Mon vieux lettrẻ chercha, d'efpérance animé, Un monde fait pour lui, tel qu'il l'aurait formé. Il cherchait vainement: l'ange lui fait connaître Que rien de ce qu'il veut en effet ne peut être ; Que fi l'homme eût été tel qu'on feint les géans, Fefant la guerre au Ciel, ou plutôt au bon fens, S'il eût à vingt mille ans étendu fa carrière, Ce petit amas d'eau, de fable & de pouffière, N'eût jamais pu fuffire à nourrir dans fon fein Ces énormes enfans d'un autre genre-humain. Le chinois argumente; on le force à conclure Que dans tout l'univers chaque être a sa mesure; Que l'homme n'eft point fait pour ces vaftes défirs; Que fa vie eft bornée, ainfi que fes plaifirs; Que le travail, les maux, la mort font néceffaires ; Et que fans fatiguer, par de lâches prières, La volonté d'un Dieu qui ne faurait changer, On doit fubir la loi qu'on ne peut corriger, Voir la mort d'un œil ferme & d'une ame foumife. Le lettré convaincu, non fans quelque furprife, (c) S'en retourne ici-bas, ayant tout approuvé; Mais il y murmura, quand il fut arrivé. Convertir un docteur eft une œuvre impoffible. Matthieu (d) Garo chez nous eut l'efprit plus flexible: Et formé pour agir, fe plaifait à rien faire. Contentons-nous des biens qui nous font destinés, Des tréfors qu'il renferme & des biens qu'il produit. Si du Dieu qui nous fit l'éternelle puissance Eût à deux jours au plus borné notre existence, Je fuivais la nature, & cherchais la fageffe; Implacable ennemi du calomniateur, Du fanatique abfurde & du vil délateur; Ne fut jamais permise à l'humaine nature. (0) DU SIXIEME DISCOURS. HOMME OM ME très-favant dans l'hiftoire des Chinois, & même dans leur langue. (b) Dieu des Chinois. (c) Que fa vie eft bornée, ainsi que ses plaisirs ; Que DIEU feul a raison, fans qu'il nous en informe. Le lettré convaincu de fa fottife énorme S'en retourne ici bas, &c. (d) Voyez la fable de la Fontaine : En louant DIEU de toute chofe, Cependant on a répondu à Matthieu Garo, dans le Dictionnaire philosophique. (1) M. de Vaucanfon n'était encore connu que par son flûteur, fon joueur de tambourin, fes canards. Il s'eft illuftré depuis en appliquant fon génie pour la mécanique à la perfection des arts, & il en a été récompensé comme il méritait de l'être. Lui-même ne regardait ses automates que comme des jeux d'enfans; mais on avait tort de ne pas fentir que ces jeux d'enfans annonçaient un génie qu'il ne fallait qu'employer pour le rendre utile. ( 2 ) Qu'il nous foit permis d'observer que nous avons vu M. de Voltaire a quatre-vingts ans tel que lui-même se peignait ici à quarante, SUR LA VRAIE VERTU. (a) LE nom de la vertu retentit fur la terre; On l'entend au théâtre, au barreau, dans la chaire; C'eft un beau mot fans doute, & qu'on fe plaît d'entendre, On trompe, on eft trompé. Je crois voir des jetons Qu'est-ce que la vertu ? le meilleur citoyen, Dans les champs levantins le derviche hébété, Les reins ceints d'un cordon, l'œil armé d'impudence, Mais quel en eft le fruit? quel bien fait-il au monde? |