Rafraîchissez le Châtel de mon cœur1 D'aucuns vivres de joyeuse plaisance; Car Faux-Danger, avec son Alliance' L'a assiégé dans la tour de Douleur.
Si ne voulez le siége sans longueur Tantôt lever, ou rompre par puissance, Rafraîchissez le Châtel de mon cœur D'aucuns vivres de joyeuse plaisance.
Ne souffrez pas que Dangier soit seigneur En conquêtant sous son obéissance Ce que tenez en votre gouvernance. Avancez-vous et gardez votre honneur; Rafraîchissez le Châtel de mon cœur.
N'a pas longtemps qu'allai parler A mon cœur tout secrètement, Et lui conseillai de s'ôter Hors de l'amoureux pensement; Mais il me dit bien hardiment: Me m'en parlez plus, je vous prie; J'aimerai toujours, si m'aid Dieu! Car j'ai la plus belle choisie : Ainsi m'ont rapporté mes yeux.
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Lors dis: « Veuillez me pardonner; Car je vous jure par serment
4. Cette pièce n'est qu'une longue métaphore dans le style des troubadours. -2. Avec ses alliés. — 3. Bientôt. 4. Il n'y a pas longtemps. B. Si Dieu m'aide.-6. Alors je dis.
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Que conseil je vous crois donner A mon pouvoir1, très-loyaument Voulez-vous sans allégement En douleur finir votre vie. -Nenni da! dit-il, j'aurai mieux. Ma dame m'a fait chière lie2 : Ainsi m'ont rapporté mes yeux.
- Croyez-vous savoir sans douter Par un seul regard seulement, Lui dis-je alors, tout son penser? OEil qui sourit quelquefois ment. - Taisez-vous, me dit-il, vraiment. Je ne croirai chose qu'on die3; Mais la servirai en tous lieux, Car de tous biens est enrichie : Ainsi m'ont rapporté mes yeux.
2. Bon visage. -3. Qu'on puisse dire.
VILLON.
VILLON. Né à Paris l'an 1431, Villon est mort en l'an 1500. Il était de basse naissance, et fut d'abord un écolier pauvre qui vécut au milieu de tous les mauvais sujets de l'Université, et mit longtemps sa gloire à être leur chef dans leurs jeux et même dans leurs plus vilaines entreprises. Il risqua d'être pendu, et dut sa grâce à Louis XI, envers lequel il s'est montré reconnaissant.
Villon avait un talent fort remarquable. Si son existence n'a rien qui intéresse, on doit reconnaître que son langage avait souvent de la grâce, de la vivacité surtout, et qu'il sut, plus d'une fois, trouver des accents élevés pour exprimer les tristes pensées qui se mêlaient à ses chansons ordinaires. C'est le premier poëte français qui se soit débarrassé tout à fait des habitudes de la poésie du moyen âge, et qui fasse pressentir nos grands écrivains.
François Ier aimait les poésies de Villon ; il chargea Clément Marot de les recueillir.
Quand je considère ces têtes Entassées en ces charniers; Tous furent maîtres des requêtes1 Ou tous de la chambre aux deniers 2, Ou tous furent porte-paniers : Autant puis l'un que l'autre dire; Car d'évêques ou lanterniers Je n'y connais rien à redire".
Et icelles qui s'inclinaient Unes contre autres en leurs vies; Desquelles les unes régnaient Des autres craintes et servies; Là les vois, toutes assouvies
de
1. Au parlement.-2, La cour des comptes d'autrefois. 3. Allumeur de lanternes.-4. Je ne saurais faire la distinction.-5. Celles.-6. Sans désir.
Ensemble en un tas pêle-mêle. Seigneuries leur sont ravies : Clerc ni maître ne s'y appelle.
De pauvreté me gourmentant 1, Souventes fois me dit le cœur : Homme ne te doulouze tant", Et ne démène tel douleur, Si tu n'as tant que Jacques Cœur3: Mieux vaut vivre, sous gros bureaux, Pauvre, qu'avoir été seigneur, Et pourrir sous riches tombeaux 3.
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Mon père est mort, Dieu en ait l'âme, Quant est du corps, il gît sous lame : J'entends que ma mère mourra; Et le sait bien, la pauvre femme; Et son fils pas ne démourra.
Je connais que pauvres et riches, Sages et fous, prêtres et lais 10, Noble et vilain, larges et chiches, Petits et grands, et beaux et laids, Dames à rebrassés collets ", De quelconque condition. Portant atours et bourrelets, Mort saisit sans exception.
Et meure Paris et Hélène! Quiconque meurt, meurt à 12 douleur,
4. Plaignant. - 2. Ne t'afflige.-3. Parce que tu n'es pas aussi riche que Jacques Cœur (Jacques Cœur, le célèbre négociant et banquier qui aida Charles VII et fit une fin malheureuse).-4. Grosse bure, gros drap. 5. Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré, » dira La Fontaine. 6. Quant à ce qui est. -7. Tombe. -8. Je sais aussi.-9. Et certainement je dois mourir comme eux. — 10. Laïques. - 44. Au col bien fait.-12. Avec.
Celui qui perd vent et haleine, Son fiel se crève sur son cœur : Puis sent Dieu sait quelle sueur! Et n'est de ses maux qui l'afflige; Car enfants n'a, frère, ni sœur, Qui lors voulut être son piége.'
La mort le fait frémir, pâlir, Le nez courber, les veines tendre, Le col enfler, la chair mollir, Jointes et nerfs, croître et étendre. Corps féminin, qui tout es tendre, Poli, suave, gracieux,
Te faudra-t-il ces maux attendre? Oui, ou tout vif aller aux cieux.
Dites-moi où, en quel pays Est Flora, la belle Romaine, Archipiada, ni3 Thaïs“, Qui fut sa cousine-germaine. Echo' parlant quand bruit on mène Dessus rivière ou sur étang,
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Qui beauté eut trop plus qu'humaine. Mais où sont les neiges d'antan "?
Où est la très-sage Héloïs Pour qui fut malheureux et moine Pierre Abelard, à Saint-Denis: Pour son amour eut cet essoine". Semblablement où est la reine Qui commanda que Buridan
2. Articulation. 1. Sa caution. 3. Ou. 4. Femmes fameuses par leur beauté. 5. La nymphe Echo. 6. Plus. 7. De l'année dernière. ante annum -8. Héloïse. 9. Ce malheur.
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