J'irois, je volerois dans le fein du repós. De ce Royaume heureux Dieu bannit les allarmes, Et des yeux de fes Saints daigne effuyer les lar mes; C'eft-là qu'on n'entend plus ni plaintes ni fou pirs; Le Cœur n'a plus alors ni craintes ni défirs. Une jufte douleur tient nos langues captives; Et comment pourrions-nous au milieu des méchans, O Çelefte Sion, faire entendre tes chants? Hélas! nous nous taifons, nos Lyres détendues (6) (a) Super Flumina Babylonis illic fedimus & flevimus cùm recordaremur Sion. Pf. 136. (b) In falicibus in medio ejus fufpendimus Organa noftra... Quomodo cantabimus Canticum Domini in Terra aliena,.. Ibid. Languiffent en filence aux faules fufpendues Quand irai-je au torrent de ta volupté pure Poëme de Racine. REMARQUES. On peut voir par ce morceau & par plufieurs autres que nous avons rapporté, que la Poefie travaillée par une main habile, eft très-capable de parler le langage de la piété, & de la piété la plus tendre & la plus affectueufe, ce que bien des perfonnes croyoient impoffible. Sur la Divine Providence. Extrait d'une Ode de Rouffeau faite à Poccafion de la naiffance d'un Prince. 7 C'eft ainfi que la main des Parques Efpérons des jours plus paisibles; Sont un gage de leurs bienfaits. t Le Ciel dans une nuit profonde Des decrets de leur Providence, Sonnet de Des Barreaux. C'est le langage d'un Pécheur péni tent. Grand Dieu, tes Jugemens font remplis d'équité, Toujours tu prens plaifir à nous être propice ; (a) C'est une imitation de cet endroit d'Horace: Regum timendorum in proprios greges: Reges im ipfos imperium eft Jovis. Od. 1. Liv. 3. Mais j'ai tant fait de mal que jamais ta bonté Ne me pardonnera fans blesser ta Justice. A Non, mon Dieu, la grandeur de mon impiété Ne laiffe à ton pouvoir que le choix du fupplice, Ton intérêt s'oppose à ma félicité, Et ta jufte colere attend que je périffe. Contente ton défir puisqu'il t'eft glorieux, Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux, Tonne, frappe, il eft tems; rend moi guerre pour guerre. J'adore en périffant la raison qui t'aigrit; Mais deffus quel endroit tombera ton Tonnerre Qui ne foit tout couvert du fang de Jefus Chrift. Perfonne n'ignore que ce Sonnet eft un des plus beaux que la Poëfie Françaife ait jamais produit. CHAPITRE II De ce qui contribue à la beauté ET 1°. DES PENSÉES. ES Penfées font les images des chofes, car penfer c'eft former en foi la peinture d'un objet fpirituel ou fenfible. 1o. De ce principe il s'enfuit que la premiere qualité (a) que doit avoir une Pensée, c'eft d'être vraye, puifque les images & les peintures ne font véritables qu'autant qu'elles font reffemblantes; ainfi une Penfée eft vraye lorfqu'elle repréfente les chofes fidellement; & elle eft fauffe quand elle les fait voir autrement qu'elles ne font. Les pensées font plus ou moins vrayes felon qu'elles font plus qu moins conformes à leur objet, cette conformité fait la jufteffe de la pensée : une Pensée jufte eft une Pensée vraye de tous les côtés. (4) Qualités que doivent avoir les Penfées, |