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DE L'ARTICLE.

L'ARTICLE défini le ou l'article indéfini un accompagnent le nom, à moins qu'un article-adjectif ne les remplace:

L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu.
La Rochefoucauld.

Un article ne saurait suffire à plus d'un nom :

Les biens et les maux extrêmes ne se font pas sentir aux âmes médiocres. Vauvenargues.

Un enfant ne doit connaître d'autres supérieurs que son père et sa mère. J. J. Rousseau.

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Ce n'est que dans le langage des affaires qu'on tolère : LES enfants et petits enfants, LES père et mère, LES préfet et maires de Paris.

Quand deux adjectifs se rapportent à un même nom, comme dans l'exemple suivant, un article suffit.

À ces mots il lui tend le doux et tendre ouvrage.

Boileau.

C'est donc à tort que La Bruyère a dit :

L'utile et la louable pratique de perdre en frais de noces le tiers de la dot qu'une femme apporte.

Mais on dirait en répétant l'article, parce qu'il y a deux objets dans l'esprit, et ellipse d'un nom dans la phrase:

J'ai connu ton père et ta mère

Dans leurs bons et leurs mauvais jours. V. Hugo.

L'article peut se sous-entendre dans la phrase suivante, les adjectifs étant unis par la substitutive, ou, et l'ellipse ne causant pas d'obscurité :

Il ne faut regarder dans ses amis que la seule vertu qui nous attache à eux, sans aucun examen de leur bonne ou mauvaise fortune. La Bruyère.

Le plus, le mieux, le moins, locution superlative formée d'un article et d'un adverbe, peut se rapporter: 1, à un adjectif ou un participe sans auxiliaire; 2, à un verbe; 3, à un passif.

Quand cette locution se rapporte à un adjectif ou à un participe sans auxiliaire, l'article s'accorde avec le pronom ou le nom, si l'objet est comparé à d'autres; il s'accorde avec plus, si l'objet est comparé à lui-même :

Les mœurs sont une des parties les plus importantes de l'épopée, et ce n'est point celle sur laquelle les critiques aient été le moins injustes envers Homère. La Harpe.

Quand cette locution se rapporte à un verbe, l'article s'accorde toujours avec plus:

J'admirais les coups de la fortune qui relève tout à coup ceux qu'elle a le plus abaissés. Fénelon.

Quand cette locution se rapporte à un passif, la pratique des auteurs n'est point uniforme: tantôt, ils assimilent le participe à un adjectif, et appliquent la règle donnée plus haut pour l'adjectif, ce qui est le plus correct; tantôt, ils font accorder le avec plus alors même que différents objets sont comparés, traitant ainsi le verbe passif comme un autre verbe :

Les arts du premier besoin ne sont pas les plus considérés. Marmontel.

est préférable à :

Le plus ingénieux de tous les maîtres est celui dont les leçons sont le plus goûtées. Le Batteux.

Les plus goûtées serait mieux, comme rendant plus fidèlement l'idée.

Du, de la, des, de, s'emploient idiomatiquement en français pour exprimer le sens partitif: cet homme a DES talents, c.-à-d. quelques talents, une certaine portion des talents.

Du, de la, des, s'emploient dans les phrases affirmatives ou interrogatives; de dans les phrases négatives:

Le luxe peut être nécessaire pour donner du (quelque) pain

aux pauvres ; mais, s'il n'y avait point de (aucun) luxe, il n'y J. J. Rousseau.

aurait point de pauvres.

Avez-vous de l'argent? n'avez-vous pas d'argent. Acad.

De s'emploie aussi dans les phrases affirmatives, lors qu'un adjectif précède le nom :

Vous avez de l'huile admirable, et d'excellent poisson.

Sévigné.

L'abbé de Saint-Pierre appelait les hommes de grands enfants; on pourrait réciproquement appeler les enfants de petits hommes. J. J. Rousseau.

Cependant, si l'adjectif et le nom forment un nom composé, on emploie du, de la, des :

Dire des bons mots. Manger des petits pâtés. Acad.

Heureux, si de son temps, pour cent bonnes raisons,
La Macédoine eût eu des petites-maisons. Boileau.

Une interrogation négative équivaut parfois à une affirmation, et alors l'article demeure:

Quel français n'a répandu des larmes

Sur nos défenseurs expirants? C. Delavigne.

N'avez-vous pas de la santé, de la fortune, des amis? que vous faut-il de plus ? Acad.

Voici deux propositions négatives dans chacune desquelles le nom est suivi d'un adjectif; dans la première, on trouve de selon la règle; mais, dans la seconde, on

trouve des, la négation portant non sur l'objet, mais sur

l'attribut:

Ne me fais point ici de contes superflus.

Voltaire.

Madame, je n'ai point des sentiments si bas. Racine.

Des s'emploie dans la proposition négative de l'exemple suivant, à cause de la proposition déterminative se rapportant au nom:

On ne soulage point des douleurs qu'on méprise. Racine.

L'Académie écrit: parler sans faire DE fautes, sans équivalant à une négation; et il ne peut parler sans faire DES fautes, sans étant neutralisé par la proposition négative dont il dépend, et le sens étant affirmatif à l'égard des fautes.

Ne que s'emploie idiomatiquement pour signifier seulement. Entre ne et que on emploie de, l'effet de la négation durant encore, mais après que on emploie du, de la, des, la négation étant neutralisée :

À ces vains ornements je préfère la cendre,

Et n'ai de goût qu'aux pleurs que tu me vois répandre.

Racine.

Je n'ai jamais eu d'yeux que pour votre personne. Corneille.

Tu n'avais qu'un regard pour mesurer la terre

Et des serres pour l'embrasser. Lamartine.

C'est par une licence, et afin de donner plus d'abondance

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