Fr 1918

HARVARD COLLEGE LIBRARY F. C. LOWELL FUND

1,1924

La langue, c'est le verbe; le verbe, c'est l'homme.

Comme l'homme corporel a des orga nes, des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, des pieds pour marcher; de même que l'homme intelligent a des organes, des sors, pour articuler sa pensée. Il fonctionne spirituellement au moyen des sons, comme il fonctionne matériellement au moyen des organes.

Pas plus que je ne saurais comprendre l'homme physique sans corps, pas plus je ne saurais comprendre l'homme intelligent sans parole.

De là résulte la corrélation du verbe et du corps, de la parole et des organes. Là où est l'homme matériel, là se trouve l'homme spirituel; l'un n'est pas sans l'autre ; l'un est aussi ancien que l'autre. Cela veut dire que le don du langage est inné dans l'homme, qu'il appartient à la nature de notre esprit, comme les organes font partie de notre corps.

L'origine du langage, c'est l'origine de l'homme; voilà ce que je sais expérimen55 Livraison. Février 1839.

talement. Si je voulais aller au-delà, je me lancerais dans le domaine de la théologie, je parcourrais le domaine de la philosophie, et je veux me renfermer strictement dans celui du langage.

Ce qui précède suffit pour indiquer mon point de départ, c'est-à-dire que l'homme n'invente pas sa langue, qu'il la trouve toute faite, qu'il se la communique, et qu'il la conçoit aussitôt qu'elle lui est révélée; opération la plus mystérieuse, certes, de toutes les mystérieuses opérations de l'esprit. Nous nous initions ainsi, constamment, les uns les autres, et dès les jours de notre tendre enfance.

C'est là le don de la langue conçue dans son abstraction, comme langue; cela ne sert pas encore à expliquer l'origine particulière des langues.

Les langues, ce sont les peuples; l'existence d'un peuple ne se révèle bien réel lement que par l'existence d'une langue. D'où vient qu'il n'existe pas une langue unique, universelle, un verbe universellement compris, un verbe exprimant,

1