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posée de trois cents gentilshommes, entre lesquels il y avait
beaucoup
de jeunes cadets sans paie, assujettis comme les
autres à la régularité du service; deux cents gendarmes de
la garde, deux cents chevau-légers, cinq cents mousquetaires,
tous gentilshommes choisis, pares de leur jeunesse et de
leur bonne mine; douze compagnies de la gendarmerie,
depuis augmentées jusqu'au nombre de seize; les cent-
suisses mème accompagnaient le roi, et ses régiments des
gardes-françaises et suisses montaient la garde devant sa
maison, cu devant sa tente. Ces troupes, pour la plupart
couvertes d'or et d'argent, étaient en même temps un objet
de terreur et d'admiration pour des peuples chez qui toute
espèce de magnificence était inconnue. Une discipline deve-
nue encore plus exacte avait mis dans l'armée un nouvel
ordre. Il n'y avait point encore d'inspecteurs de cavalerie et
d'infanterie, comme nous en avons vu depuis; mais deux
hommes uniques chacun dans leur gence en fesasent les
fonctions. Martinet mettait alors l'infanterie sur le pied de
discipline où elle est aujourd'hui. Le chevalier de Fourilles
fesait la même charge dans la cavalerie. Il y avait un an que
Martinet avait mis la baianette en usage dans quelques é-
giments. Avant lui on ne s'en servait pas d'une maniè.e
Constante et uniforme, Ce dernier effort peut-être de ce que
Part militaire a inventé de plas terrible était connu, mais
peu pratiqué, parceque les piques prévalaient. Il avait ima-
gine des pontons de cuivre, qu on portait aisément sur des
charrettes. Le roi, avec tant d'avantages, sûr de sa fortune
et de sa gloire, menait avec lui un historien qui devait écrire
ses victoires; c'était Pellisson, homme dont il a été parlé
dans l'article des beaux-arts, plus capable de bien écrire
que de ne pas flatter.

plus

dre, il était sûr d'avoir un présent. L'n envoyé du gouver-
neur des Pays-Bas, étant venu faire une représentation zu
roi sur quelques dégâts commis par les troupes, reṛui de la
main du roi son portrait enrichi de diamants, estimé
de douze mille francs. Cette conduite attirait l'admiration
des peuples, et augmentait la crainte de sa puissance.
Le roi était à la tête de sa maison et de ses plus belles
troupes, qui composaient trente mille hommes: Turenne
les command it sous lai. Le prince de Condé avait une ar-
mée aussi forte. Les autres corps, conduits tantos par Luxem
bourg, tantôt par Chamilli, fesaient dans l'occasion des
armées séparées, ou se rejoignaient selon le besoin. Oa
commença par asssiéger à-la-fois quatre villes, dont le nom
ne mérite de place dans l'histoire que par cet événement :
Rhinberg, Orsoy, Vései, Barick. Edles furent prises presque
aussitôt qu'elles furent investies. Celle de Rhinberg, que,
le roi voulut assié er en personne, n'essuya pas un coup de
canon, et, pour assurer encore mieux sa prise, on eut soin
de corrompre le lieutenant de la place, Irlandais de nation,
nommé Dosseri, qui eut la lacheté de se vendre, et l'impru-
dence de se retirer ensuite à Maestricht, où le prince d'O-
range le fit punir de mort.

Toutes les places qui bordent le Rhin et l'Issel se rendirent. Quelques gouverneurs envoyèrent leurs clefs, dès qu'ils virent seulement passer de loin un ou deux escadrons français plusieurs officiers s'enfuireat des villes où ils étaient en garnison, avant que l'ennemi fût dans leur territoire; la consternation était générale. Le prince d Orange n'avait point encore assez de troupes pour paraitre en campague. Toute la Hollande s'attendait à passer sous le joug. dés que le roi serait au-delà du Rhin. Le prince d'Orange, Ce qui avançait encore la chute des Hollandais, c'est que it faire à la hate des lignes au-dela de ce fleuve, et après le marquis de Louvois avast fait acheter chez eux par le les avoir faites, il connut l'impuissance de les garder. Il ne come de Bentheim, secrètement gagne, une grande partie s'agissait plus que de savoir en quel endroit les Français des munitions qui allaient servir a les détruire, et avait voudraient faire un pont de bateaux, et de s'opposer, si on ainsi beaucoup dégarni leurs magasins. Il n'est point du pouvait, à ce passage. En effet l'intention du roi était de tout étonnant que des marchands russent vendu ces pro- passer le fleuse sur un pont de ces petits bateaux inventés | visions avant la déclaration de la guerre, eux qui en ven- par Martinet. Des gens du pays informèrent alors le prince dent tous les jours à leurs ennemis pendant les plus vives de Coud que la sécheresse de la saison avait formé un gué campagnes. On sait qu'un négociant de ce pays avait autre- sur un bras da Rhin, auprès d'une vieille tourelle qui sert fois répondu au prince Maurice, qui le réprimandait sur un de bureau de péage, qu'on nomme Tollhuys, la maison du tel négoce: Monseigneur, si on pouvait par mer faire quel-péage, dans laquelle il y avait dis-sept soldats. Le roi ht que commerce avantageux avec l'enfer, je hasarderais d'e sonder ce qué par le comte de Guiche. Il n'y avait qu'envialler brûler mes voiles. Mais ce qui est surprenant, c'est ron vingt pas à nager au milieu de ce bras du fleuve, selon qu'on a imprimé que le marquis de Louvois alla lui-même, ce que dit dans ses lettres Pellisson, témoin oculaire, et ce déguisé, conclure ses marchés en Hollande. Comment peut que m'ont confirmé les habitants. Cet espace n'était rien, on avoir imagine une aventure si déplacée, si dangereuse, parceque plusieurs chevaux de front rompaient le fil de l'eau et si inutile? très peu tapide. L'abord était aisé: il n'y avait de l'autre côté de l'ean que quatre à cinq ceats cavaliers, et deux faibles régiments d'infanterie sans canon. L'artillerie française les foudroyait en flanc, (16 juin 1672) Tandis que la malson du roi et les meilleures troupes de cavalarie passèrent, sans risque, au nombre d'environ quinze mille hommes, le prince de Condé les côtoyait dans un bateau de cuisre. A peine quelques cavaliers hollandais entrèrent dans la rivière pour faire semblant de combattre, ils s'enfuirent instant d'après devant la multitude qui venait à eux. Leur infanterie mit aussitôt has les armes, et demanda la vie. On ne perdis dans le passage que le comte de Nogent et quelques cavaliers qui, s'étant écartés du que, se noyerent; et il n'y au rait eu personne de tué dans cette journée, sans l'imprudence du jeune due de Longueville. On dit qu'ayant la tête

