Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE X.

CONJURATION PUNIE.

Milice des strelitz abolie. Changements dans les usages, dans les mœurs, dans l'etat, et dans l'Eglise.

Il avait pourvu à tout en partant, et même aux moyens de réprimer une rébellion, Ce qu'il fesait de grand et d'utile pour son pays fut la cause même de cette révolte.

ans.

Il l'honora d'une pompe fanèbre telle qu'on en fait aux grands souverains. Il assista lui-même au convoi, nne pique à la main, marchant après les capitaines, au rang de lieutenant qu'il avait pris dans le grand régiment du géné ral, enseignant à-la-fois à sa noblesse à respecter le mérite et les grades militaires.

On connut après la mort de Le Fort que les changements préparés dans l'état ne venaient pas de lui, mais du czar.s Il s'était confirmé dans ses projets par les conversations avec | Le Fort, mais il les avait tous conçus; et il les exécuta sana lui.

Dès qu'il eut détruit les strélitz, il établit des régiments réguliers sur le modèle allemand; ils eurent des habits: courts et uniformes, as lieu de ces jaquettes incommodes dont ils étaient vêtus auparavant : l'exercice fut plus régulier.

De vieux boards, à qui les anciennes coutumes étaient chères; des prêtres, à qui les nouvelles paraissaient des sacrileges, coinmencèrent les troubles. L'ancien parti de la princesse Sophie se réveilla. Une de ses sœurs, dit-on, renfermée avec elle dans le méme monastère, ne servit pas peu à exciter les esprits: on représentait de tous côtés combien Les gardes Préobazinski étaient déja formées; ce nom il était à craindre que des étrangers ne vinssent instruire la leur venait de cette première compagnie de cinquante nation (1). Enfio, qui le croirait! la permission que le czar hommes que le czar, jeune encore, avait exercée dans la avait donnée de vendre du tabac dans son empire, malgré retraite de Préobazinski, du temps que sa sœur Sophie le clergé, fut un des grands motifs des séditieux. La super-Gouvernait l'état; et l'autre régiment des gardes était aussi stition, qui, dans toute la terre, est un fléau si funeste et si établi, cher aux peuples, passa du peuple russe aux strélitz répanComme il avait passé lui-même par les plus bas grades dus sur les frontières de la Lithuanie: ils s'assemblerent, militaires, il voulut que les fils de ses boiards et de ses knès ils marcherent vers Moscou, dans le dessein de mettre So- commencassent d'être soldats avant que d'ètre officiers. I! phie sur le trône, et de fermer le retour à un ezar qui avait en mit d'autres sur la flotte à Véronise et vers Azof, et il violé les usages en osant s'instruire chez les étrangers. Le fallut qu'ils fissent l'apprentissage de matelot. On n'osait corps commandé par Shein et par Gordon, mieux discipline refuser un maître qui avait donné l'exemple. Les Anglais qu'eux, les battit à quinze lieues de Moscou; mais cette suet les Hollandais travaillaient à mettre cette flotte en état, périorité d'un général étranger sur l'ancienne milice, dans à construire des écluses, à établir des chantiers où l'on pút laquelle plusieurs bourgeois de Moscou étaient enrôlés, ir-caréner les vaisseaux à sec, à reprendre le grand onvrage de rita encore la nation. la jonction du Tanais et du Volga, abandonné par l'Allemand Brakel. Dès-lors les réformes dans son conseil d'état, dans les finances, dans l'Eglise, dans la société même, fureat cominencées.

(Septembre 1698) Pour étouffer ces troubles, le czar part secrètement de Vienne, passe par la Pologne, voit incognito le roi Auguste, avec lequel il prend deja des mesures pour s'agrandir du côté de la mer Baltique. Il arrive enfin à Moscou, et surprend tout le monde par sa présence: il récompeuse les troupes qui ont vaincu les strelitz; les prisons étaient pleines de ces malheureux. Si leur crime était grand, le châtiment le fut aussi. Leurs chefs, plusieurs officiers et quelques prètres furent condamnés à la mort (2); quelques uns furent roués, deux femmes enterrées vives. On pendit autour des murailles de la ville et on fit périr dans d'autres supplices deux mille strelitz (3); leurs corps restèrent deux jours exposés sur les grands chemins, et surtout autour du monastère ou résidaient les princesses Sophie et Eudoxe, On érigea des colonnes de pierre où le crime et le châtiment furent gravés. Un très grand nombre qui avaient leurs femmes et leurs enfants à Moscou furent dispersés avec leurs familles dans la Sibérie, dans le royaume d'Astracan, dans le pays d'Azof: par-là du moins leur punition futurile à l'état; ils servirent à défricher et à peupler des terres qui manquaient d'habitants et de culture.

Peut-être si le czar n'avait pas eu besoin d'un exemple terrible, il eût fait travailler aux ouvrages publics une partie des strelitz qu'il fit exécuter, et qui furent perdus pour lui et pour l'état; la vie des hommes devant être comptée pour beaucoup, surtout dans un pays où la population demandait tous les soins d'un législateur; mais il crut devoir étonner et subjuguer pour jamais l'esprit de la nation par l'appareil et par la multitude des supplies. Le corps entier des strélitz, qu'aucun de ses prédécesseurs n'aurait osé seulement diminuer, fut cassé à perpétuité, et leur nom aboli. Ce grand changement se fit sans la moindre résistance, parcequ'il avait été préparé. Le sultan des Turis, Osman, comme on l'a déja remarqué, fut déposé dans le même siëcle, et égorgé, pour avoir laissé seulement soupçonner aux janissaires qu'il voulait diminuer leur nombre. Pierre eut plus de bonheur, avant mieux pris ses mesures. Il ne resta de toute cette grande milice des strelitz que quelques faibles régiments qui n'étaient plus dangereux, et qui cependant, conservant encore leur ancien esprit, se révoltèrent dans Astracan en 1705, mais furent bientôt réprimés.

