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toujours la guerre à François 1e, et l'accusait devant toute l'Europe d'avoir violé sa parole, et d'avoir appelé les Turcs en Italie. Le roi le fit ajourner comme son vassal pour les comtés de Flaudre et d'Artois. Il faut être bien sûr d'être le maitre chez soi pour faire de telles procédures. Il oubliait que dans le traité de Madrid il avait racheté sa liberté par la cession de toutes ses prétentions sur ces fiefs.

ciers de la couronne, immédiatement après le roi. Le parlement, la chambre des comptes, toutes les autres compagnies formaient la marche. On alla dans cet ordre à l'église de Notre-Dame, après quoi une partie de la procession se sépara pour aller à l'Estrapade voir brûler à petit feu six bourgeois que la chambre de la tournelle du parlement avait condamnés le matin pour les opinions nouvelles. On les sus Il vint done au parlement avec les princes et les pairs; pendait au bout d'une longue poutre, posée sur une poulie l'avocat général Cappel fit un réquisitoire contre Charles-au-dessus d'un poteau de vingt pieds de haut, et on les fe Quint. On rendit arrêt par lequel on citerait Charles, em- sait descendre à plusieurs reprises sur un large bûcher enpereur, à son de trompe sur la frontière, et l'empereur flammé. Le supplice dura deux heures, et lassa jusqu'aux n'ayant pas répondu, le parlement confisqua la Flandre, bourreaux et au zèle des spectateurs. l'Artois, et le Charolois, dont l'empereur resta le maître.

CHAPITRE XIX.

Des supplices infliges aux protestants, des massacres de Merindol et de Cabrières, et du parlement de Provence juge criminellement par le parlement de Paris.

La coutume horrible de juger et de condamner à mort pour des opinions religieuses, fut introduite chez les chrétiens dès le quatrième siècle de l'ère vulgaire. Ce nouveau fléau, qui affligea la nature humaine, fut apporté d'Espagne par deux évèques nommés Itace et Idace, comme depuis un autre Espagnol introduisit l'horreur de l'inquisition. C'est ce qu'on peut voir en général dans l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations.

Le deux jésuites Maimbourg et Daniel rapportent, après Mézerai, que François 1 fit dresser, pendant cette execution, un trône dans la salle de l'évêché, et qu'il y declara, dans un discours pathétique, que si ses enfants étaient * assez malheureux pour tomber dans les mêmes erreurs, il les sacrifierait de même. Daniel ajoute que ce discours attendrit tous les assistants, et leur tira des larmes.

Je ne sais où ces auteurs ont trouvé que François I avait prononcé ce discours abominable. La verité est que dans or temps-là même il écrivait à Mélanchthon, et qu'il le prisit de venir à sa cour. Il sollicitait les luthériens d'Allemagne. et les soudoyait contre l'empereur; il fesait une ligue avec le sultan Soliman, qui fut entièrement conclue deux ans après; il livrait l'Italie aux Tures; et les musulmans eurent une mosquée à Marseille, après que les chrétiens eureat été brûlés dans Paris et dans les provinces.

Il se passa quelques années après une scène bien plas tragique. Il y avait sur les confins de la Provence et du Les chrétiens s'étaient mutuellement égorgés dès long-comtat d'Avignon des restes de ces anciens Vaudois et Altemps auparavant, mais ils ne s'étaient pas encore avisés de se servir du glaive de la justice.

Cette nouvelle barbarie s'étant done introduite chez les chrétiens, le roi Robert, le même que le pape Grégoire V avait osé excommunier pour avoir épousé sa commère, le même qui avait quitté sa femme sur ce prétexte, et qui, étant fils d'un usurpateur mal affermi, cherchait à se concilier le siége de Rome, voulut lui complaire en fesant brûler daus Orléans, en sa présence, plusieurs chanoines accusés d'avoir conservé les anciens dogmes de l'ancienne Eglise des Gaules, qui ne connaissait ni le culte des images, ni la transsubstantiation, ni d'autres institutions. On les appe. lait manichéens, nom qu'on donnait alors à tous les hérétiques.

Le confesseur de la nouvelle reine Constance était du nombre de ces infortunés. Sa pénitente, dans un mouvement de réle, lui creva un œil d'un coup de baguette, lorsqu'il allait au supplice. Tous ses compagnons et lui se jetèrent dans les flammes en chantant des psaumes, et crurent avoir la couronne du martyre.

Ceux qu'on appela Vaudois et Albigeois vinrent ensuite: tous voulaient rétablir la primitive Eglise; et comme un de leurs principaux dogmes était la pauvreté, ou du moins la médiocrité évangélique, à laquelle ils voulurent réduire les prélats et les moines, les archevêques de Narbonne et de Lyon en firent brûler quelques uns par leur seule autorité. Les papes ordonnèrent contre eux une croisade comme contre les Turcs et les Sarrasins; on les extermina par le fer Iet par les flammes, et cent lieues de pays furent désolées. Enfin les débauches, les assassinats, et les empoisonne. ments du pape Alexandre VI, l'ambition guerrière de Jules II, la vie voluptueuse de Léon X, ses rapines pour fournir à ses plaisirs, et la vente publique des indulgences, Boulevèrent une partie de l'Europe. Le mal était extrême, il fallait au moins une réforme: elle fut commencée, mais par une défection entière, en Allemagne, en Suisse, et à Genève.

