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On blama le prince d'Orange de n'avoir pas pris assez de précaution dans le passage du défilé ; mais on admira la manière dont il rétablit le désordre, et on n'approuva pas que Condé voulût ensuite recommencer le combat contre des enormis trop bien retranchés. On se battit à trois reprises. Les deux généraux, dans ce mélange de fautes et de grandes actions, signalerent également leur présence d'esprit et leur courage. De tous les combats que donna le grand Condé, ce fut celui où il prodigus le plus sa vie et celle de ses soldats. Il eut trois chevaux tnes sous lui. Il voulait, après trois attaques meurtrières, en hasarder encore une quatrième. I parat, dit un officier qui y était, qu'il n'y avait plus que le prince de Condé qui eût envie de se battre. Ce que cette action eat de plas singulier, c'est que les troupes de part et d'autre, après les mêlés les plus sanglantes et les plus acharnées, prireat la fuite le soir par une terreur pan que. Le lendemain, les deux armées se retirèrent chacune de son côté, aucune n'ayant ni le champ de bataille, ni la victoire, toutes deux plutôt également affaiblies et vaincues. Il y eut près de sept mille morts et cinq mille prisonniers du côté des Francis: les ennemis firent une perte égale. Tant de sang inutilement répandu empêcha l'une et l'autre armée de rien entreprendre de considérable. Il importe tant de donner de la réputation à ses armes, que le prince d'Orange, pour faire croire qu'il avait en la victoire, assiégea Oudenarde; mais le prince de Condé prouva qu'il n'avait pas perdu la bataille, en fesant aussitôt lever le siège et en poursuivant le prioce d'Orange.

On observa également en France et chez les alliés la vaine cérémonie de rendre graces à Dieu d'une victoire qu'on n'avait point remportée: usage établi pour encourager les peuples, qu'il faut toujours tromper.

Turenne en Allemagne, avec une petite armée, continua des progrès qui étaient le fruit de son génie. Le conseil de Vienne, n'osant plus confier la fortune de l'empire à des priores qui l'avaient mal défenda, remit à la tête de ses armées le général Montecucuili, celui qui avait vaincu les Turcs à I journée de Saint-Gothard, et qui, malgré Turenne et Condé, avait joint le prince d'Orange, et avait arrété la fortune de Louis XIV, après la conquête de trois provinces de Hollande.

On a remarqué que les plus grands généraux de l'empire ont souvent été tirés d'Italie. Ce pays, dans sa décadence et dans son esclavage, porte encore des hommes qui font souvenir de ce qu'il était autrefois. Montecucalli était seul digue d'être opposé à Turenne. Tous deux avaient réduit la guerre en art. Ils passèrent quatre mois à se suivre, à s'ob server dans des marches et dans des campements plus estimés que des victoires par les officiers allemands et francas. L'on et l'autre jugeait de ce que son adversaire allait teater, par les démarches que lui-même eût voulu faire à sa place, et ils ne se trompèrent jamais. Ils opposaient l'un à l'autre la patience, la ruse, et l'activité; enfin ils étaient près d'en venir aux mains, et de commettre lear réputation au sort d'une bataille, auprès du village de Saltzbach, lorsque Turesne, en allant choisir une place pour dresser une batterie, fut tué d'un coup de canon (27 juillet 1675). Il n'y a personne qui ne sache les circonstances de cette mori; mais on ne peut se défendre d'en retracer les principales, par le même esprit qui fait qu'on en parle encore tous les jours.

dont la décision rend quelquefois une nation maitresse de l'autre; mais ayant toujours réparé ses défaites et fait beaucoup avec peu, il passa pour le plus habile capitaine de l'Europe, dans un temps où l'art de la guerre était plus approfondi que jamais. De même, quoiqu'on lui eût reproché sa défection dans les guerres de la Fronde; quoiqu'à l'âge de près de soixante ans l'amour lui eût fait révéler le secret de l'état, quoiqu'il eût exercé dans le Palatinat des cruautés qui ne semblaient pas nécessaires, il conserva la réputation d'un homme de bien, sage, et modéré, parceque tes vertus et ses grands talents, qui n'étaient qu'à lui, devaient faire oublier des faiblesses et des fautes qui lui étaient communes avec tant d'autres hommes. Si on pouvait le comparer à quelqu'un, on oserait dire que de tous les généraux des siècles passés, Gonsalve de Cordoue, surnommé le grand capitaine, est celui auquel il ressemblait davantage. Né calviniste, il s'était fait catholique l'an 1668. Aucun protestani, et même aucun philosophe ne pensa que la persuasion seule cut fait ce changement dans un homme de guerre, dans un politique âge de cinquante années, qui avait encore des maitresses. On sait que Louis XIV, en le créant maréchal général de ses armées, lui avait dit ces propres paroles rapportées dans les lettres de Pellisson et alleurs: Je voudrais que vous m'obligeassiez à faire quelque chose de plus pour vous. Ces paroles (selon eux) pouvaient, avec le temps, opérer une conversion. La place de connétable pouvait tenter un cœur ambitieux. Il était possible aussi que cette conversion fût sincère. Le cœur humain rassemble souvent la politique, l'ambition, les faiblesses de l'amour, les sentiments de la religion. Enfin il était très vraisemblable que Turenne ne quitta la religion de ses pères que par politique: mais les catholiques, qui triompherent de ce changement, ne voulurent pas croire l'ame de Turenne capable de feindre.

