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PREMIÈRE PARTIE

LES FEMMES DANS LES FABRIQUES

DE SOIE

PREMIÈRE PARTIE.

LES FEMMES DANS LES FABRIQUES DE SOIE.

CHAPITRE PREMIER.

LES ATELIERS DE FEMMES, ET LEUR INFLUENCE SUR LE BIENÊTRE ET LA MORALITÉ DE LA FAMILLE.

On dit quelquefois que la littérature d'une société en est le miroir, et que les auteurs qui songent le moins à la peindre lui empruntent, malgré eux, ses idées et ses sentiments. Si l'on voulait nous juger par nos livres les plus répandus et nos pièces les plus applaudies, on éprouverait un singulier embarras; car le succès se partage presque également entre la peinture du vice et les lieux communs d'une morale sévère. C'est peut-être que nous hésitons, en effet, entre nos lumières et nos penchants, et que, tout en conservant des habitudes répréhensibles, nous commençons à en sentir des remords.

Nous voyons tous les jours qu'on s'efforce de nous initier aux moindres détails de la vie des courtisanes, et qu'on ne néglige rien pour les justifier et les rendre aimables; cependant, on n'attaque pas directement la famille; au contraire, on est prodigue de respects envers elle, c'est une arche sainte à laquelle personne n'oserait toucher; le public. même ne le souffrirait pas. Il y a une trentaine d'années, tout était bien différent; on se soucia:t moins des courtisanes, mais on faisait de tous côtés l'éloge de l'adultère. Une femme n'était intéressante dans un roman et sur la scène, qu'à condition de trahir la religion, la société, sa parole, son mari et ses enfants.

Ainsi le mal s'est déplacé, on peut même dire, avec un peu d'optimisme, qu'il a diminué. Si c'est un symptôme, accueillons-le favorablement, et rendons-en grâces. Quand les liens de la famille se relâchent, c'est le plus grand malheur qui puisse arriver à un peuple. Il lui importe d'avoir des lois libérales, des campagnes bien cultivées, un commerce florissant, mais il lui importe encore plus d'avoir des mœurs. C'est le bien qui donne tous les autres, et sans lequel tous les autres ne sont rien.

En ce moment tous les meilleurs esprits sont préoccupés de conquérir et de fonder la liberté; or, il n'y a pas de liberté sans mœurs. Une liberté que

personne ne réclame et dont personne ne se sert, n'est pas même le fantôme de la liberté. Toutes les fois que, dans un pays, les habitants ne savent pas répondre de leurs opinions et de leurs actes, compter uniquement sur eux-mêmes, et faire leurs affaires de leurs propres mains, il faut qu'ils aient ou qu'ils se donnent un maître. Soyez hommes, si vous voulez être citoyens.

Ceux qui pensent que la famille est moins fortement constituée aujourd'hui qu'avant la Révolution, attribuent quelquefois ce relâchement au Code civil, parce qu'il a imposé à la durée de l'autorité paternelle une limite certaine et uniforme, aboli le droit d'aînesse, et assuré une réserve aux enfants'. Mais ces réformes, rendues nécessaires par la nouvelle organisation' politique de la société, n'ont pas eu pour résultat d'affaiblir les liens de la famille. Avant le Code civil, l'autorité paternelle n'était pas illimitée dans sa durée. Sous l'ancien régime, elle ne dépassait pas l'époque de la majorité dans les provinces de droit coutumier, et la loi qui, dans les provinces de droit romain, la prolongeait indéfiniment, et même au delà du mariage des enfants, était depuis longtemps tombée en désuétude. Le droit d'aînessè pouvait être néces

1. Art. 488, 745, 913, 1094, 1098 du Code civil.

2. « La puissance paternelle n'est que superficiaire en France; et par nos coutumes en ont été seulement retenues quelques

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