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deux jours après, des accidents formidables se déclarèrent et l'emportèrent en quelques heures.

D'ordinaire, les diabétiques succombent à une cachexie séreuse; la décomposition du sang amène un œdème du poumon et des extrémités inférieures ainsi qu'une hydropisie lente du cerveau.

D'autres fois, la mort survient presque subitement par une espèce d'empoisonnement qui se porte sur le système nerveux de la vie organique et suspend les fonctions du poumon et du cœur. C'est ce qui est arrivé pour le général, qui a été comme foudroyé.

Il y a peu de temps que la mort subite chez les diabétiques a été expliquée d'une façon satisfaisante. On trouvera des renseignements intéressants sur ce sujet dans l'excellent travail de M. le docteur Jules Cyr, inséré dans les numéros de décembre 1877 et janvier 1878 des Archives générales de médecine.

Des divers phénomènes observés pendant la vie, ou recueillis à l'autopsie des malades morts dans ces conditions, on a été amené à conclure à un empoisonnement, déterminé soit par le sucre luimême, dont l'excrétion est arrêtée et qui passe en nature dans la circulation, soit par une substance nommée acétone, qui a de l'analogie avec le chloroforme, ce qui est le résultat de la fermentation du sucre dans l'organisation.

Quoi qu'il en soit de ces explications, il reste certain que les glucosuriques doivent éviter toutes les causes de fatigue et d'émotions, toutes les perturbations physiques ou morales capables de détruire l'effet des médications ou des mesures hygiéniques dont ils ne peuvent se départir sans danger imminent.

M. BRASSINNE Communique à l'Académie un travail sur la mécanique rationnelle (imprimé p. 68).

L'ordre du jour appelant la nomination d'un secrétaire-adjoint, il est procédé à l'élection, et M. Brunhes est désigné, à l'unanimité, pour remplir ces fonctions pendant l'année académique 1878-1879.

26 décembre.

M. MAGNES-LAHENS, appelé par l'ordre du travail, donne lecture 2 janvier 1879. de la note suivante sur les médicaments externes à base de goudron. « J'ai, à plusieurs reprises, entretenu l'Académie des améliorations que j'ai apportées aux modes suivis jusqu'à nos jours pour administrer, à l'intérieur, le goudron végétal; je lui ai aussi présenté deux appareils de mon invention l'inhalateur-cigare et le fumigateur.

7o SERIE.

TOME XI.

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L'accueil que l'Académie a fait à mes appareils a trouvé un écho à Paris ils viennent d'y être médaillés par le jury de l'Exposition universelle.

» J'exposerai brièvement aujourd'hui la suite de mes travaux sur le goudron, en disant quelques mots de son usage à l'extérieur.

» Les préparations externes du goudron dont on peut suivre, à vue, les bons effets inspirent généralement une grande confiance; leur réputation est aussi ancienne qu'étendue. C'est sous forme d'emplâtre et de pommade qu'on employait autrefois le goudron à l'extérieur contre certaines maladies de la peau. La première de ces formes a été abandonnée peu à peu, non sans motifs. Associé à des corps durs qui lui communiquaient la consistance emplastique, le goudron perdait sa mollesse et agissait d'autant moins sur la peau qu'il acquérait plus de dureté; d'un autre côté, la haute température à laquelle il était exposé pendant la préparation de l'emplâtre éliminait une portion notable des principes volatils qui constituent principalement ses vertus. L'emplâtre ahandonné, on ne fit usage, pendant longtemps, que de la pommade de goudron à l'axonge. On s'en contentait faute de mieux; on lui reprochait de fuser et de laisser sur la peau et sur les linges de pansement du goudron séparé de l'axonge. On lui a substitué, depuis quelques années, un mélange de glycéré d'amidon et de goudron. La nouvelle préparation, bien supérieure à l'ancienne, ne m'a cependant pas semblé si irréprochable qu'on ne dût pas chercher à faire mieux ; je l'ai tenté en remplaçant l'amidon par le jaune d'œuf. Mon glycéré est d'une préparation facile, conserve longtemps son homogénéité et ne fuse jamais; il suffit d'un peu d'eau tiède pour nettoyer complètement la peau et les linges de pansement; en outre, l'huile contenue dans le jaune d'œuf modère, par ses propriétés lénitives, l'action irritante du goudron sans nuire, en aucune manière, à sa vertu curative.