François 1er lui-même, en favorisant les lettres, avait fait naitre le crépuscule à la lueur duquel on commençait à voir en France tous les abus de l'Eglise; mais il était toujours dans la nécessité de ménager le pape ainsi que le Turc, pour se soutenir contre l'empereur Charles-Quint. Cette politique l'engagea, malgré les supplications de sa sœur, la reine de Navarre, déja calviniste, à faire brûler ceux qui seraient convaincus d'adhérer à la prétendue réforme. I fit indiquer même, au commencement de 1535, par Jean Du Bellai, évêque de Paris, une procession générale à laquelle il assista, une torche à la main, comme pour faire amende honorable des profanations des sectaires. L'évêque portait l'eucharistie; le dauphin, les dues d'Orléans, d'Angoulême, et de Vendôme, tenaient les cordons du dais; tous les ordres religieux et tout le clergé précédaient. On voyait les cardinaux, les évêques, les ambassadeurs, les grands offi

bigeois qui avaient conservé une partie des rites de l'Eglise des Gaules, soutenus par Claude, évêque de Turio, au huitième siècle, et perpétués jusqu'à nos jours dans les sociétés protestantes. Ces peuples habitaient vingt-deux bourgs, dans des vallées entourées de montagnes peu fréquentées, qui les rendaient presque inconnus au reste du monde. Ils cultivalent ces déserts depuis plus de deux cents ans, et les avaient rendus fertiles. Le véridique président De Thou, qui fut un des juges de l'affaire dont nous parlons, rend justice à l'innocence de leur vie laborieuse: il les peint patients dans les plus grands travaux, justes, sobres, ayant les procesi ⚫en horreur, libéraux envers les pauvres, payant les tributs avec alégresse, n'ayant jamais fait attendre leurs seigneurs pour leurs rentes, assidus aux prières, ignorant toute espèce de corruption, mais ne se prosternant poist - devant des images, ne fesant point le signe de la crois, et quand il tonnait, se bornant a lever les yeux au ciel, etc. Le vice-légat d'Avignon, et le cardinal de Tournon, rése lurent d'exterminer ces infortunés. Ils ne songeaient ni l'un ni l'autre qu'ils allaient priver le roi et le pape de sujets utiles.

Meynier, baron d'Oppède, premier président du parle ment de Provence, obtint des lettres de François 1e, qui portaient ordre d'agir selon les lois contre ces hommes agrestes; quibus in eos legibus agatur, dit De Thou.

Le parlement de Provence commenca par condamner dixneuf habitants de Mérindol, leurs femmes et leurs enfants. à être brûlés sans ouïr aucun d'eux; ils étaient errants dans les campagnes voisines. Cet arrêt alarma tout le canton. Quelques paysans prirent les armes, et pillèrent un con- ! vent de carmes, sur les terres d'Avignon.

L président d'Oppède demanda des troupes. L'évêque de Cavaillon, sujet du pape, commença par amener quelques soldats; il se mit à leur tête, saccagea quelques maisons, el tua quelques personnes. Ceux qu'il poursuivait se retirérent sur les terres de France. Ils y trouvèrent trois mille! soldats, conduits par le premier président d'Oppède, qui commandait dans la province en l'absence du gouvernear. L'avocat général fesait l'office de major dans cette armée. C'est à cet avocat qu'on amenait les prisonniers. Il leur fesait réciter le Pater noster et l'Ave Maria, pour juger s'ils étaient hérétiques; et quand ils récitaient mal ces prières. il criait tolle et crucifige, et les fesait arquebuser à ses pieds. Le soldat français est quelquefois bien cruel, et quand la religion vient encore augmenter cette cruauté, il n'y af plus de bornes.

Il fut prouvé qu'en brûlant les bourgs de Mérindel et de Cabrières avec les villages d'alentour, les exécuteurs vielerent jusqu'à des filles de huit à neuf ans entre les bras de leurs mères, et massacrèrent ensuite les mères avec lears filles. On enfermait pêle-mêle hommes, femmes, enfants, dans des granges auxquelles on mettait le feu, et tout était, réduit en cendres. Le peu qu'on épargna fut vendu par les

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(1550) La cause fut portée, sous Henri II, au tribunal du grand conseil. Il s'agissait d'abord de savoir s'il y avait heu de plaider contre le parlement d'Aix. Le grand conpeil jugea qu'on devait évoquer la cause, et elle fut reavoyée au parlement de Paris, qui par-la se trouva pour la première fois juge criminel d'un autre parlement.

Les deux présidents provençaux, l'avocat du roi Guérin, fureat empri oanés. On plaida pendant cinquante audiences; le vice-légat d'Avignon interviat dans la cause au nom du pape, et demanda, par son avocat Renard, que le parlement eût à ne point juger des meurtres commis dans les terres papales. On n'eut point d'égard à la réquisition de maitre

Renard.

(13 fevrier 1552) Enfin l'avocat général Guérin eut la tête tranches (1). Le président De Thou nous apprend que le crédi: de la maison de Guise sauva les autres du supplice qu'ils méritaient; mais que Meynier d'Oppède mourut dans les douleurs causées par les remords, et pires que le supplice.

CHAPITRE XX.

Du parlement sous Henri II.

(1 juin 1547) Le commencement du règne de Henri II fat signalé par ce fameux duel que le roi, en plein conseil, ordonna eatre Jaraac et La Chataigueraie. Il s'agissait de savoir si Jarnac avait avoué à La Chataigneraie qu'il avait couché avec sa belle-mère. Ni les empereurs ni le sénat de Rome a'auraicat ordonné au duel pour une pareille. affaire; l'honneur chez les nations modernes n'était pas celui des Rom.ins.