Les finances étaient à-peu-près administrées comme en Turquie. Chaque boïard payait pour ses terres une somme convenue qu'il levait sur ses paysans serfs; le czar établit pour ses receveurs des bourgeois, des bourgmestres qui n'étaient pas assez puissants pour s'arroger le droit de ne payer au trésor public que ce qu'ils voudraient. Cette nouvelle administration des finances fut ce qui lui coûta le plus de peine; il fallut essayer de plus d'une méthode avant de se fixer.

La réforme dans l'Eglise, qu'on croit partout difficile et dangereuse, ne le fut point pour lui. Les patriarches avaient quelquefois combattu l'autorité du trône, ainsi que les strelitz; Nicon avec andace; Joachim, un des successeurs de Nicon, avec scuplesse. Les évêques s'étaient arrogé le droit du glaive, celui de condamner à des peines afflictives et à la mort, droit contraire à l'esprit de la religion et au gouvernement: cette usurpation ancienne leur fut étée. Le patriarche Adrien étsut mort à la fin du siècle, Pierre déclara qu'il n'y en aurait p'ns. Cette dignité fut entièrenient abolie: les grands biens affectés au patriarcat furent réunis aux binances publiques, qui en avaient heroin. Si le crar ne se fit pas le chef de l'Eglise russe, comme les rois de la Grande-Bretagne le sont de l'Eglise anglicane, il en fut en effet le maître absolu, parceque les synodes n'osaient ni désobéir à un souverain despotique ni disputer contre un prince plus éclairé qu'eux.

(12 mars 1699, n. st.) Autant Pierre avait déployé de sévé-rité dans cette affaire d'état, autant il montra d'humanité quand il perdit quelque temps après son favori Le Fort, qui mourut d'une mort prématurée à l'âge de quarante-six

[blocks in formation]

Il ne faut que jeter les yeux sur le préambule de l'édit de ses réglements ecclésiastiques, donné en 1721, pour voir qu'il agissait en législateur et en maître. Nous nous eroirious coupables d'ingratitude envers le Très-Haut, si, après avoir réformé l'ordre militaire et le civil, nous négligions l'ordre spirituel, etc. A ces causes, suivant l'exemple des plus anciens rois dont la piété est célèbre, nous avons pris sur nous le soin de donner de bons réglements au clergé..

est vrai qu'il établit un synode pour faire exécuter ses lois ecclésiastiques; mais les membres du synode devaient, commencer leur ministère par an serment dont lui-même avait écrit et signé la formule: ce serment était celui de l'obéissance; en voici les termes : « Je jure d'être fidèle et obéissant serviteur et sujet à mon naturel et véritable souverain, aux augistes successeurs qu'il lui plaira de nommer, en vertu du pouvoir incontestable qu'il en a. Je reconnais qu'il est le juge suprême de ce collège spirituel; je jure par le Dieu qui voit tout, que j'entends et que j'explique ce serment dans toute la force et le seus que, les paroles présentent à ceux qui le lisent ou qui l'écoutent. Ce serument est encore plus fort que celui de suprématie en Angleterre. Le monarque russe n'était pas à la vé Trité un des pères du syuode, mais il dictait leurs lo's; il ne |

teachait point à l'encensoir, mais il dirigeait les mains qui Je portaient.

Ea attendant ce grand ouvrage, il crut que, dans ses étas, qui avaient besoin d'être peuplés, le célibat des moimes etait contraire à la nature et au bien public. L'ancien Bage de l'Eglise russe est que les prères séculiers se matient is molos une fois; ils y sont même obligés: et autrefox, quand ils avaient perdu leur femme, ils cessaient detre prétres : mais une multitude de jeunes gens et de james filles, qui font vu dans un cloitre d'ètre inutiles e de vere aux dépens d'autrui, lai parut dangereuse; il and qua qu'on n'entrerait dans les cloitres qu'à cinquante as, c'est-à-dire dans un age où cette teatation ne pread presque jaisais, et il défendit qu'on y recût, à quelque age ce fet, un homme revetu d'un emploi public. Ce reglement a été aboli depuis lui, lorsqu'on a cru deme plas de condescendance aux monastères: mais pour la Penite de patriarche, elle n'a jamais été rétablie, les grands evenus da patriarcat ayant été employés au paiement des

rupes.

Ces changements excitèrent d'abord quelques murmures; 25 prère écrivit que Pierre était l'antechrist, parcequ'il e vouat point de patriarche; et l'art de Fimprimerie, que e czar execara mit, servit à faire imprimer contre lui des belies mais aussi un autre prêtre répondit que ce prince pouvait être l'ancechrist, pare que le nombre de 666 ne trouvait pas dans son nom, et qu'il n'avait poiut le signe e la bete. Les plaintes furent bientôt réprimées. Pierre, effet, donna bien plus à son Eglise qu'il ne lui ôta; car read t peu à peu le clergé plas régulier et plus savant. a fonde a Moscou trois colleges, où l'on apprend les lanlex, et où ceux qui se destinaient à la précrise étaient igés détadier.

l'habit des bourgeois et du bas peuple ressemblait a ces jaquettes plissées vers la ceinture, qu'on donne encore à certains pauvres dans quelques uns de nos hôpitaux. En général la robe fut autrefois le vêtement de toutes les nations; ce vêtement demandait moins de façon et moins d'art on laissait croitre sa barbe par la méme raison. Le czar n'eut pas de peine a introduire l'habit de nos nations, et la coutume de se raser à sa cour: mais le peuple fut plus difficile; on fut obligé d'imposer une taxe sur les habits) et sur les barbes. On suspendait aux portes de la ville des modèles de justaucorps: on coupait les robes et les barbes à qui ne voulait pas payer. Tout cela s'exécutait gaiement, et cette gaieté même prévint les séditions.

