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matiques à Venise, et mourut âgé de quarante ans. Oldouin, Athenæum Ligusticum, p. 168. - Bayle, Dict. crit. Moréri, Grand Dictionn. historique.

* DANTE OU DANTI (Girolamo), peintre de l'école vénitienne, vivait au seizième siècle. Il est successivement désigné sous les noms de Dante di Tiziano ou Girolamo di Tiziano (1), parce qu'il fut élève et aide du Titien, qui le regardait comme étant de sa famille. Il n'a laissé qu'un petit nombre de tableaux, ayant passé toute sa vie à peindre ceux de son maître. On voit cependant de lui à San-Giovanni-Nuovo de Venise un tableau de Saint Cóme et Saint Damien. E. B-N.

Ridolfi, Vite de' Pittori Veneti. — Orlandi, Abbecedario. Ticozzi, Dizionario.

DANTECOURT (Jean-Baptiste), théologien français, né à Paris, le 24 juin 1643, mort dans la même ville, le 5 avril 1718. Il entra le 8 septembre 1662 chez les chanoines réguliers de Saint-Augustin dans la congrégation de SainteGeneviève. Il fut nommé chancelier de l'université de Paris en 1680 et curé de Saint-Étiennedu-Mont en 1694. Il administra cette église jusqu'en 1710, époque à laquelle il se retira à Sainte-Geneviève. On a de lui deux Factums pour la préséance des Augustins sur les Bénédictins aux états de Bourgogne ;· Défense de V'Eglise, contre le livre du ministre Claude intitulé: Défense de la Réformation; Paris, 1689. Registres de l'abbaye Sainte-Genevieve. Dupin, Bibl. des Auteurs ecclésiastiques du dix-septième siécle, III. - Moreri, Grand Dictionnaire historique. Feller, Dict. historique. Richard et Giraud, Bibliothèque sacrée.

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DANTE-RAINALDI. Voy. DANTI. *DANTHOUARD DE VRAINCOURT ou D'ANTHOUARD (Charles - Nicolas, comte), général français, né à Verdun (Meuse), le 7 avril 1773, mort à Paris, le 14 mars 1852. Issu d'une ancienne famille de Bourgogne, il entra le 1er septembre 1787 à l'École Militaire de Pont-à-Mousson en qualité de cadet gentilhomme, et en sortit lieutenant d'artillerie. Il fit les campagnes d'Italie et d'Égypte, et le courage qu'il déploya à la bataille des Pyramides lui valut le grade de chef de bataillon. De retour en France, il fut nommé (22 novembre 1801) colonel du 1er régiment d'ar. tillerie à cheval, et reçut l'ordre de se rendre à 'armée d'Italie, qui se trouvait sous les ordres de Murat. Appelé auprès du vice-roi en qualité de premier aide de camp, il fut chargé de la réorganisation des armées de terre et de mer ainsi que de celle des écoles militaires, etc. Élevé par Napoléon au grade de général de brigade (11 février 1806), il fut envoyé pour prendre possession de la Dalmatie, que le traité de Presbourg venait de joindre à la France. En 1809 il fit, sous le prince Eugène, la guerre d'Allemagne, et se distingua aux batailles de Raab, où il eut la main fracassée. Nommé comte de l'empire et

(1) Orlandi, avec son inexactitude ordinaire, fait de ces deux noms deux artistes différents.

général de division (21 juin 1810),'il fut adjoint aux commissaires autrichiens et bavarois chargés de fixer les limites du royaume d'Italie du côté du Tyrol. La guerre de 1812 ayant éclaté, Danthouard fut appelé à diriger l'artillerie de l'armée du vice-roi, puis celle du 4e corps de la grande armée. Créé gouverneur général (16 juillet 1813) des provinces illyriennes, il allait s'y rendre lorsque la guerre d'Autriche l'appela au commandement de l'aile gauche de l'armée d'Italie. Ayant adhéré à la déchéance de Napoléon, Danthouard, que Louis XVIII avait fait chevalier de Saint-Louis (8 juillet 1814), puis grand-officier de la Légion d'Honneur, fut chargé de l'inspection des places de Metz et de Mézières, emploi qu'il remplit pendant les cent jours au nom de Napoléon pour les places de l'est. Élu en 1822 député par le département de la Meuse, il siégea à la chambre pendant cette seule session. Après la révolution de 1830, le roi Louis-Philippe l'éleva à la dignité de pair de France.