Ce qui arriva en Alsace, immédiatement après la mort de Turenne, rendit sa perte encore plus sensible, Montecuculli, retenu par l'habileté du général français trois mois entiers au-delà du Rhin, passa ce fleuve dès qu'il sut qu'il n'avait plus Turenne à craindre. Il tomba sur une partie de l'armée qui demeurait éperdue entre les mains de Lorges et de Vaubrun, deux lieutenants-généraux désuais et incertains. Cette armée, se défendant avec courage, ne put empêcher les Impériaux de pénétrer dans l'Alsace, doot Turenne les avait tenus écartés. Elle avait besoin d'un chef non seulement pour la conduire, mais pour réparer la défaite récente da maréchal de Créqui, homme d'un courage entreprenant, capable des actions les plus belles et les plus téméraires, dangereux à sa patrie autant qu'aux ennemis.

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Créqui venait d'être vaincu, par sa faute, à Consarbruck. (11 auguste 16-5) Un corps de vingt mille Allemands, qui assiégeait Tréves, tailla en pièces et mit en faite sa petite armée. Il échappe à peine lui quatrième. Il court, à travers de nouveaux périls, jeter dans Tréves, qu'il aurait dû secourir avec prudence, et qu'il défendit avec courage. Il voulait s'ensevelir sous les ruines de la place; la briche était praticable: il s'obstine à tenir encore. La garnison murmure. Le capitaine Bois-Jourdain, à la tête des sėditieux, va capituler sur la brèche. On n'a point vu commettre une lâcheté avec tant d'audace. Il menace le maréchal de le tuer s'il ne signe. Créqui se retire, avec quelques officiers fidèles, dans une église: il aima mieux être pris à discrétion que de capituler (1).

Il semble qu'on ne puisse trop redire que le même boulet qui le tua avant emporté le bras de Saint-Hilaire, lien- Pour remplacer les hommes que la France avait perdus tenant-général de l'artillerie, son fils, se jetant en larmes dans tant de sièges et de combats, Louis XIV fut conseillé auprès de lui : Ce n'est pas moi, lui dit Saint-Hilaire, c'est de ne se point tenir aux recrues de milice comme à l'ordice grand homme qu'il faut pleurer, paroles comparables à naire, mais de faire marcher le ban et l'arrière-ban, Par une tout ce que l'histoire a consacré de plus béroïque, et le plus ancienne coutume, aujourd'hui hors d'usage, les possesdigue éloge de Turenne. Il est très rare que sous on gou-seurs des fiefs étaient dans l'obligation d'aller à leurs dévernement monarchique, où les hommes ne sont occupés que de leur intérêt particulier, ceux qui ont servi la patrie meurent regrettés du public. Cependant Turenne fut pleuré des soldats et des peuples, Louvois fut le seal qui ne le repretta pas: la voix publique l'accosa même lui et son frère, Tarbeveque de Reims, de s'être réjouis indécemment de la perte de ce grand homme. On sait les honneurs que le ro fit rendre à sa mémoire, et qu'il fut enterré à SaintDenys comme le connétable Du Guesclin, au-dessus duquel l'opinion générale l'élève autant que le siècle de Turenne cer supérieur au siècle da connétable,

Turenne n'avait pas en toujours des succès heureux à la guerre; il avait été battu à Mariendal, à Rethel, & Cambrai, aussi disait-il qu'il avait fait des fautes, et il était a sez grand pour l'avoner. Il ne fit jamais de conquêtes éclalantes, et ne donna point de ces grandes hatailles rangées

pens à la guerre our le service de leur seigneur suzerain, et de rester armés un certain nombre de jours. Ce service composait la plus grande partie des lois de nos uations barbares. Tout est changé aujourd'hui en Europe; il n'y a au cun état qui ne lève des soldats, qu'on retient toujours sous le drapeau, et qui forment des corps disciplinės.

Louis XIII convoqua une fois la uoblesse de son royaume.

(1) Reboulet dit que le marquis de Créqui eut la faiblesse de signer la capitulation; rien n'est plus faux: il aima mieux se laisser prendre à discrétion, et il eut ensuite le bonheur d'échapper. Qu'on lise tous les mémoires du temps; que l'on consulte l' Abrege chronologique du président Hénault: • Bois-Jourdain, dit-il, fit la capitulation à l'iosu du maréchal, etc.

A l'égard de Valenciennes, elle fut prise d'assaut, par un de ces évènements singuliers qui caractérisent le courage impétueux de la nation.

Louis XIV suivit alors cet exemple. Le corps de la noblesse d'Orange, qui vint se présenter devant lui avec cinquante marcha sous les ordres du marquis depuis maréchal de Ro- | mille hommes pour tenter de jeter du secours dans la place, chefort, sur les frontières de Flandre; et après sur celles On reprocha aussi au prince d'Orange d'avoir pu livrer bad'Allemagne; mais ce corps ne fat ni considérable ni utile, taille à Louis XIV, et de ne l'avoir pas fait. Car tel est le et ne pouvait l'être. Les gentilshommes, aimant la guerre sort des rois et des généraux, qu'on les blame toujours de et capables de bien servir, étaient officiers dans les troupes; ce qu'ils foot et de ce qu'ils ne font pas; mais ni lui ni le ceux que l'âge ou le mécontentement tenait renfermés chez prince d'Orange n'étaient blàmables. Le prince ne donna eux n'en sortirent point; les autres qui s'occupaient à cul- point la bataille quoiqu'il le voulût, parceque Monterey, tiver leurs héritages, vinrent avec répugnance au nombre gouverneur des Pays-Bas, qui était dans son armée, ne voud'environ quatre mille. Rien ne ressemblait moins à une lut point exposer son gouvernement au hasard d'un évènetroupe guerrière. Tous montés et armes inégalement, sans ment décisif, la gloire de la campagne demeura au roi, puisexpérience et sans exercice, ne pouvant ni ne voulant faire qu'il fit ce qu'il voulut, et qu'il prit une ville en présence un service régulier, ils ne causérent que de l'embarras, et de son ennemi. on fut dégoûté d'eux pour jamais. Ce fut la dernière trace, dans nos armées réglées, qu'on ait vue de l'ancienne chevalerie, qui composait autrefois ces armées, et qui, avec le courage naturel à la nation, ne fit jamais bien la guerre. (Auguste et septembre 1675) Turenne mort, Ciéqui hattu et prisonnier, Treves prise, Montecuculli f saut contribuer l'Alsace, le roi crut que le prince de Condé pouvait seul ranimer la confiance des troupes, que décourageait la mort de Turenne. Condé laissa le maréchal de Luxembourg soutenir en Flandre la fortune de la France, et alla arreter les progrès de Montecuculli. Autant venait de montrer d'im pétuosité à Senef, autant il eut alors de patience. Son génie, qui se plait à tout, déploya le mêine art que Tureane. Deux seuls campements arrêtèrent les progrès de l'armée allemande, et firent lever à Montecuculli les sièges d'Hague-retranchements, franchir un bras de l'Escaut. Ce bras feanneau et de Saverne. Après cette campagne, moins éclatante que celle de Senef, et plus estimée, ce prince cessa de paraitre à la guerre. Il eut voulu que son fils commandar; il offrait de lui servir de conseil; mais le roi ne voulait pour généraux ni de jeunes gens ni de princes; c'était avec quel que peine qu'il s'était servi mème du prince de Condé. La jalousie de Louvois contre Turenne avait contribué, autant que le nom de Condé, à le mettre à la tète des armées.

