La règle avec la paix fous des abris tranquilles, Aux arts encouragés affura des afiles.
L'orphelin fut nourri, le vagabond fixé ;
Le pauvre, oifif & lâche, au travail fut forcé ; Et l'heureuse induftrie amenant l'abondance Appela l'étranger qui méconnut la France: L'étranger étonné qui, prompt à s'irriter, Fut jaloux de Louis, & ne put l'imiter. Ainfi quand du Très-haut la parole féconde, Des horreurs du chaos eut fait naître le monde, Il en fixa la borne, il plaça dans leurs rangs Ces tréfors de lumière & ces globes errans ; De l'immenfe Saturne il ralentit la course; Fit dans un cercle étroit rouler le char de l'Ourfe; De la Lune à la Terre affura les fecours; Diftingua les climats, & mefura les jours. Il dit à l'Océan: que ton orgueil s'abaiffe; Que l'aftre de la nuit te foulève & t'affaiffe: Il dit aux flancs du Nord: enfantez les Autans; Aux eaux du ciel: tombez, fertilisez les champs; Et que tantôt liquide, & tantôt endurcie, L'onde revole au ciel en vapeurs obscurcie.
Il dit, & tout fut fait; &, dès ces premiers temps, Toujours indeftructible en fes grands changemens, La nature entretient, à fon maître fidelle, D'élémens oppofés la concorde éternelle.
Si l'on peut comparer aux chefs-d'œuvres divins Les faibles monumens des efforts des humains, Sous un roi bienfefant parcourons cette ville Obéiffante, heureuse, agiffante, tranquille. Quelle ame inceffamment conduit ce vafte corps? Quelle invifible main préfide à ces refforts?
Quel fage a fu plier à nos communs fervices Nos befoins, nos plaisirs, nos vertus & nos vices? Pourquoi ce peuple immense, avec fécurité Vit-il fans prévoyance & fans calamité? L'aftre du jour à peine a fini fa carrière, De cent mille fanaux l'éclatante lumière Dans ce grand labyrinthe avec ordre me luit, Et forme un jour de fète au milieu de la nuit. L'aurore ouvre les cieux, le befoin fe réveille, Il appelle à grands cris le travail qui fommeille; Vertumne avec Pomone apporte au point du jour Les fruits prématurés, hâtés par leur amour. Ces rivages pompeux qui refferrent ces ondes Sont couverts en tout temps des tréfors des deux mondes. Ici l'or qu'on filait s'étend sous le marteau; La main de l'artifan lui donne un prix nouveau; La vanité des grands, le luxe, la molleffe, Nourriffent des petits l'infatigable adreffe. Je vois tous les talens, par l'espoir animés, Noblement foutenus, fagement réprimés: L'un de l'autre jaloux, empreffés à se nuire, L'intérêt les fit naître, il pourrait les détruire; Un fage les modère, & de leurs factions Fait au bonheur public fervir les paffions. Mais ce n'eft pas affez qu'un sage soit utile; Le magiftrat français doit penser en édile; Il doit lever les yeux vers ces nobles Romains Que le ciel fit en tout l'exemple des humains. C'était peu de tracer de leurs mains triomphantes, Du Tibre au Pont-Euxin ces routes étonnantes;
De transporter les flots des fleuves captivés, Sur cent arcs triomphaux jusqu'au ciel élevés;
Rome en grands monumens de tous côtés féconde, Donna des lois, des arts, & des fêtes au monde; L'univers enchaîné dans un heureux loifir, Admira les Romains jufqu'au fein du plaifir. Paris ne cède point à l'antique Italie;
Chaque jour nous raffemble aux temples du génie, A ces palais des arts, à ces jeux enchanteurs, A ces combats d'efprit qui poliffent les mœurs: Pompe digne d'Athène où tout un peuple abonde, Ecole des plaifirs, des vertus & du monde. Plus loin la preffe roule, & notre œil étonné, Y voit un plomb mobile en lettres façonné, Mieux que chez les Chinois, fur des feuilles légères, Tracer en un moment d'immortels caractères. Protégez tous ces arts, ô vous, foutiens des lois, Miniftres confidens ou précepteurs des rois; Méritez que vos noms foient écrits dans l'hiftoire Par la main des talens, organes de la gloire. Colbert & Richelieu, les palmes dans les mains, De l'immortalité vous montrent les chemins. Regardez auprès d'eux ce vigilant génie, Succeffeur généreux du prudent La Reynie, A qui Paris doit tout, & qui laiffe aujourd'hui, Pour le bien des Français, deux fils dignes de lui. Ma voix vous nommerait, vous dont la vigilance Etend des foins nouveaux fur cette ville immense; Si vos jours confacrés au maintien de nos lois Vous laiffaient un moment pour entendre ma voix; J'oferais, emporté par une heureuse ivreffe,
De mon roi bienfesant célébrer la fageffe;
Mais l'éloge eft pour lui, malgré fon bruit flatteur, La feule vérité qui déplaise à fon cœur.
Au pied de ces monts redoutables
Où fleurit la nature au milieu des hivers, Vers ces climats rians, près des rives aimables Où tous les tréfors font ouverts,
J'ai vu les enfans de la guerre,
Semblables aux torrens qui fondaient avec eux, A travers les glaçons apporter le tonnerre Qu'allumaient dans leurs mains les aquilons fougueux. De la cour de Louis l'éclatante jeuneffe
Part du fein des plaifirs qu'elle aime & qu'elle a fui; Voyageurs fans regret, & guerriers fans faibleffe, Elevés comme Achille, ils volent comme lui, Des lieux où dans les fleurs les berçait la molleffe, Au carnage où l'honneur les appelle aujourd'hui.
Le monarque des monts, l'héritier d'Amédée Voit naître un camp fuperbe, où s'élève l'appui Dont fa valeur eft fecondée.
Quand Mars tonne aux rives du Rhin,
La ligue du vengeur foudroie en Italie
L'aigle impérieux du Germain,
Que Villars confondra, que Berwick humilie.
Villars couvert de tout l'éclat
Dont brilla jadis fa carrière,
Voit encor les dangers, & franchit la barrière. Eugène eft au confeil; & Villars, au combat, Sous d'éternels lauriers blanchit fa tête altière; Et fon triomphe illimité
Met au rang des vaincus l'âge qu'il a dompté. Au réveil foudain de la France
L'Ibère ouvre les yeux, le fer brille; & Madrid Voit le triple ferment que la vengeance écrit Sur les drapeaux de l'alliance;
Et l'aigle fur fa proie, où le vainqueur s'élance Jette un dernier regard dont l'Europe sourit. Déjà fur ces rives fanglantes
On voit fes fujets dépouillés
Echapper en tremblant aux débris foudroyés De vingt citadelles brûlantes.
Pizzighitone en feu nous laiffe encor des traits Dont Milan frappé doit se rendre.
Tortone & fes rochers en cendre
Sont l'augure éclatant des rapides progrès Que Naples a frémi d'entendre,
Et dont pâlit Mantoue au fond de fes marais.
Rappelé des climats de l'Ourfe,
Le Germain n'ira plus, négligeant fes confins, Soulever l'étranger, & ralentir la course
D'un roi foutenu par nos mains.
Un peuple, au fond du Nord, fameux par fes orages, Malheureux par fa liberté,
Des Dieux & des Bourbons recueillant les fuffrages,
Donnait les fiens à l'équité.
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