A. SAUZAY.

Archives de la guerre. Fastes de la Legion d'Honneur. Vict. et Cong., t. XVII, XIX. - Annuaire de la Noblesse, 1853.

*DANTI (Jean), mathématicien italien, né à Arezzo, vers 1346. Il a laissé un traité De Algorismo, composé d'après l'arithmétique de Boèce, et une Geometria, d'après des auteurs arabes. Ces ouvrages n'ont point été imprimés; ils restent ensevelis au fond de quelques grandes bibliothèques de l'Italie. G. B.

Tiraboschi, Storia lett., t. XI, p. 173. — Bandink, Catalogus Codicum Bibliothecæ Medici Laurentianæ, 1. V, p. 13.

DANTI ou DANTE (Ignace), mathématicien italien, né à Bologne, en 1536, mort en 1586, au moment où il venait d'être nommé évêque d'Alatri. Entré fort jeune dans l'ordre des Dominicains, il se consacra d'abord à l'étude des mathématiques, et les professa à Florence; le grandduc Côme Ier lui confia le projet, qui resta sans exécution, d'unir l'Adriatique à la Méditerranée, et lui fit dresser de grandes cartes géographiques. Danti traça à l'église de Santa-MariaNovella, à Florence, une méridienne qui mérita l'admiration des astronomes; il en construisit une autre Bologne. Le pape l'appela à Rome pour qu'il coopéràt à la réforme du calendrier. Il fut aussi chargé par Grégoire XIII de peindre au Vatican, dans la salle dite de' Duchi, la géographie antique et moderne de l'Italie. Cette vaste entreprise, dans laquelle il fut aidé par son frère Vincenzo, lui laissa peu de temps pour se livrer à d'autres travaux, jusqu'au jour où il fut appelé à l'évêché d'Alatri. Parmi ces divers ouvrages, on distingue ses traductions de la Perspective d'Euclide et de la Sphère de Proclus, accompagnées de notes qui ne sont pas sans mérite. Il donne dans son écrit intitulé: Le Scienze matematiche ridotte a tavole, une espèce d'arbre encyclopédique des mathématiques. Son Traité de l'Astrolabe, Florence, 1569, in-4°, fré

quemment réimprimé, renferme une remarque capitale, dont les meilleurs auteurs ont à tort fait honneur à Tycho-Brahé, savoir la diminution de l'obliquité de l'écliptique, déduite de la comparaison des anciennes observations avec les modernes. Son livre Sur l'Anémoscope, Bologne, 1578, contient des faits curieux sur l'histoire de la division des vents. La perspective fut de sa part l'objet de recherches assidues. G. B.

Libri, Histoire des Sciences mathématiques en Italie, LIV, p. 89. Chasles, Aperçu de l'histoire des métho det en géométrie; Bruxelles, 1837, in-49, p 348. - Pascoll, Vile de' Pittori Perugini.

*DANTI ( Jérôme), peintre italien, né à Pérouse, en 1547, mort en 1580. Il était frère d'Ignazio et de Vincenzo Danti. Tout promettait en lui un peintre de talent, quand il fut enlevé par une mort prématurée, laissant dans l'église SaintPierre de Pérouse six fresques dans le style de Vasari. E. B-N.

Pascoll, Vite de' Pittori Perugini. — Gambini, Guida di Perugia.

