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AU

ROI DE PRUSSE.

SIRE,

ON impute au troifième roi de la Judée le

petit livre de l'Eccléfiafte. Je dédie le précis de cet ouvrage au troisième roi de la Prusse, qui penfe comme Salomon paraît penser, & qui a fouvent exprimé les mêmes fentimens avec plus de méthode & plus d'énergie.

Quel que foit l'auteur de l'Eccléfiafte, il est certain qu'il était philofophe; & il n'eft pas fi certain qu'il fût roi. Vous êtes l'un & l'autre ; ainfi vous réuniffez tout ce qu'il y a, dit-on, de mieux fur la terre.

Des cuiftres ignorans, qui déteftaient les philofophes & qui n'aimaient pas les rois, ont condamné ce petit précis de l'Eccléfiafte, apparemment parce qu'il eft en vers; car ces meffieurs ne font pas plus touchés de la poëfie que de la philofophie. C'est une nouvelle raison pour dédier cet ouvrage à Votre Majesté. Elle a sur Salomon l'avantage de faire des vers, & de n'être

point tiraillée par fept cents époufes dites légitimes, & par trois cents drôleffes dites concubines ou femmes du fecond rang, ce qui ne convient pas trop à un fage.

L'Eccléfiafle a été infpiré par le ST ESPRIT; la traduction libre que je mets à vos pieds n'a été infpirée que par la raison; ainfi le traducteur peut être tombé dans des erreurs groffières. Il a pu, fans le favoir, hasarder des paroles mal-fonnantes & fentant l'héréfie: mais comme Votre Majefté eft hérétique, elle ne s'en offensera pas. Elle continuera à me donner sa protection contre les fots dont elle eft accoutumée à triompher comme de fes ennemis,

AVERTISSEMENT.

SOIT que l'Eccléfiafte ait été effectivement

composé par Salomon, soit qu'un autre auteur inspiré ait fait parler ce fage, ce livre a toujours été regardé comme un monument précieux, & l'eft d'autant plus qu'on y trouve plus de philofophie. Il montre le néant des chofes humaines; il conseille en même temps l'usage raisonnable des biens que DIEU a donnés aux hommes. Il ne fait pas de la fageffe un tableau hideux & révoltant; c'est un cours de morale fait pour les gens du monde. C'est pourquoi on a cru ce livre de l'Ecriture préférable à tout autre, pour en donner un précis en vers, & pour le présenter à la perfonne refpectable à qui on a eu l'honneur de l'adreffer.

Il n'aurait pas été poffible de le traduire d'un bout à l'autre avec fuccès; le ftyle oriental est trop différent du nôtre. L'esprit divin qui s'élève au-deffus de nos idées néglige la méthode; il ne fait point difficulté de répéter fouvent les mêmes pensées & les mêmes expreffions. Il passe rapidement d'un objet à un autre; il revient fur fes pas; il ne craint ni les contradictions apparentes que notre efprit borné eft obligé de concilier, ni les grandes hardieffes que notre faibleffe eft dans la néceffité d'adoucir.

Poëmes.

R

Le sentiment de sa propre insuffisance a forcé le traducteur à raffembler en un corps les idées quifont répandues dans ce livre avec une sublime profufion; à y mettre une liaison nécessaire pour nous, & un ordre qui était inutile à l'esprit faint; & enfin, à prendre un vol moins hardi, convenable à un laïque qui donne l'abrégé d'un livre divin.

DE L'ECCLESIASTE.

DANS ma bouillante jeunesse

J'ai cherché la volupté;
J'ai favouré fon ivreffe:
De mon bonheur dégoûté,
Dans fa coupe enchantereffe
J'ai trouvé la vanité.

La grandeur & la richesse
Dans l'âge mûr m'ont flatté:
Les embarras, la trifteffe,
L'ennui, la fatiété,

Ont averti ma vieilleffe

Que tout était vanité.

J'ai voulu de la science
Pénétrer l'obfcurité.

O nature, abyme immenfe!
Tu me laiffes fans clarté ;
J'ai recours à l'ignorance:
Le favoir eft vanité.

TEXT E.

Vanité des vanités, & tout eft vanité. J'ai dit dans mon cœur : je vais me plonger dans des délices, & j'ai trouvé encore que cela eft vanité. Je me fuis propofé d'examiner tout ce qui est sous le foleil, & c'eft une très-mauvaife occupation.... J'ai voulu connaître la doctrine & les erreurs..... & c'eft une affliction d'efprit. J'ai entrepris de grandes choses, j'ai bâti des palais, &c........ j'ai eu des efclaves, j'ai fait de grands amas d'or..... & j'ai vu en tout cela vanité & affliction d'efprit.

R &

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