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FORTUNE.

Sur les vains defirs des hommes pour la fortune.

Qui ne court après la fortune? Je voudrois être en lieu d'où je pûffe aifément Contempler la foule importune

De ceux qui cherchent vainement Cette fille du fort de Royaume en Royaume. Fideles courtisans d'un volage fantôme,

Quand ils font prêts du bon moment L'inconftante auffi-tôt à leurs defirs échape. Pauvres gens! je les plains, car on a pour foux

Plus de pitié que de courroux.

les

Cet homme, difent-ils, étoit planteur de choux Et le voilà devenu Pape.

Ne le valons-nous pas? Vous valez cent fois mieux.

Mais que vous fert votre mérite?
La fortune a-t-elle des yeux?

Et puis la Papauté vaut-elle ce qu'on quitte?
Le repos, le repos, tréfor fi précieux,
Qu'on en faifoit jadis le partage des Dieux.
Rarement la fortune à ses hôtes le laife,

Ne cherchez point cette Déeffe,

Elle vous cherchera: bien des

gens

font ainfi.

La Font.

Sur

Sur le même fujet.

Heureux qui vit chez foi,

De régler fes defirs faifant tout fon emploi,
Il ne fait que par oui dire

Ce

que c'eft que la Cour, le monde & ton Empire,

Fortune, qui nous fais paffer devant les yeux Des dignités, des biens que jufqu'au bout du monde

On fuit fans que l'effet aux promeffes réponde. Déformais je ne bouge & ferai cent fois mieux. Ibid.

Lorfque de quelqu'échec notre faute eft fuivie Nous difons injures au fort,

Chose n'eft ici plus commune;

Le bien nous le faifons, le mal c'eft la fortune. On a toujours raison, le destin toujours tort,

HAINE.

ibid.

Effets de la haine entre les Grands.

La haine entre les Grands fe calme rarement, La paix fouvent n'y fert que d'un amufement... J'oublie & pleinement toute mon avanture, Mais une grande offenfe eft de cette nature

Que toujours fon Auteur impute à l'offenfé
Un vif reffentiment dont il le croit bleffé;
Et quoiqu'en apparence on les reconcilie,
Il le craint, il le hait & jamais ne s'y fie.
Corn. Rodogune.

Même fujet.

Ce n'eft pas tout d'un coup que tant d'orgueil trébuche,

De qui fe rend trop tôt on doit craindre une embûche.

Et c'eft mal démêler le cœur d'avec le front Que prendre pour fincere un changement fi

prompt.

HISTOIRE.

Ibid.

Rouffeau définit ingénieufement l'Hiftoire dans les Vers fuivans.

C

C'est un Théâtre, un Spectacle nouveau
Où tous les Morts fortant de leur tombeau,
Viennent encor fur une Scéne illuftre
Se préfenter à nous dans un vrai luftre,
Et du Public dépouillé d'intérêt,
Humbles Acteurs attendre leur arrêt.

Là retraçant leurs foibleffes paffées,

Leurs actions, leurs difcours, leurs pensées,
A chaque état ils reviennent dicter
Ce qu'il faut fuir, ce qu'il faut imiter; (a)
Ce que chacun, fuivant ce qu'il peut être,
Doit pratiquer, voir, entendre, connoître ;
Et leur exemple en diverses façons

Donnant à tous leur plus nobles leçons.
Rois, Magiftrats, Législateurs fuprêmes,
Princes, Guerriers, fimples Citoyens mê-

mes,

Dans ce fincere & fidele miroir
Peuvent apprendre & lire leur devoir.

SUR L'HOMME.

Diverfes réflexions fur l'homme en
général.

Qu'est-ce que l'homme? Ariftote répond:

C'eft un animal raisonnable.

Je n'en crois rien. S'il faut le définir à fond, C'est un animal fot, superbe & misérable. Chacun de nous fourit à son néant, S'exagere fa propre idée.

Tel s'imagine être un géant,

(a) Hoc illud eft præcipuè, in cognitione rerum, falubre ac frugiferum; omnis te exempli documenta in illuftri pofita monumenta intueri; indè tibi, tuæque Reipublica, quod imitere capias, indè fœdum incaptu, fadum exitu quod vites. Tit. Liv. Tom. I. p. 1.

Qui n'a pas plus d'une coudée.
Ariftote n'a pas trouvé notre vrai nom:
Orgueil & petiteffe enfemble,
Voilà tout l'homme, ce me femble.

La Motte.

Orgueil de l'homme.

J'ai vu quelque fois un enfant
Pleurer d'être petit, en être inconsolable;
L'élevoit-on fur une table,

Le Marmot pensoit être grand.

Tout homme eft cet enfant : les dignités, les

places,

La nobleffe, les biens, le luxe & la fplendeur,
C'eft la table du Nain, ce font autant d'échaffes
Qu'il prend pour fa propre grandeur.
Je demande à ce Grand qui me regarde à peine,
Et dont l'accueil même eft dédain,

Qui peut fonder en lui cette fierté hautaine?
Eft ce fa race, ou fon rang, ou fon train?
Mais quoi! de tes ayeux la mémoire honnora-

ble,

L'autorité de ton emploi,

Ton palais, tes meubles, ta table,

Tout cela, pauvre homme, eft-ce à toi ? Rien moins ; & puifqu'il faut qu'ici je t'appré cie,

Un cœur bas, un efprit mal fait,

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