Ce prince se retira à Chantilli, d'ou il viut très rarement à Versailles voir sa gloire éclipsée dans un lieu où le courtisan ne considère que la faveur. Il passa le reste de sa vie tourmenté de la goutte, se consolant de ses donleurs et de sa retraite dans la conversation des hommes de génie en tout genre, dont la France était alors remplie. Il était digne de les entendre, et n'était étranger dans aucune des sciences ni des arts où ils brillaient. Il fut admiré encore dans sa retraite mais enfin ce feu dévorant qui en avait fait dans sa jeunesse un héros impétueux et plein de passions, ayant consumé les forces de son corps, né plus agile que robuste, il éprouva la caducité avant le temps, et son esprit s'affaiblissant avec son corps, il ne resta rien du grand Condé, les deux dernières années de sa vie : il mourut en 1686. Montecuculli se retira du service de l'empereur, en même temps que le prince de Condé cessa de commander les armées de France.

C'est un conte bien répandu et bien méprisable que Montecuculli renonça au commandement des armées après la mort de Turenne, parcequ'il n'avait, disait-il, plus d'émule digne de lui. Il aurait dit une sortise, quand même il ne fot pas resté un Condé. Loin de dire cette sottise dont on lui fait honneur, il combattit les Français et leur fit repasser le Rhin cette année. D'ailleurs, quel général d'armée aurait jamais dit à son maitre: Je ne veux plus vous servir, parceque vos ennemis sont trop faibles, et que j'ai un mérite trop supérieur?

CHAPITRE XIII.

Depuis la mort de Turenne jusqu'à la paix de Nimègue, en 1678.

Après la mort de Turenne et la retraite du prince de Condé, le roi n'en continua pas la guerre avec moins d'a vantage contre l'Empire, l'Espagne, et la Hollande. Il avait des officiers formés par ces deux grands hommes. Il avait Louvois, qui lui valait plus qu'un général, parceque sa prévoyance mettait les généraux en état d'entreprendre tout ce qu'ils voulaient. Les troupes, long-temps victorieuses, étaient animées du même esprit qu'excitait encore la présence d'un roi toujours heureux.

I prit en personne, dans le cours de cette guerre, (22 avril 1676) Condé, (11 mai 1676) Bouchain, (17 mars 1677) Valenciennes, (5 avril 1677) Cambrai. On l'accusa, au siège de Bouchain, d'avoir craint de combattre le prince

Le roi fesait ce siège, ayant avec lui son frère et cinq maréchaux de France, d'Humières, Schomberg, La Feuillade, Luxembourg, et de Lorge. Les maréchaux commandaient chacun leur jour l'un après l'autre. Vauban dirigeait toutes les opérations.

On n'avait pris encore aucun des dehors de la place. Il fallait d'abord attaquer deux demi-lunes. Derrière ces demilunes était un grand ouvrage à couronne, palissadé et fraisé, entouré d'un fossé coupé de plusieurs traverses. Dans cet ouvrage à couronne était un autre ouvrage, entouré d'un autre fossé. Il fallait, après s'être rendu maître de tous ces chi, on trouvait encore un autre ouvrage, qu'on nomme pâté. Derrière ce pâté coulait le grand cours de l'Escaut, profond et rapide, qui sert de fossé à la muraille. Enfin la muraille était soutenue par de larges remparts. Tous ces ouvrages étaient couverts de canons. Une garnison de trois mille hommes préparait une longue résistance.

Le roi tiat conseil de guerre pour attaquer les ouvrages du dehors. C'était l'usage que ces attaques se fissent toujours pendant la nuit, afin de marcher aux ennemis sans étre aperçu, et d'épargner le sang du soldat. Vauban proposa de faire l'attaque en plein jour. Tous les maréchaux de France se récrièrent contre cette proposition, Louvois la condamna. Vauban tint ferme, avec la confiance d'un homme certain de ce qu'il avance. « Vous voulez, dit-il, ménager le sang du soldat: vous l'épargnerez bien davantage quand il combattra de jour, sans confusion et sans multe, sans craindre qu'une partie de nos gens tire sur l'autre, comme il n'arrive que trop souvent. Il s'agit de surprendre l'ennemi, il s'attend toujours aux attaques de puit: nous le surprendrons en effet, lorsqu'il faudra qu'épuisé des fatignes d'une veille il soutienue les efforts de nos troupes fraiches. Ajoutez à cette raison que s'il y a dans cette armée des soldats de peu de courage, la nuit favorise leur timidité; mais que pendant le jour l'œil du général inaspire la valeur, et élève les hommes au-dessus d'eux• mêmes..

