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réveiller mutuellement leur propre activité. Il suffit, en effet, qu'une d'elles fonctionne pour que le fonctionnement des autres s'ensuive.

La route que nous avons assignée tout à l'heure au mouvement impressionneur, des nerfs sensitifs aux couches optiques, et de ces dernières aux cellules de la couche corticale, n'est pas la seule voie suivie par ce mouvement. Les couches optiques sont unies par des fibres spéciales à un autre noyau de cellules que l'on désigne sous le nom de corps striés. C'est dans ce noyau que viennent aboutir toutes les fibres des nerfs du mouvement.

Ces connexions anatomiques sont déjà une présomption en faveur du rôle important que nous attribuons aux corps striés dans l'exécution des mouvements. Cette présomption s'est transformée en certitude, quand nous avons vu l'abolition de tout mouvement succéder, chez les chiens vivants, à la destruction de ces organes. Dès lors, il nous a paru possible d'expliquer le mécanisme fonctionnel de tous les mouvements volontaires ou involontaires.

Les mouvements sont involontaires lorsque la cause impressionnante, un danger, par exemple, est assez vive pour réveiller directement l'activité des corps striés et provoquer aussitôt, par l'intermédiaire des nerfs moteurs, un mouvement déterminé.

Les mouvements sont volontaires lorsque la cause impressionnante donne le temps à l'attention de soumettre l'impression sentie à la pierre de touche des connaissances acquises, de réveiller, par conséquent, l'activité des cellules de la couche corticale. Ce n'est qu'après cet examen que l'impression dominante, dans les couches. optiques, détermine l'exécution du mouvement qui lui est corrélatif.

Dans le cas des mouvements involontaires, le mouvement exécuté est ce qu'on appelle vulgairement un premier mouvement. Dans le cas des mouvements volontaires,

l'examen préalable a fait prévaloir dans les couches optiques une impression dominante qui donne au mouvement exécuté les caractères d'un mouvement raisonné et voulu. Les mouvements de la parole rentrent dans ces derniers mouvements.

Là s'arrêtent les résultats de nos expériences; il est temps de revenir au phénomène perception.

Tout sentiment, toute sensation actuelle ou de souvenir, se produisent donc dans les couches optiques. Ne pouvant pas déterminer l'essence même de ce phénomène merveilleux, unique en son genre, nous essaierons du moins d'indiquer les conditions nécessaires qui président à son développement.

Toute cause impressionnante est un certain mode de mouvement le son, l'image, les odeurs, les saveurs, considérés comme causes impressionnantes, sont des mouvements particuliers. Ces divers mouvements impressionnent les nerfs d'une façon différente. C'est pourquoi à chaque espèce de mouvement est affecté un nerf spécial susceptible d'être impressionné seulement par cette espèce de mouvement: les nerfs de l'odorat ne sont pas impressionnés par le mouvement lumineux; les nerfs du goût ne sont pas impressionnés par le mouvement sonore, etc., etc. Tout est divers, spécial, dans les causes comme dans les agents qui transmettent leur influence. Le microscope, l'histochimie, n'ont pas encore dévoilé dans les nerfs et dans les cellules cérébrales la cause immédiate et matérielle de cette diversité, mais elle existe, nous dirons plus, elle est nécessaire.

Voilà donc des mouvements divers, spéciaux, qui impressionnent les nerfs sensitifs; ceux-ci, sous l'influence de l'impression, sont le siége d'un certain mouvement, et ce mouvement est transmis de proche en proche jusqu'aux couches optiques. Ce certain mouvement est accompagné d'une perception et à chaque mouvement différent correspond une perception différente. Telles sont les conditions exactes, physiologiques du phénomène percep

tion. La connaissance de ces conditions ne nous apprend rien sur l'essence même du phénomène, nous avons dit d'ailleurs que ce n'est pas cela que nous cherchons,— mais elle conduit notre raison à admettre dans la perception autre chose qu'un mouvement percevant, car les mouvements percevants n'ont pas encore cours dans la science. Il faut donc que le mouvement impressionneur. arrivé au terme de sa course, c'est-à-dire dans le cerveau, agisse sur quelque chose qui n'est pas lui et qui soit capable de percevoir de différentes façons. Or, ce quelque chose, qu'est-ce?