avait vu

Contre Turenne, Condé, Luxembourg, Vauban, cent trente mille combattans, une artillerie prodigieuse, et de l'argent avec lequel on attaquait encore la fidélité des commandants des places ennemies, la Hollande n'avait à opposer qu'un jeune prince d'une constitution faible, qui n'a ni siéges ni combats, et environ vingt-cinq mille manvais oldats e quoi consistait alors toute la garde du pays. Le prince Guillaume d'Orange, agé de vingt-deux ans, venait d'etre elu capitaine-général des forces de terre par les vœux de la nation: Jean de Witt, le grand-pensionnaire, y avait consenti par nécessité. Ce prince nourrissait, sous le flegme hollandais, une ardeur d'ambition et de gloire qui éclata toujours depuis daas sa conduite, sans s'échapper jamais dans ses discours. Sou humeur était froide et sévère, sou génie actif et perçant; son courage, qui ne se rebunait ja-pleine des fumées du vin, il tira un coup de pistolet sur mais, fit supporter à son corps faible et languissant des fatigues au-dessus de ses forces. Il était valeureux sans ustentatiou, ambitieux, mais ennemi du faste; né avec une opiniâtreté flegmatique faite pour combattre l'adversité, aimant les affaires et la guerre, ne connaissant ni les plaisirs attachés à la grandeur, ni ceux de l'humanité, enfin presque en tout l'oppose de Louis XIV.

Il ne pur d'abord arréter le torrent qui se débordait sur sa patrie. Ses forces étaient trop peu de chose, son pouvoir mème était limité par les états. Les armes françaises venaient fondre tout-à-coup sur la Hollande, que rien ne secourait. L'imprudent duc de Lorraine, qui avait voulu lever des troupes pour joindre sa fortune à celle de cette république, venait de voir toute la Lorraine saisie par les troupes françaises, avec la même facilité qu'on s'empare d'Avignon quand on est mécontent du pape.

les ennemis qui demandaient la vie a genoux, en leur criant: Point de quartier pour cette canaille. Il tua d'un coup un de leurs offisiers. L'infanterie hollandaise désespérée reprit à l'instant ses armes, et fit une décbargo dont le duc de Lonqueville fut tué. Un capitaine de cavalerie nommé Ossembrock (1), qui no s'était point enfui avec les autres, court au prince de Condé qui montait alors à cheval en sortant de la rivière, et lui appuie son pistolet à la tête. Le prince, par un mouvement, détourna le coup, qui lui fracassa le poignet. Condé ne reçut jamais que cette blessure dans toutes ses campagues. Les Francais irrités firent main-basse sur cette infanterie, qui se mit à fuir de tous côtés. Louis AIV passa sur un pont de bateaux avec l'infanterie, après avoir dirigé lui-même toute la marche.

Tel fut ce passage du Rhin, action éclatante et unique, célébrée alors comme un des grands évènements qui dussent occuper la mémoire des hommes. Cet air de grandeur dont ·

Cependant le roi fesait avancer ses armées vers le Rhin, dans ces pays qui continent à la Hollande, à Cologne, et à la Flandre. Il fesait distribuer de l'argent dans tous les villages, pour payer le dommage que ses tronpes y pouvaient faire. Si quelque gentilhomme des environs venait se plain- | landais.

(1) On prononce O-sembrouck; F' fait on chez les Hol

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CHAP. X. CONQUETE DE LA HOLLANDE.

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le roi relevait toutes ses actions, le bonheur rapide de ses manderait la paix malgré le prince; mais le prince fut élevé
conquètes, la splendeur de son règne, l'idolatrie de ses cour-au stathouderat (1) malgré les de Witt.
tisans; enfin, le goût que le peuple, et surtout les Parisiens,
ont pour l'exagération, joint à l'ignorance de la guerre où
l'on est dans l'oisiveté des grandes villes; tout cela lit re-
garder, à Paris, le passage du Rain comme un prodige qu'on
exagérait encore. Lopiaion commune était que toute l'ar-
mée avait passé ce fleuve à la nage, en présence d'une armée
retranchés, et malgré l'artillerie d une forteresse imprena-
ble, appelée le Tholus. Il était très vrai que rien n'était
plus imposant pour les ennemis que ce passage, et que s'ils
avaient eu un corps de bounes troupes à l'autre bord, l'en-
treprise était très périlleuse.

Des qu'on eut passé le Rhin on prit Doesbourg, Zutphen, Arnheim, Nosembourg, Nimègue, Schenck, Bommel, Crerecœur, etc. Il n'y avait guère d'heures dans la journée où le roi ne reçût la nouvelle de quelque conquête. Un officier nommé Mazel mandait à M. de Tureane: Si vous voulez m'envoyer conquante chevaux, je pourrai prendre avec cela deux ou trois places.

(20 juin 1672) Utrecht envoya ses clefs, et capitula avec toute la province qui porte son nom. Louis út sou entrée triomphale dans cette ville (30 juin), menant avec lui son grand aumônier, son confesseur, et l'archevêque titulaire d'Utrecht. Oa rendit avec solenuité la grande église aux catholiques. L'archevêque, qui n'en portait que le vain nom, fut pour quelque temps établi dans une digaité réelle. La religion de Louis XIV fesait des conquêtes comme ses armes. Cetait un droit qu'il acquérait sur la Hollande dans l'esprit des catholiques.