Le parlement ne fit aucune démarche pour prévenir ce combat juridique, Les cartels furent portés par des hérauts d'armes, et signifiés par-devant notaires. Le parlement luiseme en avau ordonné plusieurs autrefois, et ces mêmes dunks regardés aujourd'hui comme un crime irrémissible, taient toujours faits avec la sanction des lois. Le parleGet avait ordonné celui de Carouge et de Le Gris, du temps de Charles VI (1386), et celui du chevalier Archon, et de Jean Picard, son beau-père (1354).

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Ce traitement indisposa tous les parlements du royaume; celui de Paris déplut à la cour plus que les autres. (1554) Le roi le rendit semestre, et augmenta le nombre des charges: il en vendit soixante et dix nouvelles. Ces édits ne furent point vérifiés, mais ils furent exécutés pendant l'espace d'une année, après quoi le parlement ne fut plus semestre; mais il demeura surchargé de soixante et dix membres inutiles, qui avaient acheté leurs offices; abus que le président Jacques-Auguste De Thou déplore avec beaucoup d'éloquence.

Le régue de Henri II ne fut guère plus heureux que celui de son père. Les défaites de Saint-Quentin et de Gravelines affaiblissaient le respect public pour le trône, les impots aliénaient l'affection, et tous les parlements étaient

mécontents.

Le roi, pour avoir plus aisément de l'argent, convoqua une grande assemblée dans la chambre du parlement de Paris (1558). Quelques uns de nos historiens lui ont donné le nom d'états généraux; mais c'était une assemblée de notables, composée des grands qui se trouvèrent à Paris, et de quelques députés de province. Pour assembler de vrais états genéraux, il eût fallu plus de temps, plus d'appareil, et la grand chambre aurait été trop petite pour les contenir. Les trésoriers généraux des finances y eurent une séance particulière; ni eux, ni le parlement, n'y furent confondus avec le tiers-état. Il n'était pas possible que le parlement, cour des pairs, n'eût pas une place distinguée dans le lieu même de sa résidence.

Le roi y parla lui-même, la convocation ne dura que buit jours; le seul objet était d'obtenir trois millions d'écas d'or; le clergé en paya un tiers, et le peuple les deux autres tiers; jusque-là tout fut paisible.

CHAPITRE XXI.

Du supplice d'Anne Dubourg.

Le duc François de Guise, et le cardinal de Lorraine son frère, commençaient à gouverner l'état sous Henri II. François de Guise avait été déclaré lieutenant général de l'état; et en cette qualité il précédait le connétable, et lui écrivait en supérieur. Le cardinal de Lorraine, qui avait la première place dans le conseil, voulut, pour se rendre encore plus nécessaire, établir en France l'inquisition, et il y parvint même enfin à quelques égards.

qu'on inventa le sobriquet de mouchards, pour désigner les espions; son nom seul est devenu une injure.

Cet inquisiteur suborna deux jeunes gens pour déposer que les prétendus réformés avaient fait le jeudi saint une assemblée dans laquelle, après avoir mange un cochon en dérision de l'ancien sabbat, ils avaient éteint les lampes, et s'étaient abandonnés, hommes et femmes, à une prostitution générale.

On n'institua pas à la vérité en France ce tribunal, qui offense a-la-fois la loi naturelle, toutes celles de l'état, la liberté des hommes et la religion qu'il déshonore en la sonteuant; mais on donna le titre d'inquisiteurs à quelques Teas ces combats s'étaient faits pour des femmes. Ca- ecclésiastiques qu'on admit pour juges dans les proces exTenge acrusait Le Gris d'avoir violé la sienne, et le cheva-traordinaires qu'on fesait à ceux de la religion prétendue Archon accusait Jean Picard d'avoir couché avec sa réformée; tel fut ce fameux Mouchi qu'on appelait Démopropre fille. Non seulement les juges ecclésiastiques per- charès, recteur de l'université. C'était proprement un désairent aussi ces combats, mais les érèques et les abbés com-lateur et un espion du cardinal de Lorraine; c'est pour lui attirent par procureurs; et l'on trouve dans Le Vrai Theatre "homeur et de chevalerie, que Geoffroi du Maine, évêe d'Augers, ayant un different avec l'abbé de Saint-Serge car la redevance d'un moulin, le procés fut jugé à coups ehiton par deux champions qui n'avaient pas le droit de Luer avec l'epee parcequ'ils n'étaient pas gentilshommes. Ceste ancienne jurisprudence a changé avec le temps, imme tout le reste. On vit bientôt sous Henri II un théâtre carnage moins honorable et plus terrible. Les impôts C'est une chose bien remarquable qu'une telle calomnie cés par François 1, et surtout les vexations sur le sel ait toujours été intentée contre toutes les nouvelles sectes, ercées par les exacteurs, soulevèrent le peuple en plu- commencer même par le christianisme, auquel on imputa tars endroits du royaume. On accusa le parlement de Bor- des abominations pareilles. Les sectaires, nommés hugueaux de s'être joint à la populace, au lieu de lui résister, aots, réformés, protestants, évangéliques, furent poursuivis d'avoir été cause du meurtre du seigneur de Monias, com- partout. On en condamna plusieurs aux flammes. Ce supandant de Bordeaux, que les séditieux massacrèrent aux plice ne parait pas proportionné au délit. Des geos qui n'é us des membres du parlement, qui marchaient avec eux taient convaincus que d'avoir prié Dieu dans leur langue billes en matelots. Le connétable Anae de Montmorenci, naturelle, et d'avoir communié avec du pain levé et du vin. averneur du Languedoc, viat avec un maître des requêtes, semblaient ne pas mériter un si affreux supplice; mais dès amé Etienne de Neuilli, interdire le parlement pour un long-temps l'Eglise s'était servie des buchers pour punir l fit exhumer le corps da seigneur de Monins par tous tous ceux qui avaient le malbeur de ne pas penser comme afuciers du corps de ville, qui furent obligés de le dé-elle. On supposait que c'était à-la-fois imiter et prévenir la rer avec leurs ongles, et cent bourgeois passèrent par mains du bourreau.