Ce n'est pas certainement l'âme séparée du corps, car on se figure difficilement un esprit pur placé dans le cerveau en ce point où viennent aboutir toutes les fibres sentives. On ne saisit pas, dans ces conditions, le lien nécessaire qui doit unir l'esprit à la matière; on ne comprend pas enfin que cet esprit pur, formant un tout indivisible, puisse être simultanément odeur, son, couleur, principe de mouvement.

Toutes ces difficultés disparaissent si on consent à voir les choses telles qu'elles sont, c'est-à-dire l'âme vivifiant par sa présence les cellules qui terminent les nerfs sensitifs, et qui par leur agglomération forment les couches optiques.

Dans ces conditions, l'âme n'a pas besoin de l'intermédiaire du mouvement comme le voulait Stahl (1); elle est intimement unie à la matière et c'est elle-même qui est mouvement. C'est elle qui communique aux cellules la faculté de percevoir, et les cellules à leur tour fournissent à l'âme, par leurs propriétés particulières, l'occasion d'être multiple sans cesser d'être une, d'être la diversité dans l'homogénéité. Ceci paraîtra plus clair avec le secours d'une figure descriptive.

Le cercle O représente une des couches optiques. A, B, C, D, E, représentent les fibres sensitives qui pro

(1) Voir notre critique de l'âme de Stahl un peu plus loin.

viennent de toutes les parties sensibles et aboutissent chacune à une cellule différente A', B', C', D', E'. Il faut remarquer en outre que les cellules optiques ne sont pas isolées, mais qu'elles sont unies entre elles par des prolongements.

L'âme, se trouvant répandue dans chacune des cellules A', B', C', D', E', qu'elle imprègne de son essence, ne cesse

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pas d'être une, car toutes ces cellules sont unies les unes aux autres par des prolongements; elle représente ainsi un tout divers quant à la forme, mais continu comme essence. Or qu'arrivera-t-il quand des impressions variées, agissant sur les nerfs A, B, C, D, E, viendront réveiller successivement l'activité des cellules A', B', C', D', E'? Il arrivera que l'âme sera affectée en divers points de son étendue par des causes différentes, et, comme ces divers points sont unis entre eux, l'émotion provoquée par chaque cause impressionnante rayonnera vers toute l'étendue de l'âme. C'est donc la même âme qui sentira toutes les impressions, et ceci en vertu des lois de la physique les mieux établies.

Quant à la diversité des perceptions, elle s'explique par la diversité même des mouvements qui les provoquent. Chaque perception étant provoquée dans l'âme par un mouvement différent, il est assez naturel que l'émotion

éprouvée par l'âme soit différente selon le mouvement qui l'affecte.

Du centre de perception. - Si l'on considère à présent que toutes les fibres sensitives, sans exception, viennent aboutir aux cellules des couches optiques, et si l'on n'oublie pas que toutes ces cellules sont unies entre elles par des prolongements, on aura une idée exacte de cette unité imposante que nous appelons centre de perception. Ce centre est la base fondamentale de l'âme physiologique. Nous disons l'âme physiologique parce que tous les phéno. mènes dont elle se compose peuvent être déterminés dans les conditions de leur développement, comme nous venons de le faire pour le centre de perception.

Cette âme, virtuellement unie aux éléments matériels, ne se manifeste qu'avec le concours de la matière, et c'est en ne perdant pas de vue cette union nécessaire, caractéristique de l'âme humaine, que l'on peut expliquer les phénomènes qui lui sont propres. L'âme purement spirituelle, formant un tout distinct séparé du corps, ne soutient pas un examen sérieux, et peut être désormais classée parmi les ingénieuses inventions de l'esprit humain. D'ailleurs avec cette conception on n'explique absolument rien, pas même les idées innées; tout est attaquable. Quant à l'âme purement matérielle, elle n'est qu'un mot complaisant pour ceux qui, en fait de science, se contentent de mots; mais ce mot est déplorable parce qu'il est la négation de l'activité de l'esprit humain dans les hautes régions de la pensée.

L'âme physiologique seule peut s'affirmer parce que, tout en consacrant l'existence d'un principe, elle fournit les motifs de l'intermittence de son action, de la succession des phénomènes, et qu'elle donne justement la raison de tout ce qui n'est explicable qu'en admettant l'union intime de l'âme et du corps.

Cette âme, nous ne la connaissons encore que par un de ses côtés, le côté par où elle perçoit; mais c'était le plus important à établir. Lorsque nous aurons déterminé

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