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ques provisions par le secours de Mazeppa. Charles répondit qu'il n'était pas homme à s'enfermer dans une ville. Piper alors le conjura de repasser la Desna et le Borysthène, de rentrer en Pologne, d'y donner à ses troupes des quartiers dont elles avaient besoin, de s'aider de la cavalerie légère des Polonais qui lui était absolument nécessaire, de soutenir le roi qu'il avait fait nommer, et de contenir le parti d'Auguste qui commençait à lever la tête. Charles répliqua que ce serait fair devant le czar, que la saison deviendrait plus favorable, qu'il fallait subjuguer l'Ukraine et marcher Moscou (1).

(Janvier 1709) Les armées russes et suédoises furent quelques semaines dans l'inaction, tant le froid fut violent au mois de janvier 1709; mais dès que le soldat put se servir de ses armes, Charles attaqua tous les petits postes qui se trouvèrent sur son passage. Il fallait envoyer de tous côtés des partis pour chercher des vivres, c'est-h-dire pour aller ravir à vingt lieues à la ronde la substance des paysans. Pierre sans se båter veillait sur ses marches, et le laissait se

consumer.

Il est impossible au lecteur de suivre la marche des Snédois dans ces contrées; plusieurs rivières qu'ils passèrent ne se trouvent point dans les cartes: il ne faut pas croire que les géographes connaissent ces pays comme nous connaissons l'Italie, la France, et l'Allemagne; la géographie est encore de tous les arts celui qui a le plus besoin d'être perfectionné; et l'ambition a jusqu'ici pris plus de soin de dévaster la terre que de la décrire.

viens s'attroupèrent: ils vinrent en corps se plaindre à Mazeppa de l'affront inoui qu'on ferait à de si braves gens, et demandèrent qu'on leur livrât le maître d'hôtel pour le punir selon les lois; il leur fut abandonné; et les Zaporaviens, selon les lois, se jetèrent les uns aux autres ce pauvre homme, comme on pousse un ballon; après quoi on lai plongea un couteau dans le cœur.

Tels furent les nouveaux alliés que fat obligé de recevoit Charles XII; il en composa un régiment de deux mille hommes; le reste marcha par troupes séparées contre let Cosaques et les Calmoucks du czar, répandus dans ces quar tiers.

La petite ville de Pultava, dans laquelle ces Zaporaviens trafiquent, était remplie de provisions, et pouvait servir à Charles d'une place d'armes; elle est située sur la rivière de Vorskla, assez près d'une chaîne de montagnes qui la dominent au nord; le côté de l'orient est un raste désert; celui de l'occident est plus fertile et plus peuplé. La Vorskla va se perdre à quinze grandes lieurs au-dessous dans le tr Borysthène. On peut aller de Pultava au septentrion gagner le chemin de Moscou, par les défilés qui servent de passage aux Tartares; cette route est difficile; les précautions de czar l'avaient rendue presque impraticable; mais rien ne paraissait impossible à Charles, et il comptait toujours press dre le chemin de Moscou, après s'être emparé de Pultava zİM, il mit donc le siége devant cette ville an commencemeat de mai.

CHAPITRE XVIII.

Bataille de Pultava.

C'était là que Pierre l'attendait : il avait disposé ses corps d'armée à portée de se joindre, et de marcher tous ensemble aux assiégeants; il avait visité toutes les contrées qui entourent l'Ukraine, le duché de Séverie, nù coule la Desus, devenue célèbre par sa victoire, et où cette rivière est déja profonde; le pays de Bolcho, dans lequel l'Occa prend source: les déserts et les montagnes qui conduisent au Palus-Meotides: il était enfin auprès d'Azof, et là il fesail. nettoyer le port, construire des vaisseaux, fortifier la cita delle de Taganrock, mettant ainsi à profit, pour l'avantage de ses états, le temps qui s'écoula entre les batailles de Desna et de Pultava.

Contentons-nous de savoir que Charles enfin traversa toute l'Ukraine, au mois de février, brûlant partout des villages, et en trouvant que les Russes avaient brûlés. Il s'avança au sud-est jusqu'aux déserts arides bordés par les montagues qui séparent les Tartares Nogais des Cosaques du Tanais c'est à l'orient de ces montagnes que sont les autels d'Alexandrie. Il se trouvait donc au-delà de l'Ukraine dans le chemin que prennent les Tartares pour allerea Russie: et quand il fut là, il fallut retourner sur ses pas pour aubsister: les habitants se cachaient dans des tanières avec leurs bestiaux: ils disputaient quelquefois leur nourriture aux soldats qui venaient l'enlever; les paysans dont on put Re saisir furent mis à mort; ce sont là, dit-on, les droits de la guerre. Je dois transcrire ici quelques lignes du chapelain Norberg (2), Pour faire voir, dit-il, combien le roi aimait la justice, nous insérerons un billet de sa main au colonel Hielmen: - Monsieur le colonel, je suis bien aise qu'on ait attrapé les paysans qui ont enlevé un Suédois; quand on les aura convaincus de leur crime, on les punira suivant Dès qu'il sait que cette ville est assiégée, il rassemble se - l'exigence du cas, en les fesant mourir. CHARLES, et plus quartiers. Sa cavalerie, ses dragons, son infanterie, Cosabas Budis. Tels sont les sentiments de justice et d'hu-ques, Calmoucks, s'avancent de vingt endroits; rien ne manité du confesseur d'un roi; mais si les paysans de l'Umanque à son armée, ni gros canon, ni pièces de campa kraine avaient pu faire pendre des paysans d'Ostrogothie en- gne, ni munitions de toute espèce, ni vivres, ni médica régimentés, qui se croyaient en droit de venir de si loin leur ments; c'était encore une supériorité qu'il s'était donnée; ravir la nourriture de leurs femmes et de leurs enfants, les confesseurs et les chapelains de ces Ukraniens n'auraient-ils pas pu bénir leur justice?