DANTI (Jules), architecte, né à Pérouse, mort en 1575. Il était fils de Pietro Vincenzo, auleur d'un commentaire italien Sur la Sphère de Sacrobosco; Pérouse, 1544. Il dirigea avec Galéas Alessi la construction de la magnifique église de Sainte-Marie-des-Anges, élevée près d'Assise, sur les dessins de Vignole. Orlandi, Abbecedario,

DANTI (Vincenzo), architecte et sculpteur, fils du précédent, né à Pérouse, en 1530, mort en 1576. Il fut élève de Michel-Ange lorsque ce grand homme était déjà octogénaire: aussi dut-il ses progrès moins à ses conseils qu'à l'étude de ses chefs-d'œuvre. Dès l'âge de vingt ans il modela et fondit la grande statue de bronze de Jules III, érigée sur la place de Pérouse; on lit sur la base: Vincentius Dantus Perusinus, adhuc puber, faciebat. Cette statue est déjà remarquable par la verve, la noblesse et la finesse du travail. Dans la cathédrale de Pérouse on voit aussi de lui de beaux fonts baptismaux. Ce sont aussi de précieuses sculptures que les trois sta taes de bronze placées en 1571 sur une des portes du baptistère de Florence, et représentant La Décollation de saint Jean-Baptiste, ainsi que La Victoire enchainant la Fraude, magnifique groupe qui orne la grande salle du PalaisVieux. Dans la cathédrale de Prato, il a sculpté une Vierge pour le mausolée de Charles de Medicis; quoique d'un style large et belle de formes, cette figure est un peu froide, mais l'enfant Jésus est estimé pour son air ingénu et le vif sentiment du ciseau.

Danti avait étudié aussi l'architecture, et le grand-due l'avait nommé son architecte. Il fit pour l'Escurial des dessins que Cosme 1er envoya à Philippe II, qui en fut tellement charmé qu'il s'efforça, mais en vain, d'attirer Danti en Espage. Habile ingénieur, il réussit en 1560 à retrouver et réunir les eaux perdues de la belle fontaine de Pérouse. Enfin, en 1567 il a publié

un livre, devenu très-rare, qui contenait sur les arts d'utiles enseignements. Il était petit-fils de Pietro Vincenzo, gentilhomme de Pérouse, savant mathématicien, et grand connaisseur en architecture. E. B-N.

Cicognara, Storia della Scoltura. Vasari, Vite. Gambini, Guida di Perugia. · Quatremère de Quincy, Dictionnaire d'Architecture. Pascoli, Vite de' Pittori Perugini.

* DANTI ( Theodora), femme peintre, née à Pérouse, en 1498, morte en 1573. Elle étudia sans doute sous le Pérugin, ou au moins sous l'un de ses meilleurs élèves, car on reconnaît dans ses tableaux de chevalet le style de cette école. Elle eut pour élèves ses trois neveux, Ignazio, Vincenco et Girolamo. E. B-N.

Pascoli, Vite de Pittori Perugini.

