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CHAP. IV. GUERRE CIVILE.

un envoyé de l'archiduc Léopold, qui fesait alors la guerre

à la France.

Au milieu de tous ces troubles, la noblesse s'assembla en corps aux Augustins, nomma des syndics, tint publiquement des séances réglées. On eût cru que c'était pour réformer la France, et pour assembler les étals-généraux; c'était pour un tabouret que la reine avait accordé à madame de Pous: peut-être n'y a-t-il jamais eu une preuve plus sensible de la légèreté d'esprit qu'on reprochait aux Français.

Les discordes civiles qui désolaient l'Angleterre, précisé ment en même temps, servent bien à faire voir les caracté. res des deux nations. Les Anglais avaient mis dans leurs troubles civils un acharnement mélancolique, et une fureur raisonnée: ils donnaient de sanglantes batailles; le fer décidait tout: les échafauds étaient dressés pour les vaincus; leur roi, pris en combattant, fut amené devant une cour de justice, interrogé sur l'abus qu'on lui reprochait d'avoir fait de son pouvoir, condamné à perdre la tète, et exécuté devant tout son penple (9 février 1649). avec autant d'ordre, et avec le même appareil de justice, que si on avait condamné un citoyen criminel, sans que, dans le cours de ces troubles horribles, Londres se fût ressentie un moment des calamités attachées aux guerres civiles.

Les Français, au contraire, se précipitaient dans les sédiLions par caprice, et en riant: les femmes étaient à la tête des factions; l'amour fesait et rompait les cabales. La duchesse de Longueville engagea Turenne, à peine maréchal de France, à faire révolter l'armée qu'il cominandait pour

le roi.

C'était la même armée que le célèbre due de Saxe-Veimar avait rassemblée. Elle était commandée, après la mort du duc de Veimar, par le comte d'Erlach, d'une ancienne maison du canton de Berne. Ce fut ce comte d'Erlach qui donna cette armée à la France, et qui lai valut la possession de l'Alsace. Le vicomte de Turenne voulut le séduire : l'Alsace eût été perdue pour Louis XIV, mais il fut inébranlable: il contint les troupes veimariennes dans la fidélité qu'elles devaient à leur serment. Il fut même chargé cardinal Mazaria d'arrêter le vicomte. Ce grand homme, infidèle alors par faiblesse, fut obligé de quitter en fugitif l'armée dont il était général, pour plaire à une femme qui se moquait de sa passion: il devint, de général du roi de France, lieutenant de doa Estevan de Gamare, avec lequel il fut battu à Rethel par le maréchal du PlessisPraslin.

par

On connait ce billet du maréchal d'Hoequincourt à la duchesse de Montbazon: Peronne est à la belle des belles. On sait ces vers du due de La Rochefoucauld, pour la duchesse de Longueville, lorsqu'il reçut, au combat de Saint-Antoine, un coup de mousquet qui luit perdre quelque temps la vue: Pour mériter son cœur, pour plaire à ses beaux yeux, J'ai fait la guerre aux rois; je l'aurais faite aux dieux. Oa voit, dans les Mémoires de Mademoiselle, une lettre de Gaston, duc d'Orléans, son père, dont l'adresse est: 4 mesdames les comtesses, maréchales de camp dans l'armée de ma fille contre le Mazarin.

La guerre bait et recommença à plusieurs reprises; il n'y eut personne qui ne changeat souvent de parti. Le prince de Condé, ayant ramené dans Paris la cour triomphante, se livra au plaisir de la mépriser après l'avoir défendue; et ne trouvant pas qu'on lui donnât des récompenses proportionnées à sa gloire et à ses services, il fut le premier à tourner Mazarin en ridicule, à braver la reine, et à insulter le couvernement qu'il dédaignait. Il écrivit. à ce qu'on prétend, au cardinal, all illustrissimo signor Faquino. Il lui dit un jour: Adieu, Mars. 11 encouragea un marquis de Jarsai à faire une déclaration d'amour à la reine, et trouva mauvais qu'elle osat s'en offenser. Il se ligua avec le prince de Conti, son frère, et le duc de Longueville, qui abandonnèrent le Parti de la Fronde. On avait appelé la cabale du duc de Beaufort, au commencement de la régence, celle des importants; on appelait celle de Condé le parti des petits-maitres, parcequ'ils voulaient être les maitres de l'état. Il n'est resté de tous ces troubles d'autres traces que ce nom de petit-maitre. qu'on applique aujourd'hui à la jeunesse avantageuse et mal élevée, et le nom de frondeurs qu'on donne aux censeurs du gouvernement.

On employa de tous côtés des moyens aussi bas qu'odieus. Joli, conseiller au châtelet, depuis secrétaire du cardinal de Retz, imagina de se faire une incision au bras, et de se faire tirer un coup de pistolet dans son carrosse, pour faire accroire que la cour avait voulu l'assassiner.