Mazeppa négociait depuis long-temps avec les Zaporaviens, qui habitent vers les deux rives du Borysthène, et dont une partie habite les iles de ce fleuve (3). C'est cette partie qui compose ce peuple, sans femmes et sans familles, subsistant de rapines, entassant leurs provisions dans leurs les pendant l'hiver, et les allant vendre au printemps dans la petite ville de Pultava; les autres habitent des bourgs à droite et à gauche du fleuve. Tous ensemble choisissent un herman particulier, et cet hetman est subordonné à celui de l'Ukraine. Celui qui était alors à la tête des Zaporaviens alla trouver Mazeppa: ces deux barbares s'abouchèrent, fesant porter chacun devant eux une queue de cheval et

une massue.

sur son rival.

Le 15 juin 1709, il arrive devant Paltava avec une armée. d'environ soixante mille combattants; la rivière Vorskla était entre lui et Charles. Les assiégeants au nord-ouest; *

les Russes au sud-est.

(3 juillet) Pierre remonte la rivière au-dessus de la ville, établit ses ponts, fait passer son armée, et tire un long retranchement, qu'on commence et qu'on achève en une seule nuit, vis-à-vis l'armée ennemie. Charles put juger alors si celui qu'il méprisait, et qu'il comptait détrôner à Moscou entendait l'art de la guerre, Cette disposition faite, Pierre posta sa cavalerie entre deux bois, et la couerit de plusieurs redoutes garnies d'artillerie. (6 juillet) Toutes les mesures ainsi prises, il va reconnaître le camp des assiégeants pour en former l'attaque.

Cette bataille allait décider du destin de la Russie, de la, Pologne, de la Suède, et des deux monarques sur qui l'Eu

Pour faire connaître ce que c'était que cet hetman des Zaporaviens et son peuple, je ne crois pas indigne de l'his-rope avait les yeux. On ne savait chez la plupart des aatoire de rapporter comment le traité fut fait, Mazeppa donna un grand repas servi avec quelque vaisselle d'argent à l'hetman zaporavien et à ses principaux officiers: quand ces chefs furent ivres d'eau-de-vie, ils jurèrent à table, sur l'Evangile, qu'ils fourniraient des hommes et des vivres à Charles XII; après quoi ils emportèrent la vaisselle et tous les meubles. Le maître d'hôtel de la maison courut après eux, et leur remontra que cette conduite ne s'accordait pas avec l'Evangile sur lequel ils avaient juré; les domestiques de Mareppa voulurent reprendre la vaisselle, les Zapora

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tions attentives à ces grands intérêts, ni où étaient ces deus princes, ni quelle était leur situation: mais après avoir vu partir de Saxe Charles XII victorieux, à la tête de l'armée la plus formidable, après avoir su qu'il poursuivait partout son ennemi, on ne doutait pas qu'il ne dût l'accabler, et qu'ayant donné des lois en Danemarck, en Pologne, en Allemagne, il n'allar dieter dans le Kremlin de Moscou les conditions de la paix, et faire un ezar après avoir fait on roi de Pologne. J'ai vu des lettres de plusieurs ministres qui confirmaient leurs cours dans cette opinion générale.

Le risque n'était point égal entre ces deux rivaur. Si Charles perdait une vie tant de fois prodiguée, ce n'étail, après tout, qu'un héros de moins. Les provinces de l'Ekraine, les frontières de Lithuanic et de Russie cessaient

slem f'être dévastées; la Pologne reprenait avec sa tranque son rei legitime, déja réconcilié avec le czar son Liesfa tear.

cent quarante-six au pouvoir da vainqueur; ce qui, joint aux neuf mille deux cent vingt-quatre qui furent tués dans la bataille, et à près de deux mille hommes qui passèrent le Borysthène à la suite du roi, fait voir qu'il avait en effet vingt-sept mille combattants sous ses ordres dans cette journée mémorable (1).

La Sarde, eafin épuisée d'hommes et d'argent, pouvait arer des metifs de consolation: mais si le czar périssait, des travaux immenses utiles à tout le genre humain étaient enamelis avec lui, et le plus vaste empire de la terre re- Il était parti de Saxe avec quarante-cinq mille combattemat dans le chaos, dont il était à peine tiré. tants; Levenhaupt en avait amené plus de seize mille de Qurlydes corps suédois et russes avaient été plus d'une Livonie; rien ne restait de toute cette armée florissante; et fomains sous les murs de la ville. (27 juin) Charles, d'une nombreuse artillerie perdue dans-es marches, enterrée que dix-huit canons dans une de ces rencontres, avait été blessé d'un coup de dans des marais, il n'avait conservé rabine qui lui fracassa les os du pied; it essuya des opé- de fonte, deux obus, et douze mortiers. C'était avec ces faiaciens douloureuses, qu'il soutint avec son courage ordi- bles armes qu'il avait entrepris le siége de Pultava, et qu'il are, et fat ebligé d'éire quelques jours au lit. Dans cet avait attaqué une armée pourvue d'une artillerie formidaat il apprit que Pierre devait l'attaquer ses idées de ble aussi l'accusait-on d'avoir montré depuis son départ pire ne la permirent pas de l'attendre dans ses retran-d'Allemagne plus de valeur que de prudence. Il n'y eut de hements; il sortit des siens en se fesant porter sur un Brancard. Le journal de Pierre-le-Grand avoue que les Suélets attaquèrent avec une valeur si opiniâtre les redoutes garnies de casous qui protégeaient sa cavalerie, que, malgré sa résistance et malgré un feu continuel, ils se rendirent Un ministre envoyé à la cour du czar prétend dans ses mémaitres de deux redoutes. On a écrit que l'infantetie sué-moires, que Fierre ayant appris le dessein de Charles XII Come, maitresse des deux redoutes, crut la bataille gagnée. de se retirer chez les Tures, lui écrivit pour le conjurer de eria victoire! Le chapelain Norberg, qui était loin du ne point prendre cette résolution désespérée, et de se rehamp de bataille an bagage (où il devait être), prétend mettre plutôt entre ses mains qu'entre celles de l'ennemi The 'eut une calomnie; mais que les Suédois aient crié naturel de tous les princes chrétiens. Il lui donnait sa paFictoire ou non, il est certain qu'ils ne l'eurent pas. Le feu role d'honneur de ne point le retenir prisonnier, et de terdes autres redoutes ne se ralentit point, et les Russes résis-miner leurs différents par une paix raisonnable. La lettre ferent partout avec autant de fermeté qu'on les attaquait fut portée par un exprès jusqu'à la rivière de Bug, qui sérec ardeur. Ils ae firent aucun mouvement irrégulier. Le pare les déserts de l'Ukraine des états du grand-seigneur. Il 147 rangea son armée en bataille hors de ses retranche- arriva lorsque Charles était déja en Turquie, et rapporta la Beats avec ordre et promptitude. lettre à son maltre. Le ministre ajoute qu'il tient ce fait (2) de celui-là méme qui avait été chargé de la lettre. Cette anecdote n'est pas sans vraisemblance, mais elle ne se trouve ni dans le journal de Pierre-le-Grand, ni dans aucun des mémoires qu'on m'a confiés. Ce qui est le plus important dans cette bataille, c'est que de toutes celles qui ont jamais ensanglanté la terre, c'est la seule qui, au lieu de ne produire que la destruction, ait servi au bonheur du genre hus main, puisqu'elle a donné au czar la liberté de policer une grande partie du monde.

