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DUO.

Que les fleurs parent nos têtes:
Que les plus aimables fêtes
Soient l'ornement de leur cour.
Fuyez nuit obfcure,

Que les feux de l'amour
Allument dans ce féjour

Une clarté plus pure

Que le flambeau du jour.

UNE VOIX SEULE.

Air.

Régnez, Nymphe charmante,

Régnez parmi les ris;

Ne voyez point avec mépris
L'hommage que l'on vous préfente.

Vos attraits en font tout le prix.

De vos yeux l'aimable pouvoir

De la paix de nos cœurs a troublé l'innocence :
Nous vous aimons fans espérance;

Nous jouiffons du moins du bonheur de vous voir;
C'eft notre unique récompenfe.

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Régnez, Nymphe charmante,
Régnez parmi les ris;

Ne voyez point avec mépris

L'hommage que l'on vous préfente,

Vos attraits en font tout le prix.

DE MADEMOISELLE

LE COUVREUR,

CELEBRE ACTRICE.

Qu

1730.

UE vois-je ! quel objet ! quoi! ces lèvres charmantes, Quoi! ces yeux d'où partaient ces flammes éloquentes, Eprouvent du trépas les livides horreurs!

Muses, Grâces, Amours, dont elle fut l'image,
O mes dieux & les fiens, fecourez votre ouvrage.
Que vois-je! c'en eft fait, je t'embraffe, & tu meurs!
Tu meurs; on fait déjà cette affreuse nouvelle;
Tous les cœurs font émus de ma douleur mortelle.
J'entends de tous côtés les beaux arts éperdus,
S'écrier en pleurant, Melpomène n'eft plus.
Que direz-vous, race future,

Lorsque vous apprendrez la flétrissante injure
Qu'à ces arts défolés font des hommes cruels ?
Ils privent de la fépulture

Celle qui dans la Grèce aurait eu des autels.

Quand elle était au monde, ils foupiraient pour elle;
Je les ai vu foumis, autour d'elle empressés :
Sitôt qu'elle n'eft plus elle est donc criminelle!
Elle a charmé le monde, & vous l'en puniffez !
Non, ces bords déformais ne feront plus profanes: (a)
Ils contiennent ta cendre; & ce trifte tombeau,
Honoré par nos chants, confacré par tes mânes,
Eft pour nous un temple nouveau.

Voilà mon Saint-Denis; oui, c'eft là que j'adore
Tes talens, ton efprit, tes grâces, tes appas:
Je les aimai vivans; je les encense encore,
Malgré les horreurs du trépas,

Malgré l'erreur & les ingrats,

Que feuls de ce tombeau l'opprobre déshonore.
Ah! verrai-je toujours ma faible nation,
Incertaine en fes vœux, flétrir ce qu'elle admire;
Nos mœurs avec nos lois toujours fe contredire ;
Et le Français volage endormi fous l'empire
De la fuperftition ?

Quoi! n'eft-ce donc qu'en Angleterre
Que les mortels ofent penser?

O rivale d'Athène! ô Londre! heureuse terre!
Ainfi que des tyrans, vous avez fu chaffer
Les préjugés honteux, qui vous livraient la guerre.
C'est là qu'on fait tout dire, & tout récompenfer;
Nul art n'eft méprifé, tout fuccès a fa gloire.
Le vainqueur de Tallard, le fils de la victoire,
Le fublime Dryden, & le fage Addisson,
Et la charmante Ophils, & l'immortel Newton,
Ont part au temple de mémoire :

(a) Elle eft enterrée fur le bord de la Seine, près le Pont royal.

Et le Couvreur à Londre aurait eu des tombeaux
Parmi les beaux efprits, les rois, & les héros. (1)
Quiconque a des talens à Londre eft un grand homme.
L'abondance & la liberté

Ont après deux mille ans chez vous reffufcité
L'efprit de la Grèce & de Rome.

Des lauriers d'Apollon, dans nos ftériles champs,
La feuille négligée eft-elle donc flétrie?
Dieux! pourquoi mon pays n'eft-il plus la patrie
Et de la gloire & des talens?

(1) Après ce vers :

Parmi les beaux efprits, les rois, & les héros,

on lifait ceux-ci dans une édition de 1738.

Le génie étonnant de la Grèce & de Rome,
Enfant de l'abondance & de la liberté,
Semble après deux mille ans chez eux reffufcité.
O toi, jeune Sallé, (*) fille de Terpficore,

Qu'on infulte à Paris, mais que tout Londre honore,
Dans tes nouveaux fuccès, reçois avec mes vœux

Les applaudiffemens d'un peuple refpectable;
De ce peuple puiffant, fier, libre, généreux,

Aux malheureux propice, aux beaux arts favorable.
Des lauriers d'Apollon, &c.

(*) Mlle Sallé, célébre danseuse de l'opéra de Paris, était alors en Angleterre.

SOUS

LOUIS XI V. (*)

LE grand art de régner eft le premier des arts;

Il ne fe borne point aux fatigues de Mars;
Il n'eft point renfermé dans le foin politique
D'abaiffer la fierté d'un voifin tyrannique,
Ou d'ébranler l'Europe, ou d'y donner la loi.
Le devoir d'un monarque eft de régner chez foi;
D'y former un Etat redoutable & tranquille,

De rendre heureux fon peuple en le rendant docile:
C'eft ainfi que Louis fut paffer autrefois

Des tentes de Bellone au temple de nos lois.

Il montait fur un trône environné d'abymes,

De débris, de tombeaux, de meurtres, & de crimes, Au milieu des flambeaux de nos divifions,

Aux cris de la difcorde, au bruit des factions.

Il parut, il fut fage, & l'Etat fut paisible.

La difcorde à fon joug foumit fa tête horrible,

Et la confufion fit filence à fa voix.

Tout prit un nouveau cours, tout rentra dans fes droits.
Le magiftrat fut jufte, & l'Eglife fut fainte;
Paris vit profpérer dans fon heureuse enceinte
Des citoyens foumis, au travail affidus,

Qui refpectaient les grands, & ne les craignaient plus.

(*) On croit que cette pièce a concouru pour le prix de l'académie française

La

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