DANTINE (Maur-François), bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, antiquaire et paléographie, né à Gourieux, dans l'ancienne principauté de Liége, le 1er avril 1688, mort à Paris, le 3 novembre 1746. Fils d'un cultivateur aisé, il étudia la philosophie à Douai, et fit profession, à l'âge de vingt-quatre ans, dans l'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais. Il se livra dès lors à l'étude avec tout l'entraînement d'une véritable vocation, et il professait avec éclat la philosophie dans l'abbaye de Saint-Nicolas de Reims, lorsque, sur son refus de souscrire à la bulle Unigenitus, le cardinal de Mailly, archevêque de Reims, partisan dévoué des jésuites, exigea que ses supérieurs l'éloignassent de ce diocèse. Appelé à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris, Dantine fut employé d'abord à continuer la Collection des Décrétales, qu'avait interrompue la mort de domn Constant et de dom Mopinot; puis à préparer une nouvelle édition du Glossarium ad scriptores mediæ et infimæ Latinitatis de Du Cange, édition dont trois volumes in-fol. seulement avaient été publiés en 1678. Les cinq premiers volumes avaient paru lorsque Dantine, toujours par suite de ses opinions religieuses, fut exilé à Pontoise, où, tout en continuant ses études philologiques, il s'occupa avec ardeur de la lecture des livres saints, et fit une traduction des Psaumes, encore estimée : Les Psaumes traduits sur l'hébreu, avec des notes, par un religieux de la congrégation de Saint-Maur ; Paris, 1738, in-8°; ibid., 1739, in-8°, et 1740, in-12. Dom Carpentier, que Dantine avait pour collaborateur, fit paraître en 1736 le sixième volume du Glossaire, et plus tard, en 1766, mais sans parler des obligations qu'il avait à Dantine, un supplément en 4 volumes in-fol., qui le fit accuser de plagiat par plusieurs de ses confrères. Après sa mort, cette accusation fut renouvelée par dom Tassin, qui la lui avait adressée dès 1756 dans le Journal des Savants. En 1737 Dantine fut rappelé à Paris, et entreprit avec dom Bouquet le Recueil des Historiens des Gaules et de la France; malheureusement son travail relatif aux croisades est resté inédit. Il se

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caractérisé d'une manière saisissante les conformités et les dissemblances. « Danton, dit-il, était «< un révolutionnaire gigantesque. Aucun moyen « ne pouvait lui paraître condamnable, pourvu qu'il lui fût utile, et selon lui on pouvait a tout ce qu'on osait. Danton, qu'on a nommé le « Mirabeau de la populace, avait de la ressem<< blance avec ce tribun des hautes classes: des << traits heurtés, une voix forte, un geste impé<< tueux, une éloquence hardie, un front domi<< nateur. Leurs vices aussi étaient les mêmes; << mais ceux de Mirabeau étaient d'un patricien, << ceux de Danton d'un démocrate. Ce qu'il y << avait de hardi dans les conceptions de Mira«< beau se retrouvait dans Danton, mais d'une «< autre manière, parce qu'il était, dans la révo«<lution, d'une autre époque. » Nous oserons ajouter un seul trait à ce parallèle: c'est qu'il y avait du Marius dans Danton, comme il y avait du Catilina dans Mirabeau.

livra ensuite à la composition de L'Art de véri- | gnet, dans son Histoire de la Révolution, a fier les dates, et il en avait rédigé une grande partie quand, au mois de décembre 1743, il fut frappé d'apoplexie. Il traîna depuis une vie languissante, mais sans interrompre l'œuvre qu'il avait commencée, et dont une partie était imprimée au moment où une seconde attaque vint l'enlever, à l'âge de cinquante-neuf ans. Clémencet et Durand achevèrent le livre de leur éminent confrère, et le publièrent à Paris, 1750, in-4°. Il fut bientôt complété et perfectionné par dom Clément, qui donna la seconde édition, en 1 vol. in-fol., Paris, 1770, et la troisième, qui parut à Paris, 1783-1792, 3 vol. in-fol. formant plus de 3,000 pages. MM. de Saint-Allais, Jullien de Courcelles et de Fortia-d'Urban en ont publié une quatrième édition; Paris, 1818-1844, 38 volum. in-8°. Des exemplaires ont été tirés aussi in-4° et in-fol. Les éditeurs y ont ajouté une continuation depuis l'année 1770 jusqu'à nos jours, et une partie relative aux événements antérieurs à l'ère chrétienne. En élevant ce beau monument de chronologie, Dantine rendit aux sciences historiques un service qui recommande son nom à tous ceux qui les cultivent. Ce savant était d'ailleurs un homme de bien, d'un esprit juste, et d'un caractère aimable et doux.

E. REGNARD.

Préface en tête de la 3e édit. de L'Art de vérifier les dates. D. Tassin, Histoire litt. de la Congreg. de Saint-Maur, p. 633. M. Polain, Notice sur D. Maur Dantine, dans la Revue belge, t. ler, p. 265.