morts du côté des Russes que cinquante deux officiers et douze cent quatre-vingt treize soldats; c'est une preuve que leur disposition était meilleure que celle de Charles, et que leur feu fut infiniment supérieur.

La bataille deviat générale. Pierre fesait dans son armée sfaction de général-major; le général Bauer commandait adite, Menzikoff la gauche, Sheremetof le centre. L'ac dura deux heures. Charles, le pistolet à la main, allait fing en rang sur son brancard, porté par ses drabans. coup de canon tua un des gardes qui le portaient, et it le brancard en pièces. Charles se fit alors porter sur piques; car il est difficile, quoi qu'en dise Norberg, a dans une action aussi vive on eût trouvé un nouveau stard tout prêt. Pierre recat plusieurs coups dans ses Il s'est donné en Europe plus de deux cents batailles ranset dans son chapeau; ces deux princes furent conti-gées depuis le commencement de ce siècle jusqu'à l'année element au milieu du feu pendant toute l'action. Enfin, où j'écris. Les victoires les plus signalées et les plus sandeas heures de combat, les Suédois farent partout glantes n'ont eu d'autres suites que la réduction de quelfaces; la confusion se mit parmi eux, et Charles XII ques petites provinces, cédées ensuite par des traités et reit obligé de fair devant celui qu'il avait tant méprise. On prises par d'autres batailles. Des armées de cent mille Racheval, dans sa faite, ce même héros qui n'avait pu y hommes ont souvent combat u, mais les plus violents efforts mer pendant la bataille; la nécessité lui rendit un peu n'ont eu que des succès faibles et passagers: on a fait les fonce, il courat en souffrant d'extrêmes douleurs, de- plus petites choses avec les plus grands moyens. Il n'y a thues encore plas cuisantes par celle d'être vaincu san point d'exemple dans nos nations modernes d'aucune guerre moarce, Les Russes comptérent neuf mille deux cent qui ait compensé par un peu de bien le mal qu'elle a fait ; -quatre Suédois meris sur le champ de bataille: ils mais il a résulté de la journée de Pultava la félicité du plus : pendant l'action deux à trois mille prisonniers, sur- vaste empire de la terre. but dans la cavalerie.

CHAPITRE XIX.

Carles XII précipitait sa fuite avec environ quatorze i rembattants, très peu d'artillerie de campagne, de tres, de munitions, et de poudre. Il marcha vers le Borysine, au midi, entre les rivières de Vorskla et de Sol (i), ans le pays des Zaporariens, Par-delà le Borysthène, en readroit, sont de grands déserts qui conduisent aux froneres de la Turquie. Norberg assure que les vainqueurs heat poursaivre Charles; cependant il avoue que le tiere Meazikoff se présenta sur les hauteurs avec dix mille es de cavalerie et un traia d'artillerie considérable, and le rei passait le Borysthène. (13 juillet) Quatorze mille Suédois se rendirent prison-il leur dit : « Je bois à la santé de mes maitres dans l'art iers de guerre à ces dix mille Russes; Levenhaupt, qui les de la guerre: mais la plupart de ses maitres, du moins mandat, signa cette fatale capitulation, par laquelle il tous les officiers sabalternes et tous les soldats, furent bienezar les Zaporaviens, qui, ayant combattu pour tôt envoyés en Sibérie. Il n'y avait point de cartel entre in roi, se trouvaient dans cette armée fogitive. Les princi- les Russes et les Suédois: le czar en avait proposé un avant prisonniers faits dans la bataille et par la capitulation le siège de Pultava; Charles le refusa, et ses Suédois foTreat le comte Piper, premier ministre, avec deux secré- rent en tout les victimes de son indomptable fierté.

Suite de la victoire de Pultava. Charles XII réfugié chez les Turcs, Auguste, detróne par lui, rentre dans ses etats. Conquétes de Pierre-le-Grand.

