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Chacun embraffe & Robert & Catin;

Et dans leur zèle ils tiennent pour des traîtres
Les prédicans qui, de leurs droits jaloux,
Dans la cité voudraient faire les maîtres,
Juger l'amour, & parler de genoux.

Ami lecteur, il eft dans cette ville
De magiftrats un fénat peu commun,
Et peu connu. Deux fois douze, plus un,
Font le complet de cette troupe habile.
Ces fénateurs, de leur place ennuyés,
Vivent d'honneur, & font fort mal payés.
On ne voit point une pompe orgueilleuse
Environner leur marche faftueuse;
Ils vont à pied comme les Manlius,
Les Curius & les Cincinnatus.

Pour tout éclat une énorme perruque
D'un long boudin cache leur vieille nuque,
Couvre l'épaule & retombe en anneaux ;
Cette crinière a deux pendans égaux,

De la juftice emblême refpectable.

Leur col eft roide; & leur front vénérable
N'a jamais fu pencher d'aucun côté,

Signe d'efprit, & preuve d'équité.

Les deux partis devant eux fe présentent,
Plaident leur caufe, infiftent, argumentent :
De leurs clameurs le tribunal mugit;
Et plus on parle, & moins on s'éclaircit.
L'un fe prévaut de la fainte écriture;
L'autre en appelle aux lois de la nature;
Et tous les deux décochent quelque injure,
Pour appuyer le droit & la raison.

Dans le fénat il était un Caton,

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Paul Galatin, fyndic de cette année,
Qui crut l'affaire en ces mots terminée.
" Vos différens pourraient s'accommoder.
"Vous avez tous l'art de perfuader.

"Les citoyens & l'éloquent Covelle

"Ont leurs raisons... les vôtres ont du poids...
"C'eft ce qui fait... l'objet de la querelle...
,, Nous en pourrons parler une autre fois...
› Car... en effet... il eft bon qu'on s'entende....
"Il faut favoir ce que chacun demande....
"De tout état l'Eglife eft le foutien...
"On doit furtout penser au... citoyen...
"Les blés font chers & la difette eft grande.
› Allons dîner... les genoux n'y font rien."(s)
A ce discours, à cet arrêt fuprême,
Digne en tout fens de Thémis elle-même,
Les deux partis également flattés,
Egalement l'un & l'autre irrités,
Sont réfolus de commencer la guerre.
O guerre horrible! ô fléau de la terre!
Que deviendront Covelle & fes amours?
Des bons bourgeois le bras les favorise;
Mais les bourgeois font un faible fecours
Quand il s'agit de combattre l'Eglife.
Leur premier feu bientôt se ralentit,
Et pour l'éteindre un dimanche fuffit.
Au cabaret on eft fier, intrépide;

Mais au fermon qu'on eft fot & timide!
Qui parle feul a raifon trop fouvent.

Sans rien rifquer fa voix peut nous confondre.
Un temps viendra qu'on pourra lui répondre;
Ce temps eft proche, & fera fort plaisant.

NOTES DU PREMIER CHANT.

(a)HOMERE, qui a fait le combat des grenouilles & des rats.

(b) L'auteur de la Secchia rapita, ou de la terrible guerre entre Bologne & Modène, pour un seau d'eau.

(c) Nicolas Boileau.

(d) La montagne de Salève, partie des Alpes.

(e) Les feuls citoyens de Genève ont quatre millions cinq cents mille livres de rentes fur la France, en divers effets. Il n'y a point de ville en Europe qui dans fon territoire ait autant de jo'ies maisons de campagne, proportion gardee. Il a cinq cents fourneaux dans Genève, où l'on fond l'or & l'argent: on y pouffait autrefois des argumens théologiques.

(f) Auteur des comptes-faits.

(g) Ces vers font dignes de la musique ; on y chante les commandemens de DIEU fur l'air : Réveillez-vous, belle endormie.

(h) Prédicant génevois.

(i) Calvin, chanoine de Noyon.

(k) Le soleil, comme on fait, découvrit Vénus couchée avec Mars, & Vulcain porta fa plainte au consistoire de là-haut.

(1) Vernet, profeffeur en théologie, très-plat écrivain, fils d'un réfu gié. Nous avons fes lettres originales, par lesquelles il pria l'auteur de l'Effai fur les mœurs de le gratifier de l'édition, & de l'accepter pour correcteur d'imprimerie. Il fut refufé & fe jeta dans la politique.

(m) Broun, prédicant écoffais, qui a écrit des fottifes & des injures, de compagnie avec Vernet. Ce prédicant écoffais venait fouvent manger chez l'auteur, fans être prié ; & c'est ainsi qu'il temoigna fa reconnaissance. Needham eft un jefuite irlandais, imbecille, qui a cru faire des anguilles avec de la farine. On a donné quelque temps dans la chimère, & quelques philosophes même ont bâti ce systême fur cette pretendue expérience auffi fauffe que ridicule.

Voyez une note des éditeurs fur Néedham, volume de Phyfique.

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(n) Chauffon, fameux partisan d'Alcibiade, ďAlexandre, de JulesCéfar, de Giton, de Desfontaines, de l'âne littéraire, brûlé chez les Velches, au dix-feptième siècle.

(0) Voyez l'article Genève, dans l'Encyclopédie. Jamais Vernet n'a figné que JESUS eft DIEU consubstantiel à DIE U le père. A l'égard de l'Esprit, il n'en parle pas.

(p) Voyez l'hiftoire de l'Empire & de France.

(q) Cetegus, complice de Catilina.

(r) Maître Aliboron, dit Fréron, était à la première représentation de l'Ecoffaife. Il fut hué pendant toute la pièce, & reconduit chez lui par le public avec des huées.

(s) C'est le refrain d'une chanfon grivoife, & lon, lan, la, les genoux n'y font rien.

(1) Il eft très - vrai que les miniftres citèrent à Covelle l'exemple de Louis le débonnaire ou le faible, & qu'il leur fit cette réponse.

CHANT SECON D.

QUAND deux partis divisent un empire,
Plus de plaifirs, plus de tranquillité,
Plus de tendreffe & plus d'honnêteté;
Chaque cerveau, dans fa moëlle infecté,
Prend pour raison les vapeurs du délire;
Tous les efprits, l'un par l'autre agité, ́
Vont redoublant le feu qui les inspire:
Ainfi qu'à table un cercle de buveurs,
Fefant au vin fuccéder les liqueurs,
Tout en buvant demande encore à boire,
Verse à la ronde, & fe fait une gloire
En s'enivrant d'enivrer fon voifin.

Des prédicans le bataillon divin,
Ivre d'orgueil & du pouvoir suprême,
Avait déjà prononcé l'anathême;
Car l'hérétique excommunie auffi.
Ce facré foudre eft lancé fans merci
Au nom de DIEU. Genève imite Rome,
Comme le finge eft copiste de l'homme.
Robert Covelle & fes braves bourgeois
Font peu de cas des foudres de l'Eglife:
On en fait trop; on lit l'Efprit des lois.
A fon pafteur l'ouaille eft peu foumise.
Le fier Rodon, l'intrépide Flournois,
Pallard le riche, & le difcret Clavière
Vont envoyer, d'une commune voix,
Les prédicans prêcher dans la rivière.

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