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Sans avoir rien gagné pour toi!

Non, l'on ne meurt point à mon âge;

Quelque chose me dit de reprendre courage....

Eh! que sert d'espérer !... que puis-je attendre enfin?...
J'avais une marmotte, elle est morte de faim. »
Et faible, sur la terre il reposait sa tête,
Et la neige, en tombant, le couvrait à demi;
Lorsqu'une douce voix, à travers la tempête,
Vint réveiller l'enfant par le froid endormi.
Qu'il vienne à nous celui qui pleure,
Disait la voix mêlée au murmure des vents;
L'heure du péril est notre heure :

Les orphelins sont nos enfants. >>

Et deux femmes en deuil recueillaient sa misère.
Lui, docile et confus, se levait à leur voix.
Il s'étonnait d'abord; mais il vit dans leurs doigts
Briller la croix d'argent au bout du long rosaire,
Et l'enfant les suivit en se signant deux fois.

(Poëmes élégiaques.}

LAMARTINE.

LAMARTINE (ALPHONSE DE) naquit à Mâcon en 1792. Il s'est placé par ses Méditations poétiques, qui parurent en 1820, au premier rang de nos poëtes lyriques; les Nouvelles Méditations poétiques, quoique étincelantes de beautés, eurent moins de succès que les premières. Après la Mort de Socrate, le Pèlerinage de ChildeHarold et le Chant du sacre, parurent les Harmonies poétiques, digne pendant des Méditations. M. de Lamartine a publié depuis, sous le titre de Jocelyn et sous celui de la Chute d'un ange, deux épisodes d'un poëme conçu dans de vastes proportions, et où l'on retrouve la richesse d'imagination et l'éclat de style qui distinguent toutes ses œuvres.

M. de Lamartine est membre de l'Académie française depuis 1829.

La prière.

Le roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire,
Descend avec lenteur de son char de victoire.
Le nuage éclatant qui le cache à nos yeux
Conserve en sillons d'or sa trace dans les cieux,
Et d'un reflet de pourpre inonde l'étendue.
Comme une lampe d'or dans l'azur suspendue,
La lune se balance aux bords de l'horizon,
Ses rayons affaiblis dorment sur le gazon,
Et le voile des nuits sur les monts se déplie:
C'est l'heure où la nature, un moment recueillie,
Entre la nuit qui tombe et le jour qui s'enfuit,
S'élève au créateur du jour et de la nuit,

Et semble offrir à Dieu, dans son brillant langage,
De la création le magnifique hommage.

Voilà le sacrifice immense, universel!

L'univers est le temple, et la terre est l'autel;

Les cieux en sont le dôme; et ces astres sans nombre,

Ces feux demi-voilés, pâle ornement de l'ombre,

Dans la voûte d'azur avec ordre semés,

Sont les sacrés flambeaux pour ce temple allumés.
Et ces nuages purs qu'un jour mourant colore,
Et qu'un souffle léger, du couchant à l'aurore,
Dans les plaines de l'air repliant mollement,
Roule en flocons de pourpre au bord du firmament,
Sont les flots de l'encens qui monte et s'évapore

Jusqu'au trône du Dieu que la nature adore.

Mais ce temple est sans voix. Où sont les saints concerts? D'où s'élèvera l'hymne au roi de l'univers?

Tout se tait mon cœur seul parle dans ce silence.

La voix de l'univers, c'est mon intelligence;
Sur les rayons du soir, sur les ailes du vent,
Elle s'élève à Dieu comme un parfum vivant;
Et, donnant un langage à toute créature,
Prête pour
l'adorer mon âme à la nature.
Seul, invoquant ici son regard paternel,
Je remplis le désert du nom de l'Éternel;
Et celui qui, du sein de sa gloire infinie,
Des sphères qu'il ordonne écoute l'harmonie,
Écoute aussi la voix de mon humble raison,
Qui contemple sa gloire et murmure son nom.
(Méditations poétiques.)

Dieu et son essence.

