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POEM E

DE

FONTE NO I

LOUIS X V.

Difce puer virtutem ex me. Æneid. lib. XII.

JE

SIRE,

E n'avais ofé dédier à Votre Majefté les premiers effais de cet ouvrage; je craignais fur-tout de déplaire au plus modefte des vainqueurs. Mais, Sire, ce n'est point ici un panegyrique, c'est une peinture fidèle d'une partie de la journée la plus glorieuse depuis la bataille de Bovines; ce font les fentimens de la France, quoiqu'à peine exprimés; c'est un poëme fans exagération, & de grandes vérités fans mélange de fiction ni de flatterie. Le nom de Votre Majefté fera paffer cette faible efquiffe à la postérité, comme un monument authentique de tant de belles actions, faites en votre présence à l'exemple des vôtres.

Daignez, Sire, ajouter à la bonté que Votre Majefté a eue de permettre cet hommage, celle d'agréer les profonds respects d'un de vos moindres fujets & du plus zélé de vos admirateurs. V.

PRELIMINAIRE.

LE public fait que cet ouvrage, composé d'abord

avec la rapidité que le zële infpire, reçut des acroisfemens à chaque édition qu'on en fefait. Toutes les circonftances de la victoire de Fontenoi, qu'on apprenait à Paris de jour en jour, méritaient d'être célébrées; & ce qui n'était d'abord qu'une pièce de cent vers eft devenu un poëme qui en contient plus de trois cents cinquante. Mais on y a gardé toujours le même ordre, qui confifte dans la préparation, dans l'action & dans ce qui la termine; on n'a fait même que mettre cet ordre dans un plus grand jour, en traçant dans cette édition le portrait des nations dont était compofée l'armée ennemie, & en spécifiant leurs trois attaques.

On a peint avec des traits vrais, mais non injurieux, les nations dont Louis XV a triomphe: par exemple, quand on dit des Hollandais qu'ils avaient autrefois brifé le joug de l'Autriche cruelle, il eft clair que c'eft de l'Autriche alors cruelle envers eux que l'on parle; car affurément elle ne l'eft pas aujourd'hui pour les Etats généraux. Et d'ailleurs la reine de Hongrie qui ajoute tant à la gloire de la maifon d'Autriche, fait combien les Français refpectent sa perfonne & fes vertus, en étant forcés de la combattre.

Quand on a dit des Anglais,& la férocité le cède à la vertu, on a eu soin d'avertir en notes, dans toutes

les éditions, que le reproche de férocité ne tombait que fur le foldat.

En effet, il eft très-véritable que lorsque la colonne anglaise déborda Fontenoi, plufieurs foldats de cette nation crièrent no quarter, point de quartier: on fait encore que quand M. de Sechelles feconda les intentions du roi avec une prévoyance fi fingulière, & qu'il fit préparer autant de fecours pour les prifonniers ennemis bleffés que pour nos troupes, quelques fantaffins anglais s'acharnèrent encore contre nos foldats, dans les chariots même où l'on tranfportait les vainqueurs & les vaincus bleffés. Les officiers qui ont par-tout à peu près la même éducation dans toute l'Europe, ont auffi la même générofité; mais il y a des pays où le peuple abandonné à lui-même est plus farouche qu'ailleurs. On n'en a pas moins loué la valeur & la conduite de cette nation, & fur-tout on n'a cité le nom de M. le duc de Cumberland qu'avec l'éloge que sa magnanimité doit attendre de tout le monde.

Quelques étrangers ont voulu perfuader au public que l'illuftre Addiffon, dans fon poëme de la campagne de Hochftet, avait parlé plus honorablement de la maifon du roi que l'auteur même du poëme de Fontenoi ce reproche a été caufe qu'on a cherché l'ouvrage de M. Addisson à la bibliothèque de fa majesté, & on a été bien furpris d'y trouver beaucoup plus d'injures que de louanges; c'eft vers le trois centième vers. On ne les répétera point, & il eft bien inutile d'y répondre; la maison du roi leur a répondu par des victoires. On eft très-éloigné de refuser à un grand poëte & à un grand philofophe très-éclairé, tel que

M. Addisson, les éloges qu'il mérite; mais il en mériterait davantage, & il aurait plus honoré la philofophie & la poëfie, s'il avait plus ménagé dans fon poëme des têtes couronnées qu'un ennemi même doit toujours refpecter, & s'il avait fongé que les louanges données aux vaincus font un laurier de plus pour les vainqueurs. Il eft à croire que quand M. Addiffon fut fecrétaire d'Etat, le miniftre fe repentit de ces indécences échappées à l'auteur.

Si l'ouvrage anglais eft trop rempli de fiel, celui-ci respire l'humanité; on a fongé, en célébrant une bataille, à infpirer des fentimens de bienfefance : malheur à celui qui ne pourrait fe plaire qu'aux peintures de la deftruction, & aux images des malheurs des hommes!

Les peuples de l'Europe ont des principes d'humanité qui ne fe trouvent point dans les autres parties du monde; ils font plus liés entre eux, ils ont des lois qui leur font communes; toutes les maifons des fouverains font alliées; leurs fujets voyagent continuellement & entretiennent une liaison réciproque. Les Européans chrétiens font ce qu'étaient les Grecs: ils fe font la guerre entre eux; mais ils confervent dans ces diffentions tant de bienféance, & d'ordinaire de politeffe, que fouvent un français, un anglais, un allemand qui fe rencontrent paraiffent être nés dans la même ville. Il est vrai que les Lacédémoniens & les Thébains étaient moins polis que le peuple d'Athènes; mais enfin toutes les nations de la Grèce fe regardaient comme des alliés qui ne fe fefaient la guerre que dans l'efpérance certaine d'avoir la paix: ils infultaient

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