Quelques jours après, pour diviser le parti da prince de

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des coups de fusil dans les carrosses du grand Condé, et on
Condé et les frondeurs, et les rendre irréconciliables, on tire
tue un de ses valets de pied, ce qui s'appelait une joliade
renforcée. Qui fit cette étrange entreprise? est-ce le parti
du cardinal Mazarin? Il en fut très soupçonné. On en ac-
casa le cardinal de Retz, le due de Beaufort, et le vieux
Tous les partis se choquaient, négociatent, se trahissaient
Broussel, en plein parlement, et ils fureat justifiés.
tour-à-tour. Chaque homine important, ou qui voulait l'être,
prétendait établir sa fortune sur la ruine publique; et le
bien public était dans la bouche de tout le monde. Gaston
était jaloux de la gloire du grand Condé et du crédit de Ma-
zaria. Condé ne les aimait ni ne les estimait. Le coadjuteur
de l'archevêché de Paris voulait être cardinal par la nomi-
nation de la reine, et il se dévouait alors à elle pour obtenir
cette digoité étrangère qui ne donnait aucune autorité, mais
un grand relief. Telle était alors la force du préjugé, que
le prince de Conti, frère du grand Condé, voulait aussi con-
vrir sa couronne de prince d'un chapeau rouge. Et tel était
naissance et sans mérite, nommé La Rivière, disputait ce
en même temps le pouvoir des intrigues, qu'un abbé saus
le prince, parcequ'enfia il sut le mépriser; La Rivière, par-
chapeau romain au prince. Ils ne l'eurent ni l'un ni l'autre :
cequ'on se moqua de son ambition; mais le coadjuteur
l'obtint pour avoir abandonné le prince de Condé aux res-
sentiments de la reine.

de

que pe

Ces ressentiments n'avaient d'autre fondement Nul erime d'état ne pouvait étre imputé à Condé : cepentites querelles d'intérêt entre le graad Condé et Mazarin. son beau-frère de Longueville, sans aucune formalité, et dant on l'arrêta dans le Louvre, lui, son frère de Couti, et uniquement parceque Mazario le craignait (18 janvier 1650). Cette démarche était, à la vérité, contre toutes les lois, Le cardinal, pour se rendre maître de ces princes, usa mais on ne connaissait les lois dans aucun des partis. d'une fourberie qu'on appela politique. Les frondeurs étaient accusés d'avoir tenté d'assassiner le prince de Condé; Mazarin lui fait accroire qu'il s'agit d'arrêter un des conjurés, et de tromper les frondeurs; que c'est à son altesse au Louvre. Le grand Condé signe lui-même l'ordre de sa signer l'ordre aux gendarmes de la garde de se tenir prêts détention. On ne vit jamais mieux que la politique consiste souvent dans le mensonge, et que l'habileté est de pénétrer le menteur.

la

On lit dans la Vie de la duchesse de Longueville que reine-mère se retira dans son petit oratoire pendant qu'on se saisissait des princes, qu'elle fit mettre à genoux le roi son fils, agé de onze aus, et qu'ils prièrent Dieu dévotement ensemble pour l'heureux succès de cette expédition. Si Man'était dans Anne d'Autriche qu'une faiblesse ordinaire aus zarin en avait usé ainsi, c'eût été une momerie atroce. Ce femmes. La dévotion, chez elles, s'allie avec l'amour, avec la politique, avec la cruauté même. Les femmes fortes sont au-dessus de ces petitesses.

Le prince de Condé eût pu gouverner l'état s'il avait seuLe peuple de Paris, qui avait fait des barricades pour un lement voulu plaire; mais il se contentait d'être admiré. conseiller-clere presque imbécile, fit des feux de joie lorsqu'on mena au donjon de Vincennes le défenseur et le héros de la France.

Ce qui montre encore combien les évènements trompent les hommes, c'est que cette prison des trois princes, qui semblait devoir assoupir les factions, fut ce qui les releva. La mère du prince de Condé, exilée, resta dans Paris malgré la cour, et porta sa requête au parlement (1656). Sa femme, après mille périls, se réfugia dans la ville de Bor deaux: aidée des dues de Bouillon et de La Rochefoucauld, Toute la France redemandait le grand Condé. S'il avait elle souleva cette ville, et arma l'Espagne. paru alors, la cour était perdue. Gourville, qui de simple valet-de-chambre du duc de La Rochefoucauld, était devenu un homme considérable par son caractère hardi et prudent, imagina un moyen sûr de délivrer les princes enfermés alors. à Vincennes. Un des conjurés eut la bêtise de se confesser à un prêtre de la Fronde. Ce malheureux prêtre avertit le coadjuteur, persécuteur en ce temps-la du grand Conde. ordinaire dans les guerres civiles. L'entreprise échoua par la révélation de la confession, si

On voit par les Mémoires du conseiller d'état Lenet, plus curieux que connus, combien, dans ces temps de licence effrénée, de troubles, d'iniquités, et même d'impiétés, les porte qu'en Bourgogne le doyen de la Sainte-Chapelle, atprêtres avaient encore de pouvoir sur les esprits. Il rap taché au prince de Condé, offrit pour tout secours de faire

parler en sa faveur tous les prédicateurs en chaire, et de faire manoeuvrer tous les prètres dans la confession.

