place de M. Desbarreaux-Bernard, devenu associé libre, est toujours vacante.

M. le Président rappelle que l'éloge de MM. Leymerie et Barry devant être prononcé en séance publique du 8 juin prochain, il conviendrait d'ajourner jusqu'à cette époque, afin de déclarer alors la vacance de trois places, deux dans la classe des sciences et une dans la classe des lettres. Cette dernière proposition est adoptée.

M. TIMBAL-LAGRAVE communique à l'Académie, en son nom et en celui de M. Jeanbernat, un travail qui a pour titre : Une excursion aux Albères orientales. (Imprimé, p. 147.)

M. Rozy rend compte de la visite faite à M. le Maire relativement à la collection de M. Edward Barry.

« Messieurs, vous avez chargé une Commission composée de votre président, M. Brassinne, votre directeur, M. Duméril et moi, de nous rendre auprès de M. le maire Ebelot pour le solliciter en faveur de l'acquisition, par la ville, de la collection laissée par M. Edward Barry. » Je viens vous en rendre compte.

>> Nous n'avons pas eu besoin d'insister longuement pour que M. Ebelot comprit parfaitement l'importance de notre demande. Tout le monde sait quel est son goût éclairé pour les arts et combien il cherche à en retenir ou à en conquérir les manifestations pour notre ville. Voici la réponse qu'il nous a prié de vous transmettre:

« La collection laissée par le regrettable M. Barry se divise en trois parties distinctes :

« 1o Les meubles ou bahuts de confection toulousaine, et remontant aux derniers siècles;

» 2o La collection de poids;

» 3° La collection d'objets sculptés, notamment d'ivoire.

» La collection des meubles est d une importance toute spéciale pour Toulouse. Elle est due, en effet, à des artistes du terroir ayant un goût local, spécial et représentant une phase particulière de l'art dans notre pays. Elle peut donc servir de fondement à des études particulières, dont le guide et l'objet ne se trouveraient point ailleurs.

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