Les provinces d'Utrecht, d'Over-Isrel, de Gueldre, étaient soumises: Amsterdam n'attendait plus que le moment de son esclavage ou de sa ruine. Les Juifs qui y sont établis s'empressèrent d'offrir à Gourville, inteadant et ami da prince de Coud, deux millious de floras pour se racheter du pillage.

Dja Naerden, voisine d'Amsterdam, était prise. Quatre cavaliers allant en maraude s'avancérent jusqu'aux portes de Muidea, où sont les écluses qui peuvent inonder le pays, et qur u'est qu'à une lieue d'Amsterdam. Les magistrats de Maiden, éperdus de frayeur, viarent présenter leurs clefs a ces quatre soldats; mais enfin, voyant que les troupes ne 'avancaient point, ils reprirent leurs clefs et fermèrent les portes. Un instant de diligence eût mis Amsterdam dans les mains du roi, Cette capitale une fois prise, non seulement la republique périssait, mais il n'y avait plus de nation hollandaise, et bientôt la terre même de ce pays allait disparaitre. Les plas riches familles, les plus ardentes pour la liberté, se préparaient à fuir aux extrémités du monde, et a s'embarquer pour Batavia. On lit le dénombrement de tous les vaisseaus qui pouvaient faire ce voyage, et le calcul de ce qu'on pouvait embarquer. On trouva que cinquante mille familles pouraient se réfugier dans leur nouvelle patrie. La Hollande n'eût plus existé qu'au bout des Indes orientales: ses provinces d'Europe, qui n'achètent leur blé qu'avec leurs richesses d'Asie, qui ne vivent que de leur commerce, et, son Fose dire, de leur liberté, auraient été presque toutà-coup ruinées et dépeuplées. Amsterdam, l'entrepôt et le magasin de l'Europe, où deux cent mille hommes cultivent le commerce et les arts, serait devenue bientôt un vaste marais. Toutes les terres voisines demandent des frais immenses, et des milliers d'hommes pour élever lears digues: elles easseat probablement à-la-fois manqué d'habitants comme de ri hesses, et auraient été enfin submergées, ne laissant à Louis XIV que la gloire déplorable d'avoir détruit le plus singulier et le plus beau monument de l'industrie humaine. La désolation de l'état était augmentée par les divisions ordinaires aux malheureus, qui s'imputent les uns aux autres les calamités publiques. Le grand pensionnaire de Witt ae croyait pouvoir sauver ce qui restait de sa patrie qu'en demandant la paix au vainqueur. Son esprit, à-la-fors tout républicain et jaloux de son autorité particulière, craignait Loujours l'élévation du prince d'Orange, encore plus que les conquêtes du roi de France; il avait fait jurer à ce prince meme l'observation d'un édit perpétuel, par lequel le prince était excla de la charge de stathouder. L'honneur, l'autorité, l'esprit de parti, l'intérêt, hèrent de Witt à ce serment. Il aimait mieux voir sa république subjuguée par un roi vainqueur que soumise à un stathouder.

Le prince d'Orange, de son côté, plus ambitieux que de Witi, aussi attaché à sa patrie, plus patient dans les malbears publics, attendant tout du temps et de l'opiniâtreté de sa constance, briguait le stathoudérat, et s'opposait à la avec la même ardeur. Les états résolurent qu'on de

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Quatre députés vinrent au camp du roi implorer sa cle-
se croyait l'arbitre des rois. Les députés ne furent point
mence au nom d'une république qui, six mois auparavant,
reçus des ministres de Louis XIV avec cette politesse (2)
francaise qui mèle la douceur de la civilité aux rigueurs
mêmes du gouvernement. Louvois, dur et alter, ne pour
bien servir plutôt que pour faire aimer son maitre, reçat
les suppliants avec hauteur, et même avec l'insulte de la
raillerie. On les obligea de revenir plusieurs fois. Enfin le
cédassent tout ce qu'ils avaient au-delà du Run, Nimegue,
roi leur fit déclarer ses volontés. Il voulait que les états lui
des villes et des forts dans le sein de leur pays; qu'on lui
payat vingt millions; que les Français fussent les maitres de
tous les grands chemins de la Hollande, par terre et par ean,
sans qu'ils payassent jamais aucun droit que la religion
catholique fut partout rétablie; que la république lui en-
médaille d'or, sur laquelle il fut gravé qu'ils tenaient leur
voyat tous les ans une ambassade extraordinaire avec une
liberté de Louis XIV; enfin, qu'à ces satisfactions ils joi-
ces de l'empire, tels que ceux de Cologue et de Munster,
gnissent celle qu'ils devaient au roi d'Angleterre et aux prin-
par qui la Hollande était encore désolée.

Ces conditions d'une paix qui tenait tant de la servitude parurent intolérables, et la fierté du vainqueur inspira un courage de désespoir aux vaincus. On résolut de périr les armes a la main. Tous les cœurs et toutes les espérances se éclata contre le grand pensionnaire, qui avait demande la tournèrent vers le prince d'Orange. Le peuple en fureur paix. A ces séditions se joignirent la politique da prince et l'animosité de son parti. On attente d'abord à la vie du grand pensionnaire Jean de Witt; ensuite on arcuse Corneille son frère d'avoir attenté à celle du prince. Corneille est applicement de cette ode d'Horace: Justum et tenacem, etc., qué à la question. Il récita daus les tourments le commenconvenable à son état et à son courage, et qu'on peut tra duire ainsi pour ceux qui ignorent le latin.

Les torrents impétueux,

La mer qui gronde et s'elance,
La fureur et l'insolence
D'un peuple tumultueux,
Des fiers tyrans la vengeance,
N'ébranlent pas la constance

D'un cœur ferme et vertueur.

(20 auguste 1672) Enfin la popolace effrénée massacra dans La Haye les deux frères de Witt; l'un qui avait goul'avait servi de son épée. On exerça sur leurs corps sanglants verné l'état pendant dix-neuf ans avec verta, et l'autre qui toutes les fureurs dont le peuple est capable: horreurs communes à toutes les nations, et que les Français avaient fait éprouver au maréchal d'Ancre, à l'amiral Coligni, etc.; car la populace est presque partout la même. On poursuivit les amis du pensionnaire. Rayter même, l'amiral de la république, qui seul combattait alors pour elle avec succès, se vit environné d'assassias dans Amsterdam.