L'attention de tous les législateurs fut toujours de rendre les hommes sociables; inais, pour l'être, ce n'est pas assez d'être rassemblés dans une ville, il faut se communiquer avec politesse: cette communication adoucit partout les amertumes de la vie. Le czar introduisit les assemblees, en italien ridotti, mot que les gazetiers ont traduit par le terme impropre de redoute. Il fit inviter à ces assemblées les dames avec leurs filles habillées à la mode des nations méridionales de l'Europe: il donna même des règlements pour ces petites fêtes de société. Ainsi, jusqu'à la civilité de ses sujets, tout fut son ouvrage et celui du temps. Pour mieux faire goûter ces innovations, il abolit le mot de golut, esclave, dont les Russes se servaient quand ils voulaient parler aux czars, et quand ils présentaient des requêtes; il ordonna qu'on se servit du mot de raad, qui siguie sujet. Ce changement n'ota rien à l'obéissance, et devait concilier l'affection. Chaque mois voyait un établis sement ou un changement nouveau. Il porta l'attention jusqu'à faire placer sur le chemin de Moscou à Véronise des poteaux peints qui servaient de colonnes millaires de verste en verste, c'est-a-dire à la distance de sept cent cinquante pas, et hit construire des espèces de caravanserails de vingt verstes en vingt verstes.

Une des réformes les plus nécessaires était l'abolition ou mutins l'adoucissement de quatre grands carêmes; ancien *ertissement de l'Eglise grecque, aussi pernicieux pour * qui travadient aux ouvrages publics, et surtout pour En étendant ainsi ses soins sur le peuple, sur les marakats, que le fat l'ancienne superstition des Juifs de chands, sur les voyageurs, il voulut mettre quelque pompe paint combattre le jour du sabbat. Anssi le czar dispensa- dans sa cour, haissant le faste dans sa personne, et le croyant adoras ses troupes ets souvriers de ces carêmes, dans nécessaire aux autres. Il institua l'ordre de Saint-André (1) à pels d'ailleurs, s'il n'était pas permis de manger, ilimitation de ces ordres dont toutes les cours de l'Europe vid page de s'eaivrer. Il les dispensa même de l'abstiwe les jours maigres; les aumôniers de vaisseau et de gimens farent obligés d'en donner l'exemple, et le doaessa répugnance.

roûte rien à un souverain, et flatte l'amour-propre d'un sujet sans le rendre puissant.

.par

les

sont remplies. Goilovin, successeur de Le Fort daus la digaité de grand-aniral, fut le premier chevalier de cet ordre. On regarda l'honneur d'y être admis comme une grande récompense. C'est un avertissement qu'on porte sur soi Le calendrier était un objet important. L'année fut au-d'être respecté par le peuple; cette marque d'honneur ne fem réglée dans tous les pays de la terre par les chefs de respas, non seulement à cause des fétes, mais parceque riconement l'astronomie n'était guère connue que des tres L'année commoneait au premier de septembre chez Russes; il ordonna que désormais l'année commenceau premier de janvier, comme dans notre Europe. Ce anmoment fat indiqué pour l'ancés 1700, à l'ouverture neile, qu'il ât celébrar por un jubilé et par de grandes Cesnės. La populace admirait comment le czar avait pu la per le cours du deil. Quelques obstinés, persuadés Dien avait créé le monde en septembre, continuèrent ancien wyle: mais il changea dans les bureaux, dans > ebarrelleries, et bientôt dans tout l'empire. Pierre n'atait pas le calendrier grégorien que les mathématiciens lais rejetaient, et qu'il faudra bien un jour recevoir dans as les pass.

Lepuis le cinquième siècle, temps auquel on avait connu usage des lettres, on écrivait sur des rouleaux, soit d'éPest de parchemin, et casuite sur da papier. Le czar tebligé de donner un édit par lequel il était ordonné de cerire que selon setre usage.

La referme s'étendità tout. Les mariages se fesaient auaravant comme dans la Turquie et dans la Perse, où l'on Tot celle qu'on épousa que lorsque le contrat est signé, qu'on ne peat plus s'en dédire. Cet usage est bon chez * peoples cà la polygamie est établie, et où les femmes at reufermers; et il est maurais pour les pays ou l'on reduit à une femme, et où le divorce est rare.

les

Tant d'innovations utiles étaient reçues avec applaudissement de la plus saine partie de la nation, et les plaintes des partisans des anciennes mœurs étaient étouffées, acclamations des hommes raisonnables. Pendant que Pierre commençait cette création daus l'in-! térieur de ses états, une trèse avantageuse avec l'empire ture le mettait en liberté d'étendre ses frontières d'un autre côté. Mustapha II, vaincu par le prince Eugène à la bataille de Zenta, en 1697, ayant perdu la Morée conquise par Vénitiens, et n'ayant pu défendre Azof, fut obligé de faire la paix avec tous ses vainqueurs; ( 26 janvier 1669) elle fut conclur à Carlovitz entre Petervaradin et Salankemen, lieus devenus célèbres par ses défaites. Temievar fut la borne des possessions allemandes et des domaines ottomaus. Kaminieck fut rendu aux Polonais: la Morée et quelques villes de la Dalmatie, prises par les Vénitiens, leur restèrent pour quelque temps; et Pierre 1 demeura maitre d'Azof et de quelques forts construits dans les environs. Il n'était guère possible au czar de s'agrandir du côté des Turcs, dont les forces, auparavant divisées, et maintenant réunies, seraient tombées sur lui. Ses projets de marine étaient trop grands pour les Palus-Meotides Les établissements sur la mer Caspienne ne comportaient pas une flotte guerrière: il tourna donc ses desseins vers la mer Baltique, sans abandonner la marine du Tanais et du Volga.

[ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

CHAPITRE XI.

Guerre contre la Suède. Bataille de Narva.

(1700) Il s'ouvrait alors une grande scène vers les frontières de la Suède. Une des principales causes de toutes les révolutions qui arrivèrent de l'Ingrie jusqu'à Dresde, et qui désolérent tant d'états pendant dix-huit années, fut l'abus du pouvoir suprême dans Charles XI, roi de Suede, père de Charles XII. On ne peut trop répéter eo fait, il importe à tous les trones et à tous les peuples. Presque toute la Livonie avec l'Estonie entière avait été abandonnée par la Pologne au roi de Suède, Charles XI, qui succéda à Charles X, précisément pendant le traité d'Oliva: elle fut cédée, comme c'est l'usage, sous la réserve de tous ses privilèges. Charles XI les respecta peu. Jean Reginold Patkul, gentilhomme livonien, vint à Stockholm, ea 1692, à la tête de six députés de la province, porter aux pieds du trône des plaintes respectueuses et fortes (1): pour toute réponse on mit les six députés en prison, et on condamna Patkul à perdre l'honneur et la vie: il ne perdit ni l'un ni l'autre; il s'évada, et resta quelque temps dans le pays de Vaud en Suisse. Lorsque depuis il apprit qu'Auguste, électeur de Saxe, avait promis, a son avènement au trône de Pologue, de recouvrer les provinces arrachées au royaume, il courut à Dresde représenter la facilité de reprendre la Livonic, et de se venger sur un roi de dix-sept ans des conquêtes de

ses ancêtres,

Dans le même temps, le czar Pierre pensait à se saisir de l'Ingrie et de la Carelie. Les Russes avaient autrefois possédé ces provinces. Les Suédois s'en étaient emparés par le droit de la guerre dans le temps des faux Démétrius : ils les avaient conservées par des traités. Une nouvelle guerre et de nouveaux traités pouvaient les donner à la Russie. Patkul alla de Dresde à Moscou; et animant deux monarques à sa propre vengeance, il cimenta leur union, et hâta leurs préparatifs pour saisir tout ce qui est à l'orient et au midi de la Finlande.

Précisément dans le même temps, le nouveau roi de Danemarck Frédéric IV se liquait avec le czar et le roi de Pologne contre le jeune Charles, qui semblait devoir succomber. Patkul eut la satisfaction d'assiéger les Suédois dans Riga, capitale de la Livonie, et de presser le siège en qualité de général-major.

Il marche et en bat encore un autre. Les fuyards retournent au camp devant Narva, et y portent l'épouvante. Cependant on était déja au mois de novembre. Narva, quoique mal assiégée, était près de se rendre. Le jeune roi de Suede n'avait pas alors avec lui neuf mille hommes, et ne pouvait opposer que dix pièces d'artillerie à cent quarantecinq canons, dont les retranchements des Russes étaient bordés. Toutes les relations de ce temps-là, tous les historiens sans exception, font monter l'armée russe devant Narva à quatre-vingt mille combattants. Les Mémoires qu'on m'a fait tenir disent soisante, d'autres quarante mille: quoi qu'il en soit, il est certain que Charles n'en avait pas neuf mille, et que cette journée est une de celles qui prouvent que les grandes victoires ont souvent été remportées par le plus petit nombre depuis la bataille d'Arbelles. (So novembre) Charles ne balança pas à attaquer avec sa petite troupe cette armée si supérieure; et, probitant d'un vent violent et d'une grosse neige que ce vent portait contre les Russes, il fondit dans leurs retranchements à l'aide de quelques pièces de canon avantageusement postées. Les Russes n'eurent pas le temps de se reconnaitre au milies de ce nuage de neige qui leur donnait au visage, foudroyés par les canons qu'ils ne voyaient pas, et n'imaginant point quel petit nombre ils avaient à combattre.

Le duc de Croi voulut donner des ordres, et le prince Dolgorouki ne voulut pas les recevoir. Les officiers russes se soulèvent contre les officiers allemands; ils massacrent le secrétaire du duc, le colonel Lyon, et plusieurs autres. Chacun quitte son poste; le tumulte, la confusion, la terreur panique se répand dans toute l'armée. Les troupes suédoises n'eurent alors à tuer que des hommes qui fuyaient. Les uns courent se jeter dans la rivière de Narva, et une foule de soldats y furent noyés; les autres abandonnaient leurs armes et se mettaient à genoux devant les Suédois. Le duc de Croi, le général Allard, les officiers allemands, qui craignaient plus les Russes soulevés contre eux, que les Suédois, viurent se rendre au comte Steinbock; le roi de Suède, maitre de toute l'artillerie, voit trente mille vaincus à ses pieds, jetant les armes, défilant devant lui, nu-tête, Le knès Dolgorouki et tous les autres généraux moscovites se rendent à lui comme les généraux allemands; et ce ne fut qu'après s'être rendus qu'ils apprirent qu'ils avaient été vaincus par huit mille homines, Parmi les prisonniers se trouva le fils du roi de Géorgie, qui fut envoyé à Steckholm; on l'appelait Mittelleski, czarovitz, fils de czar; ce qui est une nouvelle preuve que ce titre de czar ou tzar ne tirait point son origine des Césars romains.