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justice divine, qui destine tous les ennemis de l'Eglise au feu éternel. Le bücher était regardé comme un commencement de l'enfer.

Deux chambres du parlement prirent également connaissance du crime d'hérésie, la grand'chambre et la tournelle, quoique depuis la grand'chambre se soit bornée aux procès civils, quand elle juge seule. Le roi donnait aussi des com

abus de l'Eglise romaine, son supplice fit plus de prosélytes en un jour que les livres et les prédications n'en avaient fait en plusieurs années. Le nom catholique devint tellement en horrear aux protestants, et les factions furent si animées, que, depuis ce temps jusqu'aux années paisibles et trop courtes où Henri IV restaura le royaume, c'est-à-dire pendant plus de quarante années, il ne se passa pas un seal |

missions particulières pour juger les délinquants. On nommait ces commissions chambres ardentes. Tant de supplices excitèrent enfin la pitié; et plusieurs membres du parlement, s'étant adonnés aux lettres, pensèrent que l'Eglise devait plutôt réformer ses mœurs et ses lois, que verser le sang des hommes ou les faire périr dans les flammes. Il arriva au mois d'avril 1559, dans une assemblée qu'on nomme mercuriale, que les plus savants et les plus modé-jour qui ne fût marqué par des querelles sanglantes, par des rés du parlement proposèrent d'user de moins de cruauté, et de chercher à réformer Eglise. Ce fut l'avis du président Ranconet, d'Arnaud Ferrier, d'Antoine Fumée, de Paul de Foix, de Nicolas Duval, de Claude Viole, d'Eustache de La Porte, de Louis Du Faur, et du célèbre Anne Dubourg.

Un de leurs confrères les dénonça au roi. Il violait en cela son serment de conseiller, qui est de tenir les délibérations de la cour secrètes. Il violait encore plus les lois de l'honneur et de l'équité.

Le roi, excité par les Guises, et séduit par cette malbeureuse politique qui fait croire que la liberté de penser détruit l'obéissance, vint au parlement sans être attendu (15 juin 1559). Il était accompagné de Bertrand, ou Bertrandi, cardinal, garde des sceaux, autrefois premier prési dent du parlement, homme tout dévoué aux maximes ultramoniaines. Le connétable de Montmorenci et plusieurs grands officiers de la couronne prirent séance.

Le roi, qui savait qu'on délibérait alors sur la même matiere, voulut qu'on continuât à parler en liberté plusieurs tombèrent dans le piège qu'on leur tendait. Le conseiller Claude Viole et Louis Du Faur recommandèrent éloquemment la réforme des mœurs et la tolérance des religions. Le conseiller Dubourg s'expliqua avec encore plus de force; il montra combien il était affreux de voir régner à la cour la débauche, l'adultère, la concussion, l'homicide, tandis qu'on livrait aux tourments et à la mort, des citoyens qui servaient le roi selon les lois du royaume, et Dieu selon leur conscience.

Dubourg, neveu du chancelier de ce nom, était diacre; sa cléricature l'avait engagé à étudier plus qu'un autre cette funeste théologie qui est, depuis tant de siècles, un amas d'opinions contraires. La science l'avait fait tomber dans l'opinion de ces réformateurs; d'ailleurs juge intègre, homme d'une vie irréprochable, et citoyen zélé.

combats particuliers ou généraux, ou par des assassinats, ou par des emprisonnements, ou par des supplices. Tel fut l'é- | tat où les disputes de religion réduisirent le royaume peo dant un demi-siècle, tandis que la même cause eut à-peuprès les mêmes effets dans l'Angleterre, dans l'Allemagne, et dans les Pays-Bas.

CHAPITRE XXII.

De la conjuration d'Amboise, et de la condamnation à mort de Louis de Bourbon, prince de Conde.

Si Anne Dubourg ne fut pas jugé par ses pairs assemblés, un prince du sang ne le fut pas non plus par les siens, François de Guise et le cardinal de Lorraine son frère, tous deux étrangers, mais tous deux devenus pairs du royaume, l'un par son duché de Guise, l'autre par son archevéché de Reims, étaient les maîtres absolus de l'état, sous le jeune et faible François II, qui avait épousé leur niece Marie Stuart.

Les princes du sang, écartés et humiliés, ne purent se soutenir contre eux qu'en se joignant secrètement aux protestants, qui commençaient à faire un parti considérable dans le royaume. Plus ils étaient persécutés, plus lear nombre croissait; le martyre dans tous les temps a fait des prosélytes.

Louis de Condé, frère d'Antoine de Bourbon roi de la Basse-Navarre, entreprit d'ôter aux Guises un pouvoir qui ne leur appartenait pas, et se rendit criminel dans une juste cause par la fameuse conspiration d'Amboise. Elle fat tramée avec un grand nombre de gentilshommes de toutes les provinces, les uns catholiques, les autres protestants; elle

Le roi ordonna au connétable de faire arrêter sur-le-fut si bien conduite, qu'après avoir été découverte, elle fat champ Dubourg. Du Faur, de Foix, Fumée, La Porte: les autres eurent le temps de se sauver. Il y avait dans le parlement beaucoup plus de magistrats attachés à la maison de Guise qu'ix sciences.