(Décembre 1651) Aux premières nouvelles de son retour. Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, qui avait demandé Pour mieux faire connaitre encore les mœurs du temps, l'éloignement du cardinal, leva des troupes dans Paris sans il dit que lorsque la femine du grand Goudé alla se réfugier savoir à quoi elles scraient employées. Le parlement rengadans Bordeaux, les dues de Bouillon et de La Rochefoucauld vela ses arrêts; il proscrivit Mazarin, et mit sa tète à prix. allèrent au-devant d'elle à la tête d'une foule de jeunes Il fallut chercher dans les registres quel était le prix d'une gentilshommes qui crièrent à ses oreilles, vive Conde! ajoutéte ennemie du royaume. On trouva que sous Charles IX tant un mot obscène pour Mazarin, et la priant de joindre

sa voix aux leurs.

(13 février 1651) Un an après, les mêmes frondeurs qui avaient vendu le grand Conde et les princes à la vengeance timide de Mazarin, forcèrent la reine à ouvrir leurs prisons, et à chasser du royaume son premier ministre. Mazarin alla lui-même au Havre, où ils étaient détenus; il leur rendit leur liberté, et ne fut reçu d'eux qu'avec le mépris qu'il en devait attendre; après quoi il se retira à Liège. Condé revint dans Paris aux acclamations de ce même peuple qui l'avait taat hai. Sa présence renouvela les cabales, les dissensions, et les meurtres.

Le royaume resta dans cette combustion encore quelques années. Le gouvernement ne prit presque jamais que des partis faibles et incertatus: il semblait devoir succomber; mais les révoltés farent toujours désuns, et c'est ce qui sanva la cour. Le coadjuteur, tantôt ami, tantôt ennemi du prince de Condé, suscita contre lui une partie du parlement et du peuple: il osa en même temps servir la reine, en tenant tête à ce prince, et l'outrager, en la forçant d'éloigner le cardinal Mazarin, qui se retira à Cologne. La reine, par une contradiction trop ordinaire aux gouvernements faibles, fut obligée de recevoir à-la-fois ses services et ses offenses, et de nommer au cardinalat ce même coadjuteur, l'auteur des barricades, qui avait contraint la famille royale à sortir de la capitale, et à l'assiéger.

CHAPITRE V.

on avait promis, par arrêt, cinquante mille écus à celui qui représenterait l'amiral Coligni mort ou vif. On crut très sérieusement procéder en régie, en mettant ce même prix a l'assassinat d'un cardinal premier ministre.

Cette proscription ne donna à personne la tentation de mériter les cinquante mille écus, qui après tout n'eussent point été payés. Chez une autre nation et dans un autre temps, un tel arrêt eût trouvé des exécateurs; mais il ne servit qu'a faire de nouvelles plaisanteries, Les Blot et les Marigni, beaux esprits, qui portaient la gaiété dans les tumultes de ces troubles, brent afücher dans Paris une répartition des cent cinquante mille livres; tant pour qui couperait le nez au cardinal, tant pour une oreille, tant pour un œil, tant pour le faire eunuque. Ce ridicule fut tout l'effet de la proscription contre la personne du ministre; mais ses meubles et sa bibliothèque furent vendus par un second arrêt: cet argent était destiné à payer un assassin; il fut dissipé par les dépositaires, comme tout l'argent qu'on levait alors. Le cardinal, de son côté, n'employait contre ses ennemis ni le poison ni l'assassinat ; et, unalgré l'aigreur et la manie de tant de partis et de tant de aines, on ne commit pas autant de grands crimes, les chefs de parti fureat moins cruels, et les peuples moins furienx que du temps de la Ligue; car ce n'était pas une guerre de religion.

(Décembre 1651) L'esprit de vertige qui réguait en ce temps posséda si bien tout le corps du parlement de Paris, qu'après avoir solennellement ordonné un assassinat dont on se moquait, il rendit un arrêt par lequel plusieurs conseillers devaient se transporter sur la frontière pour infor mer contre l'armée du cardinal Mazarin, c'est-à-dire contre l'armée royale.

Deux conseillers furent assez imprudents pour aller avec Suite de la guerre civile jusqu'à la fin de la rébellion, quelques paysans faire rompre les ponts par où le cardinal

en 1653.

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Rien ne marque mieux la manie de ce temps, et le déréglement qui determinait toutes les démarches, que ce qui arriva alors a ce prince. La reine lui envoya un courrier de Paris avec des propositions qui devaient l'engager au retour et à la paix. Le courrier se trompa; et au heu d'aller à Angerville, où était le prince, il alla à Augerville. La lettre vint trop tard. Condé dit que s'il l'avait recue plus tôt, il aurait accepté les propositions de paix; mais que, puisqu'il était déja assez loin de Paris, ce n'était pas la peine d'y retourner. Ainsi la méprise d'un courrier et le pur caprice de ce prince replongèrent la France dins la guerre civile. (Décembre 1651) Alors le cardinal Mazarin, qui, du fond de son exil à Cologue, avait gouverné la cour. rentra dans le royaune, moins en ministre qui venait reprendre son poste, qu'en souverain qui se remettait en possession de ses etats, il était conduit par une petite armée de sept mille hommes levés à ses dépens, c'est-à-dire avec l'argent du royaume qu'il s'était approprié.