>> La plupart des affections de la peau offrent un caractère particulier qui fait te tourment des médecins et des malades. Souvent, sous l'influence de la diathèse herpétique, elles reparaissent tout à coup, lorsqu'on les croyait complètement guéries, ou bien elles ne quittent une partie du corps que pour apparaître sur une autre, les applications de pommade goudronnée sur les points malades ne produisant, dans ces cas, qu'un effet momentané ou de simples déplacements. Il conviendrait, pour obtenir des résultats plus sûrs et plus durables, de combattre avec persévérance la diathèse herpétique sur tous les points à la fois où elle tend à pro luire ses fâcheux effets. C'est ce

qu'on pratique dans certaines contrées, dans le Holsten, par exemple (Dictionnaire des Sciences médicales), en couvrant, à plusieurs reprises, de goudron végétal le corps entier du patient. Bien peu de malades, en France, consentiraient à se soumettre à ce traitement qu'on peut, sans exagération, qualifier de barbare.

» J'ai substitué au procédé que je viens de mentionner l'usage de bains contenant seulement la partie du goudron susceptible de se dissoudre dans l'eau. Préparer de tels bains à l'aide du goudron ordinaire, était à peu près impraticable, à cause du peu de solubilité de ce corps dans l'eau et de sa fâcheuse propriété de salir tout ce qu'il touche. Mon goudron pulvérulent, duquel j'ai déjà entretenu l'Académie, pouvant se manier sans souillure et cédant à l'eau ses principes avec abondance et rapidité, fournit un bain d'une préparation prompte, facile et d'une grande propreté. Voici comment il s'obtient la quantité de goudron pulvérulent nécessaire pour un bain est renfermée dans un large sachet d'étoffe à mailles de dimensions telles que l'eau y pénètre avec facilité et que la poudre ne peut pas, en s'échappant, s'attacher à la peau du malade. Jeté dans le bain au moment où le malade y entre, le sachet laisse l'eau arriver librement jusqu'à la poudre; celle-ci joue le rôle d'une éponge et se gonfle considérablement, l'eau s'y sature des principes actifs du goudron et sous la moindre pression exercée par le malade elle s'en écoule pour faire place à de nouvelle eau qui se sature à son tour et ainsi de suite. En peu de temps, toute l'eau du bain se trouve suffisamment chargée. Le petit manége auquel le malade doit se prêter est pour lui un jeu et une distraction plutôt qu'une fatigue. Pendant que sa peau s'imbibe de goudron, il respire à longs traits, condition qui ne peut que lui être profitable, les vapeurs de goudron répandues dans l'air.

» Je termine ici ma note, craignant d'abuser de l'attention de l'Académie, que j'ai appelée souvent, trop souvent peut-être, sur le mème sujet. »

-M. MOLINIER, appelé aussi par l'ordre de lecture, communique à l'Académie un travail qui a pour titre : La Torture, étude historique et philosophique.

L'auteur fait remarquer qu'il est souvent dans les mœurs et dans les lois des choses qui sont généralement condamnées et qui cependant se maintiennent et ne disparaissent définitivement que lorsqu'après avoir cessé depuis longtemps d'exister dans le champ des idées, elles ne trouvent plus aucun appui dans les mœurs. C'est ce qu'on peut

constater par rapport à ce procédé barbare qui consistait à faire subir à des accusés des tourments atroces pour les contraindre à s'avouer coupables des crimes dont il n'était pas démontré qu'ils fussent les auteurs, ou pour obtenir, après qu'ils avaient été condamnés à mort, la désignation de leurs complices.

Considérée pendant des siècles comme un procédé inhumain, plus propre à égarer la justice qu'à la conduire dans des voies sûres, la torture était hautement condamnée par les jurisconsultes les plus éclairés et par les philosophes, et cependant on torturait toujours rudement avec une persistance qui manifestait un aveuglement acharné.