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Hres d'état et deux du cabinet; le feld-maréchal Renschild, " geserans Levenhaupt, Slipenback, Rosen, Stackelberg, cesca, Hamilton, trois aides-de-camp-généraux, l'auditeurneral de l'armée cinquante-neuf officiers de l'état-major, colonels parmi lesquels était un prince de Virtemberg; the mille neuf cent quarante-deux soldats ou bas-officiers: , en y comprenant les domestiques du roi et d'autres mendes suivant l'armée, il y en eut dix-huit mille sept

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Cependant on présentait au vainqueur tous les principaux prisonniers; le czar leur fit rendre leurs épées, et les invita sa table. Il est assez connu qu'en buvant à leur santé

(1) On a imprimé à Amsterdam, en 1730. les Mémoires de Pierre-le-Grand, par le prétendu boiard Ivan Nestesuranoy. Il est dit dans ces Mémoires que le roi de Suède, avant de passer le Borysthène, envoya un officier-général offrir la paix au czar. Les quatre tomes de ces Mémoires sont un tissu de faussetés et d'inepties pareilles, ou de gazettes compilées.

(3) Cr fait se trouve aussi dans une lettre imprimée audevant des Anecdotes de Russie.

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C'est cette fierté, toujours hors de saison, qui causa toutes les aventures de ce prince en Turquie, et toutes calamités plus dignes d'un héros de l'Arioste que d'un roi sage; car, dès qu'il fut auprès de Bender, on lai conseilla d'écrire au grand-visir selon l'usage, et il crat que ce serait trop s'abaisser. Une pareille opiniâtreté le brouilla avec tous les ministres de la Porte successivement: il ne savait s'accommoder ni aux temps ni aux lieux (1).

(21 novembre) Nul instant n'était perlu. Pierre, après avoir achevé rapidement les négociations qui partout ailleurs sont si longues, va joindre son armée devant Riga, la capitale de la Livonie, commence par bombarder la place, met le feu lui-même aux trois premières bombes, forme ensuite un blocus, et, sûr que Riga ne lui peut échapper, il va veiller aux ouvrages de sa ville de Pétersbourg, à la construction des maisons, a sa flotte (3 décembre), pose de ses mains la quille d'un vaisseau de cinquante-quatre canons, et part ensuite pour Moscou. Il se fit un amusement de travailler aux préparatifs du triomphe qu'il étala dans cette capitale; il ordonna toute la fête, travailla lui-même, disposa tout,

Aux premières nouvelles de la bataille de Pultava, ce fut une révolution générale dans les esprits et dans les affaires en Pologne, en Saxe, en Suède, en Silésie. Charles, quand il donnait des lois, vrait exige de l'empereur d'Allemagne, Joseph 1, qu'on dépouillar les catholiques de cent cinq églises, en faveur des Silésiens de la confession d'Augsbourg, les catholiques reprirent presque tous les temples lutheriens, dès qu'ils furent informés de la disgrace de Charles. Les Saxons ne songèrent qu'a se venger des extorsions d'un vainqueur qui leur avait coûté, disaient-ils, vingt-triomphait; on vit passer sous sept ares magnifiques l'artil trois millions d'é us. (8 auguste) Leur électeur, roi de Pologne, protesta sur-le- hamp contre l'abdication qu'on 1ut avait arrachée, et étant reniré dans les bonnes graces du czar, il s'empressa de remonter sur le tróne de Pologne, La Suede consternée crut long-temps son roi mort, et le sénat incertain ne pouvait prendre au un parti.

Pierre prit incontinent celui de profiter de sa victoire il fait parter le maréchal Sheremetof avec une armée pour la Livonie, sur les frontières de laquelle ce général s'était signalé tant de fois. Le prince Menzikoff fut envoyé en diligence avec une nombreuse cavalerie pour seconder le peu de troupes laissées en Pologne, pour encourager toute la noblesse du parti d'Auguste, pour chasser le compétiteur que l'on ne regardait plus que comme un rebelle, et pour dissiper quelques troupes suédoises qui restaient encore sous le général suédois Crassau.

(janvier) L'année 1710 commença par cette solennité nécessaire alors à ses peuples, auxquels elle inspirait des sentiments de grandeur, et agréable à ceux qui avaient craint de voir entrer en vainqueurs dans leurs murs ceux dont on lerie des vaincus, leurs drapeaux, leurs étendards, le brancard de leur roi, les soldats, les officiers, les généraux, les ministres prisonniers, tous à pied, an bruit des cloches, des trompettes, de cent pièces de canon, et des acclamations d'un peuple innombrable, qui se fesaient entendre quand les canons se taisaient. Les vainqueurs a cheval fermaient la marche, les généraux à la téte, et Pierre a son rang de général-major. A chaque arc de triomphe on trouvait des députés des différents ordres de l'état, et au dernier une troupe choisie de jeunes enfants de boïards vêtus à la romaine, qui présentaient des lauriers au monarque victorieux.

A cette fète publique succéda une cérémonie non moins satisfesante. Il était arrivé, en 1708, une aventure d'autant plus désagréable, que Pierre était alors malheureux. Maleof, son ambassadeur à Londres auprès de la reine Anne, ayant pris conge, fat arrêté avec violence par deux officiers de justice, au nom de quelques marchands anglais, et coge duit chez un juge de paix pour la sûreté de leurs créances, Les marchands anglais prétenduent que les fois du com merce devaient l'emporter sur les privilèges des ministres!

(18 septembre) Pierre part bientôt lui-même, passe par la Kiovie, par les palatinats de Chelm et de la Haute-Volbinie, arrive à Lublin, se concerte avec le général de la Lithuanie; il voit ensuite les troupes de la couronne, qui prêtent serment de fidélité au roi Auguste; de là il se rend à Varsovie, et jouit à Thora du plus beau de tous les triom-l'ambassadeur du czar et tous les ministres publics qui se phes, celui de recevoir les remerciements d'un roi auquel il rendait ses états (7 octobre). C'est là qu'il conclut un traité contre la Suéde avec les rois de Danemarck, de Pologne, et de Prusse. Il s'agissait déja de reprendre toutes les cooquetes de Gustave-A-tolphe. Pierre fessit revivre les anciennes prétentions des czars sur la Livonie, l'Ingrie, la Carelie, et sur une partie de la Finlande, le Danemark revendiquait la Scanie, le roi de Prusse la Pomeranie.