On fait dire au roi, dans une déclaration de ce temps-là, que le cardinal avait en effet levé ces troupes de son argent; ce qui doit confondre l'opinion de ceas qui ont écrit qu'à sa première sortie du royaume Mazarin s'était trouvé dans l'indigence. Il donna le commandement de 53 petite armée au maréchal d'Hoequincourt. Tous les officiers portaient des écharpes vertes; c'était la couleur des livrées du cardinal. Chaque parti avait alors son écharpe; la blanche était celle du roi; isabelle, celle du prince de Condé. Il était étonnant que le cardinal Mazarin, qui avait jusqu'alors affecté tant de modestie, eût la hardiesse de faire porter ses livrées à une armée, comme s'il avait un parti different de celui de son maitre; mais il ne put résister à cette vanité ; c'était précisément ce qu'avait fait le maréchal d'Ancre, et ce qui contribua beaucoup à sa perte. La méme témérité réussit au cardinal Mazarin: la reine l'approuva, Le roi, déja majeur, et son frère, allèrent au-devant de lui.

devait passer l'un d'eux, nommé Bitaut, fut fait prisonnier par les troupes du roi, relâché avec indulgence, et moqué de tous les partis.

(165) Cependant le roi majeur interdit le parlement de Paris, et le transfère à Pontoise. Quatorze membres attachés à la cour obéissent, les autres résistent. Voilà deux parlements qui, pour mettre le comble à la confusion, se foudroient par des arrêts réciproques, comme du temps de Henri IV et de Charles VI.

Précisément dans le temps que cette compagnie s'abandonnait à ces extrémités contre le ministre du roi, elle déclarait criminel de lese-majesté le prince de Condé, qui n'était armé que contre ce ministre; et, par un renversement d'esprit que toutes les démarches précédentes rendent croyable, elle ordonna que les nouvelles troupes de Gaston, due d Orléans, marcheraient contre Mazarin, et elle defendit en même temps qu'on prit aucuns deniers dans les recettes publiques pour les soudoyer.

On ne pouvait attendre autre chose d'une compagnie de magistrats qui, jetée hors de sa sphère, et ne connaissant ni ses droits, ui son pouvoir réel, ni les affaires politiques, ni la guerre, s'assemblant et décidant en tumulte, prenait des partis auxquels elle n'avait pas pensé le jour d'auparavant, et dont elle-même s'étonnait ensuite.

Le parlement de Bordeaux servait alors le prince de Condé; mais il tint une conduite un peu plus uniforme, parcequ'étant plus éloigné de la cour, il était moins agitė par des factions opposées. Des objets plus considérables intéressaient toute la France.

Condé, ligué avec les Espagnols, était en campagne contre le roi; et Turenne, ayant quitté ces mêmes Espagnols, avec lesquels il avait éte battu a Rethel, venait de faire sa paix avec la cour, et commandait l'armée royale. L'épuisement des finances ne permettait ui à l'un ni a l'autre des deux partis d'avoir de grandes armées; mais de petites ne décidaient pas moins du sort de l'état Il y a des temps où cert mille hommes en campagne peuvent à peine prendre deux villes il y en a d'autres où une bataille entre sept ou huit mille hommes peut renverser un trone ou l'affermir.

Louis XIV, élevé dans l'adversité, ailait avec sa mère, son frère, et le cardinal Mazarin, de province en province, n'ayant pas autant de troupes autour de sa personne, a beaucoup près, qu'il en eut depuis en temps de paix pour sa seule Garde. Cinq à six mille hommes, les uns envoyés

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CHAP. V. SUITE DE LA GUERRE CIVILE.

d'Espagne, les autres levés par les partisans du prince de
Condé, le poartaivaient au coeur de son royaume.
Le prince de Condé courait cependant de Bordeaux à
Montauban, prenait des villes, et grossissait partout son
parti,

Toute l'espérance de la cour était dans le maréchal de
Turenne. L'armée royale se trouvait auprès de Gien sur la
Loire. Celle du prince de Condé était à quelques lieues sous
les ordres du duc de Nemours et du duc de Beaufort. Les
divisions de ces deux généraux allaient être fanestes au parti
du prince. Le duc de Beaufort était incapable du moindre
commandement. Le duc de Nemours passait pour être plus
brave et plus aimable qu'habile. Tous deux ensemble rui-
naient leur armée. Les soldats savaient que le grand Condé
était à cent lieues de là, et se croyaient perdus, lorsqu'au
milieu de la nuit un courrier se presenta dans la forêt d'Or-
léans devant les grandes gardes. Les sentinelles reconnurent
dans ce courrier le prince de Condé lui-même, qui venait
d'Agen, à travers mille aventures, et toujours déguisé, se
mettre à la tête de son armée.

