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autre à l'Etre fuprême, la pensée accordée à un élément de matière n'en eft pas moins pure, moins immortelle que dans toute autre hypothèse. Cet élément indivisible eft imperiffable: la pensée peut assurément subsister à jamais avec lui, quand le corps eft diffous. Voilà ce que Locke propose fans rien affirmer. Il dit ce que DIEU eût pu faire; & non ce que DIEU a fait. Il ne connaît point ce que c'eft que la matière: il avoue qu'entre elle & DIEU il peut y avoir une infinité dé fubftances créées, absolument différentes les unes des autres. La lumière, lë fëú élémentaire paraît en effet, comme on l'a dit dans les élémens de Newton une substance mitoyenne entre cet être inconnu nommé matière, & d'autres êtres encore plus inconnus. La lumière ne tend point vers un centre comme la matière; elle ne paraît pas impénétrable; auffi Newton dit fouvent dans fon Optique: Je n'examine pas fi les rayons de la lumière font des corps ou non.

Locke dit donc qu'il peut y avoir un nombre innombrable de substances, & que DIEU eft le maître d'accorder des idées à ces fubftances. Nous ne pouvons deviner par quel art divin un être, quel qu'il foit, a des idées ; nous en fommes bien loin: nous ne faurons jamais comment un ver de terre a le pouvoir de fe remuer. Il faut dans toutes ces recherches s'en remettre à DIEU & fentir fon néant. Telle eft la philosophie de cet homme, d'autant plus grand qu'il eft plus fimple ; & c'est cette foumiffion à DIEU qu'on a ofé appeler impiété ; & ce sont ses secateurs convaincus de l'immortalité de l'ame qu'on a nommé matérialistes ; & c'eft un homme tel que Locke à qui un compilateur de quelque phyfique a donné le nom d'ennuyeux.

Quand même Locke se serait trompé fur ce point, ( fi l'on peut pourtant se tromper en n'affirmant rien') cela n'empêche pas qu'il ne mérite la louange qu'on lui donne ici : il est le premier, ce me femble, qui ait montré qu'on ne connaît aucun axiome avant d'avoir connu les vérités particulières; il est le premier qui ait fait voir ce que c'est que l'identité, & ce que c'est que d'être la même perfonne, le même foi; il eft le premier qui ait prouvé la fausseté du systême des idées innées. Sur quoi je remarquerai qu'il y a des écoles qui anathématisèrent les idées innées, quand Defcartes les établit, & qui anathematisèrent ensuite les adversaires des idées innées, quand Locke les cut détruites. C'est ainsi que jugent les hommes qui ne font pas philofophes.

N. B. Le lecteur curieux peut confulter Particle Locke dans le dictionnaire philofophique.

(0) Il ne faut pas entendre par ce mot l'Eglife catholique, mais le poignard d'un eccléfiaftique, le fanatisme abominable de quelques gens d'églife de ces temps-là, détefté par l'Eglife de tous les temps.

(p) Ce ridicule, fi universellement senti par toutes les nations, tombe fur les grandes intrigues pour de petites chofes, fur la haine acharnée de deux partis qui n'ont jamais pu s'entendre, fur plus de quatre mille volumes imprimés.

(1) Ce n'eft pas à dire que chaque ordre de l'Etat n'ait fes diftinctions fes priviléges indispensablement attachés à fes fonctions. Ils jouiffent de ces priviléges dans tout pays; mais la loi générale lie également tout le monde.

POEME

SUR

LE DESASTRE

DE LISBONNE,

EN 1755.

SI jamais la question du mal phyfique a

mérité l'attention de tous les hommes, c'eft dans ces événemens funeftes qui nous rappellent à la contemplation de notre faible nature, comme les peftes générales qui ont enlevé le quart des hommes dans le monde connu, le tremblement de terre qui engloutit quatre cents mille personnes à la Chine en 1699, celui de Lima & de Callao, & en dernier lieu celui de Portugal & du royaume de Fez. L'axiome tout est bien paraît un peu étrange à ceux qui font les témoins de ces défaftres. Tout eft arrangé, tout est ordonné, fans doute, par la Providence; mais il n'est que trop fenfible que tout depuis long-temps n'eft pas arrangé pour notre bien-être présent.

(a) Lorsque l'illuftre Pope donna son Essai fur

(a) C'eft peut-être la première fois qu'on a dit que le fyftême de Pope était celui du lord Shaftesburi; c'eft pourtant une vérité inconteftable. Toute la partie phyfique eft prefque mot à mot dans la première partie du chapitre intitulé Les Moraliftes, fection 3. MUCH IS ALLEDGED IN ANSWER TO SHOW, &c. On a beaucoup à répondre à ces plaintes des défauts de la nature. Comment eft-elle fortie fi impuiffante & fi défectueuse des mains d'un être parfait ? Mais je nie qu'elle foit défectueuse..... Sa beauté refulte des contrariétés, & la concorde univerfelle naît d'un combat perpétuel..... il faut que chaque être foit immolé à d'autres; les végétaux aux animaux, les animaux à la terre....& les lois du pouvoir central & de la gravitation, qui donnent

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