DANTOINE (Jean-Baptiste), jurisconsulte français, vivait en 1720. Il était docteur ès droits, avocat en parlement et aux cours de Lyon. On a de lui: Règles du Droit civil, dans le même ordre qu'elles sont disposées au dernier titre du Digeste, traduites en français, avec des explications et des commentaires sur chaque règle, etc.; Lyon, 1710, in-4°; - Règles du Droit canon, dans le même ordre qu'elles sont disposées au dernier titre du cinquième livre des Décrétales, traduites en français, avec des explications et des commentaires sur chaque règle; Lyon, 1720, in-4°.

Richard et Giraud, Bibliothèque sacrée.

DANTON (Georges-Jacques), célèbre homme politique français, né à Arcis-sur-Aube, le 28 octobre 1759, mort le 5 avril 1794. La révolution le trouva revêtu du titre d'avocat aux conseils du roi. Une particularité assez piquante de sa vie privée, c'est qu'il était lié d'une étroite amitié avec Berquin, l'Ami des enfants. Le peu de considération dont jouissait Danton, à raison de l'irrégularité de ses mœurs, en faisait à peu près un avocat sans causes; cette situation devait le porter à seconder les changements qui se préparaient dans l'ordre social aussi se jeta-t-il à corps perdu dans le mouvement révolutionnaire. Le géant de l'époque, Mirabeau, à qui il fallait des hommes d'action, se hâåta de s'attacher Danton. Une grande analogie de penchants et de moyens devait rapprocher ces deux hommes, dont M. Mi

Président du district des Cordeliers, à sa formation, Danton le dirigea à son gré. Il prit pour acolytes l'atroce Marat et l'ardent Camille Desmoulins, et leur réunion fut le noyau autour duquel se forma le club des Cordeliers, véritable exagération de celui des Jacobins. A cette époque, où la révolution courait les rues du matin au soir, Danton était l'orateur de la multitude, toujours prêt à la haranguer dans une salle ou au milieu d'un carrefour, du haut d'une tribune ou monté sur une borne, souvent l'excitant par sa véhémence, quelquefois l'arrêtant avec une sorte de bonhomie joviale. Au mois de janvier 1790, le Châtelet ayant lancé un décret de prise de corps contre Marat, qui déjà se signalait par les publications les plus incendiaires, Danton osa s'opposer ouvertement à l'exécution de ce décret. Atteint par une mesure semblable, il en brava les effets, et le Châtelet se vit contraint à la révoquer. Quelques mois plus tard, Danton vint à la tête d'une députation des sections de Paris demander à l'Assemblée nationale le renvoi et la mise en jugement de trois ministres de Louis XVI; mais ce n'étaient encore là que des escarmouches, et le rôle politique de Danton ne commença réellement qu'en 1791, à la suite de la tentative d'évasion de la famille royale. Il adressa alors à La Fayette ce pressant dilemme: « Ou vous êtes un traître, qui avez << favorisé la fuite du roi, ou vous êtes incapable « de commander, puisque vous n'avez pu empêcher la fuite du roi commis à votre garde. De concert avec C. Desmoulins, Danton provoqua par une adresse la déchéance du monarque; tous deux se rendirent au Champde-Mars, déposèrent l'adresse sur l'autel de la patrie, dressé pour l'anniversaire de la Fédération, appelèrent le peuple à la signer, et joignirent à cet appel les déclamations les plus furibondes. La Fayette et Bailly, en exécutant le 17 juillet la loi martiale, mirent un terme à ces