Du côté de Charles XII il n'y eut guère que douze conts.

(Septembre) Le czar fit marcher environ soixante mille hommes vers l'Ingrie. Il est vrai que dans cette grande armée il n'y avait guère que douze mille soldats bien aguerris qu'il avait disciplinés lui-même, tels que ses deux régi-soldats de tués dans cette bataille. Le journal du czar, qu'on ments des gardes et quelques autres; le reste était des milices mal armées; il y avait quelques Cosaques et des Tartares circassiens: mais il trainait après lui cent quarante cinq pièces de canon. I mit le siège devant Narva, petite ville en Ingrie, qui a un port commode; et il était très vraisemblable que la place serait bientôt emportée.

Toute l'Europe sait comment Charles XII, n'ayant pas dix-huit ans accomplis, alla attaquer tous ses ennemis l'ua après l'autre, descendit dans le Danemarck, finit la guerre de Danemarck en moins de six semaines, envoya du secours à Riga, en fit lever le siège, et marcha aux Russes devant Narva, au milieu des glaces, an mois de novembre.

(18 novembre) Le czar, comptant sur la prise de la ville, était allé à Novogorod, amenant avec lui son favori Menzikoff, alors lieutenant dans la compagnie des bombardiers du régiment Préobazinski, devenu depuis feld-maréchal et prince, homme dont la singulière fortune mérite qu'on en parle ailleurs avec plus d'étendue.

Pierre laissa son armée et ses instructions pour le siège au prince de Croi, originaire de Flandre, qui depuis peu était passé à son service (2). Le prince Dolgorouki fut le commissaire de l'armée. La jalousie entre ces deux chefs et l'absence du ezar furent en partie cause de la défaite inouie de Narva, Charles XII ayant débarqué à Pernas en Livonie avec ses troupes, au mois d'octobre, s'avance au nord à Revel, défait dans ces quartiers un corps avancé de Russes.

[blocks in formation]

m'a envoyé de Pétersbourg, dit qu'en comptant les soldats qui périrent au siège de Narva et dans la bataille, et qui se noyèrent dans leur fuite, on ne perdit que six mille hom mes. L'indiscipline et la terreur firent donc tout dans cette journée. Les prisonniers de guerre étaient quatre fois plus nombreux que les vainqueurs; et, si on en croit Norberg (1), le comte Piper qui fut depuis prisonnier des Russes leur reprocha qu'à cette bataille le nombre des prisonniers avait excédé huit fois celui de l'armée suédoise. Si ce fait était vrai, les Suédois auraient fait soixante-douze mille prisonniers. On voit par là combien il est rare d'être instruit des détails. Ce qui est incontestable et singulier, c'est que le roi de Suède permit à la moitie des soldats russes de s'en retourner désarmés, et à l'autre moitié de repasser la rivière avec leurs armes. Cette étrange confiance rendit au czar det troupes qui, entin étant disciplinées, devinrent redouta bles (2).

Tous les avantages qu'on peut tirer d'une batail e gagnée, Charles XII les eut: magasius immenses, bateaux de transport chargés de provisions, postes évacués ou pris, tout le pays à la discrétion des Suédois; voilà quel fut le fruit de la victoire. Narva délivrée, les débris des Russes ne se montrant pas, toute la contrée ouverte jusqu'à Pleskow, le czar parut sans ressource pour soutenir la guerre; et le roi de Suède, vainqueur en moins d'une année des monarques de Danemarck, de Pologne, et de Russie, fut regardé comme le premier homme de l'Europe, dans un âge où les autres

[blocks in formation]

An encore

prétendre à la réputation. Mais Pierre, qui dens son caractère avait une constance inébranlable, ne fut costage dans au-on de ses projets.

En réque de Russie composa une prière (1) à saint Nisa sujet de cette défaite; on la récita dans la Russie. Beste pièce, qui fait voir l'esprit du temps et de quelle gerance Pierre & tire son pays, disait que les enragés et ipsalles Suédois étaient des sorciers: on s'y plaignait eté abandonné par saiot Nicolas. Les évèques russes ford bun écriraient pas de pareilles pièces; et, sans brebord à saint Nicolas, on s'aperçut bientôt que c'était à Herre qu'il fallait s'adresser.

CHAPITRE XII.

s'aboucher avec Auguste, il revole de Courlande à Moscou pour hater l'accomplissement de ses promesses. Il fait en effet marcher le prince Repnin avec quatre mille hommes vers Riga, sur les bords de la Duna, où les Saxons étaient retranchés.

(Juillet) Cette terreur commune augmenta quand Charles, passant la Duna malgré les Saxons campés avantageu sement sur le bord opposé, eut remporté une victoire complète; quand, sans attendre un moment il eut soumis la Courlande, qu'on le vit avancer en Lithuanie, et que la facton polonaise, ennemie d'Auguste, fut encourage par le vainqueur.

