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» mais plus difficile à perdre; exact » observateur des lois de l'amitié » l'honnête homme chez lui, n'é» tait négligé nulle part. Il avait » tout ce qui peut retenir. Il était » en même temps propre au com » merce le plus délicat, et aux » sciences les plus abstraites.Modeste » dans ses discours et simple dans » ses actions, la supériorité de son » mérite se montrait d'elle-même; » mais il ne la faisait jamais sentir. » De tellés dispositions sont bien » propres à mettre le calme dans » l'ame: aussi possédait-il la sienne » si fort en paix, que toute la ma» lignité de l'envie n'a jamais eu » le pouvoir de l'ébranler. Il avait »le talent rare de la raillerie fine » et délicate, et le merite encore plus rare de ne point s'en servir

» ou s'il l'a quelquefois employé, » ce n'a été qu'à l'oreille de ses » amis; aussi disait-il qu'il ne lui » était jamais arrivé, de jetter lẹ » moindre ridicule sur la plus pe»tite vertu. En un mot, il était » du petit nombre de ceux auxquels » on verrait accorder sans jalousie » le privilége de l'immortalité ».

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Ce portrait est un peu flatté; il est de la main d'un amie: en voici un petit correctif dans celui que la Bruyère trace de Fontenelle dans ses caractères. sous le nom de Cydias.

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« Cydias est bel, esprit, c'est sa » profession; il a des ouvrages de » commande, il ne saurait vous » rendre de plus d'un mois les » stances qu'il vous a promises » s'il ne manque de parole à Da

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sithée, qui l'a engagé à faire une élégie. Une idylle est sur le mé» tier, c'est pour Crantor qui le » presse..... prose, vers, que vou» lez-vous ? il réussit également en » l'un et en l'autre. Demandez-lui >> des lettres de consolation, ou sur » une abscence, il les entreprendra, » prenez-les toutes faites et entrez » dans son magasin, il y en a à » choisir..... Cydias, en société, » après avoir toussé, craché, mou» ché, relevé sa manchette, étendu

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la main et ouvert les doigts, dé>> bite gravement ses pensées quin»tessenciées et ses raisonnemens so>>phistiques. Différent de ceux 9 » qui, convenant des principes et >>> connaissant la raison ou la vé» rité qui est une, s'arrachent la pȧ» role l'un à l'autre pour s'accorder

» sur leurs sentimens, il n'ouvre » la bouche que pour contredire ; » il me semble, dit-il gracieuse»ment, que c'est tout le contraire » de ce que vous dites, ou : je ne » saurais être de votre opinion, ou » bien : ç'a été autrefois mon entế»tement comme il est le vôtre, mais.... » il y a trois choses, ajoute-t-il, » considérer..... et il en ajoute urre » quatrième. Fade discoureur, qui » n'a pas mis plutôt le pied dans » une assemblée, qu'il cherche quel»ques femmes auprès de qui il » puisse s'insinuer, se parer de son »bel esprit ou de sa philosophie,

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» et mettre en œuvre ses rares con

» ceptions: car soit qu'il parle ou > qu'il écrive, il ne doit pas être » soupçonné d'avoir en vue ni le vrai, ni le faux, ni le raison

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»nable, ni le ridicule; il évite » uniquement de donner dans le » sens des autres, et d'être de l'a»vis de quelqu'un...... Cydias s'é» gale à Lucien et à Sénèque..... » C'est en un mot un composé du » pédant et du précieux, fait pour » être admiré de la bourgeoisie et » de la province, en qui néan» moins on n'apperçoit rien de grand » que l'opinion de lui-même ».

La marquise de Lambert qui a long-tems vécu dans la société de Fontenelle, a tracé le portrait de ce philosophe, et c'est sans contredit celui où il se trouve plus de ressemblance. En voici quelques

traits:

« Sa figure est aimable.... esprit » profond et lumineux, il voit où » les autres ne voyent plus; il s'est

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