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excès. Des poursuites furent entamées contre leurs auteurs, et Danton, Desmoulins et Legendre sortirent de Paris. Danton y reparut après la clôture de l'Assemblée constituante, et, quoique sous le coup d'un décret pour dettes, il parvint, au mépris de la loi, à se faire élire substitut du procureur de la commune de Paris. La cour, qui n'avait pu réussir à l'écarter, résolut alors de l'acheter, et il se vendit. M. de Lessart, ministre des affaires étrangères, conclut ce marché, qui rapporta à Danton plus de cent mille écus et dont il exécuta fidèlement les clauses tant qu'il fut payé; mais le résultat sur lequel on comptait n'ayant pas été obtenu, les subventions furent supprimées, et, d'auxiliaire inutile, Danton redevint adversaire implacable; l'année 1792 le vit en hostilité permanente contre le pouvoir royal. Lorsque les fédérés marseillais arrivèrent à Paris pour renverser le trône constitutionnel, le maire Pétion les établit dans le bâtiment des Cordeliers. Danton les y gorgea de vin et de débauches, et le 10 août il les conduisit lui-même à l'attaque du château. Nous avons eu entre les mains une lettre de Camille Desmoulins à son père, lettre autographe, qui établit que dans cette journée Danton et lui faisaient le coup de fusil sur la place du Carrousel. Quant à Robespierre et à Marat, ils s'étaient mis en sûreté au fond d'une cave. Le ministère de la justice devint pour Danton le prix de ses succès au 10 août : aussi disait-il qu'il y avait été porté par un boulet de canon. Bientôt survinrent la défection de La Fayette, la prise de la ville de Longwy; le siége de Verdun. L'alarme était dans Paris: les vainqueurs du trône croyaient toucher à leur perte. Danton, d'accord avec la commune révolutionnaire, fit faire des visites générales, saisir toutes les armes qui étaient entre les mains des particuliers, incarcérer les prêtres non assermentés et tous les royalistes reconnus; il assembla ensuite en comité de défense générale les ministres et les chefs de la commune, et leur dit : « Mon avis est que, pour déconcerter les agitateurs et arrêter l'ennemi, il faut faire peur aux royalistes. » On était au 1er septembre. Le lendemain 2 il se présenta, dès le matin, à l'Assemblée législative à la tête des autorités, et, dans un rapide discours, fit entendre ces mots aux députés tremblants sur leurs siéges: « C'est en ce moment, messieurs, que vous pouvez décréter que la capitale a bien mérité de la France entière. Le canon que vous allez entendre n'est point le canon d'alarme, c'est le pas de charge sur nos ennemis !... Pour les vaincre, pour les atterrer, que faut-il ?... "De l'audace, encore de l'audace, et toujours de l'audace! » Les massacres de septembre étaient dans ce peu de mots... Ils commencèrent quelques heures après, et ils durèrent quatre jours. A l'assassinat des détenus de Paris ccéda bientôt celui des prisonniers d'Orléans, égorgés le 9 septembre, à Versailles, dans la rue

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de l'Orangerie. Parmi ces derniers se trouvaient MM. de Brissac et de Lessart, agents du traité par lequel Danton s'était mis à la solde de la liste civile. De Versailles les égorgeurs se rendirent à Paris. Placé au balcon de la Chancellerie, Danton les harangua, et l'on peut croire qu'il avait en vue le service qu'ils venaient de lui rendre par la mort de ces deux hommes lorsqu'il leur dit : « Ce n'est pas le ministre de la justice, « c'est le ministre de la révolution qui vous re<< mercie de votre louable fureur. » Qui le croirait pourtant? ce fut à ce même Danton que plusieurs victimes dévouées à la mort durent leur salut. Il contribua à la délivrance d'Adrien Duport et de Charles de Lameth, qui avaient été arrêtés en province; et en 1793 ce fut lui encore qui fit rendre à la liberté le célèbre auteur du Voyage du jeune Anacharsis, l'abbé Barthélemy. Il ne se montrait impitoyable que lorsqu'il s'agissait de frapper en masse, et souvent les infortunes individuelles le trouvaient accessible à la pitié. Ces inégalités dans sa conduite et dans son caractère semblent trouver leur explication dans ces paroles, qui sont de lui : « Une révo«<lution ne peut se faire géométriquement. Les « bons citoyens qui souffrent pour la liberté et « l'égalité doivent se consoler par ce grand et « sublime motif. »

