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Leur fait lever les yeux vers l'azile fuprême;
Hommage que toujours rend un cœur effrayé
Au Dieu que jufqu'alors il avoit oublié.
La voix de l'Univers à ce Dieu me rappelle:
La Terre le publie; eft-ce moi, me dit-elle,
Eft-ce moi qui produis mes riches ornemens?
C'eft celui dont la main pofa mes fondemens.
Sije fers tes befoins, c'est lui qui me l'ordonne;
Les préfens qu'il me fait, c'eft à toi qu'il les

donne :

Je me pare des fleurs qui tombent de fa main, Il ne fait que l'ouvrir & m'en remplit le fein. Pour confoler l'espoir du laboureur avide, C'est lui qui dans l'Egypte, où je fuis trop aride, Veut qu'au moment prefcrit le Nil loin de fes bords

Répandu fur ma plaine y porte mes trésors....
Ainfi parle la Terre, & charmé de l'entendre,
Quand je vois par ces noeuds, que je ne puis
comprendre,

Tant d'êtres différens l'un à l'autre enchaînés,
Vers une même fin conftamment entraînés,
A l'ordre général confpirer tous ensemble ;-
Je reconnois par-tout la main qui les raffemble,
Et d'un deffein fi grand j'admire l'unité,
Non moins que la fageffe & la fimplicité.
Le Roi, pour qui font faits tant de biens pré-

cieux,

L'homme éleve un front noble & regarde les

Cieux. (a)

Ce front comme un théâtre où l'ame fe déploye
Eft tantôt éclairé des rayons de la joye,
Tantôt enveloppé du chagrin ténébreux,
L'amitié tendre & vive y fait briller fes feux,
Qu'en vain veut imiter dans fon zèle perfide
La trahison que fuit l'envie au tein livide.
Un mot y fait rougir la timide pudeur,
Le mépris y réfide ainfi que la candeur.
Le modefte refpect, l'imprudente colere,
La crainte & la pâleur, fa compagne ordinaire,
Qui dans tous les périls funeftes à mes jours
Plus prompte que ma voix, appelle du fecours.
A me fervir auffi cette voix empreffée,

Loin de moi, quand je veux, va porter ma pen fée:

Meffagere de l'ame, interprête du cœur,
De la fociété je lui dois la douceur.
Quelle foule d'objets l'œil réunit ensemble?
Que de rayons épars ce cercle étroit rassemble?
Tout s'y peint tour à tour; le mobile tableau
Frappe un nerf qui l'éleve & le porte au cer-

veau.

D'innombrables filets, Ciel! quel tiffu fragile!
Cependant ma mémoire en a fait fon azylė,

(a) Os homini fublime dedit, Calumque tueri
Juffit erectos ad fidera tollere vultus. Ovid.

Et tient dans un dépôt fidele & précieux

Tout ce que m'ont appris mes oreilles, mes yeux...

Mais qui donne à mon fang cette ardeur falutaire ?

Sans mon ordre il nourrit ma chaleur nécessai

re......

Est-ce moi qui préfide au maintien de ces loix? Et pour les établir ai-je donné ma voix ?

Je les connois à peine : une attentive adreffe M'en apprend tous les jours & l'ordre & la fageffe.

De cet ordre fecret reconnoiffons l'Auteur.

Fut-il jamais de Loi fans un Législateur? .... Reconnoiffons du moins celui par qui nous fommes,

Celui qui fait tout vivre & qui fait tout mouvoir,

S'il donne l'être à tout, l'a-t-il pu recevoir?
Il précéde les tems, qui dira fa naiffance?
Par lui l'homme, le Ciel, la Terre, tout com-

mence,

Et lui feul infini n'a jamais commencé.
Quelle main, quel pinceau dans mon ame a
tracé

D'un objet infini l'image incomparable ?
Ce n'eft point à mes fens que j'en fuis rede.

vable...
...

Et d'un être infini je me fuis fouvenu

Dès le premier inftant que je me suis connu. Racine le fils, Poëme de la Relig.

REMARQUES.

Le Poëte a tiré les preuves de l'exiftence de Dieu, du Spectacle de l'Univers. Quelle noblefie dans ces apoftrophes qu'il· fait tantôt aux Cieux & à la Terre,. tantôt au Soleil & à la Mer! La peinture qu'il fait de la Mer frappera tout homme de goût. Quelle grandeur dans les différens attributs qu'il donne à cet élément : Et toi dont le courroux veut engloutir la Terre. Il y peint admirablement l'effroi que la Mer en fureur infpire aux gens qui confient leur vie à cet élément. Cette figure qu'il employe en faifant parler la Terre, fait une impreffion des plus vives fur l'efprit: Eft-ce moi qui produis mes riches ornemens? Le portrait de l'homme eft de main de maître, tout y eft fini;

on y

voit tous les mouvemens de fon ame peints fur fon front. Le don admirable de la parole y eft célébré comme le mérite un tel préfent de la nature. Ceux de la vûe & de la mémoire ont leur coup de pinceau convenable: La conféquence qu'il

tire de toutes les merveilles qu'étale ce vafte Univers, c'eft que nous devons re-. connoître qu'il a un Auteur, & que cet Auteur n'eft autre chofe que Dieu.

Sur le même fujet.

Le célebre Rouffeau dépeint ainfi les merveilles de la puiffance de Dieu qui éclate dans la création de l'Univers. C'eft une Paraphrafe d'une partie du Pf. 18.

Les Cieux inftruifent la Terre
A révérer leur Auteur,

Tout ce que leur globe enferre
Célebre un Dieu créateur.
Quel plus fublime Cantique
Que ce concert magnifique
De tous les céleftes corps
Quelle grandeur infinie!
Qu'elle divine harmonie !
Réfulte de leurs accords?

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De fa puiffance immortelle
Tout parle, tout nous inftruit.
Le jour au jour le révéle,
La nuit l'annonce à la nuit ;
Ce grand & fuperbe ouvrage

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