Saint-André et Minard, présidents aux enquêtes, poursuivirent la mort d'Anne Dubourg. Comme il était dans le sacerdoce, il fut d'abord jugé par l'évêque de Paris, Du Bellai, assisté de l'inquisiteur Mouch: il appela comme d'abus de la sentence de l'évêque, il réclama son droit d'être jugé par ses pairs, c'est-à-dire par les chambres du parlement assemblées; mais l'esprit de parti et l'asservissement aux Guises l'ayant emporté au parlement sur une de ses plus grandes prérogatives, Dubourg fut jugé successivement à l'officialité de Paris, à celle de Seus, et à celle de Lyon, et condamné dans toutes les trois à être dégradé et livré au bras séculier comme hérétique. On le mena d'abord à l'officialité; là, étant revêtu de ses habits sacerdotaux, on les lui arracha l'an après l'autre. On fit la cérémonie de passer légèrement un morceau de verre sur sa tonsure et sur ses ongles, après quoi il fut ramené à la Bastille, et condamné à étre étranglé et brûlé, par des commissaires du parle ment, que ses persécuteurs avaient nommés. Il reçut son arrêt avec résignation et courage: Eteignez vos feux, dit-il à ses juges, renoucez à vos vices, convertissez-vous à Dieu.. (19 octobre 1559) Il fut pendu et brûlé dans la place de

Grève.

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encore formidable. Sans un avocat, nommé d'Avenelles,
qui la découvrit, non par zèle pour l'état, mais
par inté-
rêt, le succès était infaillible: les deux princes lerrains
étaient enlevés ou tués dans Amboise. Le prince de Condé,
chef de l'entreprise, employait les conjurés, d'un bout de la
France à l'autre, sans s'être découvert à eux. Jamais conspi-
ration ne fut conduite avec plus d'art et plus d'audace.

bra

La plupart des principaux conjurés mournrent les armes à la main. Ceux qui furent pris auprès d'Amboise expirèrent dans les supplices; et cependant il se trouva encore dans les provinces des gentilshommes assez hardis pour ver les princes de Lorraine, victorieux et tout-puissants: entre autres, le seigneur de Mouvans demeura en armes dans la Provence; et quand le duc de Guise voulut le regagner, Mouvans fit à ses émissaires cette réponse: Dites aux princes lorrains que tant qu'ils persécuteront les prisces du sang, ils auront dans Mouvans un ennemi irréconciliable. Tout pauvre qu'il est, il a des amis gens de cœur. Le prince de Condé, qui attendait dans Amboise auprès du roi la victoire ou la défaite de ses partisans, fut arrêté dans le chateau d'Amboise par le grand prevôt de l'hôtel, Antoine Du Plessis Richelieu, tandis qu'on fesait mostit ses complices par la corde ou par la hache; mais il avait si hien pris ses mesures, et il parla avec tant d'assurance, qu'il fut mis en liberté.

La conspiration, découverte et punie, ne servit qu'à rendre François de Guise plus puissant. Le connétable Anne de Montmorenci, réduit à recevoir ses ordres et à briguer sa faveur, fut envoyé au parlement de Paris comme un simple gentilhomme de la maison du roi, pour rendre compte de la journée d'Amboise, et pour intimer un ordre de me faire aucune grace aux hérétiques.

Le véridique De Thon rapporte en propres mots, que les présidents et les conseillers comblerent à l'envil -princes de Lorraine d'éloges: le parlement en corps viola Tusage, et abaissa sa dignité, dit-il, jusqu'à écrire au dor de Guise, et à l'appeler, par une liche Batterie, le com servateur de la patrie.» Ainsi tout fut faible ce jour-là, le parlement et le connétable.

(1560) La même année le prince de Condé, échappé

d'Amboise, et s'étant retiré dans le Béara, s'y déclara publiquement de la religion réformée, et l'amiral de Coligni présenta une requête au roi, au nom de tous les protestants du royaume, pour obtenir une liberté entière de Fexercice de lear religion; ils avaient déja deux mille deux cent cinquante églises, soit publiques, soit secrètes; tant le ang de leurs freres avait cimenté leur religion! Les Guises virent qu'oa allait lear faire une guerre ouverte. Les protestants voulureat livrer la ville de Lyon au prince de Conde, ne réussirent pas; les catholiques de la ville s'armèrent tomire eux, et il y eut autant de sang répandu dans la conpiration de Lyon que dans celle d'Amboise.

Oo se peut concevoir comment, après cette action, le prince de Condé et le roi de Navarre, son frère, osèrent se présenter à la cour, dans Orléans, où le roi devait tenir les étre. Soit que le prince de Condé crût avoir conduit ses desseins avec assez d'adresse pour n'être pas convaincu, soit qu'il peasat étre assez puissant pour qu'on craignit de mettre la mats sur lui, il se présenta, et il fut arrêté par Philippe de Maillé et par Chavigni-le-Roi, capitaine des gardes, Les Guises croyaient avoir assez de preuves contre lui pour le cond.maer a perdre la vie; mais n'en ayant pas assez contre le roi Antoine de Navarre, le cardinal de Lorraine résolut de le faire assassiner. Il y fit consentir le roi Francois It. On devant faire venir Antoine de Navarre dans hambre du roi, ce jeune monarque devait lui faire des a teprebes, les témoins devaient s'écrier qu'Antoine manquit de respect au roi, et des assassins apostés devaient le (er en présence du roi même,

Antoine, mandé dans la chambre de François 11, fut averti a la porte, par un des siens, du complot formé contre sa vie. Je ne puis reculer, dit-il; je vous ordonne seulement, si teas mi aimez, de porter usa chemise sanglante à mon fils, qui lira un jour dans mon sang ce qu'il doit faire pour me Tenger. François II n'osa pas commettre ce crime, il ne donna paint le signal convenu.

