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QUATRIÈME PARTIE

LE SALUT PAR LA FAMILLE

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La plupart des hommes vivent à côté de la misère sans la voir. Il est malheureusement plus facile de leur montrer le mal que de leur enseigner le remède. C'est une grande illusion de croire qu'avec un article de loi ou quelque combinaison économique nouvelle on va transformer tout à coup une société malade et guérir la plaie saignante du paupérisme. Nous avons vu naître et périr bien des théories qui devaient sauver le monde, et qui n'ont abouti qu'à le troubler un peu plus profondément. Ce n'est pas une raison de désespérer. Sans avoir la prétention d'innover en matière de bienfaisance, on peut suivre à la trace ceux qui ont aimé l'humanité

et qui l'ont secourue, profiter à la fois de leurs erreurs et de leurs exemples, et dans cette humble mesure, avec beaucoup de zèle, un peu de bon sens et de patientes études, faire modestement quelque bien.

Le plus sûr moyen de triompher du paupérisme serait d'habituer les ouvriers à la vie de famille. Quand après une journée de fatigue ils n'ont pas d'autre perspective que l'hospitalité banale d'un cabaret et d'un garni, leur condition est vraiment cruelle; tout change, si en revenant le soir, ils sont sûrs de retrouver au logis des cœurs aimants, des soins attentifs, ce bonheur sérieux et solide que la famille seule peut donner et dont rien ne compense la privation. Ce retour aux habitudes et aux vertus domestiques est le rêve, est l'espoir de tous ceux qui aiment les ouvriers; mais comment le réaliser ? Comment lutter contre l'influence des manufactures, qui ne cessent d'enrégimenter les enfants et les femmes ?

Le nombre croissant des manufactures n'est pas la seule cause de la destruction de la vie de famille; il en est la principale. Les manufactures contribuent de deux façons à produire ce triste résultat en employant la plupart des femmes dans des ateliers où elles sont retenues loin de leur ménage et de leurs enfants pendant la journée entière, et en rendant pour les autres le travail isolé absolument impro

ductif, ce qui les pousse à chercher des ressources dans l'inconduite.

Si on demande à la nature même du mal l'indication des remèdes, en voici trois qui se présentent pour ainsi dire d'eux-mêmes, et qui tous les trois ont été proposés ou essayés : interdire aux femmes l'entrée des manufactures, celui-là est le remède héroïque; relever leurs salaires dans la petite industrie pour qu'elles renoncent d'elles-mêmes au travail des grands ateliers; favoriser directement la conclusion des mariages.

C'est un économiste célèbre qui, à la suite d'une enquête dans le cours de laquelle il avait vu de près la situation des ménages d'ouvriers, proposa d'interdire absolument le travail des femmes dans les manufactures. Il est à peine nécessaire de dire qu'une loi de ce genre serait aussi injuste qu'impraticable. Personne ne peut songer sérieusement à priver d'un seul coup les fabriques françaises de la moitié des bras dont elles disposent et à rejeter brusquement cette masse d'ouvrières sur les travaux de couture, quand il est avéré que la petite industrie ne nourrit même pas son personnel actuel.

Comment s'y prendrait le législateur pour ôter aux femmes le droit de vivre en travaillant, et pour ajouter à leur faiblesse naturelle une incapacité légale? Il faut laisser aux communistes de toutes les écoles ces prétendus remèdes, qui sont des atten

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