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En vain il s'étend en lieux communs et vagues:

Qui vit de son bonheur tout l'univers jaloux, etc. En vain il affaiblit le pathétique du moment par ce mauvais vers: Tout passe, et qui m'eût dit, après ce qu'on m'a vu, etc. Lo pathétique de la chose subsiste malgré lui, et le parterre est touché.

V. 14. Votre seule fierté, qu'elle voudrait abattre,

S'oppose à ses boutes, s'obstine à les combattre. Cette fierté de la reine qui lutte sans cesse contre la fierté d'Essex est toujours le sujet de la tragédie. C'est une illusion qui ne laisse pas de plaire au public. Cependant, si cette fierté seule agit, c'est un pur caprice de la part d'Elisabeth et du comte d'Essex. Je veux qu'il me demande pardon; je ne veux pas demander pardon voilà la pièce. Il semble qu'alors le spectateur oublie qu'Elisabeth est extravagante, si elle veut qu'on lui demande pardon d'un crime imaginaire; qu'elle est injuste et barbare de ne pas examiaer ce crime avant d'exiger qu'on lui demande pardon. On oublie l'essentiel pour ne s'occuper que de ces sentiments de fierté qui séduisent presque toujours.

V. 33. Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.

Ce vers a passé en proverbe, et a été quelquefois cité à propos dans des occasions funestes.

V. 34. Ou si dans mon arrêt quelque infamie éclate,

Elle est, lorsque je meurs, pour une reine ingrate,
Qui, voulant oublier cent preuves de ma foi,
Ne merita jamais un sujet tel que moi.

Ce sont là de bien mauvais vers, il est vrai. Il ne faut pas dire, je deviens furieux; il faut faire voir qu'on l'est; mais si cet Essex avait, dans les premiers actes, parlé en effet avec fureur de ce rival odieux; s'il avait été furieux en effet; si l'amour emporté et tragique avait déployé en lui tous les sentiments de cette passion fatale; si la duchesse les avait partagés, que de beautés alors, que d'intérêt, et que de larmes Mais ce n'est que par manière d'acquit qu'ils parlent de leurs amours. Ne passez point ainsi d'un objet à un autre, si vous voulez toucher. Cette interruption est nécessaire dans l'histoire, admise dans le poème épique, dont la longueur exige de la variété; réprouvée dans la tragédie, qui ne doit présenter qu'un objet, quoique résultant de plusieurs objets, qu'une passion dominante, qu'un intérêt principal. L'unité en tout y est une loi fondamentale.

ACTE CINQUIEME.

SCÈNE I.

V. 3. Et l'ingrat dédaignant mes bontés pour appui,
Peut ne s'étonner pas quand je tremble pour lui?
Elle se plaint toujours, et en mauvais vers, de cet ingrat
qui dédaigne ses bontes pour appui, et qui ne veut pas de-
mander pardon. C'est toujours le même sentiment sans au-
cune variété. Ce n'est pas là, sans doute, où l'unité est une
perfection. Conservez l'unité dans le caractère; mais variez-
par mille nuances, tantôt par des soupcons, par des
craintes, par des espérances, par des réconciliations et des
ruptures, tantôt par un incident qui donne à tout une face
nouvelle.
V. 11.

la

Il veut, le lâche, il veut

Ou Essex est ici le fou le plus insolent, ou l'homme le plus innocent. Sûrement il n'est coupable dans la tragédie d'aucun des crimes dont on l'accuse. C'est ici un héros; c'est un homme dont le destin de l'Angleterre a dépendu : c'est l'appui d'Elisabeth, Elle est done, en ce cas, une femme Montrer que sur la reine il connaît ce qu'il peut. detestable, qui fait couper le cou au premier homme du pays. Elle appelle deux fois ldche cet homme si fier: elle vouparcequ'il a aimé une autre femme qu'elle. Que deviennent lait, dit-elle, pour se faire aimer, l'envoyer à l'échafaud, alors ses irrésolutions, ses tendresses, ses remords, ses agi-seulement pour lui faire peur; c'est là un excellent moyen d'inspirer de la tendresse.

tations? Rien de tout cela ne doit être dans son caractère. V. 44. Pour la seule duchesse il m'aurait été doux

De passer... Mais, hélas ! un autre est son époux.

Je ne releve point cette réticence à ce mot de passer, igure si mal à propos prodiguée. La réticence ne convieut que quand on craipt ou qu'on rougit d'achever ce qu'on a ommence. Le grand défaut, c'est que les amours du comte 'Essex et de la duchesse, mariée à un autre, ont été trop égèrement touchés, out à peine effleuré le cœur. On ne voit pas non plus pourquoi le comte veut mourir ans être justifié, lui qui se croit entièrement innocent. On ie voit pas pourquoi, étant calomuié par les prétendus aussaires, Cécile et Raleigh, qu'il déteste, il n'instruit a reine du crime de faux qu'il leur impute, Comment se eut-il qu'un homme si fier, pouvant d'un mot se venger es ennemis qui l'écrasent, néglige de dire ce mot? Cela n'est as dans la nature. Aime-t-il assez la duchesse d'Irton? estI assez furieux, assez enivré de sa passion, pour déclarer u'il aime mieux être décapité que de vivre sans elle? Il urait donc fallu lui donner dans la pièce toutes les fureurs e l'amour qu'il n'a

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pas eues.

pas

L'excès de la passion peut excuser tout, et si le comte Essex était un jeune homme comme le La fislas de Rotrou, ujours emporté par un amour violent, il ferait un très rand effet. Il fait paraitre au moins quelques touches, uelques nuances légères de ces grands traits nécessaires à vraie tragédie, et par-là il peut intéresser. C'est un crayon ible et peu correct: mais c'est le crayon de ce qui affecte plus le cœur humain.