Le roi se rendit aux raisons de Vauban, malgré Louvois et cinq maréchaux de France.

(17 mars 1677) A neuf beures du matin les deux compagnies de mousquetaires, une centaine de grenadiers, un bataillon des gardes, un du régiment de Picardie, montent de tous côtés sur ce grand ouvrage à couronne. L'ordre était simplement de s'y loger, et c'était beaucoup: mais quelques mousquetaires noirs, ayant pénétré par un petit sentier jusqu'au retranchement intérieur qui était dans cette fortitication, ils s'en rendent d'abord les maitres. Dans le même temps, les mousquetaires gris y abordent par un autre endroit. Les bataillons des gardes les suivent: on tue et on poursuit les assiégés ; les mousquetaires baissent le pontlevis qui joint cet ouvrage aux autres: ils suivent l'ennemi de retranchement en retranchement, sur le petit bras de l'Escaut et sur le grand. Les gardes s'avancent en foule. Les mousquetaires sont déja dans la ville, avant que le roi sache que le premier ouvrage attaqué est emporté.

Ce n'était pas encore ce qu'il y eur de plus étrange dans cette action. Il était vraisemblable que de jeunes mousquetaires, emportés par l'ardeur du succès, se jetteraient aveuglément sur les troupes et sur les bourgeois qui venaient à eux dans la rue; qu'ils y périraient, ou que la ville allait être pillée mais ces jeunes gens, conduits par un cornette, nommé Moi-sac, se mirent en bataille derrière des charrettes, et, tandis que les troupes qui venaient se formaient sans précipitation, d'autres mousquetaires s'emparaient des maisons voisines, pour protéger par leur feu ceux qui étaient dans la rue: on donnait des otages de part et d'autre le conseil de ville s'assemblait : ou députait vers le roi : tout

CHAP. XIII. DEPUIS LA MORT DE TURENNE, etc.

cela se fesait sans qu'il y eut rien de pillé, sans confusion, sans faire de fautes d'aucune espèce. Le roi fit la garnison prisonn ère de guerre, et entra dans Valenciennes, étonné d'ea être le maitre. La singularité de l'action a engagé à entrer dans ce détail.

(9

mars 1678) Il eut encore la gloire de prendre Gand en quatre jours, et Ypres en sept (25 mars). Voilà ce qu'il fit par lui-même. Ses succès furent encore plus grands par ses Cénéraux,

(Sptembre 1676) Du côté de l'Allemagne, le maréchal duc de Luxembourg laissa d'abord, a la vérité, prendre Philipsbourg à sa vue, essayant en vain de la secourir avec une armée de cinquante mille hommes. Le général qui prit Philipsbourg était Charles V. nouvrau duc de Lorraine, héritier de son oncle Charles IV, et dépouille comme lui de ses états. Il avait toutes les qualités de son malheureux oncle, sans en avoir les defasts i commanda long-temps les armées de l'Empire avec gloire; mais, malgré la prise de Philipsbourg, et quoiqu'il fût à la tête de soixante mille combattants, il ne put jamais rentrer dans ses états. En vain il mit surs sétendards, aut nunc, aut nunquàm, ou maintenant, ou jamais,

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L'Espagne est obligée d'implorer, pour la défense de la Sicile, les Hollandais ses anciens ennemis, qu'on regardait toujours comme les maitres de la mer. Ruyter vient à son vingt vaisseaux espagnols vingt-trois grands vaisseaux de secours du fond du Zuiderzee, passe le détroit, et joint à guerre.

que

Alors les Français qui, joints avec les Anglais, n'avaient
pu battre les flottes de Hollande, l'emportérent seuls sur
les Hollandais et les Espagnols réunis. (8 janvier 1676) Le
duc de Vivonne, obligé de rester dans Messine pour conte
ner cette bataille par Duquesne, lieutenant-général des ar-
nir le peuple déja mécentent de ses défenseurs, laissa don-
mées navales, homme aussi singulier que Ruyter, parvenu
comme lui an commandement par son seal mérite, mais
n'ayant encore jamais commandé d'armée navale, et plus
signalé jusqu'à ce moment dans l'art d'un armateur
dans celui d'un énéral. Mais quiconque a le génie de son
art et du commandement, passe bien vite et sans effort du
petit au grand, Duquesne se montra grand général de mer
contre Ruyter. C'était l'être que de remporter sur ce Hol-
taille navale aux deux flottes ennemies près d'Agouste (12)
landais un faible avantage. Il livra encore une seconde ba-
mars 1676). Ruyter blessé dans cette bataille y termina sa
glorieuse vie. C'est un des hommes dont la mémoire est en-
core dans la plus grande vénération en Hollande. Il avait
commencé par ètre valet et mousse de vaisseau; il n'en fut
pas au-dessus du sien. Le conseil d'Espagne lui donas le
que plus respectable. Le nom des princes de Nassau n'est
un républicain. Ces patentes ne vinrent qu'après sa mort.
titre et les patentes de dac, dignité étrangère et frivole pour
Les enfants de Ruyter, dignes de leur père, refusèrent co
titre si brigué dans nos monarchies, mais qui n'est pas pré-
férable au nom de hon citoyen.