Au milieu de ces désordres et de ces désolations les males républiques. Les particuliers qui avaient des billets de gistrats montrèrent des vertus qu'on ne voit guère que dans banque coururent en foule à la banque d'Amsterdam; on craignait que l on n'eut touché au trésor public. Chacun s'empressait de se faire payer du peu d'argent qu'on croyait pouvoir y être encore. Les magistrats firent ouvrir les caves où la trésor se conserve. On le trouva tout entier tel qu'il avait été déposé depuis soixante ans; I argent même était nées auparavant, consumé l'hôtel de ville. Les bullets de encore noirci de l'impression du feu qui avait, quelques anbanque s'étaient toujours négociés jusqu'à ce temps, sans que jamais on eut touché au trésor. On paya alors avec cet. argent tous ceux qui voulurent l'ètre. Tant de bonae foi et tant de ressources étaient d'autant plus admirables, que Charles II, roi d'Angleterra, pour avoir de quoi faire la guerre aux Hollandais et fournir à ses plaisirs, non content, de l'argent de la France, venait de faire banqueroute à ses

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(1) Il fut stathouder le premier juillet. Comment La Beaumelle, dans son édition subreptice du Sircle de Louis XIV, que capia-t-il pu dire dans ses notes qu'il ne fut déclaré

taine et amiral!

(2) La Beaumelle dans ses notes dit: C'est un être de raison que cette pelitesse. Comment cet écrivain ose-t-il demeutir ainsi l'Europe?

sujets. Autant il était honteux à ce roi de violer ainsi la foi publique, autant il était glorieux aux magistrats d'Amsterdam de la garder dans un temps où il semblait permis d'y

manquer.

A cette vertu républicaine ils joignirent ce courage d'esprit qui prend les partis extrèmes dans les maux sans remède. Ils firent perce. les digues qui retiennent les eaux de la mer. Les maisons de campagne, qui sont innombrables autour d'Amsterdam, les villages, les villes voisines, Leyde, Delft, furent inondes. Le paysan ne murmura pas de voir ses troupeaux noyes dans les campagnes. Amsterdam fut comme une vaste forteresse au milicu des eaux, eatour e de vaisseaux de guerre qui eurent assez d'eau pour se ranger autour de la ville. La disette fut grande chez ces peuples, ils manquèrent surtout d'eau douce; elle se vendit six sous la pinte; mais ces extrémités parurent moindres que l'esclavage. C'est une chose digne de l'observation de la postérité, que la Hollande ainsi accablée sur terre, et n'étant plus un état, demeurât encore 1 eldoutable sur la mer: c'était l'elément véritable de ces peuples.

les minuties des actions de guerre, et de ces détails de la fu-
reur et de la misère humaine. Le dessein de cet essai est de
prendre les principaux caractères de ces révolutions, et d'é-
carter la multitude des petits faits, pour Lisser voir les seals
considérables, et, s'il se peut, l'esprit qui les a conduits.
La France fut alors au comble de sa gloire. Le nom de ses
généraux imprimait la vénération. Ses ministres étaient re-
gardes comme des génies supérieurs aux conseillers des au-
tres princes; et Louis était en Europe comme le seul roi.
En effet, l'empereur Léopold ue paraissait pas dans ses ar-
mées; Charles II, roi d'Espagne, tils de Philippe IV, sortait
à peine de l'enfance; celui d'Angleterre ne mettait d'acti-
vité dans sa vie que celle des plaisirs.

Tous ces princes et leurs ministres firent de grandes fautes. L'Angleterre agit contre les principes de la raison d'état en s'unissant avec la France pour élever une puissance que son intérêt était d'affaiblir. L'empereur, l'empire, le conseil espagnol, firent encore plus mal de ne pas s'opposer d'abord à ce torrent. Entio Louis lui-même commit une aussi grande faute qu'eux tous en ne poursuivant pas avec assez de rapiTandis que Louis XIV passait le Rhin, et prenait trois dité des conquêtes si faciles. Condé et Turenne voulaient provinces, l'amiral Ruyter, avec environ cent vaisseaux de qu'on démolii la plupart des places hollandaises. Ils disaient guerre, et plus de cinquante brûlots, alla chercher, près des que ce n'était point avec des garnisons que l'on prend des Côtes d'Angleterre, les flottes des deux rois. Leurs puissan- états, mais avec des armées; et qu'en conservant une ou ces réunies n'avaient pu mettre en mer une armée navale deux places de guerre pour la retraite, on devait marcher plus forte que celle de la république. Les Anglais et les rapidement à la conquête entière. Louvors, au contraire, Hollandais combatirent comme des nations accoutumées à voulait que tout fut place et garnison, c'etait là son génie se disputer l'empire de l'Océan. (7 juin 1672) Gette bataille, c'était aussi le goût du roi, Louvois avait par-là plus d'emqu'on nomme de Solbaie, dura un jour entier. Ruyter, qui plois à sa disposition; il étendait le pouvoir de son minisen donna le signal, attaqua le vaisseau amiral d'Angleterre, tère; il s'applandissait de contredire les deux plus grands où était le duc d'York, frère du roi, La gloire de ce combat capitaines du siècle. Louis le crut, et se trompa, comme il particulier demeura à Ruyter. Le duc d'York, obligé de l'avoua depuis; il manqua le moment d'eptrer dans la capichanger de vaisseau, ne reparut plus devant l'amiral hollan-tale de la Hollande; il affaiblit son armée en la divisant dais. Les trente vaisseaux français eurent peu de part à l'action; et tel fut le sort de cette journée, que les côtes de la Hollande furent en sûreté.