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encore les troubles de l'état. Les aspirants au doctorat soutiennent en Sorbonne des theses théologiques, ignorées pour l'ordinaire du reste du monde : mais alors elles exitaient l'attention publique. On soutint dans une de ces thèses, que le pape, souverain monarque de l'Eglise, peut dépouiller de leurs royaumes les princes rebelles à ses décrets. Le chancelier de L'Hospital envoya des lettrespatentes au président Christophe De Thou, et à deux conseillers, pour informer sur cette thèse aussi criminelle qu'absurde. Tanquerel, qui l'avait soutenue, s'enfuit. Le parlement rendit un arrêt par lequel la Sorbonne assemblée abjurerait l'erreur de Tanquerel. Le docteur Le Goust demanda pardon pour Tanquerel au nom de la Sorbonne (12 décembre 1560). On out dans la suite des maximes plus affreuses à réfuter.

CHAPITRE XXIII.

Des premiers troubles sous la régence de Catherine de
Medicis.

Dès que le faible François II cut fini son inutile vie, Catherine Medici, que nous nommons de Medicis, assembla les états dans Orléans ( 13 décembre 1560). Le parlement de Paris ni aucun autre n'y envoyèrent de députés. A peine, dans ces états, parla-t-on de la régence; on y confirma seulement au roi de Navarre la lieutenance générale du royaume, titre donné trois fois auparavant à François, duc de Guise.

La reine ne prit point le nom de régente, soit qu'elle erût que le nom de reine, mère du roi, dût lai suffire, soit qu'elle voulût éviter des formalités; elle ne voulait que l'essentiel du pouvoir. Les états mêmes ne lui donnèrent point le titre de majesté; les rois alors le prenaient rareOu se contents de procéder contre le prince de Condé. H ment. Nous avons encore beaucoup de lettres de ce tempsfaut sacere observer ici qu'on ne lui donna que des com-là, où l'on dit à Charles IX et à Heari III, votre altesse. aires; le chancelier de L'Hospital, Christophe De Thou, La variété et l'inconstance s'étendent sur les noms et sur les prés dent du parlement, père de l'historien, les conseillers choses. Faye et Viele. lis l'interrogerent, et ils devaient le juger avec les seigneurs du conseil étroit du roi ; ainsi le duc de Guise lui-même devait être son juge. Tout était contre les lars dans ce procès. Le prince appelait en vain au roi : en via il représentait qu'il ne devait étre jugé que par les pærre assemblés; on déclarait ses appels mal fondés.

Le parlement, intim dé ou gagné par les Guises, ne fit sacase démarche. Le prince fut condamné à la pluralité des voix dans le conseil du roi, où l'on fit entrer le président Christophe De Thou et les deux conseillers du parle

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Francois II se mourait alors; tout allait changer; le conmetable de Montmorenci était en chemin, et allait reprenáre von autorité. L'amiral Coligui, neveu du connétable, s'avançait; la reine-mère, Catherine de Médicis, était inceriaian et accablée, le chancelier de L'Hospital ne voulait pom signer l'arrêt; les deux princes de Guise osèrent bien • presser de faire exécuter le prince de Condé déja condamae, et le roi de Navarre son frère, à qui on pouvait faire le procès en un jour. Le chancelier de L'Hospital soutat la reine chancelante contre cette résolution désespérée. èle prve un parti sage; le roi son fils touchait à sa fin, elle pralita des moments où elle était encore maîtresse de la vie | les deus priaces pour se réconcilier avec eux, et pour conserver son autorité malgré la maison de Lorraine. Elle exigra d'Antoine de Navarre un écrit, par lequel il renonçait a la régence, et se l'assura à elle-même dans son cabinet, sans salter ni le conseil, ni les députés des états géné raux qu'on devait tenir à Orléans, ni aucun parlement du

yaume.

François II, son fils, mourut le 5 décembre, âgé de dixsept ans et dis mois; son frère, Charles IX, n'avait que dix ass et demi. Catherine de Médicis sembla maitresse absolue Les premiers jours de ce règne. Elle tira le prince de Condé de prison de sa seule autorité; ce prince et le duc de Guise réconcibèrent et s'embrasserent en sa présence, avec la resolation déterminée du se détruire l'un l'autre; et bienat a'currit la carrière des plus horribles excès ou l'esprit de faction, la superstition, Tignorance revêtue du nom de beologie, le fanatisme et la démence aient jamais porté les

Catherine de Médicis était intéressée à rabaisser les Guises, qui l'avaient humiliée du temps de François I, et dans cette idée elle favorisa d'abord les calvinistes. Le roi de Navarre l'était, mais il craignait toujours d'agir. Le conuétable de Montmorenci, l'homme le plus ignorant de la cour, et qui à peine savait signer son nom, fut long-temps indécis; mais sa femme, Magdeleine de Savoie, aussi bigote que son mari était ignorant, l'emporta sur les Coligni, et détermina son mari a s'unir avec le duc de Guise. Le maréchal de Saint-André se joignit à eux, et on donna à cette union le nom de triumvirat, parcequ'on aime toujours à comparer les petites choses aux grandes. Saint-André était

en tout fort au-dessous de Francois de Guise et de Mont

morenci; il était le Lépide de ce triumvirat, d'ailleurs plus connu par ses débauches et par ses rapines que par ses actions.