Le ma esbal de Créqui racheté de sa prison, et devenu
plus prudent par sa de aire de Cousarbruck, lui ferma tou-
jours l'entrée de la Lorraine. (7 octobre 1677) 11 le battit
da le petit combat de Kochersberg en Alsace, Ille barcela
et le fatigua sans relâche. (14 novembre 1677) Il prit Fri-
bourg à sa vue; et quelque temps après il battit encore un
détachement de son armée à Rheinfeld. (Juillet 1678) I
passa a rivière de Kins en sa présence, le poursuivit vers
Offenbourg, te charges dans sa retraite; et ayant immedia-
tement après emporté le fort de Krhi, l'épée à la main, il
alla briler le pont de Strasbourg, par lequel cette ville, qui
était libre encore, avait doaré tant de fois passage aux ar-
mées impériales. Aiosi le maréchal de Créqui répara un jour
de témérité par une suite de succès dus à sa prudence, et il
eit peut-fire acquis une réputation égale à celle de Tu-sensible à la mort d'un grand homme,
renne, s'il eût vécu.

Louis XIV eut assez de grandeur d'ame pour être affligé de sa mort. On lui représenta qu'il était défait d'un ennemi dangereux. Il répondit qu'on ne pouvait s'empêcher d'être

pas

Duquesne, le Ruyter de la France, attaqua une troisième moins Duquesne fois les deux flottes après la mort du général hollandais. II leur coula à fond, brûla, et prit, plusieurs vaisseaux, Le maréchal duc de Vivonne avait le commandement en chef dans cette bataille; mais ce n'en fut que ces armements et ces ba qui remporta la victoire. L'Europe était étonnée que la France fût devenue on si peu de temps aussi redoutable sur mer que sur terre. Il est vrai tailles gagnées ne servirent qu'à répandre l'alarme dans tous les états. Le roi d'Angleterre, ayant commencé la guerre pour l'intérêt de la France, était près enfin de se liguer avec le prince à Orange, qui venait d'épouser sa niece. De plus, la gloire acquise en Sicile coûtait trop de trésors. (8 avril 1673) Enfin les Français évacuérent Messine, dans le temps qu'on croyait qu'ils se rendraient maitres de toute l'île. On blama beaucoup Louis XIV d'avoir fait dans cette guerre des entreprises qu'il ne soutint pas, et d'avoir abandonné Cependant c'était être bien redoutable de n'avoir d'autre Messine, ainsi que la Hollande, après des victoires inutiles. malheur que de ne pas conserver toutes ses conquêtes. Il

Le prince d'Orange ne fut pas plus heureux en Flandre que le due de Lorraine en Allemagne non seulement il fut obligé de lever le siège de Mastricht et de Charleroi; mais, après avoir laissé tomber Conde, Bouchain, et Valenciennes, sous la puissance de Louis XIV, if perdit la bataille de Mont-Cassel contre Monsieur, en roulant secourir SaintOmer. Les maréchaux de Luxembourg et d'Humières commandarent l'armée sous Monsieur. On prétend qu'une faute da prince d'Orange et un mouvement habile de Luxen borg decidercat du gain de la bataille. Monsieur chargea avec une valeur et une présence d'esprit qu'on n'attendait pas d'un prince efféinine. Jamais on ne vit un plus grand point incompatible avec la xemple que mese. Ce prince, qui s'habillait souvent en femme, qui en avait les inclinations, agit en capitaine et en soldat. Le roi, son frère, parat jaloux de sa gloire. Il parla peu à Monseur de sa victoire. Il n'alla pas même voir le champ de bataille, quoiqu'il se trouvat tout auprès (11 avril 1677). Qarlques se viteurs de Monsieur, plus pénétrants que les autres, lai prédirent alors qu'il ne commanderait plus d'ar-pressait ses ennemis d'un bout de l'Europe à l'autre. La

mee.

le courage

n'est

et ils ne se trompèrent pas.

Tant de villes prises, tant de combats gagnés en Flandre et en Allemagne, n'étaient pas les seuls succès de Louis XIV dans cette guerre. Le comte de Schomberg et le maréchal de Navailles battaient les Espagnols dans le Lampourdan, an pied des Pyrénées. On les attaquait jusque dans la Sicile. La Sicile, depuis le temps des tyrans de Syracuse, sous lesquels au moins elle avait été comptée pour quelque chree dans le monde, a toujours été subjuguée par des étranGrs; asservie successivement aux Romains, aux Vandales, aux Arabes, aux Normands, sous le vanselage des papes, aux Francais, aux Allemands, aux Espagnols, haissant presque toujours ses maitres, se révoltant contre eux, sans faire de ventables efforts dignes de la liberté, en excitant continuellement des séditions pour changer de chaines.

Les magistrats de Messine venaient d allumer une guerre civile contre leurs gouverneurs, et d'appeler la France à fear secours. Une flotte espagnole bloquait leur port. Ils

étaient réduits aux extrémités de la famine.

D'abord le chevalier de Vabelle vint avec quelques frégates a travers la flotte espagnole. Il apporte a Messine des vivres, des armes, et des soldats, Eusuite le dne de Vivonne arrive avec sept vaisseaux de guerre de soixante pièces de canon. dent de quatre-vingts, et plusieurs brûlots; il bat la flotte ennemie (9 fevrier 1675), et entre victorieux dans

Messine.

guerre de Sicile lui avait coûté beaucoup moins qu'à l'Esnouveaux ennemis à la maison d'Autriche. Il fomentat les pagne épuisée et battue en tous lieux. Il suscitait encore de mane la pressaient de porter la guerre dans l'Allemagne, troubles de Hongrie; et ses ambassadeurs à la Porte ottodút-il envoyer encore, par bienséance, quelque secours contre les Turcs, appelés par sa politique. Il accablait seul tous ses ennemis. Car alors la Suède, son unique alliée, ne fesait qu'une guerre malheureuse contre l'électeur de Brandemençait à donner à son pays une considération qui s'est bourg. Cet électeur, père du premier roi de Prusse, combien augmentée depais: il enlevait alors la Pomeranie aus

Suédois.