Après cette bataille, Ruyter, malgré les craintes et les contradictions de ses compatriotes, fit entrer la flotte marchande des Indes dans le Texel; defndant ainsi, et eurichissant sa patrie d'un côté, lorsqu'elle périssait de l'autre. Le commerse mème des Hollandais se soutenait; on ne voyait que leurs pavillons dans les mers des Indes. Un jour qu'un consul de France disait au roi de Perse que Louis XIV avait conquis presque toute la Hollande ■Comment cela peut-il être, répondit ce monarque persan, puisqu'il y a toujours au port d'Ormuz vingt vaisseaux hollandais pour

a un francais

Le prince d'Orange, cependant, avait l'ambition d'être bon citoyen. Il offrit à l'état le revenu de ses charges, et tout sou bien pour soutenir la liberté. Il couvrit d'inondations les passages par où les Français pouvaient pénétrer dans le reste du pays. Ses négociations promptes et secrètes réveillèrent de lear assoupissement l'empereur, l'empire, le conseil d'Es pagne, le gouverneur de Flandre. Il disposa même l'Angleterre à la paix. Enfin, le roi était entré au mois de mai en Hollande, et dès le mois de juillet Europe commençait à être conjurée contre lui.

Monterey, gouverneur de la Flandre, fit passer secrètement quelques rég menis au secours des Provinces-Caies. Le conseil de l'empereur Leopold envoya Montecueule à la tête de près de vingt mille hommes. L'électeur de Brandebourg, qui avait à sa solde vingt-cinq mil e soldats, se mit en marche.

(Juillet 1672) Alors le roi quitta son armée. Il n'y avait plus de conquêtes à faire dans un pays inondé. La garde des provinces conquises devenait difficile. Lous voulait une gloire sure; mais, en ne voulant pas l'acheter par un travail infatigable, il la perdit. Satisfait d'avoir pris tant de villes en deux mois, il revint à Saint-Germain au milieu de l'été, et laissant Turenne et Luxembourg achever la guerre, il jouit du triomphe. On éleva des monuments de sa conquête, tandis que les puissances de l'Europe travaillaient à li lui ravir.

CHAPITRE XI.

Evacuation de la Hollande. Seconde conquête de la Franche-Comte.

On croit nécessaire de dire à ceux qui pourront lire cet ouvrage, qu'ils doivent se souvenir que ce n'est point ici une simple relation de campagnes, mais pletôt une histoire des murs des homines. Assez de livres sont pleins de toutes

dans trop de places; il laissa à son ennemi le temps de respirer. L'histoire des plus grands princes est souvent le récit des fautes des hommes.

Après le départ du roi, les affaires changèrent de face. Turenne fut obligé de marcher vers la Vestphalie, pour s'op poser aux Impériaux. Le gouverneur de Flandre, Monterey, sans être avoué du conseil timide d'Espagne, renforça la petite armée du prince d'Orange d'environ dix mille hommes. Alors ce prince fit tete aux Français jusqu'à l'hiver. C'était déja beaucoup de balancer la fortune. Enfin l'hiver vint; les glaces couvrisent les inondations de la Hollande. Luxembourg, qui commandait dans Utrecht, fit un nouveau genre de guerre inconnu aux Français, et mit la Hollande dans un nouveau danger, aussi terrible que les précédents. Il assemble, une nuit, près de douze mille fantassins tires des garnisons voi ines. On arme leurs souliers de crampons. Il se met à leur tête, et marche sur la glace vers Leyde et vers La Haye Un dégel survint: La Haye fut sauvée. Soa armée entourée d'ean, n'ayant plus de chemin ni de vivres, était prête à périr. Il fallait pour s'en retourner à Utrecht, marcher sur une digue étroite et fangeuse, où l'on pouvait à peine se traîner quatre de front. On ne pouvait arriver à cette dique qu'en attaquant un fort qui semblait imprenable sans artillerie. Quand ce fort a'eût arrêté l'armée qu'an seul jour, elle serait morte de faim et de fatigue. Luxembourg était sans ressource; mais la fortune, qui avait sauvé La Haye, saura son armée par la iàcheté du commandant de fort, qui abandonna son poste sans aucune raison. Il y a

ille événements dans la guerre comme dans la vie civile, qui sont incompréhensibles : celui-là est de ce nombre. Tout le fruit de cette entreprise fut une cruauté qui acheva de rendre le nom français odieux dans ce pays. Bodegrave et Swammerdam, deux bourgs considérables, riches et bien peuplés, semblables à nos villes de la grandeur médiocre, farest abandonnés au pillage des soldats, pour le prix de leur fatigue. Ils mirent le feu à ces deux villes, et, à la lueur des flammes, ils se livrèrent à la débauche et à la cruauté. Il est étonnant que le soldat français soit si barbare, étant commandé par ce prodigieux nombre d'officies, qui ont avec justice la réputation d'être aussi humains que courageux. Ce pillage laissa une impression si profonde, que, plus de qua rante ans après, j'ai vu les livres hollandais, dans lesquels on apprenait à lire aux enfints, retracer cette aventure, et inspirer la haine contre les Français à des générations nouvells.

(1673) Cependant le roi agitait les cabinets de tous les princes par ses négociations. Il gagna le duc de Hanovre. L'électeur de Brandebourg, en commençant la guerre, fit un traité, mais qui fut bientôt rompu. Il n'y avait pas une cour en Allemagne où Louis n'eût des pensionnaires. Ses émissaires fomentaient en Hongrie les troubles de cette

CHAP. XI. EVACUATION DE LA HOLLANDE.

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province, sévèrement traitée par le conseil de Vienne. L'ar-la main; et son épée fut rompue ignominie inutile pour gent fut prodigué au roi d'Angleterre, pour faire encore la les officiers français, qui sont assez sensibles à la gloire pour guerre à la Hollaude, malgré les cris de toute la nation an- qu'on ne les gouverne point par la crainte de la bonte. Il des places les obligeat à soutenir trois assauts; mais ce sont glaise indignée de servir la grandeur de Louis XIV, qu'elle faut savoir qu'à la vérité les provisions des commandants eût voulu abaisser. L'Europe était troublée par les armes et un an après, au siège de la petite ville de Grave, où il serpar les négociations de Louis. Enfin il ne put empêcher que de ces lois qui ne sont jamais exécutées. Du-Pas se fit tuer, vit volontaire. Son courage et sa mort durent laisser des l'empereur, l'empire, et l'Espagne, ne s'alliassent avee la Hollande, et ne lui déclarassent solennellement la guerre. Il avait tellement changé le cours des choses, que les Hol- regrets au marquis de Louvois qui l'avait fait punir si duhomme, mais non pas le déshonorer. landais, ses alliés naturels, étaient devenus les amis de la rement. La puissance souveraine peut maltraiter un brave maison d'Autriche. L'empereur Léopold envoyait des secours lents; mais il montrait une grande animosité. Il est rapporté qu'allant a Egra voir les troupes qu'il y rassemblait, il communia en chemin, et qu'après la communion il prit en main un crucifix, et appela Dieu à témoin de la justice de sa cause. Cette action eût été à sa place du temps des croisades: et la prière de Léopold n'empêcha point le progrès des armes du roi de France.

