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pour la production et la circulation, elle s'est rangée du côté des vrais principes économiques qui tendent à supprimer les trop nombreux intermédiaires et surtout à ne point encourager les monopoles. En voici deux exemples:

Le 28 décembre 1723, un arrêt du Conseil, suivi bientôt de lettres patentes, en date du 24 janvier 1724, avait autorisé l'établissement d'un entrepôt dans toutes les villes du royaume, pour voiturer les marchandises par l'intermédiaire d'une grande compagnie, qui aurait ainsi exercé un véritable privilège. L'autorité de cet arrêt et de ces lettres patentes n'intimide point notre Chambre de commerce, et, le 20 mars 1724, elle présente contre l'organisation déjà autorisée des remontrances, très respectueuses en la forme, mais très fermes au fond (4).

En 1751, un magasin général, pour la vente du fer, avait été constitué à Foix. C'était aussi un monopole les représentants de ce magasin ne vendaient qu'à tel ou tel marchand déterminé, et il avait été autorisé par un arrêt du Conseil. Plusieurs marchands adressent une plainte à la Chambre de commerce de Toulouse; celle-ci l'accueille avec empressement et fait rédiger par l'un de ses membres, M. Désazars, un Mémoire destiné au contrôleur général. Cela suffit pour que l'affaire fût arrangée et le monopole du magasin général de Foix baissa pavillon devant les remontrances de la Chambre (2).

III

Rôles accessoires de la Chambre de commerce. Etendue territoriale de son pouvoir.

La Chambre de commerce de Toulouse n'avait pas pour fonction de rendre la justice, ni comme juge, ni comme arbitre. Seulement, aux termes de l'article 20 de l'arrêt du Conseil

(1) 2e registre, pages 96, 97 et 98.

(2) 4e registre, page 209,

qui l'instituait, aucun parere fait sur la place de la Bourse no devait avoir d'autorité dans les affaires de commerce qu'après avoir été présenté à la Chambre et approuvé par elle. L'on sait que les parere étaient des attestations données par des notables commerçants sur les questions délicates touchant au Droit ou à des usages commerciaux.

Mais il paraît bien que très souvent les parties aimaient mieux s'adresser à la Chambre de commerce directement, car, plus nous avancions dans l'étude des registres de ses délibérations et plus nous voyions s'augmenter le nombre des pa ere, rédigés par la Chambre de commerce elle-même, et non point seulement approuvés par elle, comme le disait l'arrêt du Conseil du 29 décembre 1703. Ce sont alors de véritables jugements, longuement motivés, rappelant soigneusement tous les faits de la cause et concluant à l'aide d'arguments bien déduits, soit en droit, soit en fait. On y rencontre quelquefois la solution de contestations qui se produisaient à l'occasion des modifications arbitraires si fréquentes, établies, de par le pouvoir royal, dans la valeur des monnaies. Je cite, commeexempie intéressant, une difficulté soulevée entre un banquier d'Oloron (Béarn) et un banquier de Toulouse, pour les avances qui avaient été faites à des étudiants en droit, d'Oloron, venus pour étudier à Toulouse. Quel était celui de ces deux banquiers qui devait supporter la perte résultant du haussement factice de la monnaie? (1)

Il arrivait même quelquefois que des magistrats consultaient la Chambre de commerce. Le procureur du sénéchal de Montauban lui demandait un parere, et elle et elle délibérait, le 5 août 4774, sur la question posée par ce magistrat : il s'agissait des droits du porteur d'un titre commercial dans les différentes faillites des endosseurs (2).

On dirait même que la Chambre de commerce était considérée comme investie d'une espèce de pouvoir disciplinaire. C'est ainsi qu'on la voit donner son opinion sur la situation

(1) 20 registre, pages 125 et 139.

(2) 6e registre, page 230.

d'un agent de change qui paraissait avoir malversé et conclure à ce qu'il soit interdit de sa fonction (1); présenter des observations sur un arrêt du Parlement de Toulouse, du 27 février 1756, défendant aux juges consuls de la Bourse de Montauban de connaître des affaires de faillite et de banqueroute (2); répondre à une consultation qui lui était demandée par l'Intendant de la province, sur l'ordre du contrôleur général, relativement à un réglement que venaient de rédiger les membres de la Bourse de Toulouse, relativement à l'augmentation de leurs attributions (3).

On le voit, l'influence morale de la Chambre de commerce de Toulouse était fort sérieusement appréciée, soit par les particuliers, soit par les pouvoirs publics. Elle donnait des avis, elle jugeait, elle administrait.

Ce n'est pas tout. Elle s'est constituée, quelquefois, en véritable corps académique.

C'est ainsi que, vers 1772 ou vers 1775, très exactement la date,

on ne sait pas notre Chambre de commerce établit un prix qui fut gagné par l'économiste Le Trosne. Seulement, elle avait très modestement délégué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres de la mème ville le soin de juger le concours (4).