Il est remarque que dans le cours de cette guerre ent presque toujours des conférences ouvertes pour la paix; d'abord à Cologne, par la médiation inutile de la Suède; ensuite à Nimègue, par celle de l'Angleterre. La médiation été l'arbitrage du pape au traité d'Aix-la-Chapelle, Louis XIV anglaise fut une cérémonie presque aussi vaine que l'avait fut en effet le soul arbitre. Il fit ses propositions, le g d'avril 1678, au milieu de ses conquêtes, et donna à ses ensuite un délai de six semaines aux états-généraux, qui le nemis jusqu'au 10 de mai pour les accepter. Il accorda endemandèrent avec soumission.

Son ambition ne se tournait plus alors du côté de la Hollande. Cuite république avait été assez heureuse on assez

adroite pour ne paraître plus qu'auxiliaire dans une guerre attaquait, ce qui est un avantage, mais il attaquait des
entreprise pour sa ruine. L'Empire et l'Espague, d'abord
auxiliaires, étaient devenus les principales parties.

troupe, qui se reposaient sur la foi du traité. Le maréchal
de Luxembourg eut beaucoup de peine à résister; et s'il y
Le roi, dans les conditions qu'il imposa, favorisait le com- eut quelque avantage dans ce combat, il fut du côté da
merce des Hollandais; il leur rendait Maestricht, et remet-prince d'Orange, puisque son infanterie demeura maitresse
tait aux Espagnols quelques villes qui devaient servir de du terrain où elle avait combattu.
barrières aus Provinces-Unies, comme Charleroi, Courtrai,
Oudenarde, Ath, Gand, Limbourg; mais il se réservait Bou-
chain, Condé, Ypres, Valenciennes, Cambrai, Maubeuge,
Aire, Saint-Oer, Cassel, Chariemont, Popering, Bailleul,
etc.; ce qui ferait une boune partie de la Flandre. Il y
ajoutait la Franche-Comté, qu'il avait deux fois conquise;
et ces deux provinces étaient un assez digne fruit de la

guerre.

Si les hommes ambitieux comptaient pour quelque chose le sang des autres hommes, le prince d'Orange n'eût point donné ce combat. Il savait certainement que la paix était signée; il savait que cette paix était avantageuse à son pays: rependant il prodiquait sa vie et celle de plusieurs milliers d hommes pour prémices d'une paix générale qu'il n'aurait pa empecher, même en battant les Français. Cette action, pleine d'inhumanité non moins que de grandeur, et plus adde paix, et coût), sans aucun fruit, la vie à deux mille Français et à autant d'ennemis. On vit dans cette paix combien les événements contredisent les projets. La Hollande, contre qui seule la guerre avait été entreprise, et qui aurait dù être détruite, n'y perdit rien; au contraire, elle G+gna une barrière; et toutes les autres puissances, qui l'avaient garantie de la destruction, y perdirent.

li ne voulait dans l'Allemagne que Fribourg ou Philips-marée alors que blámée, ne produis: pas un nouvel article bourg, et laissait le choix à f'empereur, Il rétablissait dans l'évéché de Strasbourg et dans leurs terres les deux frères Furstenberg, que l'empereur avait dépouillés, et dont l'un était en prison.

Il fut hautement le protecteur de la Suède, son alliée, et alliée malheureuse, contre le roi de Danemarck et l'électeur de Brandebourg. Il exigea que le Danemarck rendit tout ce qu'il avait pris sur la Suède, qu'il moderat les droits de pas- Le roi fut en ce temps au comble de la grandeur. Victosage dans la mer Baltique, que le due de Holstein fût réta-rieux depuis qu'il régnait, n'ayant assiégé aucune place qu'il bli dans ses états, que le Brandebourg cedat la Pomeranie n'eût prise, supérieur en tout genre à ses ennemis réunis, qu'il avait conquise, que les traités de Vestphalie fussent la terreur de l'Europe pendant six années de suite, enfin soa rétablis de point en point. Sa volonté était une loi d'un arbitre et son pacificateur, ajoutant à ses états la Franchebout de l'Europe à l'autre. En vain l'électeur de Brande-Comté, Dunkerque, et la moitié de la Flandre: et, ce qu'il bourg lui écrivit la lettre la plus soumise, l'appelant monseigneur, selon l'usage, le conjurant de lui laisser ce qu'il arait aquts, l'assurant de son zéle et de son service: ses soumissions furent aussi inutiles que sa résistance, et il fallut que le vainqueur des Suédois rendit toutes ses conquêtes.

traiter.

devait compter pour le plus grand de ses avantages, roi d'une
nation alors heureuse, et alors le modèle des autres nations.
L'hotel-de-ville de Paris lui défera quelque temps après le
nom de grand avec solennité (168), et ordonna que doré-
navant ce titre seul serait employé dans tous les monuments
publics. On avait, dès 1673, frappé quelques médailles
chargées de ce surnom. 'Europe, quoique jalouse, ne re-

