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nom de Rotalier ; il a déjà fait son marché avec tous les épiciers de la pro vince, pour leur vendre les remarques fur le pontificat de Grégoire VII, de Jean XII, d'Alexandre V'1; fur l'ulcère malin dont Léon X fut attaqué dans le périnée, fur la liberté d'indifférence, l'optimisme, Zaïre, Tancrède, Nanine, Mérope, le fiècle de Louis XIV & la princeffe de Babylone. Nous pourrons joindre ici frère Proft, dit Rotalier, à frère Nonotte & à frère Patouillet, quand nous ferons de loifir, & que nous aurons envie de rire. Ce n'eft pas que nous negligions Cogé, & Larcher & Guyon, les grands hommes attachés à la fecte des convulfionnaires de qui les écrits donnent des convulfions. Nous fommes juftes, nous n'avons acception de perfonne.

Bos, afinufve funt, nullo difcrimine hal emus,

FIN

LA FETE

DE BELLEBAT.

DES EDITEUR S.

CETTE lettre contient la defcription d'une fête donnée à Bellebat, chez M. le marquis de Livri, en 1724.

Le curé de Courdimanche, dans la paroiffe de qui le château de Bellebat eft fitué, était un fort bon homme, à demi-fou, qui fe piquait de faire des vers & de bien boire, & fe prêtait de bonne grace aux plaifanteries dont on le rendait l'objet.

Le ton qui règne dans cette fête, où se trouvaient un grand nombre de jeunes femmes, & dans la description adreffée à une princesse jeune & qui n'était point mariée, est un refte de la liberté des mœurs de la régence.

Tous les vers, à beaucoup près, ne sont pas de M. de Voltaire, & ceux qui lui appartiennent font faciles à distinguer.

Le divertissement intitulé l'Hôte & l'Hôteffe, a été composé pour une fête que MONSIEUR devait donner à la Reine, à Brunoi, en 1776.

LA

DE BELLEBAT.

A SON ALTESSE SÉRÉNISSIME.

MADEMOISELLE DE CLERMONT.

1724.

LES citoyens de Bellebat ne peuvent vous rendre

compte que de leurs divertiffemens & de leurs fêtes; ils n'ont ici d'affaires que celles de leurs plaisirs. Bien différens en cela de M. votre frère aîné (1), qui ne travaille tous les jours que pour le bonheur des autres. Nous fommes tous devenus ici poëtes & muficiens, fans pourtant être devenus bizarres. Nous avons de fondation un grand homme qui excelle en ces deux genres; c'eft le curé de Courdimanche: ce bon homme a la tête tournée de vers & de mufique; & on le prendrait volontiers pour l'aumônier du cocher de M. de Vertamont (2). Nous le couronnâmes poëte hier en cérémonie dans le château de Bellébat; & nous nous flattons que le

(1) M. le Duc, premier miniftre.

(2) C'était un chansonnier du pont-neuf, très-célébre alors, comme le Savoyard, dont parle Boileau, l'avait été de fon temps. Depuis les chanfonniers ont quitté le pont-neuf pour le théâtre de l'opéra-comique.

Poëmes.

bruit de cette fête magnifique excitera par-tout l'émulation, & ranimera les beaux arts en France.

On avait illuminé la grand'falle de Bellébat, au bout de laquelle on avait dreffé un trône sur une table de lanfquenet; au-deffus du trône pendait à une ficelle imperceptible une grande couronne de laurier, où était renfermée une petite lanterne allumée, qui donnait à la couronne un éclat fingulier. Monfeigneur le comte de Clermont, & tous les citoyens de Bellébat étaient rangés fur des tabourets; ils avaient tous des branches de laurier à la main de belles mouftaches faites avec du charbon, un bonnet de papier fur la tête, fait en forme de pain de fucre; & fur chaque bonnet, on lifait en groffes lettres le nom des plus grands poëtes de l'antiquité. Ceux qui fefaient les fonctions de grands-maîtres, des cérémonies avaient une couronne de laurier fur la tête, un bâton à la main, & étaient décorés d'un tapis vert, qui leur fervait de mante.

une

Tout était difpofé, & le curé étant arrivé dans une calèche à fix chevaux, qu'on avait envoyée audevant de lui, il fut conduit à fon trône. Dès qu'il fut affis, l'orateur lui prononça, à genoux, harangue dans le ftyle de l'académie, pleine de louanges, d'antithèses & de mots nouveaux. Le curé reçut tous ces éloges avec l'air d'un homme qui fait bien qu'il en mérite encore davantage : car tout le monde n'eft pas de l'humeur de notre reine (3), qui hait les louanges autant qu'elle les mérite. Après la harangue, on exécuta le concert dont on vous envoie

(3) Marie Leczinski, qui venait d'épouser Louis XV. Mademoiselle de Clermont, était furintendante de sa maison,

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