Sa présence fesait beauconp, et cette arrivée imprévue encore davantage. Il savait que tout ce qui est soudain et inespéré transporte les hommes. Il profita à l'instant de la confiance et de l'audace qu'il venait d'inspirer. Le grand talent de ce prince dans la guerre était de prendre en un instant les résolutions les plus hardies, et de les exécuter avec non moins de conduite que de promptitude.

(7 avril 1652) L'armée royale était séparée en deux corps. Condé fondit sur celui qui était à Blenau, commandé par le maréchal d'Hocquincourt; et ce corps fut dissipé ea même temps qu'attaqué. Turenne n'en put être averti. Le cardinal Mazarin effrayé courut à Gien, au milieu de la nuit, réveiller le roi qui dormait, pour lui apprendre cette nouvelle. Sa petite cour fut consternée; oa proposa de sauver le roi par la faite, et de le conduire secrétement à Bourges. Le prince de Condé victorieux approchait de Gien; la désolation et la crainte augmentaient. Turenne par sa fermeté ras sura les esprits, et sauva la cour par son babileté; il fit, avec le peu qui lui restait de troupes, des mouvements si heureux, profita si bien du terrain et du temps, qu'il empecha Coade de poursuivre son avantage. Il fut difficile alors de décider lequel avait acquis le plus d'honneur, ou de Condé victorieux, ou de Turenne qui lui avait arraché le fruit de sa victoire. Il est vrai que dans ce combat de Biemau, si long-temps célèbre en France, il n'y avait pas eu quatre cents hommes de tués, mais le prince de Condé n'en fat pas moins sur le point de se rendre maitre de toute la famille royale, et d'avoir entre ses mains son ennemi, le cardinal Mazarin. On ne pouvait guère voir un plus petit combat, de plus grands intérêts, et un danger plus pressant. Condé, qui ne se flattait pas de surprendre Turenne, comme il avait surpris d'Hocquincourt, fit marcher son armée vers Paris: il se hata d'aller dans cette ville jouir de sa gloire et des dispositions favorables d'un peuple avergle. L'admiration qu'on avait pour ce dernier combat dont on exagérait encore toutes les circonstances, la haine qu'on portait à Mararin, le nom et la présence du grand Condé, semblaient d'abord le rendre maitre absolu de la capitale mais dans le fond tous les esprits étaient divisés; chaque parti était subdivisé en factions, comme il arrive dans tous les troubles. Le coadjuteur, devenu cardinal de Retz, raccommodé en apparence avec la cour, qui le craignait et dont il se défiait, n'était plus le maitre du peuple, et ne jouait plus le principal role. Il gouvernait le duc d'Orléans, et était opposé à Condé. Le parlement flottait entre la cour, le duc d'Orléans, et le prince: quoique tout le monde s'accordat à crier contre Mazarin, chacun ménageait en secret des intérêts particuliers; le peuple était une mer orageuse, dont les vagues étaient poussées au hasard par tant de vents contraires. On fit promener dans Paris la chasse de sainte Genevieve, pour obtenir l'expulsion du cardinal ministre: et la populace ne douta pas que cette sainte n'opérât ce miracle, comme elle donne de la pluie.

On ne voyait que négociations entre les chefs de parti, déparations du parlement, assemblées de chambres, séditions dans la populace, gens de guerre dans la campagne. On montait la garde à la porte des monastères. Le prince avait appelé les Espagnols & son secours, Charles IV, ce duc de Los raine chassé de ses états, et à qui il restait pour tout bien une armée de huit mille hommes, qu'il vendait tous les ans au roi d'Espagne, vint auprès de Paris avec cette armée. Le cardinal Mazarin lui offrit plus d'argent pour s'en retourner que le prince de Condé ne lui en avait donné pour venir. Le due de Lorraine quitta bientôt la France,

queur de Rocroi, de Fribourg, de Nordlingen, et de Lens. Cette étrange aventure ne produisit rien; Monsieur fit mettre pour quelques jours le fils du duc d Elbeuf à la Bastille, et il n'en far plus parle.

La querelle da due de Beaufort et du due de Nemours, son beau-frère, fut sérieuse. Es s'appelèrent en duel, ayant chacun quatre seconds, Le duc de Nemours fut tué par le due de Beaufort; et le marquis de Villars, surnommé Orondate, qui secondait Nemours, tua son adversaire, Héricourt, qu'il n'avait jamais vu auparavant. De justice, il n'y en avait pas l'ombre. Les duels étaient fréquents, les déprédations continuelles, les débauches poussées jusqu'à l'impudence publique; mais au milieu de ces desordres il régna toujours une gaieté qui les rendit moins funestes.