Ce fut là le premier signal des divisions au milieu des états d'Orléans. La reine-mère envoya d'abord un ordre, au nom du roi son fils, à tous les gouverneurs de provinces, de pacifier autant qu'ils le pourraient les troubles de la religion. Cette déclaration defendait aux peuples de se servir des noms odieux de buguenots et de papistes. Elle rendait la liberté à tous les prisonniers pour cause de religion; elle rappelait ceux que la crainte avait fait retirer hors du royaume depuis le temps de François 1a. Rien n'était plus capable de ramener la paix, si les hommes eussent écouté la raison,

Le parlement de Paris, après beaucoup de débats, fit des remontrances. Il allégua que cette ordonnance devait étre adressée au parlement du royaume, et non aux gouverneurs des provinces. Il se plaignit qu'on donnat trop de liberté aux novateurs. La reine mena son fils au parlement, au mois de juillet: jamais il n'y eut une plus grande assemblée. Le prince de Condé y était lui-même. On y fit enregistrer l'édit qu'on nomme de juillet, édit de concorde et de paix, beaucoup plus détaillé que l'ordonnance dont on se plaiguait: édit qui recommandait a tous les sujets la tolérance, qui défendait aux prédicateurs les termes injurieux, sous peine de la vie, qui prohibait les assemblées publiques, et qui, en réservant aux ecclésiastiques seuls la connaissance de l'hérésie, prescrivait aux juges de ne prononcer jamais la peine de mort contre ceux mêmes que l'Eglise livrerait Cet édit fut suivi de colloque de Poissi, renu au mois

Pendant que François II touchait à sa fin, le parlement He Paris répritna, autant qu'il le put, par un arrêt authen-au bras séculier. que, des maximes ultramentaines capables d'augmenter

d'auguste 1561. Cette conférence ne pouvait être qu'inutile entre deux partis diamétralement opposés. D'un côté l'on voyait un cardinal de Lorraine, un cardinal de Tournon, des évêques comblés de richesses, un jésuite, nommé Lainez, et des moines, défenseurs opiniâtres de l'autorité du pape; de l'autre étaient de simples ministres, tous pauvres, tous voulant qu'on fût pauvre comme eux, et tous ennemis irréconciliables de cette puissance papale qu'ils regardaient comme l'usurpation la plus tyrannique,

Les deux partis se séparérent très mécontents l'un de l'autre, ce qui ne pouvait être autrement.

Jacques-Auguste De Thou rapporte que le cardinal de Tournon ayant reproché vivement à la reine d'avoir mis au hasard la religion romaine en permettant cette dispute publique, Catherine lui répondit: Je n'ai rien fait que de l'avis du conseil et du parlement de Paris.

Il parait cependant que la majorité du parlement était alors contre les réformateurs. Apparemment la reine entendait que les principales têtes de ce corps lui avaient conseillé le colloque de Poissi.

Après cette conférence, dont on sortit plus aigri qu'on n'y était entré, la cour, pour prévenir les troubles (17 jauvier 1562), assembla dans Saint-Germain-en-Laie des députés de tous les parlements du royaume. Le chancelier de L'Hospital leur dit que, dans les divisions et dans les malheurs de l'état, il ne fallait pas imiter Caton, à qui Ciceron reprochait d'opiner dans le sein de la corruption comme il eût fait dans les temps vertueux de la république.

CHAPITRE XXIV.

Du chancelier de L'Hospital. De l'assassinat de François de Guise.

On croit bien que toutes ces cruautés ne furent point sans représailles; les protestants firent autant de mal qu'a leur en fesait, et la Frauce fut un vaste théâtre de carnage. Le parlement de Toulouse fut partage. Vingt-deux conseil, lers tenaient encore pour les édits de pacification, les autres voulaient que les protestants fussent exterminés. Ceux-ci se retranchérent dans l'hôtel de ville; on se batuit avet) fureur dans Toulouse; il y périt trois à quatre mille c toyens, et c'est là l'origine de cette fameuse procession qu'en fait encore à Toulouse tous les ans, le 10 mars, en méinoite de ce qu'on devrait oublier. Le chancelier de L'Hospital, sage et inutile médecin de cette frénésie universelle, cass vainement l'arrêt qui ordonnait cette funeste cérémonie a nuelle.

Le prince de Condé cependant fesait une véritable guerre Son propre frère, le roi de Navarre, après avoir long-temp flotté entre la cour et le parti protestant, ne sachant s' était calviniste ou papiste, toujours incertain et toujours faible, suivit le duc de Guise au siège de Rouen, dont in troupes du prince de Condé s'étaient emparées; il y fut blessé à mort en visitant ia tranchée (13 octobre 1562): la ville fut prise et livrée au pillage. Tous les partisans da prince de Condé qu'on y trouva furent massacres, excepte ceux qu'on réserva au supplice. Le chancelier de L'Hospital, au milieu de ces meurtres, fit encore publier un édit par lequel le roi et la reine sa mère ordonnaient à tous les parlements du royaume de suspendre toute procedure criminelle contre les hérétiques, et proposaient une amnistie ge

On proposa des tempéraments qui adoucissaient encore l'édit de juillet. Par ce nouvel édit, long-temps connu sous le nom d'édit de janvier, il fut permis aux réformés d'avoir des temples dans les faubourgs de toutes les villes. Nul magistrat ne devait les inquiéter; au contraire on devait leur préter main-forte contre toute insulte, et condamner à mille écus d'or d'amende ceux qui troubleraient leurs as-nérale à ceux qui s'en rendraient dignes. semblées; mais aussi ils devaient restituer les églises, les maisons, les terres, les dimes dont ils s'étaient emparés. Ils ne pouvaient, par cet édit, convoquer aucun synode qu'en présence des magistrats du lieu. Enfin on leur enjoignait d'être en tout des citoyens soumis, en servant Dieu selon leur conscience.