Pierre n'en suivit pas moins tous ses desseins. Le général Patkul, qui avait été l'ame des conférences de Birzen, et qui avait passé à son service, lai fournissait des officiers allemands, disciplinait ses troupes, et lui tenait lieu du général Le Fort; il perfectionnait ce que l'autre avait comesources apres la bataille de Narva; ce desastre entiè-meacé. Le czar fournissait des relais a tous les officiers, et Tement repare, Conquete de Pierre auprès de Narva meme. Ses taux dans son empire. La personne qui fat depuis imperatrice, prise dans le rac d'une ville. Succes de Pierre, son triomphe à Moscou (2).

Le czar, ayant quitté son armée devant Narva, sur la fin etembre 1760, pour se concerter avec le roi de Pologne, pria che la victoire des Suédois. Sa constance était tebralable que la valeur de Charles XII etait intréde et op witre. Il différa ses conférences avec Auguste Scrapperter on prompt remède au désordre des affaires. es troupes dispersées se rendirent à la grande Novogorod, teha Pieskow sur le lac Peipus.

Ceast beau cap de se tenir sur la défensive après un si ide è.hee. Je sais bien, disait-il, que les Suédois seront dong-temps supérieurs, mais enfin ils nous appreadront à

Praiacre..

Pierre, après avoir pourvu aux premiers besoins, après erde ise partout des levées, court à Moscou faire -dre du canon. Il avait perdu tout le sien devant Narva; maquait de bronze: il prend les cloches des églises et 1st res. Ce trail ne marquait pas de superstition, asi ne marquait pas d'impiété. On fabrique donc des cloches cent gros canons, ceat quarante-trois pièces pa be, depuis trois jusqu'à six livres de balles, des ers, dos cbus; il les envoie à Pleskow. Dans d'autres an chef ordonne, et on exécute; mais alors il fallait leerar fit tout par lui-même. Tandis qu'il hâte ces prérafa, il negocie avec le roi de Danemarck, qui s'engage festair trois régiments de pied et trois de cavalerie; me at que ce roi n'osa remplir.

27 ferrier 171) A peine ce traité est-il signé, qu'il reie vers le theatre de la guerre; il va trouver le roi AuBizen sur les frontières de Courlande et de LithuaIl faliant fortifier ce prince dans la résolution de soui la guerre contre Charles XII; il fallait engager la te polozise dans cette guerre. On sait assez qu'un roi Flogne n'est que le chef d'une république. Le czar l'avantage d'etre toujours obéi, mais un roi de Poloun rai d'Angleterre, et aujourd'hui un roi de Suède, ent 109jours avec leurs sujets. Patkul et les Polonais * de leur roi assistèrent à ces conférences. Pierre , des subsides et vingt mille soldats. La Livonie deetre rendue à la Pologne, en cas que la diète voulût ira son roi, et l'aider à recouvrer cette province; mais prepositions du czar firent moins d'effet sur la diète acrante, Les Polonais redoutaient à-la-fois de se voir és par les Saxons et par les Russes, et ils redoutaient tre plan Charles XII. Ainsi le plus nombreux parti cona ne poist servir son roi et à ne point combattre. Les partisans du roi de Pologne s'animèrent contre la 196 contraire; et enun, de ce qu'Auguste avait voulu dre à la Pologne une grande province, il en résulta dans Dyaume que guerre civile.

serre n'avait done dans le roi Auguste qu'un allié peu sant, et dans les troupes saxonnes qu'un faible secours. mainte qu'inspirait partout Charles XII réduisait Pierre se soutenir que par ses propres furces.

mars) Ayant coura de Moscou en Courlande pour

Elle est imprimée dans la plupart des journaux et des es de ce temps-là, et se trouve dans l'Histoire de rles XII, page 3118.

même aux soldats allemands, ou livoniens, ou polonais, qui venaient servir dans ses armées; il entrait dans les détails de leur armure, de leur habillement, de leur subsistance.

Aux contins de la Livonie et de l'Estonie, et à l'occident de la province de Novogorod, est le grand lac Peipus, qui reçoit du midi de la Livonie la rivière Vélika, et duquel sort, au septentrion, la rivière de Naiova qui baigne les murs de cette ville de Narva, près de laquelle les Suédois avaient remporté leur célèbre victoire. Ce le a trente de nos lieues communes de long, tantôt douze, tantôt quinze de large: il était nécessaire d'y entretenir une flotte, pour empêcher les vaisseaux suédois d'insulter la province de Novogorod, pour être à portée d'entrer sur leurs côtes, mais surtout pour former des matelots. Pierre, pendant toute l'année 1701, fit construire sur ce lac cent demi-galères qui portaient environ cinquante hommes chacune; d'autres barques furent armées en guerre sur le lac Ladoga. Il dirigea lui-même tous les ouvrages, et fit manoeuvrer ses nouveaux matelots. Ceux qui avaient été employés en 1697 sur les Palus-Méotides l'étaient alors près de la Baltique. Il quitLait souvent ces ouvrages pour aller à Moscou, et dans ses autres provinces, affermir toutes les innovations commencees, et en faire de nouvelles.

Les princes qui ont employé le loisir de la paix à construire des ouvrages publics se sont fait un nom: mais que Pierre, après l'infortune de Narva, s'occupât à joindre par des canaux la mer Baltique, la mer Caspienne, et le PontEuxin, il y a là plus de gloire véritable que dans le gain d'une bataille. Ce fut en 1702 qu'il commença à creuser ce profond canal qui va du Tanais au Volga. D'autres canaux de

ient faire communiquer par des lacs le Tanais avec la Duna, dont la mer Baltique reçoit les eaux à Riga: mais ce second projet était encore fort éloigné, puisque Pierre était bien loin d'avoir Riga en sa puissance.

