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Toujours plaint le préfent & vante le paffé. Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse, Blâme en eux-les douceurs que l'âge lui refufe.

Boileau.

ENFANCE DE L'HOMME.
Sur l'âge de l'enfance & fes fuites.
Réflexions fur le bonheur de cet age.

Que cet âge doit faire envie !
Que c'eft un tems à regretter;
Si l'on avoit fçu le gouter,
Que ce premier tems de la vie !
Ni peines ni foucis cuifans

Dans les tendres enfans

N'alterent leur humeur toujours gaye & léger”,

Tout occupés du bien présent,

L'avenir ne les trouble guere.
Crainte, defir joye & colere,
Tout fe paffe en un tour de main.
Le foir on fe couche, on fommeille;
Sans fouci pour le lendemain,

Et le lendemain on s'éveille

Sans retour fâcheux fur la veille.
Tous les jours leur paroiffent neufs,
A chaque heure ils semblent renaître.
Hélas! ils font les vrais heureux,
Et s'ils le font fans le connoître,

Nous qui nous le croyons fans l'étre,
Nous fommes plus à plaindre qu'eux.
Le fage inftin& qui les éclaire
Eft plus für fans comparaison
Que la raison qui le fait taire,
Et dont on le fait une affaire
D'avancer toujours la faifon.
Dès que notre esprit fe délie,
Tout chez nous se tourne en poison,
Le premier inftant de raison→
Eft en nous, quoique l'on publie
Le premier accès de folie.....
Jouiffez de votre innocence,
Tandis qu'il eft tems encor;
Cher Poupon, (a) l'âge de l'enfance
Eft le véritable âge d'or,

Mais courte en fera la durée ;
Les foucis auront bien-tôt lieu,
Dès quatre ans la Croix de par Dieu,
Croix de tout tems abhorrée, r
Va vous apprendre à votre dam
Que vous êtes né fils d'Adam.
Depuis cette heure infortunée,
Déclinant du bonheur paffé,
Vous verrez d'année en année
Ou quélque plaifir éclipsé,

(a) Le Poëte avoit fait cette Piéce four un enfant qui venoit de naître, & il faisoit en même tems son boroscope.

Ou bien nouvelle peine née.
Cent ba, be, bi, bo, bu fâcheux;
Durant le cours de votre vie,

De vos projets & de vos vœux
Renverféront l'œconomie.

L'Alphabet qu'on vous met en main,
Comme on l'a mis à votre pere,
Eft l'Alphabet de la mifere
Qui tourmente le genre humain,
Et le pourfuit jufqu'à la biere.
Plus vous irez en avançant,
Plus les chagrins iront croiffant ;
Les Codrets & les Defpauteres
Vont vous donner bien des affaires;
Ce font d'incommodes fergens,
Mais fergens pourtant néceffaires.
Eft-on enfin délivré d'eux,
Suit cet âge fi dangereux.

Quand le poil follet vient à croître;
Qu'on a la bride fur le cou,

Que l'on veut vivre en petit Maître,
Qu'on devient indifcret & fou,
Et qu'on fe fait honneur de l'être.
En proye aux violens accès
Du libertinage & du vice,
On le pouffe aux derniers excès
Pour n'y point paroître novice.
Je fai qu'il en eft que le Ciel

Forme d'une pâte meilleure,

Des cœurs fans paffion, fans fiel,
Que jamais le vice n'effleure;
Vigilans à le prévenir

Ils en évitent jufqu'à l'ombre,
Et vous avez de quoi tenir;
Mais la jeuneffe m'intimide,',
Sans frayeur je n'y puis penfer;
Et c'eft une Zone torride
Qui coute beaucoup à paffer.

Du Cerceau.

DÉFAUTS DES HOMMES.

Qu'ils font aveugles fur leurs propres défauts, & très clairvoyans fur ceux

des autres.

Tout ce que nous fommes
Linx envers nos pareils

Et Taupes envers nous,
Nous nous pardonnons tout

Et rien aux autres hommes.
Le fabricateur fouverain

Nous créa befaciers tous de même maniere, Tant ceux du tems paffé que du tems d'aujour d'hui.

Il fit pour nos défauts la poche de derriere,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.

La Font.

Sur les vaines occupations des hommes. L'Auteur (le Pere du Cerceau) parle ainfi à fes tifons dans une Piéce de Poëfie qui porte ce nom.

A quoi donc nous occupons-nous

Quand vous & moi, tisons, nous fommes tête à tête.

Le grand Livre du monde où les fages, les fous
Egalement figurent tous,

A nos réflexions de lui-même fe prête,
Ce que j'ai vu le jour fe retrace le foir
Dans mon efprit comme dans un miroir.
Le fracas d'une grande Ville,

Où chez les petits & les Grands
Les paffions font le premier mobile.
Tous ces gens animés d'intérêts différens,
Qui pleins de leurs projets, occupés de leurs

vûes,

Roulent de toutes parts ainfi que des torrens Et viennent inonder les rues..

A juger d'eux en ce moment

Par leur activité, par leur empreffement,

Vous croiriez qu'ils n'ont qu'une affaire, Et que tout leur bonheur dépend uniquement De ce qu'en un jour ils vont faire.

La nuit enfin les chaffe, ils rentrent au logis:

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