posés de donner des exemples. Telles font les pensées qui expriment le Sentiment d'une noble ambition, d'une gloire bien placée, d'une tendresse vive & même d'une haine forte , & en général de toutes celles qui peignent quelque grande agitation de l'Ame. Le Sentiment fait tout l'effet dans ces sortes de pensées, en est l'objet principal & dominant : le tour que le Poëte a pris pour le rendre n'en est que l'accessoire; ce n'est pas de ce côté-là qu'on doit arrêter son esprit , car souvent les Sentimens sont exprimés en deux ou trois mots fort simples par eux-mêmes. On en verra des exemples dans le genre sublime. A l'égard de l'utilité dont ces fortes d'exemples peuvent être aux jeunes gens, on peut dire en un sens des sentimens ce qu'on a dit de l'étude , savoir qu'ils nourriffent & fortifient l'esprit par les sublimes vérités qu'ils lui présentent. Les grands Sentimens nous élevent au-deffus de nousmêmes , ils multiplient nos idées, & les rendent plus variées & plus vives, ils : nous déployent , pour ainsi dire, toute: l'Ame des grands hommes de l'antiquité, nous y voyons comme ils penfoient & fur quel ton, s'il est permis de s'exprimer ainli, leurs entretiens étoient montés. On est ravi d'entendre des discours pleins de cette grandeur & de cette noblesse Romaine qui, selon la remarque d'un homme célébre (a), ne se trouve presque plus que dans les liyres. Or comme il arrive qu'on prend le Sentiment de ceux avec qui on vit ordinairement, il est vrai de dire que les jeunes gens ne peuvent que profiter de ces forces d'exemples qu'on leur met sous les yeux. Ils s'accoutumene par-là à fentir le beau & à goûter des maximes de sagesse. Ils peuvent prendre de ces grands hommes cette noblesse , cette grandeur d'ame, cet amour de la Justice & du bien public qui éclate dans tous leurs discours. En un mot, c'est une vérité incontestable que les grands Sentia . mens élevent l'Ame & nourrissent le courage. En écoutani le langage des Princes & des grands hommes ; en lisant tous les traits fententieux qui partoient de leur bouche , on prend insensiblement du goût pour la vertu & il se fait sur l'esprit une impression infenfible qui tourne au profit des mœurs. La pente aux vices fe corrige par l'exemple des vertus. (a) M. Rollin. Sentimens dignes des Rois. Le Poëte fait parler l'Empereur Titus dans le morceau suivant. Je ne prens point pour Juge'une Cour Idolâtre, ceurs. Vous me l'avez promis .... le respect & la Crainte dre mieux, préte, Et ailleurs le même Empereur dit. Sont-ce là ces projets de grandeur & de gloireğ Depuis huit jours je regne, & jusques à ce jour, Qu'ai-je fait pour l'honneur ? J'ai tout fait pour l'amour, D'un tems fi précieux quel compte puis-je ren dre? Où sont ces heureux jours que je faisois attema dre, Quels pleurs ai-je féchés ? Dans quels yeux sa tisfaits Ai-je déjà gouté le fruit de mes bienfaits . L'Univers a-t-il vũ changer ses destinées ? Sai-je combien le Ciel m'a compté de jour nées ? Et de ce peu de jours fi long-tems attendus, Ah malheureux ! combien j'en ai déjà perdus ? Titus O Berenice de Racine. Langage d'un Roi. Ce sont les justes Dieux qui, tous Rois que mous fommes, Punissent nos forfaits ainsi que ceux des home mes , Et qui ne nous font part de leur facré pouvoir Que pour le mesurer aux regles du devoir.. 3 Heureux eft donc le Prince, heureux font fes fujets Quand il se fait Juftice ainsi qu'à ses sujetsa Andromede de Corneille. Que les Rois doivent préférer les intérêts de leurs sujets à tout autre devoir. Mais la reconnoiffance & l'hospitalité ronnoy Il doit à ses sujets encor plus qu'à personne, Et cesse de devoir quand la dette est d'un rang A ne point s'acquitter qu'aux dépens de leur fang. Mort de Pompée, Corneille. I importe aux Monarques Qui veulent aux vertus rendre de dignes mar ques, De les savoir connoître & non pas ignorer Ceux d'entre leurs sujets qu'ils doivent honorer. Domsanche , Corneille. Condition des Rois. Triste destin des Rois ! esclaves que nous som mes , Et des rigueurs du fort & des discours des hom mes, Nous nous voyons fans cesse affiéger de té |