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COURS DE LITTÉRATURE

ANCIENNE ET MODERNE;

PAR J. F. LAHARPE.

NOUVELLE ÉDITION,

AUGMENTÉE DE LA VIE DE L'AUTEUR,

ET ORNÉE DE SON

PORTRAIT.

Indocti discant, et ament meminisse periti.

TOME SIXIEME.

PARIS,

AMABLE COSTES, Libraire, rue de Seine, no. 12.

PUBLIC LIBRARY 2804467

ASTOR, LENOX AND TILDEN FOUNDATIONS

1926 L

DE LITTÉRATURE

ANCIENNE ET MODERNE.

SECONDE PARTIE.

SIECLE DE LOUIS XIV.

LIVRE PREMIER.

POÉSIE.

CHAPITRE VI.

De la Comédie dans le siecle de Louis XIV.

INTRODUCTION.

De la Comédie avant Moliere.

L'ITALIE et l'Espague, qui donnerent long-tems des lois à notre théâtre, dûrent avoir sur la comédie la même influence que sur la tragédie. Nous empruntâmes aux Italiens leurs pastorales galantes et leurs bergers beaux-esprits. La Sylvie de Mairet, écrite dans ce genre, et qui n'est qu'un froid tissu de madrigaux subtils, de conversations en pointes et de dissertations en jeux de mots, excita dans Paris une sorte d'ivresse qui prouvait le mauvais goût dominant, et servait à l'entretenir. Il ne fallut rien moins que le Cid pour faire tomber ce ridicule ou

vrage; et quoique Chimene, en quelques endroits, eût elle-même payé le tribut à cette mode contagieuse, de faire de l'amour un effort d'esprit, cependant la vérité des sentimens répandus dans ce rôle et dans celui de Rodrigue, avertit le cœur des plaisirs qu'il lui fallait, et de cette espece de mensonge qu'un art mal entendu voulait substituer à un autre. Les pointes commencerent à tomber, mais lentement comme elles se soutenaient dans les sociétés qui donnaient le ton, le théâtre n'en était pas encore purgé, à beaucoup près, et ce furent les Précieuses ridicules et les Femmes savantes qui porterent le dernier coup. Les théâtres étrangers avaient communiqué aux nôtres bien d'autres vices non moins révoltans. Les farceurs italiens, qui avaient un théâtre à Paris, où jouait Moliere dans le temps même qu'il commençait à élever le sien, nous avaient accoutumés à leurs rôles de charges, à leurs caricatures grotesques; et si les arlequins et les scaramouches leur restaient en propre, nous les avions remplacés par des personnages également factices, par des bouffons grossiers qui parlaient à peu près le langage de D. Japhet. Le burlesque plus ou moins marqué, était la seule maniere de faire rire. Les Capitans, sorte de poltrons qui contrefaisaient les héros, comme nos Gilles de la Foire contrefont les sauteurs, recevaient des coups de bâton sur la scene en parlant des empereurs qu'ils avaient détrônés, et des couronnes qu'ils distribuaient. Des personnages de ce genre firent réussir long-tems les Visionnaires de Desmarets, détestable piece que la sottise et l'envie oserent encore opposer aux premiers ouvrages de Moliere. Corneille, entraîné par l'exemple, ne manqua pas de mettre dans son Illusion comique un Capitan

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