Charles dévastait la Pologne, et Pierre fesait venir de Pologne et de Saxe à Moscou des bergers et des brebis pour avoir des laines avec lesquelles on put fabriquer de bons draps; il établissait des manufactures de linge, des papeteries: on fesait venir par ses ordres des ouvriers en fer, en laiton, des armuriers, des fondeurs; les mines de la Sibérie étaient fouillées. Il travaillait à enrichir ses états et à les défendre.

Charles poursuivait le cours de ses victoires, et laissait vers les états du czar assez de troupes pour conserver, à ce qu'il croyait, toutes les possessions de la Suède. Le desscin était deja pris de détrôner le ro: Auguste, et de poursuivre ensuite le czar jusqu'à Moscou avec ses armes victo

rieuses.

Il y eut quelques petits combats cette année entre les Russes et les Suédois. Ceux-ci ne furent pas toujours supérieurs; et dans les rencontres meine où ils avaient l'avantage, les Russes s'aguerrissaient. Enfin, un an après la bataille de Narva, le czar avait déja des troupes si bien disciplinées qu'elles vainquirent un des meilleurs généraux de Charles.

(11 janvier 1702) Pierre était à Pleskow, et de la il envoyait de tous côtés des corps nombreux pour attaquer les Suédois. Ce ne fut point un étranger, mais un Russe qui les défit. Son général Sheremetof enleva près de Derpt, sur les frontières de la Livonie, plusieurs quartiers au général suédois Slipenbak, par une manoeuvre habile, et ensuite le battit lui-même. On gagna pour la première fois des drapeaux suédois au nombre de quatre, et c'était beaucoup alors.

Les lacs de Peipas et de Ladoga furent quelque temps Tiré tout entier, ainsi que les suivants, du journal de après des théâtres de batailles navales; les Suédois y avaient re-le-Grand, envoyé de Pétersbourg. le même avantage que sur terre, celui de la discipline et

d'un long usage ; cependant les Russes combattirent quel quefois avec succes sur leurs demi-galères; (mai) et dans un combat général sur le lac de Peipus, le feld-maréchal Sheremetof prit ane frégate suédoise.

C'était par ce lac Peipus que le czar tenait continuellement la Livonie et l'Estonie en alarme: ses galères y débarquaient souvent plusieurs régiments: on se rembarquait quand le succès n'était pas favorable; et s'il l'etait, on poursuivait ses avantages. (Juin et juillet) On haitit deux fois les Suédois dans ces quartiers auprès de Derpt, tandis qu'ils étaient victorieux partout ailleurs. |

Les Russes, dans toutes ces actions, étaient toujours sapérieurs en nombre; c'est ce qui fit que Charles XII, qui combattait si heureusement ailleurs, ne s'inquiéta jamais des succès du czar; mais il dut considérer que ce grand nom bre s'aguerrissait tous les jours, et qu'il pouvait devenir formidable pour lui-même.

(Juillet) Pendant qu'on se bat sur terre et sur mer vers la Livonie, l'Ingrie, et l'Estonic, le czar apprend qu'une flotte suédoise est destinée pour aller rainer Archangel; il y marche: on est étonné d'entendre qu'il est sur les bords de la mer Glaciale, tandis qu'on le croit à Moscou. I met tout en état de défense, prévient la descente, trace lui-même le plan d'une citadelle aommée la nouvelle Duina, pose la première pierre, retourne à Moscou, et de la vers le theatre de la guerre.

Charles avançait en Pologne, mais les Russes avançaient en Ingrie et en Livonie. Le inaréchal Shereinctof va à la rencontre des Su dois commandés par Slipenbak; il lui livre bataille auprès de la petite rivière d'Embac, et la gagne; il prend seize drapeaux et vingt canons. Norberg met ce com

pensa tous les soldats; mais aussi il en fit punir quelques uns qui avaient fut à un assant: leurs camarades leur crachèrent au visage et ensuite les arquebuserent pour joindre la honte au supplice.

Notebourg fut réparé; son nom fut changé en celui de Schlusselbourg, ville de la clef, parceque cette place est la def de l'Ingrie et de la Finlande. Le premier gouvern ur fut ce meme Menzikoff qui était devenu un très bon oflicier, et qui, s'étant signalé dans le siège, mérita cet honneur. Son exemple encourageait quiconque avait du mérite sans naissance.

(17 décembre) Après cette campagne de 1702, le czar voslut que Sheremetof, et tous les oficiers qui s'étaient distingués, entrassent en triomphe dans Moscou. Tous les prisonniers faits dans cette campagne marchèrent à la suite des vainqueurs; on portait devant eux les drapeaux et les étendards des Suédois, avec le pavillon de la fregate pries sur le lac Peipus. Pierre travailla lui-même aux préparatifs de la pompe, comme il avait travaillé aux entreprises qu'elle célébrait. Ces solennit's devaient inspirer l'émulation, sans quoi elles eussent été vaines, Charles les dédaignait, et depuis le jour de Narva il méprisait ses ennemis, et leurs efforis, et leurs triomphes.

CHAPITRE XIII.

RÉFORME A MOSCOU.

bat au décembre 1701, et le journal de Pierre-le-Grand Nouveaux succès. Fondation de Pétersbourg. Pierre prend le place au 19 juillet 1702.

(Auguste) I avance, il niet tout à contribution; il prend ila petite ville de Marienbourg, sur les contins de la Livonie et de l'Ingrie. Il y a dans le Nord beaucoup de villes de ce nom; mais celle-ci, quoiqu'elle n'existe plus, est cependant plus célèbre que toutes les autres, par l'aventure de l'impératrice Catherine.