Il parut d'abord combien sa marine était déja perfectionnée. Au lieu de trente vaisseaux qu'on avait joints, l'année d'auparavant, à la flotte anglaise, on en joignit quarante, sans compter les brůlots. Les officiers avaient appris les manoeuvres savantes des Anglais, avec lesquels ils avaient combattu celles des Hollandais, leurs eanemis. Cétait le duc d'Yorck, depuis Jacques II, qui avait inventé l'art de faire entendre les ordres sur mer par les mouvements divers des pavillons. Avant ce temps les Français ne savaient pas ranger une armée navale en bataille. Leur expérience consistant à faire battre un vaisseau contre un vaisseau, non à ea faire mouvoir plusieurs de concert, et a imiter sur la mer les évolutions des armées de terre, dont les corps séparés se soutiennent et se secourent mutuellement. Ils firent àpeu-près comme les Romains, qui en une année apprirent des Carthaginois l'art de combattre sur mer, et égalèrent

Les soins du roi, le génie de Vauban, la vigilance sévère de Louvois, l'expérience et le grand art de Tarenne, l'active intrépidité du prince de Condé, tout cela ne put réparer la faute qu'on avait faite de garder trop de places, d'affaiblir l'armée, et de manquer Amsterdam.

Le prince de Condé voulut en vain percer dans le cœur de la Hollande inondée. Turenne ne put, ni mettre obstacle à la jonction de Mouteruculli et du prince d'Orange, ni empêcher le prince d'Orange de prendre Boon. L'évêque de Munster, qui avait juré la ruine de états-généraux, fut attaque lui-même par les Hollandais.

Le parlement d'Angleterre forca son roi d'entrer sérieesement dans des négociations de pais, et de cesser d'être l'instrument mercenaire de la grandeur de la France. Alors autant de promptitude qu'on les avait conquises. Ce ne fut il fallut abandonner les trois provinces bollandaises avec pas sans les avoir rançonnées : l'intendant Robert tira de la scule province d Utrecht, en an an, seize cent soixante et huit mille florins. On était si pressé d'évacuer un pays conhollandais furent readus pour un écu par soldat. L'arc de quis avec taat de rapidité, que vingt-boit mille prisonniers triomphe de la porte Saint-Denis, et les autres monuments était déja abandonnée. Les Hollandais, dans le cours de cette de la conquête, étaient à peine achevés, que la conquête (Les 7, 14. et 21 juin 1673) Le vice-amiral d'Estrées et invasion, eurent la gloire de disputer l'empire de la mer, hors de leur pays. Louis XIV passa dans l'Europe pour son heutenant Martel breai bonneur à l'industrie militaire et l'adresse de transporter sur terre le théâtre de la guerre de la nation francaise, dans trois batailles navales consécuves, au mois de juin, entre la flotte hollandaise et celle avoir joui avec trop de précipitation et trop de fierté de de France et d'Angleterre. L'amiral Ruyter fut plus admiré l'éciat d'un triomphe passager. Le fruit de cette entreprise que jamais dans ces trois actions. D'Estrées écrivit à Col- fut d'avoir une guerre sanglante à soutenir contre l'Espabert: Je voudrais avoir payé de ma vie la gloire que Ruy-gne, l'empire, et la Hollande réunis, d'être abandonné de ter vient d'acquérir.. D'Estrées méritait que Ruyter eût ainsi parlé de lui La valeur et la conduite furent si égales de tous côtés que la victoire resta toujours indécise.

leurs maîtres.

Lous, ayant fait des hommes de mer de ses Français par les soins de Colbert, perfectionaa encore l'art de la guerre sur terre par l'industrie de Vauban. Il vint en personne assiéger Mastricht dans le même temps que ces trois batailles Davales se donnaient Mastricht était pour lui une clef des Pays-Bas et des Provinces-Unies, c'était une place forte défendue par un gouverneur intrépide, nommé Fariaux, né Franças, qui avait passé au service d'Espagne, et depuis à celos de Hollande. La garnison était de cinq mille hommes. Vauban, qui conduisit ce siège, se servit, pour la première fois, des arallèles inventées par des ingénieurs italiens au service des Turcs devant Candie. Il y ajouta les places d'armes que l'on fait dans les tranchées pour y mettre les troupes en bataille, et pour les mieux rallier en cas de sorties. Louis se mostra, dans ce siège, plus exact et plus laborieux qu il ne l'avait été encore. Il accoutumait, par son exemple, à la patience dans le travail, sa nation accusée jusqu'a

de n'avoir qu'un courage bouillant que la fatigue épuise bientôt. (29 juin 1673) Mastricht se rendit au bout de buit jours.

Pour mieux affermir encore la discipline militaire, il usa d'une sévérité qui parut mème trop grande. Le prince d'Orange, qui n'avait eu pour opposer à ces conquêtes rapides que des officers sans émulation et des soldats sans courage. les avait formés à force de rigueurs, en fesant passer par la main du bourreau ceux qui avaient abandonné leur poste. Le roi employs aussi les châtiments la première fois qu'il perdit one place. Un très brave officier, nommé Du-Pas, rendit Naerden an prince d'Orange (14 septembre 1673). Il ne tint à la vérité que quatre jours, mais il ne remit sa ville qu'après un combat de cinq heares, donné sur de mauvais ouvrages, et pour éviter un assaut général, qu'one carnison faible et rebutée n'aurait point soutenu. Le roi, irrité da premier affr nt que recevaient ses armes, fit condamaer Du-Pas (1) à être trainé dans Utrecht, une pelle à (1) La Beaumelle dit qu'il fut condamné à une prison perpétuelle. Comment cela pourrait-il être, puisque l'année Pairante il fut tué au siège de Grave!