SCÈNE IV.

1. Venez, venez, madame, on a besoin de vous.
Un héros condamné, un ami qui le pleure, une maîtresse
ui se désespère, forment un tableau bien touchant. Il y
anque le coloris. Que cette scène eût été belle, si elle avait
é bien traitée! Préparez, quand vous voulez toucher.
interrompez jamais les assauts que vous livrez au cœur.
oilà le comte d'Essex qui veut mourir, parcequ'il ne peut
vre avec la duchesse d'Irton; il lui dit:

Mais vivre, et voir sans cesse un rival odieux...
Ah! madame, à ce nom je deviens furieux.

V. 37. N'est-il pas, n'est-il pas ce sujet téméraire,
Qui, fesant son malheur d'avoir trop su te plaire,
S'obstine à préferer uue honteuse fin

Aux honneurs dont ta flamme eût comblé son destin?
Que le mot propre est nécessaire! et que sans lai tout
languit on révolte! Peut-on appeler sujet téméraire un
Le dégoût est-il une témérité? Essex est téméraire d'ailleurs;
homme qui ne peut avoir de l'amour pour une vieille reine?
mais non pas en amour, non pas parcequ'il aime mieux
mourir que d'aimer la reine. Ces répétitions, n'est-il pas,
n'est-il pas, ne doivent être employées que bien rarement,
et dans le cas où la passion effrénée s'occupe de quelque
grande image.
SCÈNE III.

V. 9. Ton coeur s'est fait esclave; obéis, il est juste.

Ce vers est parfait, et ce retour de l'indignation à la clétragédie, quand on passe de la crainte à la pitié, de la rimence est bien naturel. C'est une péripétie, une belle fin de gueur au pardon, et qu'ensuite on retombe par un accident de sortir. nouveau, mais vraisemblable, dans l'abyme dont on vient

SCÈNE IV.

V. 10. C'est moi sur cet arrêt que l'on doit consulter;
Et sans que je le signe on l'ose exécuter?

C'est ce qui peut arriver en France, où les cours de justice. sont en possession depuis long-temps de faire exécuter les citoyens, sans en avertir le souverain, selon l'ancien usage qui subsiste encore dans presque toute l'Europe; mais c'est ce qui n'arrive jamais en Angleterre : il faut absolument ce qu'on appelle le death warrant, la garantie de mort.

La signature du monarque est indispensable, et il n'y a trouble où le souverain n'était pas reconnu. C'est un fait pas un seul exemple du contraire, excepté dans les temps de public, qu'Elisabeth signa l'arrêt rendu par les pairs contro le comte d'Essex. Le droit de la fiction ne s'étend pas jusde nous; et surtout la loi la plus sage, la plus humaine, qui qu'à contredire sur le théâtre les lois d'une nation si voisine laisse à la clémence le temps de désarmer la sévérité, et quelquefois l'injustice.

V. 15. D'autre sang, mais plus vil, expiera l'attentat.

Le sang de Cécile n'était point vil; mais eufia on peut le supposer, et la faute est legere. Cette injure, faite à la mémoire d'un très grand ministre, peut se pardonner. Il est permis à l'auteur de represeuter Elisabeth egarée, qui permet tout à sa douleur. C'est à-peu-près la situation d'Hermione qui a demandé vengeance, et qui est au désespoir d'èire vengee. Mais que cette imitation est faible! qu'elle est depourvae de passion, d'éloquence, et de génie! Tout est animé dans le cinquième acte où Racine presente Hermione furieuse d'avoir ete obeie; tout est languissant dans Elisabeth. Il n'y a rien de plus sublime et de plus passionné tout ensemble que la répouse d'Hermione, Qui te l'a dit? Aussi Hermione a-t-elle ete vivement agitee d'amour, de jalousie, et de colère pendant toute la pièce. Elisabeth a été un peu froide. Sans cette chaleur que la seule nature doune aux vé

ritables poètes, il n'y a point de bonue tragedie.

Tant de pièces, ou refusées au theatre depuis cent ou qui n'y oot paru qu'une ou deux fois, ou qui n'cat pe été imprimées, ou qui l'ayant été sout oubliées, pros assez la prodigieuse difficulte de cet art.