Alors les ambassadeurs de France prétendaient la main sur les électeurs. Celui de Brandebourg offrit tous les tem-clama pas contre ces honneurs. Cependant le nom de peraments pour traiter à Clèves avec le comte depuis maré- Louis XIV a prévalu dans le public sur celui de grand. chal d'Estrades, ambassadeur auprès des états-généraux. Le L'usage est le maitre de tout. Heari, qui fut surnommé le roi ne voulut jamais permettre qu'un homme qui le repré- grand à si juste titre après sa mort. est appelé communésentait cédat à un électeur, et le comte d'Estrades ne put ment Henri IV; et ce nom seul en dit assez. M. le Prince est toujours appelé le grand Condé, non seulement à cause Charles-Quint avait mis l'égalité entre les grands d'Es-de ses actions héroïques, mais par la facilité qui se trouve pagne et les électeurs Les pairs de France par conséquent à le distinguer, par ce surnom, des autres princes de Condé. la prétendaient. On voit aujourd'hui à quel point les choses Si on l'avait nommé Condé le grand, ce titre ne lui fut pas sout changées, puisque aux diètes de l'Empire les ambassa- demeuré. O dit le grand Corneilie, pour le distinguer de deurs des électeurs sont traités comme ceux des rois. son frère. On ne dit pas le grand Virgile, ni le grand HoQuant à la Lorraine, il offrait de rétablir le nouveau duc mère, ni le grand Tasse. Alexandre-le-Grand n'est plus Charles V; mais il voulait rester maître de Nanci et de tous connu que sous le nom d'Alexandre. On ne dit pout César les grands chemins. le grand. Charles-Quint, dont la fortune fut plus éclatante que celle de Louis XIV, n'a jamais eu le nom de grand: il n'est resté à Charlemagne que comme un nom propre. Les titres ne servent de rien pour la postérité, le nom d'un homme qui a fait de grandes choses impose plus de respect que toutes les épithètes.

Ces conditions furent fixées avec la hauteur d'un conquérant; cependant elles n'étaient pas si outrées qu'elles dussent désespérer ses ennemis, et les obliger à se réunir contre lui par un dernier effort: il parlait à l'Europe en maître, et agissait en même temps en politique.

Il sut aux conférences de Nimègue semer la jalousie parmi les alliés. Les Hollandais s'empressèrent de signer, malgré le prince d'Orange, qui, à quelque prix que ce fût, voulait faire la guerre; ils disaient que les Espagnols étaient trop faibles pour les secourir s'ils ne signaient pas.

Les Espagnols, voyant que les Hollandais avaient accepté la paix, la recurent aussi, disant que l'Empire ne fesait pas assez d'efforts pour la cause commune.

Entin les Allemands, abandonnés de la Hollande et de l'Espagne, signèrent les derniers, en laissant Fribourg au roi, et confirmant les traités de Vestphalie.

CHAPITRE XIV.

Prise de Strasbourg. Bombardement d'Alger. Soumission
de Génes. Ambassade de Siam. Le pape brave dans
Rome. Electorat de Cologne disputé.

L'ambition de Louis XIV ne fut point retenue par cette paix générale. L'Empire, l'Espagne, la Hollande, licenceRien ne fut changé aux conditions prescrites par Louis XIV.rent leurs troupes extraordinaires. Il garda toutes les sienSes ennemis eurent beau faire des propositions outrées pour nes: il fit de la paix un temps de conquêtes: (1680) il était colorer leur faiblesse, l'Europe reçut de lui des lois et la même si sûr alors de son pouvoir, qu'il établit dans Metz et paix. Il n'y eut que le due de Lorraine qui osa refuser l'ac-dans Brisach (1) des juridictions pour réuoir à sa couronne ceptation d'un traité qui lui semblait trop odieux. Il aima toutes les terres qui pouvaient avoir été autrefois de la démieux être un prince errant dans l'Empire qu'un souverain sans pouvoir et sans considération dans ses états; il attendit sa fortune du temps et de son cour

(1) Dans la compilation intitulée Memoires de madame de Maintenon, on trouve, tome III, page 23, ces mots i Les réunions des chambres de Metz et de Besançon. Nous réunie à celle de Metz. Nous avons consulté tous les autours, nous avons trouvé que jamais il n'y eut à Besançon de chambre instituée pour juger quelles terres voisines pouvaient appartenir à la France. Il n'y eut, en 1680, que le conseil de Brisach et celui de Metz chargés de réunir à la France les terres qu'on croyait démembrées de l'Alsace et des Trois-Evêchés. Ce fut le parlement de Besançon qui réunit pour quelque temps Montbeillard à la France.

(10 auguste 1678) Dans le temps des conférences de Nimégue, et quatre jours après que les plénipotentiaires de France et de Hollande avaient signé la paix, le prince d'O-avons cru d'abord qu'il y avait eu une chambre de Besançon range fit voir combieu Louis XIV avait en lui un ennemi dangereux. Le maréchal de Luxembourg, qui bloquait Mons, venait de recevoir la nouvelle de la paix. Il était tranquille dans le village de Saint-Denys, et dinait chez l'intendant de l'armée. (14 auguste) Le prince d'Orange, avec toutes ses troupes, fond sur le quartier du maréchal, le force, et engage un combat sanglant, long, et opiniâtre, dont il espérait avec raison une victoire signalée, car non seulement il

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tations.