Élu le second député de Paris à la Convention nationale, Danton abdiqua les fonctions du ministère, où il fut remplacé par Garat. Comme il était un des plus ardents à presser le jugement de Louis XVI par la Convention, un de ses amis lui représenta qu'elle n'avait pas le droit de s'ériger en tribunal. « Vous avez raison, répondit-il : << aussi nous ne le jugerons pas, nous le tuerons. » L'ex-ministre de la marine Bertrand de Molleville, entre les mains de qui était demeurée une lettre autographe de Danton dont les termes constataient ses anciennes relations avec la cour, lui écrivit de Londres, où il s'était retiré, qu'il ferait imprimer et placarder cette lettre dans tout Paris s'il usait de son influence pour faire condamner Louis XVI. Danton vit le danger, et se fit-donner une mission pour l'armée du Nord. Il ne revint à Paris que sur sommation, et la veille du jour où l'arrêt fut prononcé. Quoiqu'il eût voté pour la mort, Bertrand n'en vit pas moins dans ce vote un acte d'insigne félonie, et il se hâta d'adresser à Garat la lettre accusatrice; mais celui-ci la remit officieusement à Danton, et il n'en fut plus question. Immédiatement après la mort du roi, Danton retourna avec Lacroix dans la Belgique, envahie par Dumouriez. On leur remit quatre millions pour révolutionner le pays; ils furent bientôt soupçonnés de s'être approprié une grande partie de cette somme énorme. Les dépenses excessives auxquelles on les vit se livrer à leur retour justifiaient assez ces accusations. Ils revinrent à Paris au commencement de mars, époque qui fut marquée par les premiers revers de Dumouriez,

Danton se montra dévoué aux intérêts de ce général jusqu'à ce que sa défection et les désastres qui s'ensuivirent eurent rendu sa défense impossible. Alors, pour détourner les soupçons qui commençaient à planer sur lui, et dont déjà Marat s'était rendu l'organe, il revint à son premier rôle en se replaçant à la tête du mouvement révolutionnaire. Sur sa motion, une levée de 300,000 hommes fut ordonnée; il proposa de dévaster la France en cas d'invasion. « Si les tyrans, s'écriait-il, mettaient notre liberté en péril, les riches seraient les premiers la proie « de la fureur populaire! » Enfin, le 10 mars, il fit décréter l'établissement d'un tribunal criminel extraordinaire destiné à punir les ennemis de la révolution à l'intérieur et dont les arrêts devaient être sans appel. Telle fut l'origine du fameux tribunal révolutionnaire, qui un an plus tard envoya Danton lui-même à l'échafaud.

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Le comité de salut public, en qui devaient bientôt se concentrer toutes les forces du gouvernement, ayant été institué le 6 avril, Danton en fit partie à la formation. Il semblait être alors à l'apogée de son crédit; pourtant, il se trouvait entre deux écueils: d'un côté, les Girondins ne cessaient de l'inquiéter en réclamant avec persistance la punition de ceux qui avaient souillé par le meurtre la cause de liberté; d'un autre côté, les purs de la Montagne le harcelaient par leurs insinuations sur les profits de sa mission en Belgique. Menacé par les deux partis, il sentit la nécessité, pour s'assurer contre l'un, de se rallier à l'autre ; et la prévision du résultat de la lutte l'engagea à faire cause commune avec le parti de la violence contre celui de la modération. D'ailleurs, disait-il, en révolution l'autorité doit appartenir aux plus scélérats. Il se réunit donc à Pache et à Robespierre pour former, en dehors de la majorité du comité de salut public, ce comité clandestin de Charenton, où fut préparée l'insurrection du 31 mai. Sans haine personnelle contre les Girondins, qui le gênaient, Danton voulait borner à leur exclusion de l'assemblee les résultats de cette journée. L'erreur où Mirabeau était tombé, après le 5 octobre, en croyant pouvoir arrêter le mouvement, révolutionnaire à ce point, devint celle de Danton après le 31 mai; ni l'un ni l'autre n'avait réfléchi qu'il n'appartient qu'à Dieu de dire aux flots déchainés de la mer : Vous n'irez pas plus loin!