'Angleterre, et enfin de Munster, de Cologne même, et de
haine que d'admiration pour lui.
laisser dans les pays qu'il avait envahis et quittés plus de

n état

Le roi tint seul contre tous les ennemis qu'il s'était faits. La prévoyance de son gouvernement et la force de son i contre tant de puissances liguées et contre de grands généparurent bien davantage encore lorsqu'il fallut se défendre raux, que quand il avait pris, en voyageant, la Flandre française, la Franche-Comté, et la moitié de la Hollande, sur des ennemis sans défense.

On vit surtout quel avantage un roi absoln, dont les finances sont bien administrées, a sur les autres rois. Il fourà Turenne contre les Impériaux, une de quarante mille à at a-la-fois une armée d'environ vingt-trois mille hommes Condé contre le prince d'Orange: un corps de troupes était sur la frontière du Roussillon; une flotte chargée de soldats alla porter la guerre aux Espagnols jusque dans Messine: de la Franche-Com é. Il se défendait, et il attaquait parlui-même marcha pour se rendre maitre une seconde fois

tout en même temps.

D'abord, dans sa nouvelle entreprise sur la Franchetière. Il s'agissait de mettre dans son parti, ou du moins d'endormir les Suisses, nation aussi redeatable que pauvre, Comié, la supériorité de son gouvernement parut tout entoujours armée, toujours jalouse à l'excès de se liberté, inde voir Louis XIV une seconde fois dans leur voisinage. vincible sur ses frontieres, murmurant déja, ets effarouchant permettre au moins un passage libre à leurs troupes, pour L'empereur et l'Espagne sollicitaient les treize cantons de secourir la Franche-Comté, demeurée sans défense par la négligence du ministère espagnol. Le roi, de son côté, presl'Espagne ne prodiguaient que des raisons et des prières: sait les Suisses de refuser ce passage; mais l'empire et le roi, avec de l'argent comptant, détermina les Suisses à ce son frère et du fils du grand Condé, assiégea Besancon, 11 qu'il voulut: le passage fut refusé. Loais, accompagné de aimait la guerre de sièges, et pouvait croire l'entendre aussi était de sa gloire, il avouait que ces deux grands hommes bien que les Condé et les Turenne; mais, tout jaloux qu'il entendaient mieux que lui la guerre de campagne. D'ailsûr de la preadre. Louvois fesait si bien les préparatifs, les leurs, il n'assiégea jamais une ville sans être moralement

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aux plaintes et au déli de l'électeur que par ou compliment troupes étaient si bien fournies, Vauban, qui conduisit tre au roi, qui lui défendit d'accepter le cartel, ne répondit presque tous les sièges, était un si grand maître dans l'art de prendre les villes, que la gloire du roi était en sûreté, vague, et qui ne signifiait rien. C'était assez le style et l'uVauban dirigea les attiques de Besancon (15 mai 1674)ge de Turenne, de s'exprimer toujours avec moderation et elle fut prise en neuf jours; et au bout de six semaines toute ambiguitė, la Franche-Comté fut soumise au roi. Elle est restée à la France, et semble y etre pour jamais annexée: monument de la faiblesse du ministère autrichieu-espagnol, et de la force de celui de Louis XIV.

CHAPITRE XII.

Belle campagne et mort du maréchal de Turenne. Derniere bataille du grand Conde à Senef.

Tandis que le roi prenait rapidement la Franche-Comté, avec cette facilité et cet éclat attaché encore à sa destinée, Turenne, qui ne fesait que défendre les frontieres du côté du Rhin, deploy it ce que l'art de la guerre peut avoir de plus grand et de plus habile. L'estime des hommes se mesure par les difficultés surmontées, et c'est ce qui a donné une si grande reputation à cette campagne de Turenne. (Juin 1674) D'abord il fait une marche longue et vive, passe le Rhin à Philisbourg, marche toute la nuit à Sintzheim, force cette ville; et en même temps il attaque et met en fuite Caprara, général de l'empercur, et le vieux duc de Lorraine, Charles IV, ce prince qui passa toute sa vie a perdre ses états et à lever des troupes, et qui venait de réunir sa petite armée avec une partie de celle de l'empereur. Turenne, après l'avoir battu, le poursuit, et bat encore sa cavalerie à Ladenbourg: (juillet) de là il court à un autre général des Impériaux, le prince de Bournonville, qui n'attendait que de nouvelles troupes pour s'ouvrir le chemin I de l'Alsace; (octobre) il prévient la jonction de ces troupes, l'attaque, et lui fait quitter le chan.p de bataille.

L'empire rassemble contre lui toutes les forces: soixante et dis mille Allemands sout dans l'Alsace: Brisach et Philipsbourg étaient bloqués par eux. Turenne n'avait plus que vingt mille hommes effectifs tout au plus (Décembre) Le prince de Codé lui envoya de Flandre quelque secours de cavalerie; alors il traverse, par Tanne et par Befort, des montagnes couvertes de neige; il se trouve tout d'un coup dans la Haute-Alsace, au milieu des quartiers des ennemis, qui le croyaient en repos en Lorraine, et qui pensaient que la campagne était finie. Il bat à Mulhausen les quartiers qui résistent; il en fait deux prisonniers. Il marche à Colmar, où l'électeur de Brandebourg, qu'on appelle le grand électeor, alors général des armees de l'empire avait son quartier. Il arrive dans le temps que ce prince et les autres genéraux se mettaient à table; ils n'eurent que le temps de s'é happer; la campagne était couverte de fuyards.

(5 janvier 16-5) Turenne, croyant n'avoir rien fait tant qu'il restait quelque hose à faire, attend encore auprès de Turkheim une partie de l'infanterie ennemie. L'avantage du poste qu'il avait choisi rendait sa victoire sûre: il défait cette infanterie, Enfin une armée de soixante et dix mille hommes se trouve vaincue et dispersée presque sans grand combat, L'Alsace reste au roi, et les généraux de l'empire sont obligés de repasser le Rhin.