Narva, etc.

Cette petite ville s'étant rendue à discrétion, les Suédois, soit par inadvertance, soit à dessein, mirent le feu aux magasins. Les Russes irrités détruistrent la ville, et emmenéreat en captivité tout ce qu'ils trouvèrent d'habitants. Il y avait parmi eux une jeune Livonienne, élevée chez le mimistre luthérien da licu, nommé Gluck; elle fut du nombre des captifs: c'est celle-là même qui devint depuis la soureraiae de ceux qui l'avaient prise, et qui a gouverne les us-Les Russes ne buvaient point de vin autrefois, mais de l'hy ses sous le nom d'impératrice Catherine.

Le peu de séjour que le czar fit à Moscou au commencement de l'hiver 1703 fut employé à faire exécuter tous sa nouveaux réglements, et a perfectionner le civil ainsi que l militaire; ses divertissements même furent consacrés à fair goûter le nouveau genre de vie qu'il introduisait parmi se sujets. C'est dans cette vue qu'il fit inviter tous les boïard et les dames aux noces d'un de ses bouffons: il exigea qu tout le monde y parût vêtu à l'ancienne mode. On servit a repas tel qu'on le fesait au seizième siècle (1). Une an cienne superstition ne permettait pas qu'on altomột da fei le jour d'un mariage pendant le froid le plus rigoureux cette coutume fat sévèrement observée le jour de la fête dromel et de l'eau-de-vie; il ne permit pas ce jour-là d'au tre boisson: on se plaignit en vain; il répondait en rail lant: « Vos ancêtres en usaient ainsi, les usages ancien sont toujours les meilleurs. Cette plaisanterie contribu beaucoup à corriger ceux qui préféraient toujours le temp passé au présent, ou du moins à decréditer leurs murmures et il y a encore des nations qui auraient besoin d'un te exemple.

On avait vu auparavant des citoyennes sur le trône: rien n'était plus commun en Russie, et dans tous les royaumes de l'Asie, que les mariages des souverains avec leurs sujet tes; mais qu'une étrangère, prise dans les ruines d'une ville sacragée, soit devenue la souveraine absolue de l'empire ou elle fut amenée captive, c'est ce que la fortune et le mérite n'ont fait voir que cette fois dans les annales du monde. La suite de ce succes ne se démentit point en Ingrie; la flotte des demi-galères russes sur le lac Ladoga contraignit celle des Suédois de se retirer à Vibourg à une extrémité de ce grand lac: de la ils pureat voir à l'autre bout le siège de la forteresse de Notebourg, que le czar fit entreprendre par le général Sheremetof. C'était une entreprise bien plus im-trie, d'astronomie, de navigation. portante qu'on ne pensait; elle pouvait donner une communication avec la mer Baltique, objet constant des desseins de Pierre.

Notebourg était une place très forte, bâtie dans une île du lac Ladoga, et qui, dominant sur ce lac, rendait son possesseur maitre du cours de la Néra qui tombe dans lamer, elle fut battue nuit et jour depuis le 18 septembre jusqu'au 12 octobre. Enfin les Russes montèrent à l'assaut par trois brèches. La garnison suédoise était réduite à cent soldats en état de se defendre; et, ce qui est bien étonnant, ils se défendirent, et ils obtinrent sur la brèche même une capitulation honorable, encore le colonel Slipenbak, qui commandait dans la place, ne vonlut se rendre (16 octobre) qu'à condition qu'on lui permettrait de faire venir deux officiers suédois du poste le plus voisin pour examiner les brèches, et pour rendre compte au roi son maitre que quatre-vingttrois combattants qui restaient alors, et cent cinquante-six blessés ou malades, ne s'étaient rendus à une armée entière que quand il était impossible de combattre plus long-temps et de conserver la place. Ce trait seul fait voir à quels ennemis le czar avait affaire, et de quelle nécessité avaient été pour lui sos efforts et sa discipline militaire.

Il distribua des médailles d'or aux officiers, et récom

Un établissement plus utile fat celui d'une imprimeric en caractères russes et latins, dont tous les instrumenti avaient été tirés de Hollande, et où l'on commença dès-lon à imprimer des traductions russes de quelques fières sur la morale et les arts. Fergusson établit des écoles de géom

Une fondation non moins nécessaire fut celle d'un vaste hôpital, non pas de ces hôpitaux qui encouragent la fai. néantise, et qui perpétuent la misère, mais tel que le czat en avait vu dans Amsterdam, où l'on fait travailler les vieil lards et les enfants, et où quiconque est renfermé devient utile.

Il établit plusieurs manufactures; et dès qu'il eût mis en mouvement tous les nouveaux arts auxquels il donnet naissance dans Moscou, il courut à Véronise, et il y fit com mencer deux vaisseaux de quatre-vingts pièces de canon. avec de longues caisses exactement fermées sous les varane gues, pour élever le vaisseau et le faire passer sans risque au-dessus des barres et des banes de sable qu'en rencontre près d'Azof; industrie à-peu-près semblable à celle dont of se sert en Hollande pour franchir le Pampus.

(30 mars 1703) Ayant préparé ses entreprises contre les Tores, il revole contre les Suédois; il va voir les vaisseaut qu'il fesait construire dans les chantiers d'Olonitz entre lé lac Ladoga et celui d'Onega. Il avait établi dans cette ville des fabriques d'armes; tout y respirait la guerre, tandis qu'il

(1) Tiré du journal de Pierre-le-Grand.

« PreviousContinue »