En agissant ainsi au dix-huitième siècle, la Chambre de commerce ne faisait d'ailleurs qu'esquisser un rôle de protection qui s'est affirmé plus tard, notamment en 1808. En effet, le 20 février de cette année, la Chambre de commerce proposait plusieurs prix pour encourager les inventeurs et les auteurs à trouver des moyens propres :

4° A remplacer, par des produits du territoire français, une ou plusieurs des denrées ou matières nécessaires pour mettre les fabriques nationales dans une indépendance absolue des sols étrangers;

(1) 2e registre, page 71,

(2) 4e registre, 6 avril 1756, page 332.

(3) 6e registre; 3 avril 1772, page 142.

(1) Le fait a été rappelé par notre honorable collègue, M. Duméril, dans son Mémoire l'Economie politique devant l'Académie des inscriptions et belles-lettres de Toulouse au dix-huitième siècle, 1876, 7e série, tome IX, page 340.

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2o De remplacer les denrées dont la sensualité ou l'habitude ont fait un besoin, telles que le sucre ou le café;

3o De remplacer une ou plusieurs des principales drogues cxotiques, usitées en médecine (1).

Quand on a tàché ainsi de mesurer les limites de la compétence d'un corps au point de vue de la nature des affaires traitées par lui, une préoccupation naturelle vous porte à rechercher quelle était l'étendue de sa compétence au point de vue du territoire, au point de vue de la géographie.

La question n'est pas facile à résoudre ici.

L'arrêt du Conseil, qui établit la Chambre de commerce de Toulouse en 1703, se sert, dans l'article 19, d'expressions qui sont peu précises au point de vue de la compétence territoriale. Il y est dit simplement que les députés du commerce recevront les Mémoires qui pourront être adressés par les marchands et négociants, tant de ladite ville de Toulouse qu'autres. Cependant, il devait y avoir une limite géographique à la compétence de la Chambre de commerce de Toulouse. On voit, en effet, à la page 389 du second volume des délibérations, que la Chambre fait imprimer des lettres-circulaires à envoyer dans toutes les villes de la juridiction, pour engager les négociants qui y résident à envoyer tous les Mémoires ou plaintes. Cette expression de juridiction montre bien qu'il existait une circonscription territoriale.

En fait, l'on trouve des plaintes qui viennent de la ville d'Agde. La Chambre de commerce de Toulouse est aussi consultée sur l'établissement d'une Bourse à Béziers (2). Est-ce que la proximité de ces villes n'aurait pas dû les faire ressortir à la Chambre de commerce de Montpellier?

On le voit, le problème n'est pas commode. Il est vrai que, sous l'ancien régime, les compétences étaient généralement peu déterminées, très enchevêtrées. Mais, puisque l'on avait

(1) Le concours ne fut pas riche; mais il fit éclore quelques œuvres d'un intérêt assez piquant. Tei, piquant veut dire comique. Il y a notamment, pour la troisième question, un Mémoire l'un pharmacien, en latin, qui est fort réjouissant. (2) 6e registre, page 250.

créé en même temps les deux Chambres de commerce de Toulouse et de Montpellier, comment se fait-il que l'on n'ait pas songé à les délimiter respectivement ?

Sans doute, il y a deux présomptions qui tendraient à faire admettre que le ressort de la Chambre de commerce de Tou louse avait les mêmes limites que celui de la province du Languedoc :

4o Le procès-verbal de la première constitution de la Chambre est rédigé par-devant l'Intendant de la province;

2o La subvention donnée à notre Chambre est fournie par les Etats de la province.

Il semble donc que cette Chambre doit être utile à toute la province, puisqu'elle est organisée et rémunérée par les représentants de cette province. Mais, alors, que devient le ressort de la Chambre de Montpellier? Pour moi, la question est insoluble, tant que l'on n'aura pas trouvé de documents spéciaux.

Un dernier problème sollicite l'attention. Les Chambres de commerce pouvaient-elles correspondre entre elles et former ainsi des avis communs ?

Le pouvoir central était trop jaloux de son omnipotence pour laisser une pareille latitude à des corps qui relevaient de lui. On sait bien que, mème à l'heure qu'il est, les corps locaux constitués ne sauraient organiser des délibérations ou une action en commun. Il a fallu que la loi du 10 août 1871, sur les Conseils généraux, leur permit expressément de s'entendre, pour qu'ils pussent le faire valablement.

J'ai trouvé cependant, en 1724, au second registre des délibérations, la preuve qu'il y avait quelquefois des correspondances entre les Chambres de commerce. Le 15 janvier 1724, la Chambre de commerce de Toulouse reçoit une lettre des directeurs de celle de Bordeaux où on l'engage à se joindre à eux pour faire des remontrances, en cour, contre un arrêt qui paraissait nuire à la liberté du commerce. La Chambre de Toulouse répond qu'on est très sensible à l'attention des membres de la Chambre de Bordeaux et que l'on travaillera à

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