Après le sanglant et inutile combat de Saint-Antoine, le roi ne put rentrer dans Paris, et le prince a'y put demeurer long-temps. Une émotion populaire, et le meurtre de plusieurs citoyens dont on le crui l'auteur, le rendirent odieux au peuple. Cependant il avait encore sa brigue au parlement. (20 juillet 1652) Ce corps, peu intimidé alors par une cour errante et chassée en quelque façon de la capitale, pressé par les cabales du due d Orléans et du prince, déclara par un arrêt le duc d'Orléans lieutenant-général du royaume, quoique le roi fut majeur : c'était le même titre qu'on avait donne au du de Mayenno du temps de la Ligue. Le prince de Condé fut nommé généralissime des armées. Les deux parlements de Paris et de Pontoise, se contestant l'un à l'autre leur autorité, donnant des arrêts contraires, et qui par-la se seraient rendus le mépris du peuple, s'accordaient à demander l'expulsion de Mazarin: tant la haine contre ce ministre semblait alors le devoir essentiel d'un Francais.

cardinal Mazarin; cependant, à peine fut-il chassé par le cri
général des Français et par une déclaration du roi, que le
roi le fit revenir (3 février 1653). Il fut étonné de rentrer
dans Paris tout-puissant et tranquille, Louis XIV le reçut
comme un père, et le peuple comme un maitre. On lui fit
un festin à l'hôtel-de-ville, au milieu des acclamations des
citoyens : il jeta de l'argent à la populace; mais on dit que,
dans la joie d'un si heureux changement, il marqua du mé-
pris pour l'inconstance, ou plutôt pour la folie des Pari-
siens, Les officiers du parle cent, après avoir mis sa tête à
prix comme celle d'un voleur public, briguèrent presque
tous l'honneur de venir lui demander sa protection; et ce
méme parlement, peu de temps après, condamna par con-
tumace le prince de Condé à perdre la vie (37 mars 1653):
changement ordinaire dans de pareils temps, et d'autant
plus humiliant que l'on condamnait par des arrêts celui dont
on avait si long-temps partagé les fautes.

On vit le cardinal. qui pressait cette condamnation de
Condé, marier au prince de Conti, son frère, l'une de ses
nieces (22 février 1654): preuve que le pouvoir de ce mi-
nistre allait être sans bornes.

Le roi réunit les parlements de Paris et de Pontoise: il défendit les assemblées des chambres. Le parlement voulut remontrer; on mit en prison un conseiller, on en exila quelques autres; le parlement se tut: tout était déja changé.

CHAPITRE VI.

en 1661.

11 ne se trouva dans ce temps aucun parti qui ne fût État de la France jusqu'à la mort du cardinal Mazarin, faible celui de la cour l'était autant que les autres; l'argent et les forces manquaient à tous les factions se multipliaient les combats n'avaient produit de chaque côté que des pertes et des regrets. (19 auguste 1652) La cour se vit obligée de sacrifier encore Mazatin, que tout le monde appelait la cause des troubles, et qui n'en était que le prétexte. Il sortit une seconde fois du royaume: pour sureroit de honte, il fallut que le soi donnat uue déclaration publique, par laquelle il renvoyait son ministre, en vantant ses services et en se plaignant de son exil.

Charles 1°, roi d'Angleterre, venait de perdre la tête sur un échafaud, pour avoir, dans le commencement des troubles, abandonné le sang de Strafford, sou ami, à son parle ment: Louis XIV, au contraire, devint le maître paisible de son royaume en souffrant l'exil de Mazarin. Ainsi lez mêmes faiblesses eurent des succès bien différents. Le roi d'Angleterre, en abandonnant son favori, enhardit un peuple qui respirait la guerre, et qui haissoit les rois; et Louis XIV, ou plutôt la reine-mère, en renvoyant le cardinal, ôta tout prétexte de révolte à un peuple las de la guerre, et qui aimait la royauté.

(20 octobre 1652) Le cardinal à peine parti pour aller à Bouillon, lieu de sa nouvelle retraite, les citoyens de Paris, de leur seul mouvement, députerent au roi pour le supplier de revenir dans sa capitale. Il y rentra; et tout y fut si paisible qu'il eût été difficile d'imaginer que quelques jours auparavant tout avait été dans la confusion. Gaston d'Orléans, malheureux dans ses entreprises, qu'il ne sut ja mais soutenir fut relégué à Blois, où il passa le reste de sa vie dans le repentir; et il fut le deuxième als de Henri-leGrand qui mourut sans beaucoup de gloire. Le cardinal de Reiz, aussi imprudent qu'audacieux, fut arrêté dans le Louvre, et, après avoir été conduit de prison en prisou, il mena long-temps une vie errante, qu'il finit enfin dans la retraite, où il acquit des vertus que son grand courage n'avait pu connaitre dans les agitations de sa fortune.

Pendant que l'état avait été ainsi déchiré au-dedans, il avait été attaqué et affaibli au-dehors. Tout le fruit des batailles de Rocroi, de Lens, et de Nordlingen, fut perda. (1651) La place importante de Dunkerque fut reprise par: les Espagnols; ils chassèrent les Français de Barcelonne; ils reprrent Casal en Italie.