I brûla avec le même sang-froid les fours et une partie des campagnes de l'Alsace, pour empêcher les ennemis de subsister. Il permit ensuite à sa cavalerie de ravager la Lorraine. On y lit tant de désordre, que l'intendant, qui, de son côté, désolait la Lorraine avec sa plume, lui écrivit et lui parla souvent pour arreter ces excès, li répondait froidem at: Je le ferai dire à l'ordre. Il aimait mieux être appelé le père des soldats qui lui étaient confiés, que des peuples qui, selon les lois de la guerre, sont toujours sacrifis. Tout le mal qu'il fesait paraissait nécessaire; sa gloire couvrait tout: d'ailleurs tes soixante et dix mille Allemands qu'il empecha de pénétrer en France y auraient fait beaucoup plus de mal qu'il n'en fit à l'Alsace, à la Lorraine, et

au Palatinat.

Telle a été depuis le commencement du seizième siècle la situation de la France, que, toutes les fois qu'elle a été en guerre, il a fallu combattre à-la-fois vers l'Allemagne, la tête en Flandre au jeune prince d'Orange, tandis que TuFien ire, l'Espagne, et l'Italie. Le prince de Condé ferait renne chassait les Allemands de l'Alsace. La campagne du Condé sanglante. Les petits combats de Sintzheim et de maréchal de Turenne fut heureuse, et celle du prince de Turkheim furent décisifs; la grande et célébre bataille de Senef ne fut qu'un carnage. Le grand Condé, qui la donna tra aucun succès, soit que les circonstances des lieux lui pendant les marches sourdes de Turenne en Alsace, n'en fussent moins favorables, soit qu'il eût pris des mesures inmoins justes, soit plutôt qu'il eût des généraux plus habiles le et de meilleures troupes à combattre. Le marquis de Feuque se passa pas entre nom de combat, parceque l'action ne quieres veut qu'on ne donne à la bataille de Senef deux armées rangées, et que tous les corps n'agirent point; mais il parait qu'on s'accorde à nommer bataile cette journée si vive et si meurtrière. Le choc de trois mille hommes rangés, dont tous les petits corps agiraient, ne serait qu'un combat. C'est toujours l'importance qui décide du

nom.

Le prince de Condé avait à tenir la campagne, avec environ quarante-cinq mille hommes, contre le prince d'Orange, qui en avait, dit-on, soisante mille. (11 auguste 1674) I attendit que l'armée ennemie passat un detlé à Sene, près de Mons. Il attaqua une partie de l'arrièregarde, composée d'Espagnols, et y eut un grand avantage.

taire intime et historiographe de l'électeur palatin aujour
d'hui réguant, a révoqué en doute l'histoire du cartel par
des raisons très spécieuses, énoncées avec beaucoup d'es
prit et de sagacité. Il montre très judicieusement que l'é-
lecteur Charles-Louis ne put écrire les lettres que Courtilz
prince. Plus d'un
de Sandras et Ramsay ont imputées à ce
et des harangues de son imagination.
historien en effet attribue souvent à ses héros des écrits

On n'a jamais vu la véritable lettre de l'électeur Charlesment toujours passé pour constaut que l'électeur, justeLonis, ui la répense du maréchal de Turenne. Il a seule ment outré des ravages et des incendies que Turenne Tontes ces actions onsécutives, conduites avec tant d'art, pette, nommé Petit-Jean. J'ai vu la maison de Bouillon si patiemment digérées, exécutées avec tant de prompti- commettait dans son pays, lui proposa un duel par un tromtode, furent également admirées des Francais et des enneet le maréchal de Villars n'en doutaient pas. Les Mémoires mis. La gloire de Turenne recut un nouvel accroissement, persuadée de cette anecdote. Le grand-prieur de Vendome du marquis de Beauvau, contemporain, l'afürment. Cepeaquand on sut que tout ce qu'il avait fait dans cette campagne, il l'avait fait malgré la cour, et malgré les ordres réi térés de Louvois, donnés au nom du roi. Résister à Louvois dont il se peut que le due! u'ait pas été expressément protour-puissant, et se charger de l'événement, malgré les crisposé dans la lettre amère que l'électeur dit lui-même avoir de la cour, les ordres de Louis XIV, et la haine du minis-écrite au prince maré hal de Turenne. Plut à Dieu qu'il tre, ne fut pas la moindre marque du courage de Turenne, ni le moindre exploit de la campagne.

Il faut avouer que ceux qui ont plus d'humanité que d'es-
time pour les exploits de guerre gémirent de cette campa
ne si glorieuse. Elle fut celebre par les malheurs des peu
ples, autant que par les expéditions de Turenne. Après la
bataille de Sitzheim, il mit à feu et à sing le Palatinat,
pays uni et fertile, couvert de villes et de bourgs opulents.
L'électeur palatin vit, du haut de son château de Manhein,
deux villes et vingt-cing villages embrasés. Ce prince, dé-
respéré, défia Turenne à en combat singulier, par une let
tre pleine de reproches (1). Turenne ayant envoyé la let-

(1) Pendant le cours de cette édition, M. Collini, secré

für douteux que le Palatinat ait été embrasé deux fois! Voila ce qui n'est que trop constant, ce qui est essentiel, et ce qu'on reproche à la mémoire de Louis XIV.

M. Collini reproche à M. le président Hénault d'avoir dit, dans son Abrege chronologique, que le prince de Turenne répondit à ce cartel avec une moderation qui fit honte à electeur de cette bravade. La honte était dans l'incendie, lorsqu'on n'était pas encore en guerre ouverte avec le Patement irrité, de vouloir se battre contre l'auteur de res latinat, et ce n'était point une bravade dans un prince juscruels excès. L'électeur était très vif; l'esprit de chevalerie son que Louis XIV lui-même demanda s'il pouvait en conn'était pas encore éteint. On voit dans les lettres de Pellisscience se battre contre l'empereur Léopold.

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