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Devant lui font ces Dieux, ces brûlans Séra

phins

A qui de l'Univers il commet les destins. (a)
Il parle, & de la Terre ils vont changer la face,
Des Puiffances du fiécle ils retranchent la race,
Tandis que les humains, vils jouets de l'erreur,
Des Confeils éternels accufent la hauteur.
Ce font eux dont la main frappant Rome affer-
vie,

'Aux fiers enfans du Nord ont livré l'Italie, L'Efpagne aux Affricains, Solyme aux Otto

mans,

Tout Empire eft tombé, tout Peuple eut fes Tyrans ;

Mais cette impénétrable & jufte Providence Ne laiffe pas toujours profpérer l'infolence, Quelque fois la bonté favorable aux humains Met le Sceptre des Rois dans d'innocentes mains.

Voltaire, Henriade.

REMARQUES.

Un pareil fujet ne pouvoit être traité d'un ton plus fublime. Quelle Majefté

(a) Qui facis Angelos tuos Spiritus & Miniftros suos ignem urentem. Pf. 103.,.. Potentes virtute, facientes verbum illius ad audiendam vocem Sermonum ejus, Ibid.,., Illuxerunt fulgura ejus Orbi Ter14. Pl. 96,

!

dans ces premiers Vers: Au milieu des clartés d'un feu pur & durable, &c. Quelle grandeur dans cette image! Le Ciel eft fous fes pieds, &c. Un beau génie vient à bout d'exprimer dans le langage de la Poëfie tout ce qu'il y a de plus difficile. Peut-on mieux définir le profond Myftere de la Sainte Trinité? La puiffance & l'amour avec l'intelligence, unis & divifes compofent fon effence. Le refte de cette image du Ciel & du bonheur des Saints eft de la même beauté, & on peut dire que les expreffions répondent à la Majefté du fujet autant que des paroles humaines en font capables.

Le Lecteur ne défapprouvera peutêtre pas que nous placions ici la traduction de l'Hymne admirable quel'Églife de Paris chante aux Vêpres du Dimanche & qui commence par ces mots : 0 luce qui mortalibus, &c. Comme tout le monde n'eft pas en état de fentir la beauté de la Poëfie latine, on l'a traduite en Vers à l'occafion d'un petit Livre de Priéres domef tiques, intitulé La journée du pieux Laïque, qui paroît depuis deux ans. Les connoiffeurs ont trouvé que cette traduction

approchoit fort de la beauté du texte. Le fonds du fujet, ce font les fentimens d'une Ame Chrétienne à qui les jours de Fête de l'Églife rappellent le fouvenir de la Fête éternelle que les Élus célébreront un jour dans le Ciel, & qui foupire après cet heureux jour.

O Dieu qui dans les feux des clartés éternelles Nous cachez ce féjour où les Efprits heureux Dans un faint tremblement fe couvrent de leurs ailes,

Voyant de votre front l'éclat majeftueux:

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Dans ce bas Univers, un voile épais & fombre Couvre nos pas errans; la Foi seule nous luit; Mais votre jour, Seigneur, diffipera cette ombre,

Et fera fans retour disparoître la nuit.

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Ce jour, cet heureux jour, figuré par nos Fêtes, Vous nous le préparez, ô Dieu plein de bonté. Le grand Aftre qui brille en fon plein fur nos têtes,

N'eft qu'un foible rayon de fa vive clarté,

t

Que vous tardez long-tems pour une Ame fidele!

jour! après lequel nous devons foupirer; Mais pour jouir de vous, ô lumiere éternelle! Du poids de notre Corps il nous faut délivrer. t

Ah! quand de fes liens notre Ame dégagée,
Jufques dans votre fein portera fon effort;
Du torrent de vos biens faintement enyvrée,
Vous louer, vous aimer, fera fon heureux fort,

Suprême Trinité, faites par votre grace
Qu'à ce bonheur promis nos défirs foient fixés,
Et qu'un jour éternel fuccéde au court espace
De ceux qu'en cet exil vous nous avez prêtés,

REMARQUES.

La premiere Strophe eft dans le genre fublime; toutes les expreffions & toutes les idées font marquées à ce ton; il ne faut qu'avoir du fentiment pour s'en appercevoir. Les deux dernieres méritent attention, on y remarque la vivacité du tranfport avec lequel une Ame Chrétienne s'élance vers l'objet de fon amour. Ah! quand de fes liens, &c. Cette image eft prise de celle que nous fournit l'Écriture, en nous repréfentant Lazare dans le fein d'Abraham. Il en eft de même de

celle-ci : Du torrent de vos biens, &c: prise des expreffions du Roi Prophete: Et torrente voluptatis tuæ potabis eos. . . . . . Inebriabuntur ab ubertate domûs tuæ. Pf. 35. Les deux derniers Vers expriment beaucoup de chofes en peu de paroles. On y voit, comme en paffant, que cette vie n'eft qu'un exil, que nos jours font bornés à un petit espace de tems, & que Dieu n'a fait que nous les prêter.

Soupirs d'une Ame vers le Ciel.

Les Vers fuivans ont une fi étroite liaifon avec les fujets ci-deffus, & les fentimens y font exprimés avec tant de douceur, qu'on ne craint pas de fatiguer le Lecteur en les lui mettant fous les yeux.

Non, je ne fuis point fait pour pofféder la Terres Quand ne ferai - je plus avec moi-même en guerre ?

Qui me délivrera de ce corps de péché ?

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Qui brifera la chaîne où je suis attaché ? . Avec tant de foibleffe aifément on fuccombe. Eh! qui me donnera l'aile de la Colombe? Loin de ce lieu d'horreur, de ce gouffre de

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