Cependant, malgré les tumultes d'une guerre civile et le poids d'une guerre étrangère, le cardinal Mazarin avait été assez habile et assez heureux pour conclure cette célèbre paix | de Vestphalte par laquelle l'empereur et l'empire vendirent; au roi et à la couronne de France la souveraineté de l'Alsace pour trois millions de livres payables à l'archiduc, c'est-à-dire pour environ six millions d'aujourd'hui. (1648) Par ce traité, devenu pour l'avenir la base de tous les traités, un nouvel électorat fut créé pour la maison de Bavière. Les droits de tous les princes et des villes impériales, les privilèges des moindres gentilshommes allemands, furent confirmés. Le pouvoir de l'empereur fut restreint dans des bornes étroites, et les Français, joints aux Suédois, devinrent les législateurs de l'empire. Cette gloire de la France était due au moins en partie aux armes de la Suède. Gustave-Adolphe avait commencé d'ébranler l'empire. Ses généraux avaient encore poussé assez loin leurs conquétes sous le gouvernement de sa fille Christine. Son général Vrangel était près d'entrer en Autriche. Le comte de Koenigsmarck était maître de la moitié de la ville de Frague, et assiégeait l'autre, lorsque cette paix fut conclue. Pour accabler ainsi l'empereur, il n'en coûta guère à la France qu'environ un million par an donné aux Suédois.

Aussi la Suede obtint par ces traités de plus grands avantages que la France; elle eut la Pomeranie, beaucoup de places, et de l'argent. Elle força l'empereur de faire passer entre les mains des lutheriens des bénéfices qui apparteDaient aux catholiques romains. Rome eris à l'impiété, et dit que la cause de Dieu était trabie. Les protestants se vanterent qu'ils avaient sanctifié l'ouvrage de la paix, en dépouil

Quelques conseillers qui avaient le plus abusé de leur ministère payèrent leurs démarches par l'exil; les autres se renfermèrent dans les bornes de la magistrature, et quellant des papistes. L'interêt seul fit parler tout le monde. ques uns s'attachérent à leur devoir par une gratification annuelle de cinq cents écus, que Fouquet, procureur-général et surintendant des fiances, leur fit donner sous maia (1).

Le prince de Condé cependant, abandonné en France de presque tous ses partisans, et mal secouru des Espagnols, continuait sur les frontières de la Champagne une guerre malheureuse. Il restait encore des factions dans Bordeaux, mais elles furent bientôt apaisées.

Ce calme du royaume était l'effet du bannissement du

(1) Mémoires de Gourville.

L'Espagne n'entra point dans cette paix, et avec assez de raison; car, voyant la France plongée dans les guerres civiles, le ministère espagnol espéra profiter des divisions de la France. Les troupes allemandes licenciées devinrent aux Espagnols un nouveau secours. L'empereur, depuis la paix de Munster, fit passer en Flandre, en quatre ans de temps, près de trente mille hommes. C'était une violation manifeste des traités; mais ils ne sont presque jamais exécutés

autrement.

Les ministres de Madrid eurent, dans le commencement de ces négociations de Vestphalie, l'adresse de faire une paix particulière avec la Hollande. La monarchie espagnole fat enfin trop heureuse de n'avoir plus pour ennemis, et de

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CHAP. VI. ÉTAT DE LA FRANCE, etc.

reconnaitre pour souverains, ceux qu'elle avait traités si long-temps de rebelles indignes de pardon. Ces républicains augmentèrent leurs richesses, et affermirent leur grandeur et leur tranquillité, en traitant avec l'Espagne, sans rompre avec la France.

par elle-même, et soutenait l'honneur du trône, abandonné, Charles II, roi d'Angleterre, fugitif en France avec sa ou flétri, ou inconnu dans les autres états. Un simple citoyen avait subjagué l'Angleterre, l'Ecosse, et mère et son frère, y traînait ses malheurs et ses espérances. (1653) Ils étaient si puissants, que dans une guerre qu'ils l'Irlande. Cromwell, cet usurpateur digne de régner, avait eurent quelque temps après avec l'Angleterre, ils mirent pris le nom de protecteur, et non celui de roi, parceque en mer ceut vaisseaux de ligne; et la victoire demeura sou-les Anglais savaient jusqu'où les droits de leurs rois devaient rent indécise entre Blake, l'amiral anglais, et Tromp, l'a- s'étendre, et ne connaissaient pas quelles étaient les bornes miral de Hollande, qui étaient tous deux sur mer ce que les de l'autorité d'un protecteur. Condé et les Tarenae étaient sur terre. La France n'avait pas en ce temps dix vaisseaux de cinquante pièces de canon qu'elle pût mettre en mer; sa marine s'anéantissait de jour en jour.

