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ques appelaient de leurs vœux le règne de l'Évangile éternel, et le troisième état, qui serait proprement celui de l'Esprit et où les vérités des deux premiers Testaments apparaîtraient sans voiles et sans figures. Il semble que cette époque soit venue. L'espèce humaine est fatiguée de subtilités dogmatiques et de cérémonies charnelles. Elle a soif de justice et de vérité. Plus de lumière, plus de lumière encore! Plus de charité, plus de charité encore! Plus de justice, plus de justice

encore !

Le souffle de l'Évangile éternel agite et transforme l'univers. La religion pénètre les âmes; mais cette religion ne donne pas la force nécessaire et ne suffit pas à remplacer le culte des idoles, parce qu'elle ne constitue pas encore un corps de doctrines enseigné aux enfants, symbolisé par l'art, confessé, célébré en commun.

LE

PARTI CATHOLIQUE EN BELGIQUE.

L'éternel débat qui s'agite en Belgique entre catholiques et libéraux n'est qu'un épisode de cette grande lutte engagée en Europe et au delà des mers, partout où le catholicisme a pénétré, entre l'Église qui veut maintenir sa domination et la société laïque qui la repousse : drame terrible qui a déjà coûté à l'humanité tant de larmes et de sang, et dont le dénoùment ne s'accomplira peut-être que sur des ruines. La société moderne veut vivre, elle veut savoir, elle veut grandir, et elle repousse de toutes ses forces cette ombre du passé, ou, pour employer l'énergique expression de M. Guizot, « ce vieux fantôme qui ne la comprend pas, ne l'aime pas et prétend la ressaisir. »

Cette lutte ne date pas d'hier. L'amalgame qui se fit après Constantin entre l'Église et l'État la rendit inévitable. Au moyen âge, le chef de l'Église faisait obéir à son commandement peuples et seigneurs, rois et empereurs. Il

ôtait et donnait des couronnes, déchaînant la révolution contre tout souverain qui osait lui désobéir. La domination de l'Église arriva à son apogée le jour où Grégoire VII mit son pied vainqueur sur la tête de l'empereur tremblant et humilié dans les fossés de Canossa. Mais bientôt la réaction commence. Philippe le Bel, souffletant la papauté sur la joue de Boniface VIII, est l'image de l'émancipation violente du pouvoir civil. A mesure que la clarté se fait, l'effort pour se soustraire au joug du prêtre devient plus énergique. L'Eglise veut dompter l'esprit nouveau, non par ces armes de lumière dont parle saint Paul, mais par les armes de la violence, par le fer, par le feu.

Au midi de la France se développent une civilisation précoce, une poésie charmante comme la première fleur du renouveau. A la voix de saint Dominique, l'Église envoie ses bourreaux. Une parole effroyable se fait entendre: Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens; et la civilisation provençale, cette première renaissance, disparaît noyée dans le sang.

Jeanne d'Arc se lève, symbole sacré des nationalités qui se constituent. L'Église la déclare sorcière et la livre au bùcher.

Voici Jean Huss. C'est la raison moderne qui, reprenant possession d'elle-même, ne veut point de l'intermédiaire d'un homme entre Dieu et la conscience. Brûlé vif.

Campanella, Giordana Bruno, c'est la libre recherche et la philosophie. L'un est vingt fois soumis à la torture, l'autre brûlé vif.

Galilée, c'est la science qui fait la conquête de l'infini dans l'espace. Vite, la prison et les chevalets.

La Réforme émancipe la moitié de l'Europe. Rome lui oppose les jésuites, ces infatigables fauteurs de l'immoralité et du despotisme. S'ouvre aussitôt une époque de guerres, de

supplices, de persécutions, de massacres qui font rougir d'être homme.

La révolution française, conséquence logique de ce mouvement séculaire, n'est au fond, malgré ses excès, que l'incarnation du christianisme dans l'ordre politique et social. Sauf le clergé constitutionnel, minorité éloquente et vertueuse mais toujours honnie et décriée par les siens, l'Église n'a cessé de poursuivre de sa haine, de ses fureurs, de ses calomnies, cette révolution et le régime qu'elle a légué à notre temps. Jusqu'à nos jours, partout et toujours, sitôt qu'apparaît un germe de ces libertés qu'elle exècre et qu'elle ne comprend pas, elle n'a de repos que quand elle l'a foulé aux pieds, anéanti.

Où tend l'humanité? Sans entrer dans le détail, et autant qu'on peut saisir sa marche, voici ce que nous voyons :

Séparation de l'ordre des vérités de raison et des vérités révélées, de l'État et de l'Église; libre recherche des phénomènes de la nature, émancipation de la science; libre rapport entre l'homme et Dieu; émancipation religieuse; les nations libres de disposer d'elles-mêmes, souveraineté du peuple; droit égal pour tous devant la loi, sans distinction de culte ; diffusion croissante des lumières et du bien-être; liberté de la parole et de la presse; amélioration du sort du plus grand nombre par l'étude des lois économiques qui doivent présider à la distribution du capital et des produits, tels sont les principaux caractères de cette évolution que nous avons coutume d'appeler le progrès.

Eh bien, il n'est pas une seule de ces conquêtes de la civilisation moderne que le clergé n'ait tenté de refouler ou de rendre illusoire. Il voudrait faire rétrograder le cours providentiel de l'histoire.

Rien ne lasse l'ennemi dix fois séculaire de la raison. Par

fois vaincu ou momentanément dompté, il revient à la charge. Nulle concession, sinon la soumission absolue, ne peut le satisfaire. Vainqueur, il opprime; vaincu, il conspire. Qui négocie avec lui est perdu; cédez-lui un pied, il en prendra dix. Nationalité, patriotisme, légalité lui pèsent peu, car il a les yeux fixés sur un but plus haut, le triomphe du pape, le vicaire de Jésus-Christ sur la terre.

Depuis mille ans ses desseins n'ont pas changé ; ses arguments, ses moyens de succès sont identiques, ses armes empruntées au même arsenal. Il faut, prétend-il, que l'esprit commande au corps, la croix à l'épée, le pape à l'empereur, l'Église à l'État. Guelfes et Gibelins, catholiques et libéraux, autre est le nom, semblables l'objet et le terrain du combat. Si les leçons de l'histoire ne peuvent vous convaincre, voyez le présent.

Déjà avant 1789 le même esprit philosophique qui fit la révolution française avait commencé à refouler le despotisme clérical. En Autriche, des souverains et des ministres éclairés avaient posé des barrières à l'intolérance. Attaquées sans relâche, on les a vues naguère s'écrouler aux applaudissements des bons catholiques. Par le concordat du 18 août 1855, l'Autriche a anéanti les garanties de 1784 posées par Joseph II.

Que d'efforts l'Espagne n'a-t-elle pas faits pour se soustraire au fatal génie, cause de sa ruine et de ses bouleversements! Toujours en vain! Même en ses jours d'audace révolutionnaire et de fièvre anti-cléricale, elle n'a pas osé proclamer la liberté de conscience.

On y condamne encore les protestants aux galères et les évêques font des auto-da-fé des livres comme au plus beau temps de l'inquisition.

Quelle lutte en Italie! Avec quelle violence le clergé n'a-t-il

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