La valeur infortuuée de Charles ebranlait ainsi tous les édifices que la valeur heureuse de Gustave-Adolphe avait élevés. La noblesse polona se venait en foule conbrier ses seruments à son roi, ou lui demander pardon de l'avoir ahandonné; presque tous reconnaissaient Pierre pour leur pro

tecteur.

Aux armes du czar, à ces traités, à cette révolution subite, Stanislas n'eut à opposer que sa résignation; il répandit un écrit qu'on appelle Universal, dans lequel il dit qu'il est pret a renoncer à la couronne si la république l'exige.

Pierre, après avoir tout concerté a rc le roi de Pologne, et ayant ratifié le traité avec le Danemarck, partit incontinent pour achever sa négociation avec le roi de Prusse. n'était pas encore en usage chez les souverains d'aller faire eux-mêmes les fonctions de leurs ambassadeurs: ce fut Pierre qui introduisit cette coutume nouvelle et peu suivie. L'électeur de Brandebourg, premier roi de Prusse, alla conférer avec le czar à Marienverder, petite ville située dans la partie cedentale de la Pomeranie, batie par les chevaliers teutoniques, et enclivée daus la lisière de la Prusse devenue royaume. Ce royaume était petit et pauvre, mais son nouveau roi y étalait, quand il y voyagait, la potope la plus fastueuse: c'est dans cet éclat qu'il avait déja reçu Pierro à son premier pas age, quand ce prince quitta son empire pour aller s'instruire chez les étrangers. (20 o tobre) I cut le vainqueur de Charles XII avec encore plus de magnificence. Pierre ne conclut d'abord avec le roi de Prusse qu'un traité defensif, mais qui ensuite acheva la ruine des affaires de Suède.

(1) La Mottraye, dans le récit de ses voyages, rapporte une lettre de Charles XII au grand-visir; mais cette lettre est fausse comine la plupart des récits de ce voyageur mercenaire; et Norberg lui-même avoue que le roi de Suede ne voulut jamais écrire au grand-visir.

jognirent à lui, disaient que leur personne doit être tou jours inviolable. Le czar demanda fortement justice par set lettres à la reine Anne; mais elle ne pouvait la lui faire, par ceque les lois d'Augleterre permettaient aux marchands de poursuivre leurs débiteurs et qu'aucune loi n'exemptait les ministres publics de cette poursuite. Le meurtre de Patkul, ambassadeur du czar, exécuté l'année precedente par les ordres de Charles XII, enhardissait le peuple d'Anglet rrt à ne pas respecter un caractère si cruellement profané les autres ministres qui étaient alors à Londres, furent obligh de répondre pour celui du czar; et enfin, tout ce que pul faire la reine en sa faveur, ce fut d'engager le parlement à passer un arte par lequel dorénavant il ne serait plus permnis de faire arréter un ambassadeur pour ses dettes; mais, après la bataille de Pultava, il fallut faire une satisfaction. plus authentique. La reine lui fit des excuses publiques par une ambassade solennelle (16 février). M. de Wuthworth, choisi pour cette cérémonie, commenca sa harangue par ce nots Tres haut et très puissant empereur. Il lui di qu'on avait mis en prison ceux qui avaient osé arrêter son ambas sadeur, et qu'on les avait déclarés infames; il n'en était rien, mais suffisait de le dire; et le titre d'empereur, que la reine ne lui donnait pas avant la bataille de Pultava, marquait assez la considération qu'il avait en Europe. On lui donnait déja communément ce titre en Hollande, et non seulement ceux qui l'avaient va travailler avec eux dans les chantiers de Sadam, et quis intéressaient davantage à sa gloire, mis tous les principaux de l'état l'appelavent à l'ensi du nom d'empereur, et célébraient sa victoire par des fêtes en présence du ministre de Suède.

Cette consideration universelle qu'il s'était donnée par sa victoire, il l'augmentait en ne perdant pas un momeri pour en profiter, Hibing est d'abord assingée, c'est une ville ansiatique de la Prusse royale, en Pologne; les Suédois y avaient encore une garnison. (11 mars) Les Russes montent à l'assaut, eutrent dans la ville, et la garnison se rend pri sonnière de guerre: cette place était un des grands maca sins de Char es XII; on y trouva cent quatre-vingt-treik.c nons de bronze, et cent cinquante-sept morties, Aussité Pierre se hate d'aller de Moscou à Pétersbourg : (2 avril) i peine arrivé, il s'embarque sous sa nouvelle forteresse de Cronslot, ôtoie les côtes de la Carelie, et, malgré une vio lente tempete, il aniène sa flotte devant Vibourg, la capi tale de la Carele en Finlande, tandis que ses troupes &

terre approrbent sur des marais glacés: la ville est investie, etros de la capitale de la Livonie est resserré. (23 juin) Twarg se rend beatât après la brèche faite; et une gar1984, composée d'envires quatre mille hommes, capitule, maisa pruroir obtenir les honneurs de la guerre; elle fas late prisonnière malgré la capitulation. Pierre se plaiguit de pla trars in ractions de la part des Suédois; il poca de rendre la liberté a ces troupes, quand les Suédois Avtars: satisfais a ses plaiates; il fallut, sur cette affaire, dende les ordres du roi de Suede, toujours inflexible; essats, que Charles aurait pu délivrer, resterent cap. C'est ainsi que le prace d'Orange, roi d'Angleterre, lume III avait arrêté en 1695 le maréchal de Bouf, malg é la capitulation de Namur. Il y a plusieurs temples de ces riclations, et il serait à souhaiter qu'il n'y .: དབ་ཐ་