Cet astre universel, sans déclin, sans aurore,
C'est Dieu, c'est ce grand tout, qui soi-même s'adore!
Il est; tout est en lui: l'immensité, les temps,
De son être infini sont les purs éléments;
L'espace est son séjour, l'éternité son âge;
Le jour est son regard, le monde est son image;
Tout l'univers subsiste à l'ombre de sa main;
L'être à flots éternels découlant de son sein,
Comme un fleuve nourri par cette source immense,
S'en échappe, et revient finir où tout commence.

Sans bornes comme lui, ses ouvrages parfaits
Bénissent en naissant la main qui les a faits!
Il peuple l'infini chaque fois qu'il respire;

Pour lui, vouloir c'est faire; exister c'est produire !
Tirant tout de soi seul, rapportant tout à soi,
Sa volonté suprême est sa suprême loi!

Mais cette volonté, sans ombre et sans faiblesse,
Est à la fois puissance, ordre, équité, sagesse.
Sur tout ce qui peut être il l'exerce à son gré :
Le néant jusqu'à lui s'élève par degré :
Intelligence, amour, force, beauté, jeunesse,
Sans s'épuiser jamais, il peut donner sans cesse,
Et, comblant le néant de ses dons précieux,
Des derniers rangs de l'être il peut tirer des dieux!
Mais ces dieux de sa main, ces fils de sa puissance,
Mesurent d'eux à lui l'éternelle distance:

Tendant par leur nature à l'être qui les fit,
Il est leur fin à tous, et lui seul se suffit!

(Méditations poétiques.)

Hymne au soleil.

Dieu, que les airs sont doux! que la lumière est pure !
Tu règnes en vainqueur sur toute la nature,

O soleil! et des cieux où ton char est porté,
Tu lui verses la vie et la fécondité!

Le jour où, séparant la nuit de la lumière,
L'Éternel te lança dans ta vaste carrière,
L'univers tout entier te reconnut pour roi,
Et l'homme, en t'adorant, s'inclina devant toi.
Dès ce jour, poursuivant ta carrière enflammée,
Tu décris sans repos ta route accoutumée;
L'éclat de tes rayons ne s'est point affaibli;
Et sous la main des temps ton front n'a point pâli !
Quand la voix du matin vient réveiller l'aurore,

L'Indien prosterné te bénit et t'adore!

Et moi, quand le midi de ses feux bienfaisants
Ranime par degrés mes membres languissants,

Il me semble qu'un dieu, dans tes rayons de flamme,
En échauffant mon sein, pénètre dans mon âme!
Et je sens de ses fers mon esprit détaché,
Comme si du Très-Haut le bras m'avait touché!
Mais ton sublime auteur défend-il de le croire?
N'es-tu point, ô soleil, un rayon de sa gloire?
Quand tu vas mesurant l'immensité des cieux,
O soleil! n'es-tu point un regard de ses yeux ?
(Méditations poétiques.)

La mort.

Je te salue, ô Mort, libérateur céleste!

Tu ne m'apparais point sous cet aspect funeste
Que t'a prêté longtemps l'épouvante ou l'erreur;
Ton bras n'est point armé d'un glaive destructeur;
Ton front n'est point cruel; ton œil n'est point perfide;
Au secours des douleurs un Dieu clément te guide;
Tu n'anéantis pas; tu délivres! Ta main,
Céleste messager, porte un flambeau divin.
Quand mon œil fatigué se ferme à la lumière,
Tu viens d'un jour plus pur inonder ma paupière;
Et l'espoir près de toi rêvant sur un tombeau,
Appuyé sur la foi, m'ouvre un monde plus beau!
Viens donc, viens détacher mes chaînes corporelles.
Viens, ouvre ma prison; viens, prête-moi tes ailes;
Que tardes-tu? parais; que je m'élance enfin
Vers cet astre inconnu, mon principe et ma fin.

Qui m'en a détaché? qui suis-je, et que dois-je être? Je meurs, et ne sais pas ce que c'est que de naître. Toi, qu'en vain j'interroge, esprit, hôte inconnu, Avant de m'animer, quel ciel habitais-tu ?

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