Depuis la chute des Girondins, l'influence de Danton sur la Convention diminuait de jour en jour; on lui reprochait d'avoir déployé peu d'énergie contre les proscrits, et surtout de s'être apitoyé sur leur fin. Il avait rompu ouvertement avec la commune en flétrissant d'une manière énergique les saturnales appelées fêtes de la Raison. « Quand, s'était-il écrié à la tribune, << ferons-nous cesser ces mascarades? Nous n'a<< vous pas voulu détruire la superstition pour « établir l'athéisme. » Il faisait en même temps décréter l'établissement du maximum et allouer

quarante sous par jour aux sans-culottes qui fréquentaient les assemblées de section. Mais ces tardifs efforts ne pouvaient lui rendre son ancienne popularité : dans les derniers jours de 93 il fut traité aux Jacobins avec une défaveur marquée. Robespierre prit alors sa défense, mais de manière pourtant à le compromettre jusqu'à un certain point, et surtout à se faire valoir à ses dépens. Lorsque enfin les excès de la démagogie eurent été portés au comble par la commune de Paris, Danton et ses amis conçurent le projet d'arrêter l'action du tribunal révolutionnaire, de vider les prisons et de dissoudre les comités de salut public et de sûreté générale. Robespierre voulait perdre la commune, foyer de l'anarchie; les comités voulaient se défaire de Danton, de Camille et autres modérés: une transaction s'établit entre Robespierre et ses collègues des comités il leur livra leurs ennemis, et ils lui livrèrent les siens. La faction d'Hébert fut bientôt abattue; l'horreur et le dégoût qu'elle inspirait hâtèrent sa chute. Danton était un adversaire plus redoutable. Quelques hommes qui hésitaient encore à prendre parti entre lui et Robespierre essayèrent de les rapprocher. Une entrevue eut lieu: Robespierre reprocha à Danton ses méfiances, Danton lui reprocha ses cruautés; ils se séparèrent avec aigreur et désormais irréconciliables.

De ce moment la perte de Danton fut résolue. Engagé par quelques-uns de ses amis à prévenir les coups de Robes pierre en le frappant le premier, il s'y refusait en disant: J'aime mieux être guillotiné que guillotineur. Averti par d'autres de pourvoir par la fuite à sa sûreté menacée, il répondit, comme le duc de Guise : «Ils n'oseraient!... Et d'ailleurs, ajoutait-il, esta ce qu'on emporte sa patrie à la semelle de « ses souliers? » Il ne sortit de cette sécurité, dont les effets étaient ceux de la stupeur, que lorsqu'il se vit arrêté chez lui, dans la nuit du 30 au 31 mars 1794. Lacroix, son collègne à l'armée du Nord, son émule en dilapidations et son compagnon de débauches, fut arrêté en même temps que lui. On les déposa d'abord à la prison du Luxembourg; Danton, en arrivant, aborda les détenus avec calme et cordialité :

Messieurs, leur dit-il, j'espérais avant peu << vous faire sortir d'ici, mais m'y voilà moi« même avec vous, et je ne sais comment cela << finira. » Cela devait bientôt finir pour lui. On l'entendit alors s'écrier: « C'est à pareille épo« que que j'ai fait instituer le tribunal révolution« naire; j'en demande bien pardon à Dieu et « aux hommes! » La nouvelle de son arrestation répandit la terreur au sein de la Convention; Legendre seul osa élever la voix et réclamer pour Danton le droit d'être entendu en attestant son patriotisme. Robespierre alors joua l'indignation, et s'écria: « Il s'agit de savoir si quel« ques hommes aujourd'hui l'emporteront sur la patrie; nous verrons dans ce jour si la Con

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