Après la prise de cette capitale, le siége de Riga devint sen út on vege regulier, poussé avec vivacité; il fallait spre les glaces dans la rivière de Dana, qui baigne au and les murs de la ville. La contagion, qui desolant depuis aelque teraps ces dimats, se mit dans l'armée assiégeante, thai estera as f mille hommes: cependant le siège ne fut chat ralesa, il fut leng, et la garnison obtint les bouvars de la guerre: (15 juillet) mais on stipula dins la cafalation que tous les ofbeiers et soldats livoniens restebest au service de la Russie, comme citoyens d'un pays di en avait été démembre, et que les ancêtres de Char» XII arment usurpe; les privilèges dont son père avait pa lé les Cirodieus leur fureut rendus, et tous les of hors entrerest va service du czar: c'était la plus noble grace qu'il put prendre du meurtre du Lironien Patsadeur, condamné pour avoir defendu ces imes priviléges. La garnison était composée d'environ te hommes Pea de temps apres la citadelle de amande fur prise on trouva, tant dans la ville que fort, plus de huit cents bouches à feu.

quit, pour être entièrement maitre de la Carelie, erte vile de Kexbolm, sur le lac Ladoga, située daus De, e qu'on regarlait comme impreuable; (19 sep re) elle fut bombardée quelque temps après, et bien(eae (13 septembre) L'ile d'Oesel, dans la mer qui dle word de la Livonie fut soumise avec la mème ra

n'avait point d'exemple: c'est que l'empereur, qui était alors en guerre contre la France, espérait faire entrer l'armée suédoise à son service. Toute cette négociation fut conduite pendant que Pierre s'emparait de la Livonie, de l'Estonie, et de la Carelie.

Charles XII, qui, pendant tout ce temps-là, fesait jouer, de Bender à la Porte ottomane, tous les ressorts possibles pour engager le divan à déchirer la guerre an ezar, recut ceite nouvelle comme un des plus funrestes coups que lui portait sa mauvaise fortune: il ne put soutenir que son sénat de Stockholm eût lié les mains à son armée: ce fut alors qu'il lui écrivivit qu'il lui enverrait une de ses bottes pour le gouverner.

Les Danois cependant préparaient une descente en Suède. Toutes les nations de l'Europe étaient alors en guerre ; l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la France, I Allemagne, la Hollande, l'Angleterre, combattaient encore pour la succession du roi d'Espagne Charles 11; et tout le Nord était armé coutre Charles XII. I ne manquait qu'une querelle avec la Porte ottomane pour qu'il n'y eût pas un village d'Europe qui ne fut exposé aux ravages. Cette querelle arriva lorsque Pierre était au plus haut point de sa gloire, et précisément parcequ'il y était.

jours.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

SECONDE PARTIE.

CHAPITRE I.

Campagne du Pruth.

Le sultan Achmet III déclara la guerre à Pierre 1o ; mais ce n'était pas pour le roi de Suède; c'était, comme on le croit bien, pour ses seuls intérets. Le kan des Tartares de Crimee voyait avec crainte un voisin devenn si puissant. La Porte avait pris ombrage de ses vaisseaux sur les PalusMeotides et sur la mer Noire, de la ville d'Azof fortifiée, du port de Taganrock, déja célèbre, enfin de tant de grands he cité de l'Estonie, province de la Livonie, vers le sep-succès, et de l'ambition, que les succès augmentent tounes, et var le golfe de Finlande, sont les villes de tau et Revel; ai on ea etait maître, la conquête de la * était acheves. (15 anguste) Pernau se rendit apres keje de peu de jours, (10 septembre) et Revel se souse qu'ou sirat.omite la ville un seul coup de canon; les asieges trouvèrent le moyen d'échapper au vainir dans le temps même qu'ils se rendaient prisonniers me, quelques vaisseaux de Suède abordèrent a 1. rade imt la uic; la gara son s'embarqua, arosi que la pludes bourgaris; et les assiégeants, en entrant dans la faren, tonnes de la trouver deserte. Quand CharIl respertar la victoire de Narva, il ne s'attendait pas es troupes auraient un jour besoin de pareilles ruses

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Pologne, Stanislas, voyant son parti détruit, s'était dans la Pomeranie, qui restait a Charles XII; Augmail, et il était dificile de décider si Charles avait us de glaire à le dévouer que Pierre à le rétablir. setats du roi de Suède étaient encore plus malheureux a; cele mai die contagu use qui avait ravagé toute la it. pass. en Sue de, et enleva trente mille personnes fa reale va le de Stockholm, elle y ravages les provinces trop dequers d'habitants, car, pendant dix années de la plupart staicot sortis du pays pour aller périr à la

de leur maitre,

raise fortune le poursuivait dans la Pomeranie. Ses es de Pilegne s'y etaient retirees au nombre de onze Combattente, le czar, le roi de Danemarck, celui de

Il n'est ni vraisemblable ni vrai que la Porte ottomane ait fait la guerre au czar vers les Palus-Meotides, parcequ'un va sseau suédois avait pris sur la mer Baltique ne barque dans laquelle on avait trouvé une lettre d un ministre qu'on n'a jamais nommé. Norberg a écrit que cette lettre contenait un plan de la conquête de l'empire ture; que la lettre fut portée a Charles XII, en Turquie, que Charles l'envoya au divan, et que, sur cette lettre, la guerre fut declarée. Cette fable porte assez avec elle son caractère de fable Le kan des Tartares, plus inquiet encore que le divan de Constantinople du voisinage d'Azof, fut celui qui, par ses instances, obtint qu'on entrerait en campagne (1).

