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QUINAULT.

QUINAULT (PHILIPPE) naquit à Paris le 3 juin 1635, l'année même de la fondation de l'Académie française. Tristan l'Hermite, auteur d'une tragédie de Marianne, le prit en affection, et cultiva les heureuses dispositions qu'il avait reçues de la nature. En 1653, Quinault donna au théâtre une comédie intitulée les Rivales; il n'avait alors que dix-huit ans. Toutes les pièces qu'il fit représenter après cet essai, comédies et tragédies, obtinrent un succès prodigieux; jamais poëte ne trouva le public aussi constamment favorable; tout ce qui tombait de sa plume était accueilli avec enthousiasme; mais aujourd'hui comédies et tragédies, tout est oublié, à l'exception de la Mère coquette, restée au répertoire. C'était dans le drame lyrique qu'il était réservé Quinault de produire des œuvres durables et d'immortaliser son nom. Les opéras d'Alceste, d'Atys, de Proserpine, de Roland et d'Armide vivront autant que notre langue, et seront toujours comptés au nombre des chefs-d'œuvre du siècle de Louis XIV.

Quinault, qui était entré à l'Académie française en 1670, mourut le 20 novembre 1688.

Les géants vaincus.

Les efforts d'un géant qu'on croyait accablé
Ont fait encor gémir le ciel, la terre et l'onde:
Mon empire s'en est troublé;

Jusqu'au centre du monde,

Mon trône en a tremblé.

L'affreux Typhon, avec sa vaine rage,
Trébuche enfin dans des gouffres sans fonds.
L'éclat du jour ne s'ouvre aucun passage
Pour pénétrer les royaumes profonds
Qui me sont échus en partage.

Le ciel ne craindra plus que ses fiers ennemis
Se relèvent jamais de leur chute mortelle;
Et du monde ébranlé par leur fureur rebelle
Les fondements sont raffermis.

Je puis faire goûter une paix éternelle

Aux peuples souterrains que le sort m'a soumis.

(Proserpine.)

Méduse.

J'ai perdu la beauté qui me rendit si vaine :
Je n'ai plus ces cheveux si beaux

Dont autrefois le dieu des eaux
Sentit lier son cœur d'une si douce chaîne.
Pallas, la barbare Pallas,

Fut jalouse de mes appas,

Et me rendit affreuse autant que j'étais belle;
Mais l'excès étonnant de la difformité
Dont me punit sa cruauté

Fera connaître, en dépit d'elle,
Quel fut l'excès de ma beauté.

Je ne puis trop montrer sa vengeance cruelle;
Ma tête est fière encor d'avoir pour ornement
Des serpents dont le sifflement
Excite une frayeur mortelle.

Je porte l'épouvante et la mort en tous lieux;
Tout se change en rocher à mon aspect horrible,
Les traits que Jupiter lance du haut des cieux
N'ont rien de si terrible

Qu'un regard de mes yeux.

Les plus grands dieux du ciel, de la terre et de l'onde, Du soin de se venger se reposent sur moi.

Si je perds la douceur d'être l'amour du monde,

J'ai le plaisir nouveau d'en devenir l'effroi.

(Persée.)

Armide s'irrite contre le destin qui protége Renaud.

Les enfers ont prédit cent fois

Quecontre ce guerrier nos armes seront vaines.

Et qu'il vaincra nos plus grands rois.
Ah! qu'il me serait doux de l'accabler de chaînes,
Et d'arrêter le cours de ses exploits!
Que je le hais; que son mépris m'outrage!
Qu'il sera fier d'éviter l'esclavage

Où je tiens tant d'autres héros!

Incessamment son importune image
Malgré moi trouble mon repos.

Un songe affreux m'inspire une fureur nouvelle
Contre ce funeste ennemi.

J'ai cru le voir, j'en ai frémi;

J'ai cru qu'il me frappait d'une atteinte mortelle.
Je suis tombée aux pieds de ce cruel vainqueur :
Rien ne fléchissait sa rigueur,

Et par un charme inconcevable,

Je me sentais contrainte à le trouver aimable,
Dans le fatal moment qu'il me perçait le cœur.

