Page images
PDF
EPUB

ris nourriture vivante. Que cette idée eft noble! Il entre au nom du Dieu qui fait régner les Rois. Per me Reges regnant, dit la Sageffe dans les Livres Saints.

Profeffion de Foi de Polieucte.

Je n'adore qu'un Dieu Maître de l'Univers Sous qui tremblent le Ciel, la Terre & les Enfers:

Un Dieu qui nous aimant d'un amour infinie
Voulut mourir pour nous avec ignominie;
Et qui par un effort de cet excès d'amour
Veut pour nous en victime être offert chaque

jour.

Corneille, Tragédie de Polïeučłe.

Le même Polyeucte ayant été mis en prifon parce qu'il étoit Chrétien, & prêt d'aller à la mort, fait les réflexions fuivantes dans un Monologue.

Source délicieuse en miferes féconde, Que voulez-vous de moi flatteufes voluptés? Honteux attachemens de la chair & du monde, Que ne me quittez-vous quand je vous ai quittés? Allez honneurs, plaifirs qui me livrez la guerre, Toute votre félicité Sujette à l'instabilité

?

En moins de rien tombe par

Terre, Et comme elle à l'éclat du verre,

Elle en a la fragilité.

Ainfi n'efpérez pas qu'après vous je foupire,
Vous étalez en vain vos charmes impuiffans,
Vous me montrez en vain par-tout ce vaste em-
pire,

Les ennemis de Dieu pompeux & floriffans.
Il étale à fon tour des revers équitables

Par qui les Grands font confondus,

Et les glaives qu'il tient pendus
Sur les plus fortunés coupables,
Sont d'autant plus inévitables

Que leurs coups font moins attendus. Saintes douceurs du Ciel, adorables idées, Vous rempliffez un cœur qui vous peut recevoir;

De vos facrés attraits les ames poffédées

Ne conçoivent plus rien qui les puiffe émouvoir.

Vous promettez beaucoup, & donnez davantage,

Vos biens ne font point inconftans,
Et l'heureux trépas que j'attends
Ne nous fert que d'un doux paffage
Pour nous introduire au partage
Qui nous rend à jamais contens.

Corneille, Polieuche

REMARQUE S.

Ces trois Stances font admirables; elles expriment les fentimens d'une Ame Chrétienne prête à quitter cette vie, &

qui

en connoît le néant. La comparaifon des honneurs de ce monde avec la fragilité du verre, eft ingénieufe & exactement vraie. Quelle nobleffe dans cette image des glaives que Dieu tient fufpendus fur la tête des coupables. La derniere Stance eft pleine de grandes idées fur le bonheur de la vie future après laquelle une Ame jufte foupire.

Eloge des Chrétiens des premiers fiécles.

C'eft un Payen qui parle ainfi des Chrétiens de fon tems.

Les Chrétiens n'ont qu'un Dieu, Maître abfolu de tout,

De qui le feul vouloir fait tout ce qu'il réfoût Mais fi j'ofe entre nous dire ce qu'il me semble, Les nôtres bien fouvent s'accordent mal enfem

ble;

Et me dût leur colere écrafer à leurs yeux,

Nous en avons beaucoup pour être de vrais

Dieux;

Enfin chez les Chrétiens les mœurs font inno

centes,

Les vices déteftés, les vertus floriffantes.
Ils font des vœux pour nous qui les perfécutons,
Et depuis tant de tems que nous les tourmen-

tons,

Les a-t-on vît mutins, les a-t-on vû rebelles? Nos Princes ont-ils eu des Soldats plus fideles? Furieux dans la guerre, ils fouffrent nos Bour,

reaux,

Et lions au combat, ils meurent.en agneaux...

Et ailleurs une Dame Payenne parle ainfi des mêmes Chrétiens.

Le trépas n'eft pour eux ni honteux ni funeste :
Ils cherchent de la gloire a mépriser nos Dieux;
Aveugles pour la Terre ils afpirent aux Cieux,
Et croyant que
la mort leur en ouvre la porte,
Tourmentés, déchirés, affaffinés, n'importe.
Les fupplices leur font ce qu'à nous les plaisirs,
Et les menent au but où tendent leurs défirs.

Pauline dans Polyeucte.

REMARQUES.

REMARQUES.

Après un tel éloge des Chrétiens du troifiéme fiécle de l'Eglife, ane réflexion naturelle fe préfente à l'efprit, & on ne peut s'empêcher d'être étonné de la prodigieufe différence qui eft entre les Chré tiens de nos jours & ceux des premiers fiécles. Ce n'eft pas ici le lieu d'en don ner la raifon, le Lecteur la comprend aifément.

Image du Ciel ou féjour des Bienheureux
d'après les notions de la Foi.

Au milieu des clartés d'un feu pur & durable,
Dieu mit avant les tems fon Trône inébranlable
Le Ciel eft fous fes pieds; de mille Aftres di-

vers

Le cours toujours réglé l'annonce à l'Univers,
La puiffance, l'amour avec l'intelligence,
Unis & divifés compofent fon effence.

Ses Saints, dans les douceurs d'une éternelle
paix,

D'un torrent de plaifirs enivrés à jamais,
Pénétrés de fa gloire & remplis de lui-même,
Adorent à l'envi fa Majefté fuprême.

E

T

« PreviousContinue »