La Livonie n'etait point encore tout entière au pouvoir du czar, quand Achmet III prit, ds le mois d'auguste, la résolution de se déclarer. Il pouvait à peine savoir la reddition de Riga. La proposition de rendre en argent les effets perdus par le roi de Suède à Pultava serait de toutes les idées la plus ridicu e, si celle de démolir Pétersbourg ne l'etait davantage. Il y eut beaucoup de romanesque dans la conduite de Charles a Bender; mais celle du divan eut été plus romanesque encore s'il eût fait de telles demandes.

(Novembre 1710) Le kan des Tartares, qui fut le grand moteur de cette guerre, alla voir Charles dans sa retraite. lis étaient unis par les mèmes intérêts, puisque Azof est

(1) Ce que rappporte Norberg sur les prétentions da e. l'électrar de H-novre, le duc de Holstein, s'unirent grand-seigneur n'est ni moins faux ni moins pueril: il dit que le sultan Achinet envoya au czar les conditions auxquelles il accorderait la paix avant d'avoir commence la guerre. Ces conditions étaient, selon le confesseur de Charles XII, de renoncer à son alliance avec le roi Auguste, de rétablir Stanislas, de rendre la Livonie à Charles, de payer à ce prince, argent comptant, ce qu'il lui avait pris à Pultava, et de démolir Pétersbourg. Cette pièce fut forgée par un nommé Brazey, auteur famelique d'une feuille intitulée: Memuires satiriques, historiques, et amusants. Norberg puisa dans cette source. Il parait que ce confesseur n'était pas le conuident de Charles XII.

semble pour readre cette armée inutile, et pour forgeneral Crassu, qui la commandait, à la neutralité. sace de Stockholm, ne recevaut point de nouvelles ras, se crut trop beureuse, au milieu de la contagion astait la ville, de signer cette neutralité, qui semja tarins devoir écarter les borreurs de la guerre d'une prariaces. L'empereur d'Allemagne favorisa ce traité ser On stipula que l'armée suédoise qui était en PoJe n'en pourrait sortir pour aller défeudre ailleurs son que: il fut même résolu, dans l'empire d'Allemagne, fr une armée pour faire exécuter cette convention, qui

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frontière de la petite Tartarie. Charles et le kan de Crimée étaient ceux qui avaient le plus perda par l'agrandissement du czar; mais ce kan ne commandait point les armées du grand-seigneur : il était comme les princes feudataires d'Allemagne, qui ont servi l'Empire avec leurs propres troupes, subordonnees au général de l'empereur allemand.

(29 novembre) La première démarche du divan fut de faire arrêter dans les rues de Constantinople l'ambassadeur du czar, Tolstoy, et trente de ses domestiques, et de l'enfermer au chateau des Sept-Tours. Cet usage barbare, dont les sauvages auraient hoate, vient de ce que les Turcs ont toujours des ministres étrangers residant continuellement chez eux, et qu'ils n'envoient jamais d'ambassadeurs ordinaires. Ils regardent les ambassadeurs des princes chrétiens comme des consuls de marchands; et n'ayant pas d'ailleurs moins de mépris pour les chrétiens que pour les Juifs, ils ne daignent observer avec eux le droit des gens que quand ils y sont forces; du moins, jusqu'à présent, ils ont persisté dans cet orgueil féroce.

elle pour aller éprouver sa fortune contre l'empire ottomau. Toutes les dispositions promettaient un heureux suc cès. L'betman des Cosaques devait contenir les Tartares, qui déja ravageaient l'Ukraine dès le mois de février; l'armée russe avançait vers le Niester; un autre corps de troupes, sous le prince Gallitzin, marchait par la Pologne. Tous les commencements furent favorables, car Gallitzia ayant rencontré près de Kiovie un parti nombreux de Tartares joints à quelques Cosaques et à quelques Polonais da parti de Stanislas, et même de Suédois, il les défit entièrement, et leur tua cinq mille hommes. Ces Tartares avaient déja fait dix mille esclaves dans le plat pays. C'est de temps immémorial la coutume des Tartares de porter plus de cordes que de cimeterres, pour lier les malheureux qu'ils surpren nent. Les captifs furent tous délivrés, et leurs ravisseurs passés au fil de l'épée. Toute l'armée, si elle eût été rassemblée, devait monter à soixante mille hommes. Elle dut être encore augmentée par les troupes du roi de Pologne. Ce prince, qui devait tout au czar, vint le trouver le 3 juin, a Le célebre visir Achmet Couprougli, qui prit Candie sous Jaroslau, sur la rivière de Sane, et lui promit de nombreux Mahomet IV, avait traité le fils d'un ambassadeur de France secours. On proclama la guerre contre les Turcs au nom des avec outrage; et ayant poussé la brutalité jusqu'à le frap-deux rois; mais la diéte de Pologne ne ratifia pas ce qu'Anper, l'avait envoyé en prison, sans que Louis XIV, tout fier guste avait promis; elle ne voulut point rompre avec les qu'il était, s'en fût autrement ressenti qu'en envoyant un Tures. C'était le sort du czar d'avoir dans le roi Auguste un autre ministre à la Porte. Les princes chrétiens, trés déli- allié qui ne pouvait jamais l'aider. Il eut les mêmes espécats entre eux sur le point d'honneur, et qui l'ont même rances dans la Moldavie et dans la Valachio, et il fut trompé fait entrer dans le droit public, semblaient l'avoir oublié de méme. avec les Tures.

Jamais souverain ne fut plus offensé dans la personne de ses ministres que le czar de Russie. Il vit, dans l'espace de peu d'années, son ambassadeur à Londres mis en prison pour dettes; son plenipotentiaire en Pologne et en Saxe roue vif sur un ordre du roi de Suède; son ministre à la Porte ottomane saisi et mis en prison dans Constantinople comme un malfaiteur.

La reine d'Angleterre lui fit, comme nous avons vu, satisfaction pour l'outrage de Londres. L'horrible affront reçu dans la personne de Patkul fut lavé dans le sang des Suédois à la bataille de Pultava; mais la fortune laissa impunie la violation du droit des gens par les Tures.