Il y plus, lorsque cette institution fut abolie, à la fin du dix-huitième siècle, dans presque tous les Etats de l'Europe, on la vit se reproduire, sous une autre dénomination, dans les mœurs judiciaires et dans les lois de quelques pays. En se rattachant à cette idée, trèscontestable, qu'il y a obligation pour un inculpé de déclarer, lorsqu'il est interrogé, la vérité lors même qu'il fournirait contre lui des preuves amenant sa condamnation, on en vint à décider que celui qui refusait de répondre ou qui ne répondait pas clairement et avec sincérité aux questions qui lui étaient faites, enfreignait un devoir et méritait ainsi d'être puni. On en vint à isoler ces inculpés dans des cachots en les tenant au pain et à l'eau, et mème à les faire châtier à coups de nerf de bœuf, jusqu'à ce qu'ils consentissent à faire des réponses trouvées convenables. Cet usage s'introduisit d'abord dans les Pays-Bas au commencement de ce siècle, c'est ce qu'on appela la peine de la désobéissance. Le lecteur cite des faits qui établissent que, dès l'année 1804, les juges employaient un semblable procédé à Amsterdam. Il donne lecture des textes d'un Code d'instruction criminelle sanctionné par la législature du canton dn Tésin, dans la Suisse, le 15 juillet 1816, qui prescrivait aux juges instructeurs l'emploi de mesures très-rigoureuses et même des coups de nerf de bœuf appliqués à nu sur le dos des inculpés, lorsqu'ils persistent, avec opiniâtreté, dans leurs déné gations, dans des contradictions ou dans un silence obstiné. C'est bien là la torture reparaissant au dix-neuvième siècle. Aujourd'hui, le canton du Tésin et les autres cantons de la Suisse ont des Codes nouveaux dans lesquels on ne trouve plus de semblables restes des temps passés.

Le lecteur montre la torture en action. Elle était donnée d'une manière très-rude au Parlement de Toulouse, dans la chambre de la Gène, près les prisons du Capitole, où étaient les appareils nécessai

res pour faire subir deux questions différentes, celle de l'estrapade, consistant dans une suspension de l'accusé, par les bras, liés derrière son dos, et par une extension de ses membres; celle à l'eau qui se donnait en couchant le patient sur un tréteau, où il était contenu par des cordes, passées à ses bras et à ses jambes, et en lui faisant avaler à travers une serviette, qui couvrait son visage, un certain nombre de pots d'eau. Le lecteur communique à l'Académie des procès-verbaux qui sont aux archives du Parlement de Toulouse, dans lesquels sont décrits ces procédés barbares, sont constatés des interrogatoires qui ne produisent pas des aveux, et sont relatés, même les plaintes et les cris que des douleurs atroces arrachaient à ceux qui étaient ainsi soumis aux procédés barbares des anciennes lois criminelles.

Quelquefois, les malheureux inculpés expiraient en subissant ces tourments. C'est ce qui arriva le 29 mai 1717, à un orfèvre de Montauban, âgé de 49 ans, accusé d'avoir acheté à des malfaiteurs des vases d'argent, volés dans des églises de Toulouse. Comme le fait qui lui était imputé n'était pas suffisamment établi pour qu'il pût être condamné, le Parlement ordonna qu'il serait soumis à la question ordinaire et extraordinaire. Il fut torturé par l'estrapade une première fois, le 14 mai 1717, et une seconde fois, d'abord à l'estrapade, puis à l'eau, le 29 du même mois. Le procès-verbal constate qu'en subissant cette seconde question à l'eau, on le détacha, parce qu'il ne donnait plus aucun signe de vie. Les registres de l'état civil constatent, en effet, à cette date son décès.

Le lecteur rapporte aussi des faits qui attestent que les accusés que la torture ne tuait pas restaient très-souvent estropiés pour le reste de leur vie, ou perdaient des membres. Il termine sa lecture en faisant ressortir les dangers auxquels exposent les moyens de contraintes employés envers les accusés, pour leur arracher des aveux, en citant l'affaire de la femme Daise, condamnée il y a quelques années, aux travaux forcés à perpétuité, sur ses aveux, à raison d'un parricide qu'elle n'avait pas commis, ainsi que cela fut reconnu à suite d'une instance en révision.

M. Duméril fait remarquer le grand intérêt que présente le mémoire qui vient d'être lu, soit pour l'histoire générale de la justice criminelle, soit pour son histoire particulière au Parlement de Toulouse. S'attachant à la question spéciale de la torture, au moyen âge, il en montre quelques rapports avec le Code de procédure de l'Inquisition, et avec la marche suivie devant le tribunal ecclésiastique dans le sacrement de Pénitence. Ici, en effet, le point principal est la confession des

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