Voilà le troisième arrét de douceur et de paix que ce grand homme fit en moins de deux ans ; mais la rage d'une guerre à-la-fois civile et religieuse l'emporta toujours sur la tolérance du chancelier.

Le parlement de Normandie, malgré l'édit, fit pendre trois conseillers de ville et le prédicant ou ministre Marlerat, avec plusieurs officiers.

Quand il fallut enregistrer ce nouvel édit, le parlement fit encore plusieurs remontrances. Enfin, après trois lettres Le prince de Condé à son tour souffrit que dans Orléans, de jussion, il obéit (6 mars 1562), en ajoutant la clause, dont il était maitre, le conseil de ville fit pendre un conQu'il cédait à la volonté absolue du roi; qu'il n'approu-seiller du parlement de Paris, nommé Sapin, et un prêtre, vait point la religion nouvelle, et que l'édit ne subsiste- qui avait été pris en voyageant; il n'y avait plus d'autre rait que ju qu'à nouvel ordre. Cette clause, dictée par droit que celui de la guerre. le parti des Guises et du triumvirat, inspira la défiance aux réformés, et rendit les deux édits de pacification inutiles, Les querelles d'état et de religion augmentèrent par les moyens mêmes qu'on avait pris pour les pacifier. Le petit triumvirat, la faction des Guises et celle des prètres menaçaient et choquaient dans toutes les occasions le parti des Condé, des Coligni, et des réformés: on était encore en paix, mais on respirait la guerre civile.

Le hasard qui causa le massacre de Vassi fit encore courir la France entière aux armes: et si ce hasard n'en avait pas! été la cause, d'autres étincelles auraient suffi pour allumer l'embrasement.

(Avril 1562) Le prince de Condé s'empara de la ville d'Orléans, et se fit déclarer, par son parti, protecteur du royaume de France; soit qu'il empruntât ce titre des Anglais, comme il est très vraisemblable, soit que les circonstances présentes le fournissent d'elles-mêmes.

Au lieu d'apaiser cette guerre civile naissante, le parlement, où le parti des Guises dominait toujours, rendit plusieurs arrêts par lesquels il proscrivait les protestants, ordonnait à toutes les communautés de prendre les armes, de poursuivre et de tuer tous les novateurs qui s'assembleraient pour prier Dieu en français (juillet 1562).

Le peuple déchaîné par la magistrature exerça sa cruauté ordinaire partout où il fut le plus fort; à Ligueil en Touraine il étrangla plusieurs babitants, arracha les yeux au pasteur du temple, et le brûla à petit feu. Corineri, Loches, lle Bouchard, Azai-le-Rideau, Vendôme, furent saccagés; les tombeaux des dues de Vendôme mis en pièces, leurs corps exhumés, dans l'espérance d'y trouver quelques joyaux, et leurs cendres jetées au vent. Ce fut le prélude de cette Saint-Barthelemi qui effraya l'Europe dix années après, et dont le souvenir inspirera nne horreur éternelle.

Cette même année se donna la première batailie rangee entre les catholiques et les huguenots, auprès de la petite ville de Dreux, non loin des campagnes d'leri, lieu où depuis le grand Henri IV gagna et merita sa couronne.

D'un côté on voyait ces trois triumvirs, le vieux et malheureux connétable de Montmorenci; Francois de Guise, qui n'était plus lieutenant-général de l'état, mais qui, par sa réputation, en était le premier homme; et le maréchal de Saint-André qui commandait sous le connétable.

A la tête de l'armée protestante était le prince Louis de Condé, l'amiral Coligni, et son frère d'Andelot : presq tous les officiers de l'une et de l'autre armée étaient ou pa rents ou allies, et chaque parti avait amené des troupes étrangères à son secours.

L'armée catholique avait des Suisses, l'autre avait des reîtres. Ce n'est pas ici le lieu de décrire cette bataille: elle fut, comme toutes celles que les Français avaient données, sans ordre, sans art, sans ressource prévue. Il n'y eut que le duc de Guise qui sut mettre un ordre certain dans le petit corps de réserve qu'il commandait. Le connétable fut enveloppé et pris, comme il l'avait été à la bataille de SaintQuentin. Le prince de Condé eut le même sort. Le marechal de Saint-André, abandonné des siens, fat tué par le fils du greffier de l'hôtel de ville de Paris, nommé Bebigni Ce maréchal avait emprunté de l'argent au grefuer: au lit de payer le père, il avait maltraité le fils. Celui-ci jara de s'en veuter, et tint parole. Un simple citoyen qui a du co rage est supérieur, dans une bataille, à un seigneur de coar qui n'a que de l'orgueil.

Le duc de Guise, voyant les deux chefs opposés prisesniers, et tout en confusion, fit marcher à propos son corps de reserve, et gagua te champ de bataille. (20 décembre 1562) François de Guise alla bientôt après faire le seg d'Orléans. (18 février 1563) Ce fut là qu'il fut assassins par Poltrot de Méry, gentilhomme angoumois. Ce n'étai pas le premier assassinat que la rage de religion avait fa commettre. Il y en avait eu plus de quatre mille dans les

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