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SUPPLÉMENT

AU

SIÈCLE DE LOUIS XIV

AVERTISSEMENT

DE BEUCHOT.

Aussitôt que le Siècle de Louis XIV eut paru, La Beaumelle en commença la critique. Une édition fut mise au jour sous ce titre : Le Siècle de Louis XIV par M. de Voltaire, nouvelle édition, augmentée d'un trèsgrand nombre de remarques par M. de La B***; Francfort, chez la veuve Knoch et J.-G. Eslinger, 1753, trois volumes petit in-8°2. En tête du premier volume sont des Conseils à l'auteur du Siècle de Louis XIV, divisés en trois lettres.

La Beaumelle prétendit que c'était contre les conventions faites avec Eslinger que ce libraire avait mis sur les frontispices ces mots : Par M. de La B***; que les notes du premier volume étaient les seules qui fussent de lui; que les autres étaient d'un chevalier de Mainvillers.

Dans le second volume, page 348, chapitre xxvi (aujourd'hui chapitre XXVII, voyez tome XIV, page 478), l'annotateur avait, à l'occasion de la mort de plusieurs membres de la famille royale, ajouté une note injurieuse pour la mémoire du duc d'Orléans, le régent. La Beaumelle, étant revenu à Paris, fut arrêté le 24 avril 1753. On avait trouvé chez lui huit exemplaires de l'édition de Francfort du Siècle de Louis XIV. La Beaumelle fut conduit à la Bastille, où il resta près de six mois 3.

1. Avertissement du libraire (probablement de La Beaumelle lui-même), en tête de la Réponse au Supplément du Siècle de Louis XIV.

2. En mai ou juin 1752, La Beaumelle avait fait imprimer à Gotha quatre feuilles de ses Remarques sur le Siècle de Louis XIV (voyez page 151 de la Réponse au Supplément), qu'il brûla cependant pour la comtesse de Bentink. Je ne sais si cette comtesse de Bentink est celle qui, après la mort de la duchesse de Saxe-Gotha, brûla, dit-on, la correspondance de Voltaire avec cette princesse.

3. Voici ce qu'on lit dans les Mémoires historiques et authentiques sur la Bastille, tome II, page 330: « Au mois d'avril 1753, on fut informé que La Beaumelle était revenu à Paris avec des exemplaires d'une nouvelle édition qu'il avait fait faire du Siècle de Louis XIV, de Voltaire, dans laquelle il avait inséré des notes critiques offensantes pour la maison d'Orléans... Au mois d'octobre de la même année, M. le duc d'Orléans lui pardonna, et il fut mis en liberté, avec un exil à cinquante lieues de Paris. »

On trouve des détails sur la détention de La Beaumelle au tome II (page 231 et suiv.) de l'Histoire de la détention des philosophes et des gens de lettres à la Bastille et à Vincennes, etc., par J. Delort. Paris, Firmin Didot, 1829, trois volumes in-8°.

Certainement il voulait dénigrer l'ouvrage de Voltaire; mais cela n'était pas dans l'intérêt du libraire qui le réimprimait. Aussi ce dernier, dans l'Avertissement, annonce offrir au public un excellent livre augmenté de remarques qui le rendront encore meilleur. Au reste, plusieurs des remarques des tomes II et III sont ainsi conçues : Ce chapitre est très-beau; Ce portrait est admirable, etc. Il peut se faire que les notes flatteuse; soient de Mainvillers, et toutes les autres de La Beaumelle. Dans tous les cass j'ai signé d'un L les notes extraites de l'édition de Francfort.

Voltaire, en réponse à son critique, fit paraître son Supplément au Siècle de Louis XIV, qui circulait à Paris dès le mois de mai. Le 15 de ce mois, la police en fit la perquisition chez le libraire Lambert 1. L'édition originale est intitulée Supplément au Siècle de Louis XIV, Catilina, tragédie, et autres pièces du même auteur, Dresde, 1753, chez G.-C. Walher, petit in-8° de xvj et 184 pages. La seule pièce qui soit après Catilina est l'Examen du testament politique du cardinal Alberoni. Cette édition contient la lettre ou dédicace à M. Roques 2.