Il faut rassembler dans un même lieu, dans une mi journee, des hommes et des femmes au-dessus la coma qui, par des intérets divers, concourent à un mema 1944| à une même action. Il faut interesser des spectateure de i rang et de tout age depuis la première scène jusqu'à lư đ nière, tout doit être ecrit en vers, sans qu'a p permettre ni de durs, ni de plats, ni de forces, mid obes

SCÈNE VIII E DERNIÈLE.

V. 5o....... C'est par lui que je régue.

Rien ne prouve mieux l'ignorance où le public était a de l'histoire de ses voisius. Il ne serait pas periais at d'hui de dire qu'Elisabeth régnait par le comte d Fasex venait de laisser detruire bouteusement, ea Irlande, la mi armée qu'on lui eût jamais confiée.

V. 52. Par lui, par sa valeur, ou tremblants ou defaits,

Tout ce qu'on peut dire de l'Essex de Thomas Corneille, c'est que la pièce est mediocre, et par l'intrigue, et par le style; mais il y a quelque interét, quelques vers heureux; et on l'a jouée long-temps sur le méme theatre ou l'on représentait Cinna et Andromaque. Les acteurs, et surtout ceux de province, aimaient à faire le rôle du comte d'Essex, à paraitre avec une jarretière brodée au-dessus du genou, et un grand ruban bleu en bandoulière. Le comte d'Essex, Les plus grands potentats m'ont demandé la paix. donné pour un héros du premier ordre, persécuté par l'envie, ne laisse pas d'en imposer. Eatin le nombre des bonnes Il n'y a guère rien de plus mauvais que la derniere ut tragedies est si petit chez toutes les nations du monde, que d'Elisabeth. Les plus grands potentats par Essex trembia celles qui ne sont pas absolument mauvaises attirent toujours des spectateurs, quand de bons acteurs les font valoir. lui ont demande la paix, après qu'elle doit that ar meux exploits. Qui est jamais pense qu'il dat mourir On a fait environ mille tragedies depuis Mairet et Rotrou. un echafaud quel revers! On voit asses que ves frestai Combien en est-il resté qui puissent avoir le sceau de l'im-flexions font tout languir, mais le dernier vers est fort b mortalité, et qu'on puisse citer comme des modèles? Il n'y en a pas une vingtaine. Nous avons une collection intitulée: Recueil des meilleures pièces de theatre, en douze volumes; et, dans ce recueil, on ne trouve que le seul Venceslas qu'on représente encore, en faveur de la première scène et du quatrième acte, qui sont en effet de très beaux morceaux.

parcequ'il est touchant et passionné.

Fesons que d'un infame et rigoureax supplice
Les boudeurs du tombeau repareat i injusti
Si le ciel à mes vœux peut se laisser rober.
Vous n'aurez pas long-temps à me la reprocher.

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FIN DES COMMENTAIRES SUR CORNEILLE.

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Fin de la guerre

civile.

2893 Succès du maréchal de Maillebois. Désastres.

3054

2896 Les Autrichiens en Provence. Les Anglais en Bretagne. 3057

2898

Révolution de Génes.

Ibid.

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Etat de la France jusqu'à la mort du cardinal Mazarin. 2904 Louis XV vainqueur propose en vain la paix.

3059

Louis XIV gouverne par lui-même.

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2984

2988

2989

2998

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Evacuation de la Hollande.

Belle campagne et mort de Turenne.

Depuis la mort de Turenne jusqu'en 1678.
Prise de Strasbourg, bombardement d'Alger.
Le roi Jacques détrôné par Guillaume III.
Victoires des maréchaux Catinat et Luxembourg.
Mort et testament de Charles II.
Guerre pour la succession.
Bataille d'Hochstedt et ses suites.
Pertes en Espagne. Bataille de Ramillies.
--Bataille de Malplaquet.
Louis XIV demande la paix.
Victoire de Denain. Paix générale.

De l'Europe jusqu'à la mort de Louis XIV.
Particularités et anecdotes sous ce règne.
Gouvernement intérieur.

Finances et réglements.

Des sciences.

Des beaux arts.

Affaires ecclésiastiques.

Du calvinisme au temps de Louis XIV.

Du jausénisme.

Disputes sur les cérémonies chinoises.
Supplément au Siècle de Louis XIV.

PRECIS DU SIÈCLE DE LOUIS XV.

Tableau de l'Europe après la mort de Louis XIV.
Régence du due d'Orléans.

De l'abbé Dubois, Mort du duc d'Orléans.
Stanislas. La Lorraine réunie à la France.

Mort de l'empereur Charles VI.
Election de Charles Albert.

2922 Etat de l'Europe en 1756.
2924 Guerre en Allemagne.

2927 Journée de Rosbach, Révolutions.

3014 Livre V.
3016 Livre VI.

HISTOIRE DE RUSSIE.

Livre VII.
Livre VIII.

3029
3031

3033 Description de la Russie.
3035 Population, finances, armées.

3168

3174

3037 Ancêtres de Pierre-le-Grand.

3176

3038 Ivan et Pierre. Sédition des Strelitz.

3178

3039 Gouvernement de la princesse Sophie.

3179

3040 Regne de Pierre I°r.

3181

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