pendance de l'Alsace ou des Trois-Evêchés, mais qui depuis frais immenses pour contenir cent vaisseaux de guerre, avee un temps immémorial avaient passé sous d'autres maîtres. un arsenal et des magasins magnifiques. Sur l'Océan, le Beaucoup de souverains de l'Empire, l'électeur palatin, le port de Brest se formait avec la même grandeur. Dankerroi d'Espagne même, qui avait quelques bailliages dans que, le Havre-de-Grace se remplissaient de vaisseaux: la Enfin le roi avait plus de cent vaisseaux de ligne, dont ces pays, le roi de Suède, comme duc des Deux-Ponts, furent nature était forcée à Rochefort. cités devant ces chambres pour rendre hommage au roi de France, ou pour subir la confiscation de leurs biens. Depuis plusieurs portaient cent canons, et quelques uns davantage. Charlemagne on n'avait va aucun prince agir ainsi en mai-Ils ne restaient pas oisifs dans les ports. Ses escadres, sous tées par les corsaires de Tripoli et d'Alger. Il se vengea tre et en juge des souverains, et conquérir des pays par des le commandement de Duquesne, nettoyaient les mers infes arrêts. L'électeur palatin et celui de Tréves furent dépouillés d'Alger avec le secours d'un art nouveau, dont la découverte des seigneuries de Falkenbourg, de Germersheim, de Vel- fut due à cette attention qu'il avait d'exciter tous les génies deniz, etc. Ils portérent en vain leurs plaintes à l'empire de son siècle. Get art funeste, mais admirable, est celui des maritimes en cendres. Il y avait un jeune homme, nommé assemblé à Ratisbonne, qui se contenta de faire des protes- galiotes à bombes, avec lesquelles on peut réduire des villes Ce n'était pas assez au roi d'avoir la préfecture des dix Bernard Renaud, connu sous le nom de petit Renaud, qui, villes libres de l'Alsace au même titre que l'avaient eue les sans avoir jamais servi sur les vaisseaux, était un excellent empereurs; déja daas aucune de ces villes on n'osait plus marin à force de génie. Colbert, qui déterrait le mérite parler de liberté. Restait Strasbourg, ville grande et riche, dans l'obscurité, l'avait souvent appelé au conseil de marine, maitresse du Rhin par le pont qu'elle avait sur ce fleuve: même en présence du roi. C'était par les soins et sur les luplus régulière et plus facile pour la construction des vaiselle formait seule une puissante république, fameuse par mières de Renaud, que l'on suivait depuis peu une méthode son arsenal qui renfermait neuf ceats pièces d'artillerie, Louvois avait formé dès long-temps le dessein de la don-seaux. Il osa proposer dans le conseil de bombarder Alger ner à son maitre. L'or, Fintrigue, et la terreur, qui lui avec une flotte. On n'avait pas d'idée que les mortiers à avaient ouvert les portes de tant de villes, préparèrent l'en- bombes pussent n'être pas posés sur un terrain solide. La trée de Louvois dans Strasbourg. (30 septembre 1681) Les proposition révolta. Il essuya les contradictions et les railmagistrats furent gagnés. Le peuple fat consterné de voir leries que tout inventeur doit attendre; mais sa fermeté, et -la-fois vingt mille Français autour de ses remparts; les cette éloquence qu'ont d'ordinaire les hommes vivement forts qui les défendaient près du Rhin, insultés et pris dans frappés de leurs inventions, déterminèrent le roi à permetun moment; Louvois aux portes, et les bourgmestres, par- tre l'essai de cette nouveauté. lant de se rendre: les plears et le désespoir des citoyens, amoureux de la liberté, n'empêchèrent point qu'en un méme jour le traité de reddition ne fut proposé par les magistrats, et que Louvois ne prit possession de la ville. Vauhan en a fait depuis, par les fortifications qui l'entouren:, la barrière la plus forte de la France.

Le roi ne ménagesit pas plus l'Espagne; il demandait dans les Pays-Bas la ville d'Alost et tout son bailliage, que les ministres avaient oublié, disait-il, d'insérer dans les conditions de la paix; et, sur les délais de l'Espagae, il fit bloquer la ville de Luxembourg (1682).

En même temps il achetait la forte ville de Casal d'un petit prince duc de Mantoue (1681), qui aurait readu tout son état pour fournir à ses plaisirs.

En voyant cette puissance qui s'étendait ainsi de tous côtés, et qui acquérait pendant la paix plus que dix rois prédécesseurs de Louis XIV n'avaient acquis par leurs guerres, les alarmes de l'Europe recommencèrent. L'Empire, la Hollande, la Suède même, mécontente du roi, firent un traité d'association. Les Anglais menacèrent; les Espagnols vouIarent la guerre le prince d'Orange remua tout pour la faire commencer; mais aucune puissance n'osait alors porter Les premiers coups (1).

Le roi, craint partout, ne songea qu'à se faire craindra davantage. (1680) Il portait enfin sa marine au-delà des espérances des Français et des craintes de l'Europe: il eut Boixante mille matelats (1681, 1682). Des lois aussi sévé res que celles de la discipline des armées de terre retenaient zous ces hommes grossiers dans le devoir. L'Angleterre et la Hollande, ces puissances maritimes, a'avaient ni tan: d'hommes de mer, ni de si honnes lois. Des compagnies de cadets dans les places frontières, et des gardes-marines dans Les ports, furent instituées et composées de jeunes gens qui apprenaient tous les arts convenables à leur profession, sous des maltres payés da trésor public.

pa

() On prétenda que ce fut alors que le prince d'Orange, depuis roi d'Angleterre, dit publiquement: Je n'ai voir son amitié, je mériterai son estime. Ce mot a été recueilli par plusieurs personnes, et l'abbé de Choisi le place vers l'année 1672. 11 peut mériter quelque attention, parcequ'il annonçait de loin les ligues que forma Guillaume contre Louis XIV, mais il n'est pas vrai que ce fut & la paix de Nimègue que le prince d'Orange ait parlé ainsi; est encore moins vrai que Louis XIV eût écrit à ce prince: Vous me demandez mon amitié, je vous l'accorderai quand vous en serez digne. On ne s'exprime aiasi qu'avec son vassal: on ne se sert point d'expressions si insultantes envers un prince avec qui on fait un traité. Cette lettre ne se trouve que dans la compilation des Memoires de Maintenon; et nous apprenons que ces Mémoires sont décriés par le grand nombre d'infidélités qu'ils renferment.

(1) Voyez les étranges particularités du siège de Vienne, dans l'Essai sur les maurs, ch. cxcII, et dans les Annales de l'empire, anuée 1683.

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