(Armide.)

Armide trouve Renaud endormi et ne peut se résoudre à le tuer.

Enfin il est en ma puissance,

Ce fatal ennemi, ce superbe vainqueur.

Le charme du sommeil le livre à ma vengeance,
Je vais percer son invincible cœur!

Par lui tous mes captifs sont sortis d'esclavage:
Qu'il éprouve toute ma rage!

Quel trouble me saisit; qui me fait hésiter?
Qu'est-ce qu'en sa faveur la pitié me veut dire?
Frappons!... Ciel! qui peut m'arrêter?

Achevons.... je frémis! vengeons-nous.... je soupire!
Est-ce ainsi que je dois me venger aujourd'hui?
Ma colère s'éteint quand j'approche de lui :

Plus je le vois, plus ma fureur est vaine;
Mon bras tremblant se refuse à ma haine.

(Armide.)

Fureurs d'Armide abandonnée par Benaud,

Non, jamais de l'amour tu n'as senti le charme.
Tu te plais à causer de funestes malheurs :
Tu m'entends soupirer, tu vois couler mes pleurs,
Sans me rendre un soupir, sans verser une larme.
Par les nœuds les plus doux, je te conjure en vain;
Tu suis un fier devoir, tu veux qu'il nous sépare.

Non, non, ton cœur n'a rien d'humain;

Le cœur d'un tigre est moins barbare.
Je mourrai si tu pars, et tu n'en peux douter.
Ingrat! sans toi je ne puis vivre;

Mais après mon trépas ne crois pas éviter
Mon ombre obstinée à te suivre :

Tu la verras s'armer contre ton cœur sans foi!
Tu la trouveras inflexible

Comme tu l'as été pour moi;

Et sa fureur, s'il est possible,

Egalera l'amour dont j'ai brûlé pour toi.

(Armide.)

BOILEAU.

BOILEAU-DESPRÉAUX (NICOLAS) naquit à Paris le 1o novembre 1636. Ses Satires, dont les sept premières parurent en 1666, frappèrent d'étonnement des lecteurs peu habitués à ce style rapide, ferme et élégant; et la raison enjouée de l'auteur mit tous les rieurs de son côté. Les Épîtres que publia ensuite Boileau, son Art poétique et son Lutrin l'élevèrent au rang des plus grands écrivains du siècle de Louis XIV. Quelques critiques se sont montrés fort sévères à l'égard de ce poëte. Ils n'ont pu, malgré leurs efforts, porter atteinte à sa réputation. L'accord constant chez cet homme remarquable de la pensée avec l'expression lui a fait donner depuis longtemps le nom le plus honorable qu'on pût trouver, celui de poète de la raison. Les ouvrages de Boileau sont des titres de gloire aussi légitimes que les chefs-d'œuvre de Racine.

Boileau fut reçu par l'Académie française le même jour que La Fontaine. Il mousut d'une hydropisie de poitrine le 16 mars 1711,

Bien n'est beau que le vrai.

Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable;
Il doit régner partout, et même dans la fable:

De toute fiction l'adroite fausseté

Ne tend qu'à faire aux yeux briller la vérité.
Vois-tu cet importun que tout le monde évite;

Cet homme à toujours fuir, qui jamais ne vous quitte?
Il n'est pas sans esprit; mais, né triste et pesant,
Il veut être folâtre, évaporé, plaisant;

Il s'est fait de sa joie une loi nécessaire.

Il ne déplaît enfin que pour vouloir trop plaire.

La simplicité plaît, sans étude et sans art.

Tout charme en un enfant, dont la langue sans fard,
A peine du filet encor débarrassée,

Sait d'un air innocent bégayer sa pensée.

Le faux est toujours fade, ennuyeux, languissant:
Mais la nature est vraie et d'abord on la sent

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