La Moldavie et la Valachie devaient secouer le jong des Turcs. Ces pays sont ceux des anciens Daces, qui, mélés aux Gépides, inquiétèrent long-temps l'empire romain: Trajan les soumit; le premier Constantin les rendit chrétiens. La Dacie fut une province de l'empire d'Orient; mais bientôt après ces mêmes peuples contribuèrent à la ruine de celui d'Occident, en servant sous les Odoacre et sous les Théo

doric.

Ces contrées restèrent depuis annexées à l'empire gree: et quand les Turcs eurent pris Constantinople, elles furent gouvernées et opprimées par des princes particuliers. Enfin elles ont été entièrement soumises par le padisha ou em pereur ture, qui en donne l'investiture. Le bospodar os Le czar fut obligé de quitter le théatre de la guerre ea vaivode que la Porte choisit pour gouverner ces provincet Occident pour aller combattre sur les frontières de la Turest toujours un chrétien grec. Les Tures oat, par ce choix quie. (janvier 1711) D'abord il fait avancer vers la Molda-fait connaitre leur tolérance, tandis que nos déclamateur vie (1) dix régiments qui étaient en Pologue; il ordonne ignorants leur reprochent la persécution. Le prince que l au maréchal Sheremetof de partir de la Livonie avec son Porte nomme est tributaire, ou plutôt fermier: elle con corps d'armée; et laissant le prince Menzikoff à la tête des fère cette dignité à celui qui en offre davantage, et qui fai affaires à Pétersbourg, il va donner dans Moscou tous les le plus de présents au visir, ainsi qu'elle confère le patriar ordres pour la campagne qui doit s'ouvrir. cat grec de Constantinople. C'est quelquefois un dragoman c'est-à-dire un interprète du divan, qui obtient cette place Rarement la Moldavie et la Valachie sont réunies sous ut même vaivode; la Porte partage ces deux provinces, pou en être plus sûre. Démétrius Cantemir avait obtenu la Mol davie. On fesait descendre ce vaivode Cantemir de Tamer

(18 janvier) Ua sénat de régence est établi; ses régiments des gardes se mettent en marche; il ordonne à la jeune noblesse de venir apprendre sous lui le métier de la guerre; place les uns en qualité de cadets, les autres d'officiers subalternes. L'amiral Apraxin va dans &zof commander sur terre et sur mer. Toutes ces mesures étant prises, il ordonne dans Moscou qu'on reconnaisse une nouvelle czarine; c'était cette même personne faite prisonnière de guerre dans Marienbourg en 1702. Pierre avait répudié, l'an 1696, Eudoxia Lapoukin (2), son épouse, dont il avait deux enfants. Les lois de sou Eglise permettent le divorce; et si elles l'avaient défendu, il eût fait une loi pour le per

mettre.

La jeune prisonnière de Marienbourg, à qui on avait donné le nom de Catherine, était au-dessus de son sexe et de son malheur. Elle se rendit si agréable par son caractère, que le czar voulut l'avoir auprès de lui; elle l'accompagna dans ses courses et dans ses travaux pénibles, partageant ses fatigues, adoucissant ses peines par la gaieté de son esprit et par sa complaisance, ne connaissant point cet appareil de luxe et de mollesse dont les femmes se sont fait ailleurs des besoins réels. Ce qui rendit sa faveur plus singulière, c'est qu'elle ne fut ni enviée ni traversée, et que personne n'en fut la victime. Elle calma souvent la colère du czar, et le rendit plus grand encore en le rendant plus clément. Entin, elle lui deviat si nécessaire, qu'il l'épousa secrètement en 1707. Il en avait déja deux filles, et il en eut l'année suivante une princesse qui épousa depuis le duc de Holstein. (17 mars) Le mariage secret de Pierre et de Catherine fut déclaré le jour meme que le czar (3) partit avec

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lan, parceque le nom de Tamerlan était Timur, que ce Ti

mur était un kan tartare; et du nom de Timur-kan venait disait-on, la famille de Kantemir.

Bassaraba Brancovan avait été investi de la Valachie, C Bassaraba ne trouva point de généalogiste qui le fit der cendre d'un conquérant tartare. Cantemir erut que le temp était venu de se soustraire à la domination des Turcs, de se rendre indépendant par la protection du czar. Il fi précisément avec Pierre ce que Mazeppa avait fait are Charles. Il engagea mème d'abord le hospodar de Valachie, Bassaraba, à entrer dans la conspiration, dont il espéran recueillir tout le fruit. Son plan était de se rendre maitre des deux provinces. L'évèque de Jérusalem, qui était alors en Valachie, fut l'ame de ce complot. Cantemir promit at czar des troupes et des vivres, comme Mazeppa en avait promis au roi de Suède, et ne tint pas mieux sa parole.

Le général Sheremetof s'avança jusqu'à Yassi, capitale de la Moldavie, pour voir et pour soutenir l'exécution de ces grands projets. Cantemir l'y viut trouver et en fut reca en prince; mais il n'agit en prince qu'en publiant un ma nifeste contre l'empire turc. Le hospodar de Valachie, qui démêla bientôt ses vues ambitieuses abandonna son parti, et rentra dans son devoir. L'évêque de Jérusalem, craignant justement pour sa tête, s'enfuit et se cacha; les peuples di la Valachie et de la Moldavie demeurèrent fidèles à la Port ottomane, et ceux qui devaient fournir des vivres à l'armet russe les allèrent porter à l'armée turque.

Deja le visir Baltagi Mehemet avait passé le Danube i la tête de cent mille homines, et marchait vers Yassi It long du Prath, autrefois le fleuve Hiérase, qui tombe dam le Danube, et qui est à-peu-près la frontière de la Modavis

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