Il affermit son pouvoir en sachant le réprimer à propos: il n'entreprit point sur les privilèges dont le peuple était Londres; il ne mit aucun impôt dont on pût murmurer; jaloux; il ne logea jamais de gens de guerre dans la cité de Louis XIV se trouva donc en 1653 maître absolu d'un il n'offensa point les yeux par trop de faste; il ne se permit royaume encore ébranlé des secousses qu'il avait reçues,aucon plaisir; il n'accumula point de trésors; il eut soin rempli de désordres en tout genre d'administration, mais que la justice fut observée avec cette impartialité impitoyaLe frère de Pantaleon Sa, ambassadeur de Portugal en plein de ressources, n'ayant aucun allié, excepté la Savoie, ble, qui ne distingue point les grands des petits. pour faire une guerre offensive, et n'ayant plus d'ennemis étrangers que l'Espagne, qui était alors en plus mauvais Angleterre, ayant cru que sa licence serait impunie parceétat que la France. Tous les Français, qui avaient fait la que la persoane de son frère était sacrée, insulta des ciguerre civile, étaient soumis, hors le prince de Condé et toyens de Londres, et en fit assassiner un pour se venger quelques uns de ses partisans, dont un ou deux lui étaient de la résistance des autres; il fat condamné à être pendu. demeurés fidèles par amitié et par grandeur d'ame, comme Cromwell, qui pouvait lui faire grace, le laissa exécuter, et Jamais le commerce ne fut si libre ni si florissant; jamais le comte de Coligni et Bouteville; et les autres, parceque la signa ensuite un traité avec l'ambassadeur. cour ne voulut pas les acheter assez chèrement. l'Angleterre n'avait été si riche. Ses flottes victorieuses fesaient respecter son nom sur toutes les mers; tandis que Mazarin, uniquement occupé de dominer et de s'enrichir, laissait languir dans la France la justice, le commerce, la marine, et même les finances. Maitre de la France, comme il eût pu faire pour le pays qu'il gouvernait ce que CromCromwell l'était de l'Angleterre, après une guerre civile, Le sort de Turenne et de Condé fat d'être toujours well avait fait pour le sien; mais il était étranger, et l'ame rainqueurs quand ils combattirent ensemble à la tète des de Mazarin, qui n'avait pas la barbarie de celle de CromFrançais, et d'être battus quand ils commanderent les Es-well, n'en avait pas aussi la grandeur. pagnols.

Toutes les nations de l'Europe qui avaient négligé l'alTurenne avait à peine sauvé les débris de l'armée d'Es-liance de l'Angleterre sous Jacques 1er, et sous Charles 1er, pagne à la bataille de Réthel, lorsque de général du roi de France il s'était fait le lieutenant d'un général espagnol: le prince de Condé eut le même sort devant Arras. (25 auguste 1654) L'archidue et lui assiégeaient cette ville. Turenne les assiégea dans leur camp, et força leurs lignes; les troupes de l'archiduc furent mises en fuite. Condé, avec deux régiments de Français et de Lorrains, soutint seul les efforts de l'armée de Turenne; et, tandis que l'archiduc fayait, il battit le maréchal d'Hocquincourt, il repoussa le maréchal de La Ferté, et se retira victorieux, en couvrant la retraite des Espagnols vaincus. Aussi le roi d'Espagne lai écrivit ces propres paroles: J'ai su que tout était perdu, et que vous avez tout conservé..

Il est difficile de dire ce qui fait perdre ou gagner les bacailles, mais il est certain que Condé était un des grands hommes de guerre qui eussent jamais paru, et que l'archi-faire de traité particulier, et sans partager des conquêtes due et son conseil ne voulurent rien faire dans cette jourdée de ce que Condé avait proposé.

Arras sauvé, les lignes forcées, et l'archidue mis en fuite, comblerent Turenne de gloire; et on observa que dans la lettre écrite au nom du roi au parlement (1) sur cette victoire, on y attribua le succès de toute la campagne au cardinal Mazarin, et qu'on ne fit pas même mention du nom de Turenne. Le cardinal s'était trouvé en effet à quelques lieues d'Arras avec le roi. Il était même entré dans le camp au siége de Stenay, que Turenne avait pris avaat de secourir Artas. On avait tenu devant le cardinal des conseils de guerre. Sur ce fondement il s'attribua l'honneur des événements, et cette vanité lui donna un ridicule que toute l'autorité du ministère ne put effacer.

Le roi ne se trouva point à la bataille d'Arras, et aurait pa y être il était allé à la tranchée au siège de Stenay;

Je cardinal Mazarin ne voulut pas qu'il exposat da-neur à la fortune. vantage sa personne, à laquelle le repos de l'état et la puissance du ministre semblaient attachés.

D'un côté Mazarin, maitre absolu de la France et du jeune roi; de l'autre, doa Louis de Haro, qui gouvernait I'Espagne et Philippe IV, continuaient sous le nom de leurs maltres cette guerre peu vivement soutenue. Il n'était pas encore question dans le monde du nom de Louis XIV, et jamais un n'avait parlé du roi d'Espagne. Il n'y avait alors qu'une tête couronnée en Europe et qui eût une gloire personnelle: la seule Christine, reine de Suéde, gouvernait

(1) Datée de Vincennes, du 11 septembre 1654.

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