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Dans la Tragédie de Zaïre on vient annoncer à Orofmane Soudan de Jérufalem le retour d'un Esclave Chrétien, lequel avoit paffé en France fur fa foi & qui demandoit audience: Orofmane dit qu'il peut entrer, & demande pourquoi il ne le préfente pas; l'Officier qui l'avoit anRoncé dit ces paroles:

Dans la premiere enceinte il arrête fes pas ; Seigneur, je n'ai pas crû qu'aux regards de fon Maître

Dans ces auguftes lieux un Chrétien pût paroî

tre.

Réponse d'Orofmane.

Qu'il paroiffe en tous lieux fans manque de ref pec,

Chacun peut déformais jouir de mon afpe&; Je vois avec mépris ces maximes terribles Qui font de tant de Rois des tirans invifibles. Zaire de Valts

Suite du même fujet.

Orofmane parle ainfi à Néreftan, Che

valier François.

Chrétien, je fuis content de ton noble courage,
Mais ton orgueil ici fe feroit-il flatté
D'effacer Orofmane en générofité?

Reprens ta liberté, remporte tes richeffes,
A l'or de ces rançons joins mes juftes largeffes;
Au lieu de dix Chrétiens que je dûs t'accorder,
Je t'en veux donner cent, tu peux les deman
der:

Qu'ils aillent fur tes pas apprendre à ta Patrie
Qu'il eft quelques vertus au fonds de la Syrie.
Qu'ils jugent en partant qui méritoit le mieux
Des Lufignans (a) & moi l'Empire de ces lieux.

Ibid.

Érixe Reine de Gétulie parle ainfi au fujet de Mafiniffe Roi de Numidie. On peut remarquer dans cet endroit finguliérement l'élévation des Sentimens & la pompe des Vers.

Je fai bien que des Rois la fiere destinée Souffre peu que l'amour régle leur hyménée, Et que leur union, fouvent pour leur malheur, N'eft que du Sceptre au Sceptre & non du cœur

au cœur:

Mais je fuis au deffus de cette erreur commune, J'aime en lui fa perfonne autant que fa fortune, Et je n'en exigeai qu'il reprit fes Etats,

(4) Les Lufignans avoient été Rois de Jérufalem. Que

Que de peur que mon Peuple en fit trop peu de

cas.

Des actions des Rois ce téméraire arbitre Dědaigne infolemment ceux qui n'ont que le

titre :

Jamais d'un Roi fans Trône il n'eut fouffert la loi,

Et ce mépris peut-être eut paffé jusqu'à moi.
Il falloit qu'il lui vît sa Couronne à la tête,
Et que ma main devînt fa derniere conquête,
Si nous voulions régner avec l'autorité
Que le jufte refpe&t doit à la dignité.

Sophonisbe de Corn.

L'Empereur Titus aimoit la Reine Bérénice, il auroit voulu l'époufer, mais il ne pouvoit le faire fans foulever les Romains à qui ce choix déplaifoit. C'est à cette occafion qu'il tient ce langage.

Moi qui n'ai que les Dieux au-deffus de ma tête, Qui ne vois plus de rang digne de ma conquête; Du Trône où je me fieds puis-je aspirer à rien Qu'à pofféder un Cœur qui n'afpire qu'au mien?

Mais c'eft à cette occafion que fon Confident lui dit ces paroles:

Flavian

Quand aux feux les plus beaux un Monarque défére,

Il s'en fait un plaifir & non pas une affaire,
Et regarde l'amour comme un lâche attentat
Dès qu'il veut prévaloir fur la raifon d'Etat,
Son grand cœur au-deffus des plus dignes amor

ces,

'A ce devoir preffant laiffe toutes leurs forces, Et fon plus doux espoir n'ose iui demander Ce que fa dignité ne lui peut accorder.

Tite Bérénice de Corn.

Le Poëte fait parler ainfi une Reine (a) aimée de deux Princes & qui pouvoient lui être d'un grand fecours.

Celles de ma naiffance ont horreur des baffef

fes,

Leur fang tout généreux hait ces molles adref

Les;

Quelque foit le fecours qu'ils (b) me puiffent

offrir,

Je croirai faire affez de le daigner fouffrir.
Je verrai leur amour, j'éprouverai fa force,
Sans flatter leurs défirs, fans leur jetter d'a

morce

(a) Rodogune, Princeffe des Parthes.

(b) Antiochus & Séleucus fils de Cléopatre, Reis ne de Syrie.

Et s'il eft affez fort pour me fervir d'appui,
Je le ferai régner, mais en régnant fur lui...:
Plus la haute naiffance approche des Couron-

nes,

Plus cette grandeur même affervit nos person

nes.

Nous n'avons point de cœur pour aimer ni haïr, Toutes nos paffions ne favent qu'obéir. Rodogune de Corn.

Pulcherie fœur d'Héraclius, lui faifoit une forte de reproche de ce qu'il ne haïffoit pas le tiran Phocas autant qu'il l'avoit dû car il eft bon de favoir que Phocas croyoit qu'Héraclius étoit fon fils, lors même que celui-ci proteftoit qu'il étoit Héraclius & non Martian. Héraclius ré pond ainfi à Pulcherie.

La générofité fuit la belle naiffance

Dans cette grandeur d'ame un vrai Prince af fermi

Eft fenfible aux malheurs même d'un ennemi
La haine qu'il lui doit ne le fauroit deffendre
Quand il se voit aimé de s'en laiffer furprendre
Et trouve affez fouvent fon devoir arrêté
Par l'effort naturel de fa propre bonté.

Héraclius de Corne

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