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des maîtres qui savent l'aimer et qu'il peut aimer. Quand il retourne le soir de l'atelier à l'école, il a presque le droit de se dire qu'il rentre chez lui. Un patronage est encore plus nécessaire pour les filles. Auprès de Lyon, on n'a fait pour elles que des pensionnats sévères, moitié ateliers, moitié prisons; la charité a été mieux inspirée à Mulhouse. Un très-modeste couvent catholique, celui des sœurs Cénobies, reçoit à bas prix les jeunes ouvrières, leur donne le coucher et la nourriture, et les laisse libres de travailler dans les ateliers de la ville. Quelques ouvrières restent indéfiniment dans cette maison, qui n'exige d'elles, après le rude travail de la journée, que de se distraire d'une façon décente; d'autres y descendent seulement, comme elles descendraient chez des amies, pendant le temps nécessaire pour trouver, avec l'aide des sœurs, une famille honnête qui consente à les recevoir; d'autres enfin, qui ne veulent pas loger en garni, restent au couvent jusqu'à ce qu'elles aient réuni les deux ou trois meubles les plus indispensables : la supérieure garde leurs économies, et leur vend elle-même pièce par pièce le lit sur lequel elles couchent.

Mais les patronages d'adultes qui, pour contrebalancer l'influence des cafés et des cabarets, réunissent les ouvriers dans un local surveillé, et leur donnent à jouer et même à boire, ne font tout au

plus que guérir un mal par un autre. Il n'est pas prudent de lutter ainsi contre les cabarets sur leur propre terrain. On évite l'ivrognerie, la dette, les dépenses excessives, les querelles, les entraînements au libertinage, c'est un grand bien; mais on encourage chez le mari, chez le père, l'habitude de vivre loin de sa femme et de ses enfants. Ne erainton pas de donner à des ouvriers hésitants un prétexte pour vivre hors de leur maison, de sanctionner et de régulariser une habitude funeste en elle-même, puisqu'elle contribue à détruire la vie de famille? Une pareille réforme n'est évidemment qu'une réforme de surface; elle ne régénère pas les hommes, elle ne va pas jusqu'aux cœurs. Ces honnêtes cabarets ne sont qu'une méprise. C'est aux plus profonds et aux plus puissants sentiments de l'àme qu'il faut faire appel. Il ne s'agit, en un mot, ni de gouverner ni d'enrégimenter les ouvriers, mais d'en faire des maris, des pères, des hommes. Il faut les habituer à vouloir; ce grand pas fait, qu'on se repose sur eux de tout le reste1.

1. A Paris, l'administration est entrée dans cette voie, où la pousse avec prudence et fermeté son directeur actuel, M. A. Husson. Pour encourager les mères à élever leurs enfants, on leur accorde des secours de 8, 10 et 12 francs non compris la layette. Ces secours ne sont pas absolument périodiques, mais il est des cas où l'allocation est mensuelle et dure plusieurs années. Les femmes les plus dignes d'intérêt reçoivent une nour

Si le travail en commun est la grande source du mal, n'en aggravons pas les effets par nos remèdes. La vapeur nous apporte forcément une sorte de communisme; c'est assez de celui-là, prenons garde d'y ajouter celui de l'assistance. L'ouvrier ne s'appartient pas pendant les douze heures qu'il passe au service du moteur mécanique; qu'il soit du moins rendu à lui-même dès qu'il a passé le seuil

rice de la rue Sainte-Appoline; alors le secours équivaut à 17 fr. par mois et il est prolongé pendant dix mois. Une troisième catégorie de femmes reçoit le montant du premier mois de nourrice, lorsque l'enfant est placé chez une nourrice particulière et que la mère ne demande qu'à être secourue au moment de ses couches. Ce dernier secours varie de 15 à 24 fr. une fois payés. Le nouveau système de secours au mois a déjà produit de bons résultats à Paris; appliqué seulement en juin 1860, il a contribué pour cette année à réduire de 203 le nombre des abandons. Cette diminution est égale au vingtième des enfants délaissés annuellement. Dans quelques villes, et notamment à Amiens, de pareils secours sont accordés, mais seulement aux filles-mères. Les hospices de Paris ont maintenant leurs pensionnaires externes, comme l'hôtel des Invalides. 1137 secours en remplacement d'hospice sont distribués annuellement; ces secours sont de 253 francs pour les hommes et de 195 francs pour les femmes. Dans ce nombre ne sont pas compris les secours de 5 à 12 francs par mois distribués aux aveugles, aux paralytiques et aux septuagénaires: 5271 personnes ont pris part à ces secours en ⚫ 1860. Enfin l'attention de l'administration de l'assistance publique se porte tout particulièrement sur les maladies de l'enfance. Elle a ajouté à ses deux hôpitaux d'enfants un hôpital à la campagne pour les scrofuleux : l'hôpital de Forges, et elle vient de fonder sur les bords de la mer, à Berck (Pas-de-Calais), pour les mêmes malades, un quatrième établissement où déjà l'on obtient les plus remarquables guérisons. Ces mesures, com

de la manufacture; qu'il puisse être mari et père; qu'il sente sa volonté et son cœur.

binées avec une nouvelle organisation du traitement externe des scrofules et de la teigne sont autant de bienfaits pour la population pauvre de Paris.

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CHAPITRE III.

INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE. ASSOCIATIONS DE SECOURS MUTUELS. CAISSES D'ÉPARGNE.

Au nombre des institutions qui font un grand bien et ne peuvent faire aucun mal, nous plaçons en première ligne l'association et l'épargne, parce qu'elles fondent la prospérité matérielle de l'ouvrier, et contribuent à son avancement intellectuel et moral. Elles ne le cèdent qu'aux écoles, comme instruments de moralisation et de progrès.

Nous avons vu, il y a quelques années, le principe de l'association invoqué et proscrit tour à tour avec une égale injustice. L'association n'est pas applicable à toutes les fonctions sociales et ne peut pas guérir toutes les plaies: mais il est désormais surabondamment prouvé en finances et en industrie que les plus grandes forces sont celles qui résultent du concours d'un grand nombre de petites forces, et que le plus grand banquier du monde est celui qui dispose de l'obole du prolétaire. Le développement de l'association est le correctif nécessaire de

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