Au lieu de cette Dédicace, il y a dans les diverses éditions du volume intitulé Siècle politique de Louis XIV, un Mémoire de M. F. de Voltaire apostille par M. de La Beaumelle, et qu'on peut regarder comme la première version de la dédicace à M. Roques. Si la date de 27 janvier 1753 que lui donne La Beaumelle est exacte, ce mémoire est peut-être le testament littéraire dont Voltaire parle dans sa lettre à d'Argental, du 40 février 1753. Je l'ai imprimé en forme de variante et en note à la fin de la lettre à M. Roque (page 95).

Colini, alors secrétaire de Voltaire, et qui trouvait le Supplément beaucoup plus mordant que les notes de son commentateur, fit de vains efforts pour en empêcher la publication 3.

La Beaumelle répliqua par une Réponse au Supplément du Siècle de Louis XIV, Colmar, 1754, in-12, rédigée dès le mois d'octobre 1753, c'està-dire aussitôt après sa sortie de la Bastille, mais qui ne put être imprimée qu'en avril 4754. Il y reproduisit une Lettre sur mes démélés avec M. de Voltaire, déjà imprimée plusieurs fois, et le Mémoire apostillé.

L'acharnement de Voltaire et de La Beaumelle l'un contre l'autre n'a cessé qu'avec la vie. Les Lettres de M. de La Beaumelle à M. de Voltaire, 4763, in-12 de 243 pages, sont une nouvelle édition entièrement refondue de la Réponse au Supplément, avec quelques autres morceaux relatifs à Voltaire.

Ce 29 mai 1830.

1. Manuscrits de d'Hemery, inspecteur de police pour la librairie.

B.

2. Jacques-Emmanuel Roques de Maumont de La Rochefoucauld, né en 1727, mort le 16 mars 1805, a publié une Lettre sur la part qu'il a eue aux démêlés de MM. de Voltaire et La Beaumelle, Hanovre, 1755, in-8°, dont je ne parle toutefois que d'après Meusel. (B.)

3. Mon Séjour auprès de Voltaire, 1807, in-8°, pages 47 et 59.

LETTRE A M. ROQUES'

CONSEILLER ECCLÉSIASTIQUE

DU SÉRÉNISSIME LANDGRAVE DE HESSE-HOMBOURG.

MONSIEUR,

Je n'ai dédié à personne le Siècle de Louis XIV, parce que ni la vérité ni la liberté n'aiment les dédicaces, et que ces deux biens, qui devraient appartenir au genre humain, n'ont besoin du suffrage de personne. Mais je vous dédie ce supplément, quoiqu'il soit aussi vrai et aussi libre que le reste de l'ouvrage. La raison en est que je suis forcé de vous appeler en témoignage devant l'Europe littéraire. La querelle dont il s'agit pourrait bien être méprisable par elle-même, comme toutes les querelles, et confondue bientôt dans la foule de tant de disputes littéraires, de tant de différends dont la mémoire se perd avant même que la mémoire des combattants soit anéantie. Mais le rapport qui lie cette dispute aux événements du siècle de Louis XIV, les éclaircissements que les lecteurs en pourront tirer pour mieux connaître ces temps mémorables, serviront peut-être à la sauver pour quelque temps de l'oubli où les ouvrages polémiques semblent condamnés.

C'est vous, monsieur, qui m'apprêtes le premier qu'un jeune homme élevé à Genève, nommé M. de La Beaumelle, faisait réimprimer clandestinement la première édition du Siècle de Louis XIV à Francfort-sur-le-Mein.

C'est vous qui m'apprites que cette édition subreptice était chargée de quatre lettres de La Beaumelle, dans lesquelles il

1. Le même à qui sont adressées plusieurs lettres de la Correspondance générale, années 1752 et 1753; voyez aussi la note 2 de la page précédente.

2. Il n'y a que trois lettres, toutes les trois satiriques. Voici le début de la

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